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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4786/2017

ATA/594/2018 du 12.06.2018 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4786/2017-FORMA ATA/594/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 juin 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______, à l’époque B______, ressortissant congolais né en 1976, a commencé à étudier à l’Université de Genève (ci-après : l’université) lors de la rentrée universitaire 2000-2001 en vue d’obtenir une licence en sciences économiques et sociales.

Éliminé de cette formation à la fin du semestre d’automne 2001-2002, il a intégré la faculté de droit, de laquelle il a été éliminé à la fin du semestre d’automne 2002-2003.

Il n’a alors pas été admis à la faculté des lettres, au vu de ses échecs antérieurs.

2) À la rentrée académique 2012-2013, l’intéressé a été admis à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Vingt-quatre crédits lui ont été accordés par équivalence, soit trois de premier cycle et vingt et un de deuxième cycle, au vu de ses études antérieures.

À la suite d’un problème de tardiveté d’inscription à des cours, l’intéressé a demandé à être exmatriculé de l’université le 4 février 2013.

3) L’intéressé a été à nouveau admis à l’université, dans le cursus du baccalauréat en sciences de l’éducation, à la rentrée académique 2013-2014. Les vingt-quatre crédits d’équivalence qui lui avaient été accordés étaient maintenus. Il devait valider la fin de son premier cycle au mois de septembre 2014, ce qu’il a fait.

4) M. A______ a alors commencé le deuxième cycle du baccalauréat en sciences de l’éducation, choisissant l’option « éducation et formation ». Il devait le réussir au plus tard au mois de septembre 2018.

5) Par décision du 25 septembre 2017, le doyen de la faculté a prononcé l’élimination de l’intéressé du programme du deuxième cycle auquel il était inscrit. Le règlement d’étude autorisait les étudiants à échouer à vingt-quatre crédits du deuxième cycle au plus, alors qu’il en avait vingt-sept en échec.

Il était notamment en échec pour les unités de formation (ci-après : UF) 742450 « méthode de description statistique pour la recherche en éducation » et 742380 « approche éducative de l’autisme : aspects théoriques », en août/septembre 2016. Trois crédits étaient concernés par chacune de ces UF.

6) Le 17 octobre 2017, M. A______ a saisi le doyen de la faculté d’une opposition contre cette décision. Il indiquait avoir acquis cent septante-sept crédits et en avoir vingt-sept en échec.

Il admettait ne pas avoir été attentif au fait que, lors de la deuxième tentative à un examen, celui-ci était considéré comme un échec s’il n’était pas réussi. Il pensait que, si l’examen était réussi à la troisième ou à la quatrième tentative, cela effaçait les échecs précédents. Il ne lui restait que trois crédits à obtenir pour terminer sa formation. Parallèlement à ses études, il travaillait en tant qu’éducateur social, ce qui lui avait permis de mettre en pratique ses compétences.

7) Le 3 novembre 2017, le doyen de la faculté a rejeté l’opposition. La situation de M. A______ ne présentait pas de caractère exceptionnel permettant une dérogation aussi importante que celle demandée.

8) Le 1er décembre 2017, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision sur opposition précitée.

C’était à tort que l’UF 742450 « méthode de description statistique pour la recherche en éducation » et 742380 « approche éducative de l’autisme : aspects théoriques » avaient été considérées en échec bien qu’elles aient été acquises après plus de deux tentatives.

Les dispositions règlementaires ne définissaient pas la notion de « conditions exceptionnelles », ce qui laissait une marge d’appréciation à l’autorité afin qu’il puisse obtenir les trois crédits nécessaires à l’obtention du baccalauréat qu’il visait.

9) Le 22 décembre 2017, l’université a conclu au rejet du recours.

Le règlement n’était pas équivoque : l’échec d’une UF après deux tentatives n’était jamais effacé ou compensé par une validation ultérieure après une seconde inscription à la même UF. Le fait d’être en échec, alors qu’il manquait uniquement trois crédits, ne constituait pas une situation exceptionnelle au vu de la jurisprudence.

10) Le même jour, M. A______ a aussi transmis une écriture, détaillant et développant sa position.

11) Invité à exercer son droit à la réplique, M. A______ a maintenu son recours, par un courrier mis à la poste le 1er février 2018. Contrairement à ce qu’affirmait l’université, les dispositions règlementaires étaient ambiguës et l’on pouvait comprendre que la validation ultérieure d’une UF effaçait les échecs antérieurs. Il était encore dans le délai lui permettant d’obtenir son bachelor. Il concluait à être réintégré à la faculté afin de pouvoir obtenir les trois derniers crédits qui lui étaient nécessaires.

12) Sur quoi la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 1 et 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 - LU -
C 1 30 ; art. 36 al. 1 et 37 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige doit être examiné à l’aune du règlement d’études du baccalauréat en sciences de l’éducation (ci-après : RE) de l’année concernée, soit le RE 2014 pour l’année universitaire 2014-2015, le RE 2015 pour l’année universitaire 2015-2016 et le RE 2016 pour l’année universitaire 2016-2017, ainsi que du statut de l’université du 22 juin 2011 (ci-après : le statut).

3) Le recourant soutient d'une part ne pas avoir été en échec pour deux UF, dès lors qu'il les avait réussies à la troisième tentative.

Il se trouvait dans une situation exceptionnelle, permettant aux autorités universitaires de lui accorder une dérogation : il ne lui restait que trois crédits à obtenir pour terminer sa formation, laquelle lui avait demandé beaucoup d’efforts car il travaillait en même temps en qualité d’éducateur social.

4) a. Les RE successifs prévoient que, au cours du 2ème cycle de la formation, les étudiants qui échouent à la première évaluation d'une UF ou ne s'y présentent pas ont droit à une seconde et dernière tentative. Si la seconde évaluation est insuffisante, l’étudiant est considéré en échec. Il peut alors soit s’y réinscrire, soit s'inscrire à d'autres UF afin d'obtenir les crédits dont il a besoin (art.14.6 et 14.7 RE 2014 ; art.14.6 et 14.7 RE 2015 ; art.14.6 et 14.7 RE 2016 ).

Les art. 14.8 de ces règlements ont la teneur suivante :

« Lorsqu'une UF est échouée au terme de la deuxième évaluation, l'échec et le nombre de crédits correspondant restent inscrits dans la situation de l'étudiant jusqu'à l'obtention du diplôme et ce, même si l'UF est réussie lors d'une seconde inscription. »

b. Les règlements successifs prévoient, à leur art. 15.8, que les étudiants du deuxième cycle ne peuvent pas échouer à un nombre d'UF totalisant plus de
vingt-quatre crédits sous peine d'élimination.

Ce nombre a été diminué à douze dans le RE 2017, entré en vigueur le 18 septembre 2017, qui n’est pas applicable en l’espèce.

c. Contrairement à ce que soutient le recourant, les termes utilisés dans le règlement sont parfaitement clairs et ne permettent pas une interprétation différente que celle donnée par la faculté puis par le décanat dans la présente procédure : l'intéressé a échoué à deux reprises aux UF 7423809 et 742450, ce qui entraînait trois crédits en échec pour chacune. Le fait qu'il ait réussi ultérieurement ces UF, après s’y être réinscrit, est inapte à annuler les conséquences de ses échecs.

Dès lors, ce grief sera rejeté.

5) Aux termes de l’art. 58 al. 4 du statut (avec les modifications entrées en vigueur le 21 avril 2016), la décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté, lequel tient compte des situations exceptionnelles.

a. Selon la jurisprudence, l’admission d’une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l’égalité de traitement entre tous les étudiants s’agissant du nombre de tentatives qu’ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N’est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, ce tant d’un point de vue subjectif qu’objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l’étudiant et être en lien de causalité avec l’événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l’abus. La chambre de céans n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/994/2016 du 22 novembre 2016 consid. 3a ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/654/2012 du 25 septembre 2012).

Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche (ACOM/69/2006 du 31 juillet 2006 ; ACOM/51/2002 du 22 mai 2002), de graves problèmes de santé ou encore l’éclatement d’une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l’étudiant (ATA/977/2014 précité ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012 ; ATA/101/2012 du 21 février 2012 ; ATA/327/2009 du 30 juin 2009).

b. En l’espèce, l’appréciation du doyen ne prête pas le flanc à la critique et reste dans le cadre de la liberté d’appréciation qui appartient aux autorités universitaires. L’élimination du programme de formation, en application du règlement, n’est pas en lien de causalité avec l’échec : il en est la conséquence. Le fait de travailler en parallèle à sa formation ne constitue pas, de jurisprudence constante (ATA/599/2012 du 4 septembre 2012, par exemple), un facteur exceptionnel permettant de renoncer à l’élimination d’un programme de formation. Il en est de même de la prétendue mauvaise compréhension du règlement, dont on peine au demeurant à comprendre en quoi elle aurait un lien avec les échecs du recourant.

6) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) qui n’a pas allégué être dispensé des taxes universitaires (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2017 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Université de Genève du 3 novembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 133 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :