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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/235/2016

ATA/737/2018 du 10.07.2018 sur JTAPI/32/2017 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; MAXIME OFFICIELLE ET INQUISITOIRE ; FARDEAU DE LA PREUVE ; BONUS ; COMPTABILITÉ ; SALAIRE ; PRESTATION EN ARGENT ; PROVISION, RÉSERVE, CORRECTION DE VALEUR(DROIT FISCAL) ; ABUS DE DROIT
Normes : LPA.12.al1.leth; LPA.19; LPA.22; LHID.46; LPFisc.36.al1; LIFD.57; LIFD.58.al1.leta; LIFD.58.al1.letb; LIFD.58.al1.letc; LHID.24.al1.leta; LHID.24.al1.letb; Cst.9; Cst.5.al3
Résumé : Il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, notamment sous forme de versement d'un salaire disproportionné accordé à des actionnaires-salariés (rappel des conditions). Dans le cadre de la détermination de l'existence d'une rémunération excessive des actionnaires-salariés, il convient de prendre en compte le bonus pré-provisionnel 2011 versé en 2013. En effet, les explications de l'intimée par-devant le TAPI ne permettent pas de déterminer selon quelles modalités le total de la rémunération variable a été calculé. Par ailleurs, les pièces produites ne prévoient pas l'existence de modalités particulières de détermination de la rémunération des actionnaires-salariés. Les certificats de salaires, documents ayant force probante et corrélés par les annexes à la déclaration fiscale, doivent être pris en compte pour la détermination du salaire admissible. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/235/2016-ICCIFD ATA/737/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juillet 2018

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

A______ & CIE SA
représentée par Me Nicolas Merlino, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 janvier 2017 (JTAPI/32/2017)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'imposition pour l'année 2013 de la société A______ & Cie SA (ci-après : la contribuable ou la société), dont le siège se trouve à Genève.

La société est active notamment dans le domaine de la gestion de fortune.

2) La contribuable est entièrement détenue par C______ SA, ayant son siège dans le canton de Fribourg. Les actionnaires de celle-ci étaient en 2013 Messieurs B______ (24 %), D______ É______ (24 %), F______ (17,5 %), G______ (17,5 %), H______ (12 %) et I______ (5 %). À l'exception de ce dernier, les précités étaient tous salariés de la contribuable en 2013.

3) Dans sa déclaration fiscale 2013, la contribuable a déclaré un bénéfice net imposable à Genève de CHF 2'079'697.-.

L'annexe C de la déclaration mentionnait comme bénéficiaires de prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes en 2013, pour un total net de CHF 5'573'960.-, MM. B______ (administrateur vice-président), D______ E______, F______, G______, H______ (administrateur), J______ (administrateur) et K______(administrateur président).

Son bilan au 31 décembre 2013, son compte de profits et pertes 2013, ainsi que les certificats de salaire de MM. B______, D______ E______, F______, G______ et H______ étaient joints à la déclaration fiscale.

Selon lesdits certificats de salaire, les actionnaires-salariés ont perçu un revenu brut total de CHF 6'129'166.- en 2013, lequel se décomposait comme suit :

Nom

Salaire brut

Bonus

M. B______

CHF 550'550.-

CHF 532'988.-

M. D______ E______

CHF 557'550.-

CHF 171'041.-

M. F______

CHF 558'160.-

CHF 1'143'614.-

M. G______

CHF 550'550.-

CHF 1'053'025.-

M. H______

CHF 576'361.-

CHF 435'327.-

Total

CHF 2'793'171.-

CHF 3'335'995.-

 

4) Par bordereaux du 13 novembre 2015, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable, tant en impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) qu'en impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année 2013.

Le bénéfice net total a été arrêté à CHF 2'497'034.- en ICC et à CHF 2'497'034.- en IFD, le capital imposable à CHF 5'715'529.- en ICC et à CHF 5'715'529.- en IFD.

Une reprise de CHF 417'337.- avait été effectuée au titre de salaire excessif versé, sur la base de la méthode valaisanne et en référence au salaire versé à Monsieur L______ E______, salarié non actionnaire. L'AFC-GE précisait qu'il s'agissait de distributions dissimulées de bénéfice et/ou d'avantages procurés à des tiers qui n'étaient pas justifiés par l'usage commercial. La note de renvoi indiquait : « Reprise de salaires excessifs basée sur le NCS de M. E______ L______ selon la méthode valaisanne. Le calcul du salaire de base mensuel applicable à la méthode valaisanne est déterminé comme suit : Salaire brut total d'après le NCS de M. E______ L______ : CHF 833'628 / 12 mois = CHF 69'469.- ».

Le salaire admis et le salaire excessif étaient calculés comme suit :

Salaire de base annuel :

Salaire de base mensuel de CHF 347'345.- ;

Salaire de base mensuel indexé de CHF 346'956.- ;

Salaire de base annuel de CHF 4'163'472.-.

Salaire excessif :

Salaire effectif de CHF 6'129'167.- ;

./. Salaire de base annuel ;

./. Supplément lié au chiffre d'affaires arrêté à CHF 299'841.- ;

./. Part de bénéfice supplémentaire (1/3) fixé à CHF 1'248'517 ;

= Salaire excessif de CHF 417'337.-.

5) Le 23 novembre 2015, la contribuable a élevé une réclamation contre ces taxations, contestant la reprise du salaire de M. L______ E______ au titre de distribution dissimulée de bénéfice. Cet employé n'étant pas l'un de ses actionnaires en 2013, la société ne pouvait faire l'objet d'une reprise au titre de salaire excessif.

6) Par décisions du 21 décembre 2015, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu les taxations.

L'AFC-GE avait utilisé la méthode globale et appliqué l'analyse comparative des rémunérations des personnes de rang et fonctions similaires basée sur le salaire de M. L______ E______, salarié non actionnaire. Le redressement opéré au titre de salaire excessif concernait uniquement les cinq actionnaires-salariés, soit MM. B______, G______, F______, H______ et D______ E______.

7) Par acte du 20 janvier 2016, la société a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à leur annulation « sous suite de frais et dépens ».

En 2011, le montant des salaires et bonus bruts versés aux actionnaires-salariés et déclarés dans les certificats de salaire respectifs avait été de CHF 2'956'989.-, à savoir des salaires de base bruts de CHF 2'769'661.- et des bonus bruts de CHF 187'328.-. Au vu de l'incertitude régnant lors de cette année au sujet du calcul de la rémunération maximum admissible des actionnaires-salariés, il avait été décidé de différer le versement des bonus 2011 - d'un montant total net de CHF 1'624'272.70, soit CHF 323'979.- pour M. B______, CHF 535'439.- pour M. F______, CHF 609'601.- pour M. G______ et CHF 155'254.- pour M. H______ - jusqu'à l'obtention de la taxation définitive 2009, laquelle devait valider sa méthode de calcul des salaires maximum fiscalement admissible. Dès lors, si ces bonus différés ne figuraient pas dans les certificats de salaire 2011 respectifs des actionnaires-salariés, ils avaient en revanche été provisionnés dans les comptes 2011 de la contribuable au titre de charges de personnel, avec un impact sur le compte de résultat 2011. Les bordereaux de taxation 2011 ICC/IFD du 6 septembre 2013 étant entrés en force, sans modification par rapport à la déclaration fiscale déposée, ces bonus différés avaient été admis en déduction du bénéfice imposable 2011.

Par contrats du 29 février 2012, la société avait accordé aux actionnaires-salariés des prêts à long terme pour un total de CHF 1'624'269.90 (CHF 323'978.55 pour M. B______, CHF 535'438.60 pour M. F______, CHF 609'599.80 pour M. G______ et CHF 155'252.95 pour M. H______), prêts comptabilisées à l'actif de son bilan 2012 sous l'intitulé « Créances à long terme envers des Administrateurs ».

En mars 2013, elle avait reçu les bordereaux de taxation définitive 2009 qui validait la méthode de calcul des salaires maximum fiscalement admissibles qu'elle appliquait depuis 2010. Elle avait alors procédé au versement des bonus différés (CHF 1'624'272.70) par compensation avec les prêts à long terme (CHF 1'624'269.90). S'agissant d'une simple permutation d'actifs, le versement en 2013 des bonus différés par compensation de créances n'avait entraîné aucune sortie de liquidités ni eu d'impact sur son compte de résultat de l'exercice 2013. En revanche, ces bonus différés avaient été reportés dans le certificat de salaire 2013 des actionnaires-salariés concernés.

L'AFC-GE avait pris en compte pour le calcul des salaires excessifs le montant de CHF 6'129'l67.-, qui se décomposait en deux : la rémunération 2013 de CHF 4'542'332.65 et les bonus différés 2011. Ceux-ci n'ayant toutefois pas grevé le compte de résultat 2013, ils devaient être exclus du calcul des salaires excessifs 2013, lequel ne devait tenir compte que des rémunérations ayant effectivement grevé le compte de résultat 2013.

La contribuable a produit un certain nombre de pièces.

Dans le bilan au 31 décembre 2011, un montant de CHF 1'624'272.70 a été inscrit en tant que dette sous le poste « Bonus 2011 prévisionnels (attente validation) ». Ce même montant a aussi été inscrit en tant que charges de personnel, sous le poste « Bonus prévisionnels (...) » dans le compte d'exploitation 2011. Dans le bilan au 31 décembre 2012, la dette susmentionnée de CHF 1'624'272.70 a été mentionnée avec l'intitulé « Bonus 2011 à payer » et des prêts de CHF 323'978.55 pour M. B______, de CHF 535'438.60 pour M. F______, de CHF 609'599.80 pour M. G______ et de CHF 155'252.95 pour M. H______ ont été inscrits en tant que créances à long terme. Le compte d'exploitation 2012 produit ne comprenant que les charges, il ne peut être déterminé comment les prêts précités ont été comptabilisés à l'actif. Dans le bilan au 31 décembre 2013, le montant de CHF 1'624'272.70 ne figure plus en tant que dette et les prêts précités ne figurent plus en tant que dettes respectivement créances à long terme ; ils n'y figurent plus. Quant au compte d'exploitation 2013, il comporte, en tant que charges de personnel, le poste « Bonus prévisionnels 2011 validés et payés » de CHF 1'586'834.60 et le poste « Ext provision Bonus prévisionnels 2011 (...) » de - CHF 1'560'331.92.

8) Le 18 avril 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

9) Le 25 mai 2016, la société a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Le bonus différé n'avait pas été comptabilisé sur l'exercice 2011 au titre de provision mais au titre de dette à court terme, « en attente de validation du fisc » ; lors de la clôture des comptes 2011, le montant du bonus 2011 était déjà définitivement connu. Cette approche comptable prudente trouvait son origine uniquement dans l'incertitude quant au mode de calcul du salaire admissible fiscalement.

Les actionnaires concernés avaient effectivement reçu l'équivalent de leur bonus sous forme d'avance, comme chaque année, après que les chiffres 2011 sur lesquels le bonus était calculé avaient été connus. En 2013, dès la levée des doutes quant au mode de calcul du salaire maximum fiscalement admissible, les avances avaient été compensées avec les bonus 2011 par un simple jeu d'écritures comptables, sans aucune sortie de liquidités en 2013, les montants compensés correspondant exactement au bonus 2011 comptabilisé sur l'exercice comptable 2011. Ainsi, le bonus 2011 n'avait pas eu d'impact sur le résultat comptable de l'exercice 2013. Partant, le bonus différé était bien un bonus 2011 du point de vue de la société (et non un bonus 2013) et c'était à juste titre qu'elle avait comptabilisé la charge de personnel correspondante dans son compte de résultat 2011, année de réalisation de la charge correspondante pour elle, avec un impact sur son bénéfice 2011.

La détermination de l'existence d'une éventuelle distribution dissimulée de dividende devait s'analyser du point de vue de la société octroyant la prestation, et non du point de vue de l'actionnaire. Comptabilisés sur l'exercice 2011, les bonus différés 2011 devaient être rattachés à la période fiscale 2011 pour le calcul des rémunérations fiscalement admissibles, conformément au principe de l'étanchéité des périodes fiscales.

10) Le 9 juin 2016, l'AFC-GE a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

11) Par jugement du 9 janvier 2017, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants.

Pour procéder à l'examen de l'admissibilité des salaires versés aux actionnaires-salariés, l'AFC-GE s'était fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit les certificats de salaire des intéressés et les comptes de la société. Aucun de ces documents ne faisait état de modalités particulières de détermination de la rémunération des actionnaires-salariés. Les certificats de salaire établis pour l'année 2013 ne mentionnaient pas qu'une partie du bonus provenait d'une année antérieure. Le paragraphe 2 de l'annexe B de la déclaration fiscale 2013 ne comportait aucun élément sur ce point. Or, il incombait à la contribuable, conformément à la répartition du fardeau de la preuve découlant de la jurisprudence, d'apporter la démonstration des éléments qui étaient, selon elle, susceptibles d'influencer sa taxation. À défaut, l'AFC-GE n'avait pas, lors de l'établissement des bordereaux de taxation litigieux, à envisager et à retenir un autre montant que celui qui figurait dans les certificats de salaires 2013.

En cours de procédure, la contribuable avait cependant expliqué et démontré qu'une dette avait été créée en 2011 en vue de gratifier les actionnaires-salariés de leur bonus 2011, dette qui avait été dûment inscrite dans son bilan 2011 ainsi que dans son compte d'exploitation 2011 en tant que charge. L'AFC-GE avait admis cette dette en déduction du bénéfice imposable 2011 puisque la société avait indiqué, sans être contredite, que les bordereaux de taxation ICC/IFD 2011 du 6 septembre 2013 étaient entrés en force sans avoir subi de modification par rapport à la déclaration fiscale déposée. En 2012, la société avait prêté à ses actionnaires-salariés un montant équivalant, à quelques francs près, aux bonus 2011. Elle avait inscrit ces prêts à son bilan 2012, lequel mentionnait d'ailleurs toujours la dette précitée créée en 2011. Ainsi, en 2013, lorsque la contribuable avait procédé à la compensation de cette dette avec ces prêts, cette opération n'avait eu qu'un très faible impact sur son compte d'exploitation : le montant des bonus (CHF 1'586'834.60), porté sur les certificats de salaire 2013 des actionnaires-salariés, avait été contrebalancé par la somme de CHF 1'560'331.92, la différence entre ces deux montants s'expliquant vraisemblablement par les intérêts générés par les prêts.

Ainsi qu'il résultait de la jurisprudence, un salaire excessif impliquait, par définition, la diminution du bénéfice imposable suite à sa distribution dissimulée. Partant, un salaire excessif n'existait que pour autant que le bénéfice imposable diminue de l'équivalant dudit salaire excessif suite à sa comptabilisation en tant que charge dans le compte d'exploitation. Or, tel n'était pas le cas en l'espèce. L'impact des bonus différés sur le bénéfice 2013 avait été minime, ne correspondant nullement au montant de ces bonus, mais s'étant élevé au montant de CHF 26'502.68, soit la différence entre les sommes de CHF 1'586'834.60 et de CHF 1'560'331.92. C'était dès lors uniquement ce montant qui pourrait éventuellement être pris en compte pour effectuer le calcul permettant de déterminer l'existence ou non d'un salaire excessif.

La jurisprudence invoquée par l'AFC-GE (ATA/623/2014 du 12 août 2014) présentait un état de fait différent de celui existant dans la présente affaire, soit l'existence d'une provision en lieu et place de la dette acceptée par l'AFC-GE, ce qui permettait de s'en écarter.

La manière de procéder de la contribuable ne pouvait être qualifiée d'abusive, puisqu'il résultait de ses explications - non contestées par l'autorité intimée - que les opérations effectuées en 2011, 2012 et 2013 l'avaient été du fait que la société était dans l'incertitude quant à l'admissibilité de la méthode de calcul qu'elle appliquait depuis 2010 et qu'elle attendait que l'AFC-GE valide.

Par conséquent, l'AFC-GE ne pouvait pas tenir compte du montant cumulé des bonus différés pour effectuer le calcul du salaire excessif. Or, le nouveau calcul ne permettait à l'évidence pas de retenir l'existence d'un salaire excessif, de sorte que la reprise effectuée ne pouvait pas être confirmée.

12) Par acte mis à la poste le 1er février 2017, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation de ses décisions du 21 décembre 2015.

Le raisonnement du TAPI contrevenait à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2014 et 2C_661/2014 du 6 juillet 2015 confirmant l'ATA/389/2014 du 27 mai 2014). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait confirmé, dans le cadre d'un litige relatif à la détermination d'un salaire excessif avec bonus provisionné, que le montant du salaire figurant dans le certificat de salaire de l'actionnaire pouvait être utilisé pour déterminer le montant à reprendre à titre de salaire excessif pour la période fiscale concernée.

La chambre administrative avait également considéré que le salaire de l'actionnaire à prendre en considération pour la période fiscale litigieuse devait intégrer le bonus provisionné dans les comptes de la société lors de l'exercice précédent (ATA/94/2016 du 2 février 2016). Le bonus, comme le salaire versé à l'actionnaire-employé, avaient été prélevés sur l'exercice litigieux et avaient diminué le résultat en question.

Dans l'absolu, le raisonnement du TAPI, qui considérait qu'il n'y avait pas eu d'appauvrissement de la société, car les bonus payés en 2013 ne grevaient pas le compte de résultat 2013, était correct. Toutefois, le présent cas ne divergeait en rien de la problématique historique des bonus provisionnés telle que dégagée par la jurisprudence (ATA/623/2014 précité). L'existence d'un prêt n'y changeait rien.

Pour procéder à l'examen de l'admissibilité du salaire versé aux administrateurs, l'AFC-GE s'était fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit les certificats de salaire des intéressés, l'annexe C qui mentionnait l'intégralité du salaire versé à ses actionnaires et le bilan au 31 décembre 2013. Aucun de ces documents ne faisait état de modalités particulières de détermination de la rémunération des administrateurs. Aucune rubrique du bilan n'était détaillée à ce sujet et le paragraphe 2 consacré aux « provisions pour risques et charges » de l'annexe B « dettes et provisions 2013 » à la déclaration fiscale ne comportait pas d'éléments sur ce point. De plus, le montant du revenu brut figurant sur les certificats de salaire 2013 des administrateurs incluait tant le salaire fixe que le bonus versé. L'octroi d'un prêt n'avait pas d'incidence sur la solution, la situation devant être examinée à la lumière de la situation comptable.

S'agissant de l'année 2011, le montant des bonus pré-provisionnés ne ressortait pas expressément du bilan annexé à la déclaration fiscale, puisqu'il était englobé dans les charges de personnel. On ne pouvait dès lors pas tirer argument du fait que cette charge avait été admise en déduction du bénéfice imposable 2011. De même, le bilan 2012 annexé à la déclaration fiscale 2012 ne permettait pas d'identifier lesdits bonus.

C'était le montant des salaires bruts des administrateurs, clairement déterminé par un document ayant force probante et corrélé par une annexe présumée exacte de la déclaration fiscale 2013 de la société, duquel il ressortait que les revenus bruts 2013 se composaient d'une part de salaire de base et d'un bonus, qui devait être prise en compte pour la détermination du salaire admissible.

À suivre le raisonnement du TAPI, il ne serait plus possible de constater l'existence d'un salaire excessif, car l'administration fiscale devrait agir au moment du provisionnement des bonus, soit en l'occurrence en 2011. Or, provisionner un bonus ne pouvait être constitutif d'une prestation appréciable en argent, car il n'y avait pas d'appauvrissement. Dans ce cas, il n'y avait pas eu de sortie de liquidités, et donc pas de distribution dissimulée de bénéfices. La comptabilisation d'une provision - justifiée ou non sur le plan fiscal - n'engendrait jamais d'appauvrissement de la société.

Si la provision comptabilisée (charge) était admise fiscalement, soit elle serait subséquemment dissoute dans le bilan commercial (produit), auquel cas la société présenterait un produit comptable équivalent au montant de la charge comptabilisée au moment de sa constitution, soit la provision serait utilisée conformément à son but, ce qui entraînerait la disparition de la provision. Inversement, si la provision comptabilisée (charge) n'était pas admise fiscalement au moment de sa constitution, son redressement fiscal en bénéfice entraînait également la constatation d'une réserve latente imposée dans les fonds propres fiscaux de la société. Au moment de sa dissolution dans le bilan commercial, la réserve latente imposée serait constituée fiscalement pour un montant identique au redressement fiscal précédemment opéré en bénéfice. Il en allait de même en cas d'utilisation comptable de la provision précédemment non admise.

En d'autres termes, l'éventuel salaire excessif devait exclusivement être appréhendé à l'aune du salaire versé et figurant dans le certificat de salaire, même si le salaire versé englobait un bonus rémunérant les performances de l'exercice commercial précédent ; exercice au cours duquel le bonus avait fait l'objet d'une provision admise fiscalement.

13) Le 6 févier 2017, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

14) Le 1er mars 2017, la contribuable a conclu au rejet du recours.

L'arrêt du Tribunal fédéral dans les causes 2C_660/2014 et 2C_661/2014 confirmant l'ATA/389/2014 précité n'était pas pertinent, dans la mesure où, contrairement au cas jugé dans cet arrêt, la société avait en cours de procédure expliqué et démontré en détail la nature et le sort comptable des bonus en 2011.

Les références aux ATA/623/2014 et ATA/94/2016 précités, ainsi que les développements de l'AFC-GE sur les bonus provisionnés n'étaient pas non plus pertinents, dès lors que les bonus prévisionnels 2011 n'avaient pas été comptabilisés sur l'exercice 2011 au titre de provision mais au titre de dettes à court terme, « en attente de validation du fisc ».

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du juge délégué du 13 mars 2017.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si, dans le cadre de la détermination de l'existence d'une rémunération excessive des administrateurs-actionnaires indirects-salariés le bonus pré-provisionnel 2011 versé en 2013 doit être pris en compte.

3) La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 et 2C_60/2013 du 14 août 2013 consid. 1 ; ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 3).

4) a. En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2014 et 2C_661/2014 précité consid. 5).

b. À Genève, le 30 mars 2016 est entrée en vigueur la nouvelle teneur de l'art. 12 al. 1 let. h de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), adoptée le 29 janvier 2016 par le Grand Conseil, qui prévoit que sont considérés comme bénéfice net imposable les tantièmes, ainsi que les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial.

La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l'application de la nouvelle teneur de son art. 12 aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des dispositions légales idoines dans leur teneur antérieure aux décisions de taxation en cause (ci-après : aLIPM ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 consid. 4c ; ATA/778/2016 précité consid. 4c).

5) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/778/2016 précité consid. 5a et les arrêts cités).

b. En droit fiscal, l'autorité de taxation contrôle la déclaration d'impôt et procède aux investigations nécessaires (art. 46 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14). À Genève, le département compétent procède à la taxation des impôts sur la base de la déclaration d'impôt et des justificatifs déposés par le contribuable, ainsi que des contrôles et investigations effectués (art. 36 al. 1 LPFisc).

c. Il appartient ainsi à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/778/2016 précité consid. 5c et l'arrêt cité).

En ce qui concerne les prestations appréciables en argent faites par une société, sans contre-prestation, à ses actionnaires, c'est en principe à l'autorité fiscale qu'il appartient de les prouver. Le contribuable n'a donc pas à supporter les conséquences d'un manque de preuves, à moins qu'on ne puisse lui reprocher une violation de ses devoirs de collaboration (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_589/2013 et 2C_590/2013 du 17 janvier 2014 consid. 7.2 ; 2C_76/2009 du 23 juillet 2009 consid. 2.2). Néanmoins, lorsqu'une prestation en argent présente un caractère insolite, le contribuable est alors tenu de prouver que la prestation en cause est justifiée par l'usage commercial (ATF 119 Ib 431 consid. 2c). Les autorités doivent en effet pouvoir s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les rapports personnels et économiques étroits entre la société et le bénéficiaire de la prestation, étaient déterminantes pour le choix de la prestation présentant un caractère insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/778/2016 précité consid. 5c).

6) a. Selon l'art. 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui-ci comprend - outre le bénéfice net résultant du solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent (art. 58 al. 1 let. a LIFD) - tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial tels que notamment les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'actifs immobilisés, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial ainsi que les produits qui n'ont pas été comptabilités dans le compte de résultats (art. 58 al. 1 let. b et c LIFD).

b. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

c. Pour ce qui est de l'ICC, sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu'il résulte du compte de pertes et profits, et les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 12 let. a et h aLIPM).

Bien que l'art. 12 let. h aLIPM ne le mentionne pas expressément, il vise, à l'instar de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD, notamment les distributions dissimulées de bénéfice (Stephan KUHN/Peter BRÜLISAUER in Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.], Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2ème éd., 2008, n. 74 ad. art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes à l'usage commercial et qui doivent donc être réintégrés dans le bénéfice imposable (ATA/778/2016 précité consid. 6c et les arrêts cités).

7) a. Il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont réalisées : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ;
2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (arrêts du Tribunal fédéral 2C_263/2014 du 21 janvier 2015 consid. 5.2 ; 2C_708 du 21 décembre 2012 consid. 4.3 non publié in ATF 139 I 64 ; ATF 131 II 593 consid. 5.1 ; 119 Ib 116 consid. 2 ; ATA/778/2016 précité consid. 7a et les arrêts cités ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 236 n. 41 et les références citées). Il ne s'agit pas d'examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (Emily MELLER/Jessica SALOM, Le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II, p. 105, 110 et les références citées).

b. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Le versement d'un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur constitue une situation classique de distribution dissimulée de bénéfice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 précité consid. 3.1 et les références citées ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 236 n. 42). En présence d'une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales sont multiples. L'autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de la société (Xavier OBERSON, op. cit., p. 197 n. 35).

8) En définissant le bénéfice imposable par renvoi au solde du compte de résultat, l'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l'autorité du bilan commercial ou de déterminance, selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1 ; 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 et 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1 ; Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 57-58 LIFD n. 33 à 55 et 62).

Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s'éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d'une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d'un système fondé sur le principe de l'image fidèle (« true and fair »), qui prévaut dans les normes de comptabilité internationales (Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96 s.).

9) En application des principes de la périodicité du revenu imposable et de l'étanchéité des exercices, le contribuable ne peut, à son choix, faire supporter des frais ou des dépenses à un exercice autre que celui durant lequel ils sont intervenus ou qui le concernent, pas plus qu'il n'est autorisé à étaler ses revenus sur plusieurs périodes fiscales ou les attribuer à des exercices autres que ceux au cours desquels ils ont été réalisés (ATA/778/2016 précité consid. 9 et les arrêts cités).

10) Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a eu à traiter de plusieurs cas relatifs à des bonus dans le cadre de la détermination du salaire admissible d'actionnaire-salarié, d'associé-gérant ou d'administrateur de sociétés.

Dans l'ATA/389/2014 précité, l'AFC-GE s'était fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit le certificat de salaire de l'actionnaire-salarié, l'annexe C « prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes » et les comptes sociaux produits. Aucun de ces documents ne faisait état de modalités particulières de détermination de la rémunération de celui-ci. Aucune rubrique du compte de profits et pertes ou du bilan n'était détaillée et les annexes aux comptes ne comportaient pas d'éléments sur ce point. Il n'avait par ailleurs pas été allégué que le certificat de salaire ne correspondrait pas aux montants effectivement versés, pendant l'année litigieuse, à l'actionnaire-employé. La chambre administrative n'a pas suivi le raisonnement de la société sur la prise en considération comme bonus du seul montant ressortant de ses comptes produits, car ceux-ci ne permettaient pas de déterminer la nature et le sort comptables de la différence entre le bonus provisionné et décaissé - sans au demeurant que l'on sache sur quelle base - et le montant effectivement versé durant l'exercice litigieux, lequel coïncidait avec l'année fiscale. Dans ces circonstances, c'était bien ce montant clairement déterminé par un document ayant force probante et corrélé par une annexe présumée exacte de la déclaration fiscale en question de la société, qui seul devait être pris en compte pour la détermination du salaire admissible.

Cet arrêt a été confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2014 et 2C_661/2014 précité. Le Tribunal fédéral a considéré que la société, qui supportait le fardeau de la preuve, s'était limitée à produire ses comptes, sans fournir de contrat de travail ou un autre accord équivalent qui aurait permis de déterminer selon quelles modalités la rémunération variable en cause était calculée, ce qui n'était pas suffisant. Par ailleurs, il a retenu que la chambre de céans n'avait pas violé le droit fédéral en considérant le certificat de salaire comme étant déterminant pour examiner le caractère excessif du salaire versé à l'actionnaire-salarié.

Dans un autre arrêt (ATA/623/2014 précité), l'AFC-GE s'était fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit le certificat de salaire de l'associé-gérant, l'annexe C « prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes » et le bilan au 31 décembre 2008. Aucun de ces documents ne faisait état de modalités particulières de détermination de la rémunération de l'intéressé. Aucune rubrique du bilan n'était détaillée à ce sujet et le paragraphe 2 consacré aux « provisions pour risques et charges » de l'annexe B « dettes et provisions 2008 » à la déclaration fiscale ne comportait pas d'éléments sur ce point. L'associé-gérant ne contestait au demeurant pas le montant de CHF 446'000.- figurant sur le certificat de salaire établi pour l'année 2008 et que celui-ci correspondait à une part du salaire de base de CHF 160'000.- et à un bonus de CHF 286'000.- provisionné en 2007. La chambre administrative n'a pas suivi le raisonnement de la société sur la prise en considération comme bonus versé en 2008 du seul montant ressortant de la provision du bonus de CHF 60'000.- versé en 2009 et figurant sur l'extrait du Grand-Livre de 2008, car celui-ci ne permettait pas d'expliquer le salaire brut de CHF 446'000.- effectivement versé à l'associé-gérant durant l'exercice 2008. Dans ces circonstances, c'était bien ce montant clairement déterminé par un document ayant force probante et corrélé par une annexe présumée exacte de la déclaration fiscale 2008 de la société, qui seul devait être pris en compte pour la détermination du salaire admissible.

Enfin, dans l'ATA/94/2016 précité, l'AFC-GE s'était fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit le certificat de salaire de l'administrateur et les comptes de l'entreprise. Aucun de ces documents ne faisait état de modalités particulières de détermination de la rémunération de l'intéressé. Le certificat de salaire établi pour l'année 2011 ne mentionnait pas l'existence d'un bonus et aucune rubrique du compte d'exploitation ou du bilan n'était détaillée à ce sujet. De même, le paragraphe 2 consacré aux « provisions pour risques et charges » de l'annexe B « dettes et provisions 2010 » à la déclaration fiscale 2010 ne comportait aucun élément sur ce point. Or, il incombait à la société, conformément à la répartition du fardeau de la preuve découlant de la jurisprudence, d'apporter la démonstration des éléments qui étaient, selon elle, susceptibles d'influencer la taxation. En l'absence d'explication, l'AFC-GE n'avait pas à envisager et à retenir un autre montant que celui qui figurait dans les certificats de salaires 2011. En cours de procédure la société avait expliqué qu'une provision avait été créée en 2010, en vue de gratifier l'administrateur d'un bonus en 2011. Elle avait cherché à démontrer cela par la production des extraits du compte 2002 « divers à payer » établi pour l'année 2010 et du compte 4001 « salaire du concerné ». Y était mentionnée la création, le 31 décembre 2010, d'une provision pour gratification brute 2010 de CHF 300'000.-. Or, l'existence d'une telle provision ne ressortait pas des états financiers 2010 de la société et de l'annexe B à sa déclaration 2010. Par contre, le bonus tout comme le salaire versé à l'administrateur avaient été prélevés sur l'exercice 2011 et avaient diminué le résultat 2011 de la société. C'était dès lors à juste titre que l'AFC-GE s'était fondée sur le certificat de salaire produit et le salaire effectivement versé lors de l'année en cours pour déterminer si le salaire était excessif. D'ailleurs, le bonus ne pouvait pas être affecté à la taxation 2010, dès lors que tant qu'il n'était pas versé, son montant n'était pas définitivement connu. L'AFC-GE avait ainsi correctement tenu compte du montant figurant sur le certificat de salaire pour déterminer le salaire admissible, document ayant force probante et corrélé par une annexe présumée exacte de la déclaration fiscale 2011 de la société.

11) En l'espèce, pour procéder à l'examen de l'admissibilité du salaire versé aux actionnaires-salariés, l'AFC-GE s'est fondée sur la déclaration fiscale 2013 de la société et les pièces produites, soit les certificats de salaire des intéressés et les comptes 2013 de l'intimée. Aucun de ces documents ne fait état de modalités particulières de détermination de la rémunération des actionnaires-salariés. Les certificats de salaire établis pour l'année 2013 ne mentionnent pas qu'une partie du bonus provient d'une année antérieure. Aucune rubrique du bilan n'est détaillée à ce sujet et l'annexe C « prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes », ainsi que le paragraphe 2 consacré aux « provisions pour risques et charges » de l'annexe B à la déclaration fiscale 2013 ne comportent aucun élément sur ce point. Il en est de même pour les déclarations 2011 et 2012.

Or, il incombait à l'intimée, conformément à la répartition du fardeau de la preuve découlant de la jurisprudence susmentionnée, d'apporter la démonstration des éléments qui étaient, selon elle, susceptibles d'influencer sa taxation. En l'absence d'explication, l'AFC-GE n'avait pas à envisager et à retenir un autre montant que celui qui figurait dans les certificats de salaires 2013.

Par-devant le TAPI, l'intimée a expliqué qu'une dette avait été créée en 2011 en vue de gratifier les actionnaires-salariés de leur bonus 2011, dette qui avait été inscrite dans le bilan 2011 de la société ainsi que dans son compte d'exploitation 2011 en tant que charge. En 2012, l'intimée avait prêté à ses actionnaires-salariés un montant équivalant, à quelques francs près, aux bonus 2011. Elle avait inscrit ces prêts à son bilan 2012, lequel mentionnait toujours la dette précitée créée en 2011.

Or et contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, cela ne permet toujours pas de déterminer selon quelles modalités le total de la rémunération variable en cause a été calculé. Les contrats de travail n'ont en particulier pas été produits, ni aucun autre élément n'a été apporté en vue d'établir la détermination de la rémunération variable.

Par ailleurs, le fait d'arrêter des bonus prévisionnels en 2011, puis d'accorder des prêts en 2012 qui correspondent pour peu au montant desdits bonus prévisionnels 2011, pour enfin procéder à une compensation en 2013, pourrait être constitutif d'un abus de droit au sens des art. art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

De plus et comme déjà vu, l'existence de modalités particulières de détermination de la rémunération des actionnaires-salariés ne ressort pas des états financiers 2011-2012 de la société et des annexe B et C aux déclarations 2011 et 2012. En outre, les bonus ne pouvaient pas être affectés aux taxations 2011 et 2012, dès lors que tant qu'ils n'étaient pas versés, leurs montants n'étaient pas définitivement connus.

Enfin, force est de constater que les bonus, tout comme les salaires versés aux actionnaires-salariés, ont, malgré la compensation alléguée, été prélevés sur l'exercice 2013 et ont diminué le résultat 2013 de la société.

Par conséquent, c'est conformément au droit que l'AFC-GE s'est fondée sur les certificats de salaire - documents ayant force probante et corrélés par des annexes présumées exactes à la déclaration fiscale 2013 de la société - des actionnaires-salariés, qui seuls devaient être pris en compte pour la détermination du salaire admissible.

Il n'est par ailleurs pas allégué que les certificats de salaire établis pour 2013 ne correspondraient pas aux montants effectivement perçus en 2013 par les actionnaires-salariés.

Dès lors que le calcul effectué par l'AFC-GE selon la méthode valaisanne n'est pas contesté, le montant de la reprise, qu'elle a effectué en bénéfice sera confirmé.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

Le jugement querellé sera annulé et les deux décisions sur réclamation de l'AFC-GE du 21 décembre 2015 relatives à l'IFD et à l'ICC 2013 seront rétablies.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'intimée, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne sera octroyée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2017 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 janvier 2017 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 janvier 2017 ;

rétablit les deux décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 21 décembre 2015 relatives à l'impôt fédéral direct et aux impôts cantonaux 2013 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la société A______ & Cie SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Nicolas Merlino, avocat de l'intimée, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :