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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4478/2017

ATA/72/2019 du 22.01.2019 sur JTAPI/1372/2017 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉFAUT DE PAIEMENT ; DÉLAI ; AVANCE DE FRAIS ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; DÉLAI DE GARDE ; FORMALISME EXCESSIF ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; FORCE MAJEURE
Normes : LPA.86; LPA.16.al1; Cst.29.al1; Cst.5.al3; Cst.9
Résumé : Confirmation du jugement d'irrecevabilité du TAPI pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti. La demande de paiement du TAPI a été valablement notifiée. Le fait que le recourant n'ait pas reçu le courrier parce qu'il n'avait pas communiqué la bonne adresse au TAPI ni pris des dispositions pour la transmission de son courrier pour des raisons familiales n'est pas une circonstance constitutive d'un empêchement non fautif de payer l'avance de frais dans le délai imparti. Celui qui engage une procédure doit s'attendre à recevoir de la correspondance y relative.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4478/2017-ICCIFD ATA/72/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 janvier 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2017 (JTAPI/1372/2017)


EN FAIT

1. Par décision sur réclamation du 12 octobre 2017, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) a déclaré irrecevable, car tardive, la réclamation formulée par Monsieur A______ le 6 octobre 2017 concernant son imposition pour l'année fiscale 2016.

2. Par acte déposé le 10 novembre 2017, M. A______ a recouru contre la décision sur réclamation précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3. Par courrier recommandé du 14 novembre 2017, le TAPI a imparti à M. A______ un délai échéant le 14 décembre 2017 pour procéder au paiement d'une avance de frais de CHF 700.-, sous peine d'irrecevabilité.

4. Ce courrier recommandé a été retourné par la Poste au TAPI avec comme indication la mention « non réclamé », le recourant disposant d'un délai au 22 novembre 2017 pour le retirer au guichet.

5. L'avance de frais n'a pas été effectuée dans le délai imparti.

6. Par jugement du 22 décembre 2017 (JTAPI/1372/2017), le TAPI a déclaré irrecevable le recours de M. A______ pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

7. Par courrier du 19 janvier 2018, le TAPI a informé M. A______ que le jugement précité lui avait été notifié par pli recommandé. Ce dernier a été retourné au TAPI par la Poste avec la mention « non réclamé ». Le TAPI a par ailleurs attiré l'attention de M. A______ sur le fait que le jugement avait été valablement notifié et que le délai de recours avait commencé à courir.

8. Par acte posté le 1er février 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à ce qu'un nouveau délai lui soit donné pour payer l'avance de frais auprès du TAPI.

Il n'avait pas pu retirer la lettre recommandée du TAPI lui impartissant un délai au 14 décembre 2017 pour le paiement de l'avance de frais car il n'avait jamais reçu la notification par la Poste. Le pli recommandé avait été envoyé à une ancienne adresse qu'il partageait avec son ex-compagne. M. A______ avait effectué un changement d'adresse à la fin du mois de novembre 2017, raison pour laquelle il s'attendait à recevoir la réponse du TAPI à son nouveau domicile et pensait avoir valablement averti l'État de son changement d'adresse. Par ailleurs, son ex-compagne ne lui avait pas transmis le récépissé du courrier recommandé.

9. Le 7 février 2018, le juge délégué a fixé à M. A______ un délai au 23 février 2018 pour fournir des explications quant à l'adresse figurant sur le complément de recours au TAPI daté du 7 novembre 2017.

Dans son recours à la chambre administrative M. A______ mentionnait avoir été domicilié au bd B______ « jusqu'en mi-2017 ». L'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) avait enregistré dans sa base de données que M. A______ avait emménagé à C______ le 3 novembre 2017. Néanmoins, M. A______, avait mentionné comme adresse bd B______ dans son acte de recours au TAPI, daté du 7 novembre 2017.

10. Le 9 février 2018, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

11. Par courrier du 19 février 2018, M. A______ a formulé ses observations suite à la sollicitation du juge délégué.

Suite à la séparation avec sa compagne, il avait changé plusieurs fois d'adresse avant de s'établir à C______. L'adresse erronée communiquée au TAPI en novembre 2017 était le résultat d'une erreur.

12. Le 12 mars 2018, l'AFC-GE a conclu à l'irrecevabilité du recours de M. A______.

M. A______ avait interjeté son recours contre le jugement du TAPI du 22 décembre 2017 en date du 1er février 2018 faisant valoir une suspension de délais durant la période de fêtes de fin d'année. Or, pour les procédures soumises aux règles de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), la suspension de délais ne s'appliquait pas (art. 63 al. 2 let. e de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Par ailleurs, M. A______ admettait expressément que son recours avait été formulé « plus de trente jours après réception » du jugement du 22 décembre 2017 et ne faisait pas valoir de motif justifiant son retard.

13. Le 27 avril 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 25 mai 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14. Le 25 mai 2018, M. A______ a persisté dans son recours.

Sa situation familiale s'était détériorée durant les deux dernières années. Il avait dû déménager à plusieurs reprises en l'espace de six mois. Il avait également dû changer d'emploi. Sa situation professionnelle et familiale ne lui permettait pas de gérer ses problèmes avec les autorités fiscales. Afin de remédier à ses problèmes financiers et ne pas empirer sa situation, il avait consulté la permanence de l'ordre des avocats. Cette dernière lui avait indiqué que le délai de trente jours pour recourir était suspendu pendant les fêtes de fin d'année.

15. L'AFC-GE ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'autorité intimée invoque que le recours est tardif. S'il est vrai que le recourant a indiqué avoir dépassé le délai de trente jours, en invoquant une mauvaise information au sujet des suspensions de délais, selon la mention de la Poste figurant sur l'enveloppe de notification infructueuse du jugement du TAPI, le dernier jour du délai de garde était le 4 janvier 2018, si bien que le recours posté le 1er février 2018 l'a été dans le délai légal de trente jours.

Le recours est donc recevable.

3. Le recourant demande à ce que le délai de paiement de l'avance de frais auprès du TAPI lui soit restitué.

4. a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1077/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/194/2016 du 1er mars 2016 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid. 2b et la jurisprudence citée).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1334/2017 du 26 septembre 2017 consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid 2c). En outre, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/1334/2017 précité consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1334/2017 précité consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d).

5. Un délai de paiement au 14 décembre 2017 a été imparti au recourant par pli recommandé.

La notification d'un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n. 2.2.8.3 p. 302 s). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle s'il devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées). Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement (ATA/378/2014 précité consid. 3b).

6. La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3)

C'est seulement en présence d'un empêchement non fautif du destinataire de la décision que la notification de celle-ci ne déploie pas ses effets ou que ceux-ci sont reportés.

7. a. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; ATA/1077/2015 précité consid. 6a ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).

b. Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

8. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., commande aux autorités comme aux particuliers de s'abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_832/2013 du 18 mars 2014 consid. 5.1 ; 1C_495/2013 du 7 janvier 2014 consid. 5). Il découle de ce principe que l'administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; ATA/1222/2018 du 13 novembre 2018 consid. 8).

9. Le délai de paiement au 14 décembre 2017 a été imparti au recourant par pli recommandé, et doit être considéré comme raisonnable au sens de l'art. 86 LPA. Le pli précité n'a pas pu être distribué car le recourant n'habitait plus à l'adresse qu'il avait communiquée au TAPI et n'avait pas pris des dispositions relatives à la gestion de son courrier avec son ex-compagne. Cela signifie que le recourant n'a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour traiter la correspondance susceptible de provenir de l'instance de recours qu'il venait de saisir. Ayant communiqué dans son acte de recours l'adresse du boulevard B______, il ne peut de bonne foi invoquer désormais que le TAPI aurait dû lui envoyer, quelques jours après déjà, ses communications à une autre adresse.

L'absence de son domicile pour des raisons liées à sa vie familiale et l'absence de transmission par son ex-compagne du courrier qui lui était destiné ne constituant pas un cas de force majeure qui autoriserait une restitution de délai, le jugement d'irrecevabilité du TAPI ne peut qu'être confirmé.

Dans ces circonstances, le TAPI était en droit de déclarer le recours irrecevable, vu l'absence de paiement de l'avance de frais.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :