Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4209/2018

ATA/779/2019 du 16.04.2019 sur JTAPI/50/2019 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4209/2018-PE ATA/779/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 janvier 2019 (JTAPI/50/2019)


EN FAIT

1. Par décision du 5 novembre 2018, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a révoqué l’autorisation de séjour dont disposait Monsieur A______, a prononcé son renvoi de Suisse, lui a ordonné de quitter la Suisse dès sa remise en liberté et a retiré l’effet suspensif à l’éventuel recours.

Cette décision a été notifiée à M. A______ à l’établissement fermé de B______ (ci-après : l’établissement), où l’intéressé est détenu.

2. Le 17 novembre 2018, M. A______ a adressé à l’OCPM un recours contre la décision précitée.

L’OCPM a transmis ce document au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 30 novembre 2018, et en a informé l’intéressé.

3. Le 5 décembre 2018, le TAPI a imparti à M. A______ un délai échéant au 4 janvier 2019 pour verser une avance de frais « indiquée sur le bulletin de versement ci-joint », à défaut de quoi le recours serait déclaré irrecevable.

4. Le 9 janvier 2019, M. A______ a écrit à l’OCPM un courrier, reçu par ce dernier le 18 janvier 2019, puis par le TAPI, à qui il avait été transmis par l’OCPM, le 22 janvier 2019.

Il indiquait qu’il ne pouvait pas verser l’avance de frais de CHF 500.-. L’administration de l’établissement refusait de débloquer cette somme sur son compte bloqué et il ne disposait pas de suffisamment d’argent sur son compte libre. Il demandait dès lors un délai de paiement.

5. Par jugement du 17 janvier 2019, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l’avance de frais n’ayant pas été effectuée dans le délai.

Rien ne permettait de penser que M. A______ avait été victime d’un empêchement non fautif de s’acquitter en temps utile du montant réclamé.

6. Par courrier daté du 2 février 2019, adressé au TAPI qui l’a reçu le 6 février 2019, puis transmis, pour raison de compétence, par ce dernier le 8 février 2019 (JTAPI/119/2019), M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Il avait déjà demandé à la comptabilité de verser la somme demandée par le TAPI depuis son compte bloqué.

Ce courrier a été transmis, pour information, à l’OCPM.

7. Interpellé par la chambre administrative, l’établissement a indiqué que M. A______ avait effectué une demande de paiement de la somme de CHF 500.- le 9 décembre 2018. Cette demande n’avait pas été exécutée car il ne disposait pas de la somme nécessaire sur son compte libre, mais seulement sur la partie réservée de son compte.

Il avait effectué une deuxième demande, le 2 février 2019, pour la somme de CHF 350.- à verser au TAPI, paiement qui n’avait pas été effectué car aucun document de paiement n’avait été fourni.

Les formulaires de demande d’assistance juridique pouvaient être obtenus, sur demande, auprès du service social de l’établissement.

8. M. A______ ne s’étant pas exprimé dans le délai qui lui avait été accordé, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

c. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/1028/2016 précité consid. 4 ; ATA/916/2015 précité consid. 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). En outre, selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée).

3. a. Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; RDAF 1991 p. 45 ; ATA/682/2017 du 20 juin 2017 consid. 1c ; ATA/261/2016 du 22 mars 2016), la charge de leur preuve incombant à la partie qui s’en prévaut (ATA/687/2017 du 20 juin 2017 consid. 8).

Selon l'art. 16 al. 3 LPA, la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé. Comme cela ressort toutefois expressément du texte légal, cette disposition ne s'applique qu'aux délais fixés par l'autorité, et non aux délais légaux comme dans la présente espèce.

b. A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu’un détenu, qui disposait d’un délai de recours de trois jours, n’ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu’il ne pouvait le poster lui-même et qu’en outre ce pli avait été soumis à la censure de l’autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s’acquitter d’une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu’il ne restait qu’une semaine au justiciable pour s’exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l’ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

4. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 p. 247 s ; 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183 s ; 128 II 139 consid. 2a p. 142 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_133/2009 du 24 juillet 2009 consid. 2.1 ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).

5. a. L’art. 37 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (F 1 50.08 - REPSD) prévoit que la rémunération des personnes détenues dans l’établissement doit être conforme aux normes du concordat sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins (concordat latin sur la détention pénale des adultes), du 10 avril 2006.

b. La conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures a édicté, le 25 septembre 2008, une décision relative à la rémunération et aux indemnités versées aux personnes détenues placées dans les établissements concordataires (consultée à l’adresse https://www.cldjp.ch/wp-content/uploads/2018/12/décision-rémunération-080925_V181108.pdf le 11 avril 2019).

L’art. 6 al. 2 de cette décision prévoit que la rémunération perçue par les détenus est répartie en trois, soit :

- la part disponible (65 %)

- la part réservée (20 %)

- la part bloquée (15 %).

L’art. 7 indique l’utilisation qui peut être faite de ces différentes parts. En particulier, l’art. 7 al. 3 ch. 6 prévoit que la part réservée peut être utilisée pour régler les frais de justice.

6. En l'espèce, le recourant ne conteste pas que l’avance de frais n’a pas été versée dans le délai, suffisant au sens de l’art. 86 al. 2 LPA, que le TAPI lui avait fixé, mais invoque – implicitement – un cas de force majeure.

Cependant, l’intéressé, qui a fait le choix de se défendre sans recourir à l’aide d’un avocat, avait, largement dans le délai, donné les instructions nécessaires au versement de ladite avance et il disposait des fonds nécessaires pour le faire.

Malgré cela, l’établissement n’a pas procédé au versement de ladite avance alors que le recourant possédait la somme nécessaire sur la part réservée de son compte, ce que l’établissement a confirmé.

Dans ces circonstances, et en rappelant que le recourant est détenu, il y a lieu d’admettre que la situation dans laquelle le recourant s’est trouvé doit être qualifiée de cas de force majeure.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, et le jugement du TAPI sera annulé.

Il appartiendra à cette juridiction de fixer au recourant un nouveau délai afin qu’il verse l’avance de frais sollicitée.

Copie du présent arrêt sera communiquée à la direction de l’établissement, pour information.

8. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Le recourant n'y ayant pas conclu et n’ayant pas exposé de frais, il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 janvier 2019 ;

au fond :

l'admet ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations et, pour information, à la direction de l’établissement fermé B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.