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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1600/2011

ATA/623/2014 du 12.08.2014 sur JTAPI/276/2013 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : BONUS; COMPTABILITÉ; EXTOURNE; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT; SALAIRE; PRESTATION EN ARGENT ; PROVISION, RÉSERVE, CORRECTION DE VALEUR(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.57; LIFD.58.al1.letb; LIFD.63; LIPM.12.leta; LIPM.12.leth; LIPM.13
Résumé : Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réalisées : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société. Une prestation appréciable en argent peut apparaître notamment sous forme de versement d'un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur. En l'absence de points de comparaison suffisants avec le marché, la méthode la plus communément appliquée pour déterminer si une société a versé un salaire admissible est la méthode dite « valaisanne » (rappel de jurisprudence).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1600/2011-ICCIFD ATA/623/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 août 2014

en section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

A______ SÀRL
représentée par Me Antoine Berthoud, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2013 (JTAPI/276/2013)


EN FAIT

1) La société A______ Sàrl (ci-après : la société) au capital social de CHF 20'000.-, ayant son siège ______ route D______, 1208 Genève, est inscrite au registre du commerce depuis le 28 juin 1993 et a pour but des services dans le domaine du recrutement de personnel.

Madame B______ et M. C______ en sont les associés gérants ayant chacun un droit de signature individuelle et des parts sociales à hauteur respectivement de CHF 1'000.- et CHF 19'000.-.

2) La société a réalisé, au 31 décembre 2008, un total de produits de
CHF 902'505.29, composé principalement d'honoraires de CHF 896'124.28.

3) Dans sa déclaration fiscale 2008 signée le 2 septembre 2009 et reçue par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 4 septembre 2009, la société a fait état d'un bénéfice net de CHF 17'503.- pour l'exercice 2008.

Selon l'annexe C « prestations versées aux membres de l'administration et aux autres organes » (ci-après : « annexe C »), la société avait versé à M. C______ un salaire net de CHF 414'893.-, soit CHF 446'000.- de revenus bruts mentionnés sur le certificat de salaire 2008 du concerné. Ce certificat joint à la déclaration fiscale n'indiquait pas la part en salaire de base et en bonus de cette rémunération, les déductions sociales étant chiffrées à CHF 25'322.-.

Madame B______ avait de sa part perçu un revenu brut de
CHF 48'000.-, soit CHF 45'866.- de salaire net.

4) Par deux bordereaux de taxation du 20 janvier 2011, l'AFC-GE a fixé l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2008 de la société à CHF 6'740,50 et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2008 à CHF 19'835.95, calculés sur la base d'un bénéfice net imposable de CHF 79'353.- et un capital propre imposable de CHF 296'762.-.

L'AFC-GE avait effectué une reprise de CHF 61'650.- pour salaire excessif accordé à M. C______. Le salaire admissible avait été calculé en application de la « méthode valaisanne ».

5) Le 21 février 2011, la société a élevé réclamation à l'encontre de la reprise de CHF 61'650.-.

Le salaire brut de CHF 446'000.- versé à M. C______ était composé d'un salaire de base de CHF 160'000.- et d'un bonus de CHF 286'000.- lié au résultat et à la charge de l'exercice 2007. Seuls CHF 220'000.-, représentant un salaire de base de CHF 160'000.- et une provision pour bonus de CHF 60'000.- versée en 2009, devaient être pris en considération comme salaire brut de M. C______ pour l'exercice 2008.

6) Par deux décisions du 11 mai 2011, l'AFC-GE a rejeté la réclamation de la société.

Le calcul du salaire excessif s'effectuait sur le montant ressortant du certificat de salaire de l'année courante, remis avec la déclaration de la période fiscale y relative. Le salaire brut de M. C______ de CHF 446'000.- comprenait de fait un bonus de CHF 286'000.- sur lequel le concerné avait un droit ferme. Le bonus versé faisait partie intégrante du salaire brut pris en considération pour la détermination de la part de rémunération considérée comme excessive.

7) Par acte déposé le 25 mai 2011, la société a recouru contre les décisions du 11 mai 2011 de l'AFC-GE auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à leur annulation.

La société comptabilisait à la fin de chaque exercice une provision pour bonus en fonction des résultats réalisés. Ce bonus était ensuite versé l'année suivante à M. C______. Celui-ci avait reçu en 2008 un bonus de
CHF 286'000.- provisionné en 2007. Une nouvelle provision avait été limitée en 2008 à CHF 60'000.- suite aux moins bons résultats de la société. La charge salariale concernant M. C______ s'était élevée à CHF 220'000.- en 2008, soit CHF 160'000.- de salaire de base et un bonus provisionné pour 2009 de
CHF 60'000.-. La question de la base sur laquelle se calculait le salaire excessif avait été déjà tranchée dans une décision antérieure de l'ancienne commission cantonale de recours en matière administrative remplacée par le TAPI qui avait retenu un fondement de ce calcul sur les chiffres ressortant de la comptabilité et non ceux figurant dans le certificat de salaire.

8) Dans ses observations du 23 novembre 2011, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les principes de l'étanchéité des exercices fiscaux et de la périodicité de l'impôt lui permettaient de réexaminer la problématique de la base de calcul du salaire excessif dans le cadre d'une période ultérieure. Une provision n'était pas susceptible de constituer une prestation appréciable en argent, la condition d'une distribution dissimulée de bénéfice n'étant pas réalisée. Il n'était pas en outre possible de décompter et de payer les charges sociales et le deuxième pilier à charge de la constitution d'une provision pour bonus en 2007. Il était nécessaire d'extourner la provision et de passer la charge salariale correspondant au bonus tout en opérant les prélèvements obligatoires en 2008. La charge du bonus de
CHF 286'000.- avait par conséquent été comptabilisée en 2008 et non en 2007, même si elle avait été compensée en 2008 par l'extourne de la provision pour bonus.

La situation était comparable à celle des heures supplémentaires prises en compte dans le calcul d'un salaire excessif alors qu'elles avaient été effectuées durant les exercices précédents et n'avaient pas grevé l'année en cours. Celles-ci ne pouvaient pas être exclues du calcul du salaire admissible par l'application de la « méthode valaisanne ». La rémunération figurant sur le certificat de salaire devait être la seule prise en considération pour calculer le montant du salaire excessif.

9) Par jugement du 4 mars 2013, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles taxations ICC et IFD 2008 de la société dans le sens des considérants.

S'agissant de l'IFD, la reprise au titre de salaire excessif était injustifiée, la charge salariale de CHF 220'000.- effectivement supportée par la société étant inférieure à la rémunération de CHF 384'150.- déterminée par l'AFC-GE selon la « méthode valaisanne ». La société avait constitué en 2007 une provision de
CHF 286'000.- pour bonus à verser à M. C______ en 2008 en raison de bons résultats de l'exercice 2007. En 2008, le bonus provisionné était de CHF 60'000.-, la charge salariale concernant l'intéressé étant de CHF 220'000.- comprenant un salaire de base de CHF 160'000.-. Le montant de CHF 286'000.- était sans pertinence pour la taxation de la société en 2008. La charge salariale effectivement supportée par celle-ci en 2008 était de CHF 220'000.- grâce à l'utilisation de la provision de CHF 286'000.-, même si M. C______ avait reçu un revenu brut de CHF 446'000.-. L'associé-gérant devait être imposé conformément au montant indiqué sur son certificat de salaire, alors que la société devait l'être sur la base de la comptabilité. Il n'était pas possible de faire abstraction des charges et du résultat réel de la société pour 2008.

La comparaison entre le bonus et les heures supplémentaires n'était pas pertinente. Celles-ci n'étaient pas assimilables aux bonus. Elles avaient un caractère exceptionnel et étaient calculées sur la base d'un tarif horaire fixé en fonction du salaire contractuel. Elles ne pouvaient pas être ajoutées au salaire contractuel dans le cadre de la comparaison avec le salaire admissible calculé selon la « méthode valaisanne ». Le calculateur de l'observateur genevois du marché du travail (ci-après : le calculateur OGMT) permettait de déterminer un salaire de base correspondant à soixante heures hebdomadaires effectuées tout au long de l'année. Dans le calcul du salaire admissible selon la « méthode valaisanne », les bonus versés dans l'année en cours qui avaient fait l'objet d'une provision l'année précédente ne pouvaient pas être pris en compte.

Les considérants développés au sujet de l'IFD 2008 s'appliquaient également à l'ICC 2008.

10) Par acte déposé le 12 avril 2013, l'AFC-GE a recouru contre le jugement du TAPI du 4 mars 2013 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation et à la confirmation de ses décisions du 11 mai 2011, subsidiairement à ce que le dossier lui soit retourné pour nouvelles taxations 2008 effectuant le calcul du salaire excessif sur la base du résultat comptable de la période 2007.

Les bonus provisionnés à la fin de l'exercice courant mais ne figurant pas dans les certificats de salaire de l'année civile courante ne devaient pas être ajoutés aux salaires bruts afin de déterminer le salaire excessif. Il s'agit d'une dotation à une prestation. La provision devait être admise comme charge chez l'employeur, car il existait un droit ferme en faveur de l'employé, même si le montant du bonus n'était pas encore déterminé de manière précise. Un salaire excessif était constitutif d'une prestation appréciable en argent. La comptabilisation d'une provision, justifiée ou non sur le plan fiscal, n'engendrait pas l'appauvrissement de la société. L'éventuel salaire excessif devait être appréhendé à l'aune du salaire versé et figurant dans le certificat de salaire, même si le salaire versé englobait un bonus rémunérant les performances de l'exercice commercial précédent au cours duquel le bonus avait fait l'objet d'une provision admise fiscalement.

Sur le plan comptable, il était nécessaire d'extourner la provision et de passer la charge salariale correspondante au bonus tout en opérant les prélèvements obligatoires l'année suivante. Le bonus était comptabilisé dans l'année en cours et non dans l'année de provision, même s'il compensait par l'extourne comptable de la provision pour bonus opérée également au cours de l'année courante. La question du paiement des charges ne pouvait pas être ignorée.

Les bonus revêtaient un caractère exceptionnel comme les heures supplémentaires. La « méthode valaisanne » tendait à comparer le salaire effectivement versé au salaire admissible au regard des normes fiscales applicables. Celui-ci, déterminant dans le calcul du salaire excessif, devait tenir compte des heures supplémentaires payées, même si le calculateur OGMT tenait déjà compte de celles-ci. Seul, le montant ressortant du certificat de salaire, devait être pris en considération.

Un contribuable pouvait ne jamais être confronté à la problématique d'un salaire excessif s'il se versait un salaire de base non excessif et se rémunérait ensuite sur les heures supplémentaires ou les bonus provisionnés antérieurement et versés au cours de la période fiscale en cours. Le salaire total excessif ne pouvait pas être déterminé en fonction du moment de la constitution de la provision, puisqu'à cette date le montant exact du bonus à verser effectivement l'année suivante n'était pas connu. Considérer que le salaire déterminant pour l'application de la « méthode valaisanne » devait correspondre au salaire versé et au bonus provisionné ne figurant pas dans le certificat de salaire était susceptible d'aboutir à la prise en compte d'un bonus provisionné mais dont le montant n'était en réalité pas versé. Si le bonus n'était pas payé, la société ne subissait pas un appauvrissement. Il n'y avait ainsi pas de prestation appréciable en argent.

11) Dans ses observations du 13 mai 2013, l'intimé a conclu principalement à l'irrecevabilité des conclusions subsidiaires de l'AFC-GE et au rejet du recours, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au TAPI pour complément d'instruction et détermination du salaire admissible de M. C______ selon le calculateur OGMT.

Les conclusions subsidiaires de l'AFC-GE étaient nouvelles et n'avaient pas été soumises au TAPI. Elles violaient le principe de la double juridiction et de l'épuisement des voies de droit.

La société calculait, au moment de la clôture des comptes, le bonus qui pouvait être alloué sur la base des résultats effectifs de l'exercice. Les écritures correspondantes, aussi bien pour le montant du salaire que des charges sociales, étaient régulièrement enregistrées. La partie variable du salaire ne pouvait être valablement calculée qu'après avoir enregistré toutes les écritures comptables de l'exercice social, y compris celle admise par la « méthode valaisanne » fondée sur le chiffre d'affaires et le bénéfice.

Calculer le salaire admissible de l'exercice 2008 sur la base des résultats de l'exercice 2007 était contraire à une pratique constante relative à la « méthode valaisanne ».

La provision pour bonus était un engagement indéterminé. Elle était fondée sur le résultat de l'exercice et ne pouvait être calculée qu'au moment de la clôture des comptes. La provision pour bonus et celle pour impôt obéissaient aux mêmes règles et ne pouvaient pas être soumises à un traitement comptable différent. En 2008, la charge salariale relative à M. C______ s'était élevée à
CHF 220'000.-, une reprise de CHF 61'850.- signifiait un montant admis inférieur à CHF 160'000.- et impliquait une diminution correspondant à la moitié du salaire de base retenu par l'AFC-GE.

12) Dans sa réplique du 14 juin 2013, l'AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions principales de son recours et s'est rapportée à justice quant à la recevabilité de ses conclusions subsidiaires.

13) Dans sa duplique circonstanciée du 1er juillet 2013, la société a également persisté dans les termes et les conclusions de ses observations en reprenant en substance ses arguments antérieurs.

14) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si le bonus provisionné dans les comptes 2007 de la société et versé en 2008 à M. C______ doit être pris en considération dans le calcul du salaire admissible en 2008 selon la « méthode valaisanne », à l'exclusion des chiffres sortant de la comptabilité de celle-ci.

3) a. L'art. 57 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (art. 58 al. 1 let. b LIFD). L'art. 63 LIFD fait état des provisions pouvant être constituées à la charge du compte des résultats.

Concernant l'ICC, l'art. 12 let. a et h de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoit que sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu'il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société. L'art. 13 LIPM précise quelles sont les charges justifiées par l'usage commercial.

b. Bien qu'elles ne le mentionnent pas expressément, les dispositions concernées de la LIFD visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.] , Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2e édition, 2002, n. 74 ad art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable. L'art. 12 let. h LIPM est conforme à l'art. 58 al. 1 let. b LIFD quand bien même il est rédigé différemment (ATA/389/2014 du 27 mai 2014 ; ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réalisées : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 et 2C_188/2008 du 19 août 2008 ; ATA/389/2014 précité ; ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4e édition, 2012, n. 41 p. 236). Il ne s'agit pas d'examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (ATA/389/2014 précité ; Emily MELLER/Jessica SALOM, Le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II 105, p. 110).

c. En matière de fardeau de la preuve, il appartient à l'administration fiscale de prouver que la prestation de la société est disproportionnée car effectuée sans contrepartie. Si cette preuve est apportée, il revient à la société de renverser cette présomption et de prouver que les prestations en question sont justifiées par l'usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et les bénéficiaires de la prestation, ont conduit à l'octroi d'une prestation insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2010 du 19 mai 2010 ; ATA/389/2014 précité ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 47 p. 238).

d. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Ainsi, le versement d'un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur constitue une situation classique de distribution dissimulée de bénéfice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 ; ATA/389/2014 précité ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 42 p. 236). L'avantage octroyé doit s'expliquer par le lien particulier entre le bénéficiaire de la prestation et la société. Entrent avant tout en ligne de compte les actionnaires majoritaires. Ce qui caractérise objectivement la distribution dissimulée de bénéfice n'est pas l'influence que peut exercer l'actionnaire, mais le fait que la prestation n'aurait pas été effectuée ou aurait été notablement plus faible, si le bénéficiaire avait été une personne étrangère à la société (ATA/389/2014 précité ; Danielle YERSIN, apports et retraits de capital propre et bénéfice imposable, 1977, p. 249).

e. Bien qu'il n'appartienne pas à l'AFC-GE de substituer sa propre appréciation en matière de salaire à celle de la société, la liberté de l'employeur n'est pas sans limite sous l'angle fiscal. En effet, la rémunération doit correspondre à celle qui aurait été octroyée à une tierce personne dans des circonstances identiques. Il s'agit de la sorte de s'assurer que le montant de la rémunération est justifié par des fins commerciales et non par le fait qu'il existe une étroite relation économique ou personnelle (actionnaire ou proche) entre le bénéficiaire de la prestation et la société (ATA/389/2014 précité ; Emily MELLER/Jessica SALOM, op. cit., p. 112).

f. En l'absence de points de comparaison suffisants avec le marché, la méthode la plus communément appliquée pour déterminer le salaire admissible d'employés actionnaires est la méthode dite « valaisanne ». Elle consiste à déterminer un salaire de base moyen, puis à l'augmenter d'une participation au chiffre d'affaires de la société (1 % jusqu'à 1 million, 0,9 % jusqu'à 5 millions et 0,8 % au-delà, la participation étant doublée pour les sociétés de services afin de tenir compte de la marge brute élevée de ce type de sociétés) ainsi qu'une part au bénéfice (1/3 pour les sociétés employant moins de vingt collaborateurs et 1/4 pour les entreprises plus grandes) (ATA/389/2014 précité ; ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; Emily MELLER/Jessica SALOM, op. cit., p. 118).

4) En l'espèce, l'existence d'un salaire excessif déterminé par application de la « méthode valaisanne », versé à l'associé-gérant en 2008 et le montant de la rémunération à prendre en considération pour procéder à la détermination du salaire admissible sont litigieux.

5) Pour procéder à l'examen de l'admissibilité du salaire versé à l'associé-gérant, l'AFC-GE s'est fondée sur la déclaration fiscale de la société et les pièces produites, soit, le certificat de salaire de l'intéressé, l'annexe C et le bilan au 31 décembre 2008. Aucun de ces documents ne fait état de modalités particulières de détermination de la rémunération de M. C______. Aucune rubrique du bilan n'est détaillée à ce sujet et le paragraphe 2 consacré aux « provisions pour risques et charges » de l'annexe B « dettes et provisions 2008 » à la déclaration fiscale ne comporte pas d'éléments sur ce point. L'intimé ne conteste pas au demeurant le montant de CHF 446'000.- figurant sur le certificat de salaire établi pour l'année 2008 et que celui-ci correspond à une part du salaire de base de CHF 160'000.- et à un bonus de CHF 286'000.- provisionné en 2007.

L'argumentation de la société sur la prise en considération comme bonus versé en 2008 du seul montant ressortant de la provision du bonus de CHF 60'000.- versé en 2009 et figurant sur l'extrait du Grand-Livre de 2008 produit devant le TAPI ne peut être suivie, car celui-ci ne permet pas d'expliquer le salaire brut de CHF 446'000.- effectivement versé à l'associé-gérant durant l'exercice 2008.

Dans ces circonstances, c'est le montant de CHF 446'000.- clairement déterminé par un document ayant force probante et corrélé par une annexe présumée exacte de la déclaration fiscale 2008 de la société, duquel il ressort que le revenu brut de l'associé-gérant en 2008 se composait d'une part de salaire de base de CHF 160'000.- et d'un bonus de CHF 286'000.-, qui seul doit être pris en compte pour la détermination du salaire admissible. Dès lors qu'il s'agit de la taxation 2008, l'AFC-GE s'est fondée à juste titre sur ces éléments pour déterminer si cette rémunération versée en 2008 à l'associé-gérant était admissible ou excessive en application de la « méthode valaisanne ».

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement querellé sera annulé et les deux décisions sur réclamation de l'AFC-GE du 11 mai 2011 relatives à l'ICC et à l'IFD 2008 seront rétablies.

Compte tenu de l'admission des conclusions principales de l'AFC-GE, la chambre de céans peut se dispenser de se prononcer sur le sort des conclusions subsidiaires du recours.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la société et aucune indemnité de procédure ne lui sera octroyée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2013 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2013 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mars 2013 ;

rétablit les deux décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 11 mai 2011 relatives aux impôts cantonaux et communaux et l'impôt fédéral direct 2008 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la A______ Sàrl ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Antoine Bertoud, avocat A______ Sàrl, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Junod et Payot Zen Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :