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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3124/2015

ATA/1257/2015 du 24.11.2015 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 13.01.2016, rendu le 18.11.2016, ADMIS, 8C_20/2016
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; GENÈVE(VILLE) ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSEIL EXÉCUTIF ; NULLITÉ
Normes : LPA.61 ; Cst.29.al2 ; Statut.4.al4 ; Statud.4.al5 ; Statut.24 ; Statut.30.al2 ; Statut.32.al2 ; Statut.34.al1 ; Statut.37 ; Statut.95 et ss ; Statut.99.al3 ; LAC.50.al5 ; Statut.106
Résumé : Nullité de la décision de licenciement prise par le conseil administratif de la Ville de Genève. Recours irrecevable. Dans la mesure où aucune délégation du conseil administratif de la Ville de Genève composée d'au moins un membre de cette autorité n'a entendu la recourante, alors même qu'elle en avait fait la demande. Les deux entretiens qu'elle a eus avec le directeur général ne sauraient valoir délégation du conseil administratif de la Ville de Genève.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3124/2015-FPUBL ATA/1257/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 novembre 2015

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1. Madame A______ a été engagée en qualité d'ingénieure informatique à la direction des systèmes d'information et de communication de la Ville de Genève (ci-après : la ville) le 1er janvier 2010, en tant qu'auxiliaire. Le 25 janvier 2012, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le Conseil administratif) l'a nommée employée, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011.

2. Le 10 septembre 2014, le Conseil administratif a ouvert une enquête administrative à l'encontre de Mme A______, en raison d'éléments susceptibles, s'ils étaient avérés, de constituer une violation grave des devoirs généraux d'un employé susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire et fonder un licenciement. Ils avaient trait, d'une part, à des informations erronées données au sujet de ses diplômes et à des propos inadéquats envers sa hiérarchie et ses collègues, et, d'autre part, à la présence de failles de sécurité dans le système informatique et à des comportements non conformes à la déontologie professionnelle. Les deux enquêteurs désignés étaient des juristes du service juridique de la ville.

3. Le 11 mai 2015, les enquêteurs ont rendu leur rapport.

Ils avaient tenu quatre audiences de comparution personnelle et procédé à l'audition de quatre témoins. Tout au long de la procédure, Mme A______ avait été assistée par une secrétaire syndicale.

Au terme de l'enquête, il apparaissait que Mme A______ semblait disposer des compétences techniques requises pour son poste. Elle avait adopté à plusieurs reprises un comportement inapproprié envers certains collègues et son supérieur hiérarchique, manqué de vigilance et de contrôle pour des plateformes informatiques avec toutefois une responsabilité partagée avec son supérieur hiérarchique, omis de signaler un conflit d'intérêts dans le cadre de l'élaboration du cahier des charge d'un appel d'offres et introduit manuellement, avec toutefois la participation de son supérieur hiérarchique, des heures en sa faveur dans le système de décompte horaire, apparemment pour compenser du travail effectué pendant un congé maternité.

4. Le 13 mai 2015, le Conseil administratif a transmis le rapport susmentionné à Mme A______ en lui impartissant un délai au 1er juin 2015 pour transmettre ses observations et solliciter une audition par une délégation dudit conseil.

5. Le 29 mai 2015, Mme A______ a adressé ses observations au sujet du rapport susmentionné au maire de la ville et au directeur général de la ville.

Elles ont été reçues le 1er juin 2015 par l'administration centrale, respectivement la direction générale.

6. Les 23 juin et 22 juillet 2015, Mme A______, accompagnée de la secrétaire syndicale, a eu des entretiens avec le directeur général. Ces séances ont été fixées par échange de courriels sans mention d'objet ou d'ordre du jour et n'ont pas donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal ou d'un compte rendu écrit. Elles ont porté sur les suites envisageables au rapport d'enquête.

7. Le 29 juillet 2015, le Conseil administratif a résilié l'engagement de Mme A______ avec effet au 30 novembre 2015 pour motif fondé.

Après avoir pris en considération ses arguments, en relevant que l'intéressée avait adressé ses observations dans le délai imparti sans solliciter d'audition, il constatait que les faits établis par le rapport d'enquête ne permettaient pas de bonne foi, la continuation des rapports de service, le lien de confiance étant définitivement rompu. Elle était libérée de son obligation de travailler jusqu'au terme du délai de congé. La décision était exécutoire nonobstant recours.

8. Par acte du 14 septembre 2015, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à ce qu'elle soit réintégrée au sein de l'administration municipale. En cas de refus de la ville, cette dernière devait être condamnée à lui verser une indemnité équivalant à vingt-quatre mois de son dernier salaire.

Elle contestait son licenciement pour les raisons qu'elle avait exposées dans ses observations du 29 mai 2015. Elle sollicitait pour le surplus l'autorisation de compléter son recours après avoir constitué un avocat si la ville maintenait sa décision nonobstant le grief essentiel qu'elle invoquait à ce stade, à savoir la violation de son droit d'être entendue pas une délégation du Conseil administratif.

Elle avait en effet demandé cette audition dans le courrier accompagnant ses observations du 29 mai 2015. Après réception de la décision de licenciement, elle avait écrit le 12 août 2015 à la maire pour lui faire part de cela, comme du fait qu'elle avait réitéré cette requête lors de l'entretien qu'elle avait eu avec le directeur général le 23 juin 2015, et réitéré sa requête en demandant dans l'intervalle le retrait de la décision de licenciement. Elle n'avait pas reçu de réponse mais avait eu un nouvel entretien informel le 7 septembre 2015 avec ce dernier, qui n'avait pas compétence pour revenir sur la décision litigieuse, de sorte qu'elle lui avait indiqué persister dans sa demande d'audition par une délégation du Conseil administratif.

9. Le 14 septembre 2015 également, le Conseil administratif a répondu au courrier de Mme A______ du 12 août 2015. L'intéressée avait été reçue par le directeur général sur délégation du Conseil administratif, bien qu'elle n'ait pas sollicité expressément son audition dans ses observations du 29 mai 2015. Elle avait eu l'occasion de s'exprimer oralement ou par écrit dans le cadre de la procédure. Dès lors, il n'entrerait pas en matière sur sa demande de retrait de décision.

10. Le 28 septembre 2015, la secrétaire syndicale s'est étonnée du contenu du courrier précité. Le 29 mai 2015, Mme A______ avait demandé à être entendue par une délégation du Conseil administratif, seule instance compétente pour décider d'un licenciement. Il s'agissait d'un droit prévu par le statut du personnel de la ville de Genève du 29 juin 2010 (ci-après : le statut - LC 21 151.30) qui ne pouvait être remplacé par une rencontre informelle avec le directeur général, sauf à instaurer un changement de pratique par une interprétation insoutenable vidant le statut de son contenu.

11. Le 7 octobre 2015, le Conseil administratif a répondu à la secrétaire syndicale. Soucieux de mettre pleinement en œuvre les dispositions statutaires consacrant le droit d'être entendu des membres du personnel de l'administration municipale, le Conseil administratif avait toujours donné suite à une demande d'audition par une délégation. Il n'y avait eu aucun changement de pratique à cet égard. Encore fallait-il qu'une audition ait été sollicitée, ce qui n'avait pas été le cas dans le dossier de Mme A______, dont les observations du 29 mai 2015 ne contenaient ni lettre d'accompagnement, ni demande d'audition par une délégation du Conseil administratif.

12. Le 15 octobre 2015, la ville s'est déterminée sur la violation du droit d'être entendue invoquée par Mme A______.

Il n'y avait eu aucune violation de ce droit. L'intéressée n'avait pas adressé de demande d'audition par une délégation du Conseil administratif dans ses observations du 29 mai 2015, auxquelles n’était pas joint de courrier de couverture. Cela était attesté par le fait que les deux exemplaires, traités par deux services, portaient le timbre de réception sur la première page, ce qui n'aurait pas été le cas s'ils avaient été des annexes à des lettres.

On pouvait se demander si la copie du courrier du 29 mai 2015 produit par Mme A______ n’avait pas été établie après coup.

Bien qu’elle n’ait pas demandé d’audition, elle avait néanmoins été reçue à deux reprises par le directeur général, sur délégation du Conseil administratif, avant que ce dernier ne statue. Dépendant directement du Conseil administratif et exerçant son autorité sur l’ensemble du personnel de la ville, il remplissait les conditions relatives à la constitution de ladite délégation.

13. Le 22 octobre 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution des parties.

a. Mme A______ a indiqué que le courrier du 29 mai 2015 avait été préparé par la secrétaire syndicale qui le lui avait adressé par messagerie électronique. Elle l’avait imprimé avant de le joindre à ses observations. Elle ne pensait pas avoir pu oublier de mettre le courrier dans les enveloppes contenant les observations car pour elle, il était important d’être entendue par une délégation du Conseil administratif. Lors de l’entretien qu’elle avait eu avec le directeur général le 22 juillet 2015, elle avait expressément indiqué être dans l’attente de son audition par une délégation du Conseil administratif, comme demandé dans son courrier. Le directeur général n’avait pas réagi. Lors de cet entretien, elle était accompagnée par la secrétaire syndicale.

b. La représentante de la ville a indiqué qu’il n’était pas exclu qu’un courrier se perde au moment de sa réception. Toutefois, dans le cas particulier, il s’agissait de deux courriers réceptionnés par deux personnes différentes dans deux services distincts concernant le même objet, de sorte qu’il était difficilement concevable que les deux exemplaires se soient perdus. Dans une procédure de résiliation des rapports de service, le Conseil administratif entendait toujours les personnes qui le souhaitaient. Il le faisait via une délégation qui ne comprenait pas nécessairement un conseiller administratif. Elle pouvait par exemple être composée du directeur général et du directeur général adjoint.

14. Le 4 novembre 2015, le juge délégué a tenu une audience d’enquêtes et de comparution personnelle des parties.

a. Entendue en qualité de témoin, la secrétaire syndicale a déclaré avoir eu l’occasion d’assister et de conseiller Mme A______ dans le cadre du litige l’opposant à la ville jusqu’au 22 octobre 2015 avant l’audience devant la chambre administrative. Ce jour-là, elle avait « passé le témoin » à l’avocat qui s’était constitué.

Elle avait accompagné Mme A______ à chaque étape de l’enquête administrative. À l’issue de celle-ci, elle avait reçu le rapport des enquêteurs et avait travaillé avec l’intéressée à l’élaboration des observations après enquêtes, ce qui avait donné lieu à beaucoup d’échanges par courriel, téléphone ou rencontres. Elles avaient décidé d’adresser des observations au maire et au directeur général, représentants de l’employeur. Elle était l’auteure du courrier de couverture qui devait accompagner les observations. Elle avait volontairement mentionné dans cette lettre la demande d’audition par une délégation du Conseil administratif et non dans les observations car elles ne constituaient pas un commentaire de l’enquête administrative. Elle n’était pas présente lorsque Mme A______ avait mis sous pli les observations.

La demande d’audition par une délégation du Conseil administratif impliquait pour elle la présence d’un ou plusieurs conseillers administratifs, surtout s’agissant d’un licenciement. Elle avait en parallèle un autre cas de collaborateur ayant sollicité une telle audition. Il avait été reçu par la maire et une autre personne.

Elle avait accompagné Mme A______ lors des entretiens avec le directeur général intervenus après que les observations aient été envoyées. Le premier avait eu lieu vers mi-juin 2015. Mme A______ avait été contactée par la secrétaire du directeur général pour en fixer la date mais n’avait pu savoir quel en serait l’objet. Lors de cet entretien, leur interlocuteur avait évoqué les derniers éléments des observations et parlé d’un éventuel arrangement qui pouvait prendre la forme d’une démission avec délai de résiliation allongé. L’éventualité d’un licenciement était implicite et elle estimait que Mme A______ comprenait l’enjeu. Elles avaient demandé à réfléchir. Les trois s’étaient rencontrés à nouveau en juillet 2015. Mme A______ avait indiqué qu’elle ne démissionnerait pas mais n’était pas opposée à une autre forme d’arrangement. Le directeur général lui avait demandé de se tenir disponible pour venir chercher un courrier à la fin du mois. Mme A______ avait relevé et répété qu’elle devait encore être entendue par le maire ou un conseiller administratif, sans qu’elle puisse maintenant préciser auquel de ces termes l’intéressée avait eu recours. Elle-même avait également indiqué que Mme A______ devait encore être entendue par le Conseil administratif. Le directeur général n’avait pas réagi.

b. Le directeur général a déclaré qu’il avait eu l’occasion d’entendre Mme A______ après que le Conseil administratif ait pris connaissance des observations du 29 mai 2015. Il souhaitait en effet obtenir quelques éclaircissements et lui-même voulait avoir des explications sur l’une des phrases finales de la détermination de l’intéressée où il était question d’un accord sur la base d’un consentement mutuel. C’était dans ce contexte qu’il avait été délégué pour entendre Mme A______. Lors de ce premier entretien, elle avait résumé ses observations et il lui avait demandé si la phrase précitée signifiait qu’elle était ouverte à un arrangement. Il avait évoqué le fait qu’il arrivait que la personne concernée remette sa démission, la ville se montrant alors souple sur le délai de résiliation. Mme A______ avait répondu que ce n’était pas à cela qu’elle pensait mais était néanmoins prête à réfléchir et avait proposé de se revoir ultérieurement. La secrétaire syndicale était présente mais était peu intervenue.

Lors du second entretien, qui avait été plus court, Mme A______, accompagnée de la secrétaire syndicale, avait indiqué qu’elle n’entrait pas en matière sur un arrangement ou une démission, estimant que sa cause était juste. Il avait demandé à Mme A______ de se tenir disponible pour venir, cas échéant, chercher le courrier de licenciement du Conseil administratif si celui-ci prenait cette décision, car il souhaitait le lui remettre en mains propres. À l’issue de l’entretien, il avait fait rapport au Conseil administratif qui en avait discuté à sa séance suivante et avait décidé de maintenir le licenciement.

Lors de second entretien mais peut-être aussi lors du premier, tant Mme A______ que la secrétaire syndicale avaient évoqué la question de l’audition de l’intéressée par un membre du Conseil administratif, lui-même n’ayant pas la compétence de licencier. Il n’avait effectivement pas cette compétence mais un conseiller administratif seul non plus et comme haut fonctionnaire de la ville, il avait une délégation permanente pour recevoir les gens. Dans le cadre de celle-ci, il lui arrivait souvent d’entendre des personnes demandant à être entendue par une délégation du Conseil administratif dans le cadre d’une procédure de licenciement.

c. À l’issue de l’audience, le juge délégué a imparti un délai au 17 novembre 2015 pour se déterminer sur la seule question du respect du droit d’être entendu de Mme A______ suite à sa demande d’audition par une délégation du Conseil administratif, après quoi un arrêt serait rendu à ce sujet.

15. Le 17 novembre 2015, les parties ont transmis leurs observations.

a. Mme A______ a persisté dans ses conclusions. Dans la mesure où le directeur général avait confirmé que l’audition par une délégation du Conseil administratif avait été évoquée lors de leurs entretiens, il n’était plus nécessaire d’instruire plus avant la question de la réception de la lettre du 29 mai 2015. Seule demeurait la question de la portée de la disposition du statut prévoyant le droit pour une personne licenciée de demander son audition par une délégation du Conseil administratif. Elle ne pouvait se comprendre que comme le droit à une audition par un délégation formée d’un ou plusieurs membres de cette autorité qui avait un place centrale dans le mécanisme réglementaire prévu pour les membres du personnel municipal. Elle offrait en effet la possibilité à l’autorité chargée de statuer de rencontrer et d’entendre sans intermédiaire la personne dont le licenciement était envisagé.

b. La ville a persisté dans ses conclusions et son argumentation. Le statut ne prévoyait pas de composition particulière pour la délégation, de sorte qu’elle pouvait ne comprendre qu’une seule personne. En outre, le Conseil administratif avait la faculté de déléguer son pouvoir de représentation. Dans le cas d’une demande d’audition dans le cadre d’une procédure de licenciement, le droit d’être entendu était respecté si le ou les délégataires faisaient partie de la haute hiérarchie administrative, ce qui avait été le cas en l’espèce. Mme A______ avait pu exercer largement son droit d’être entendue tout au long de la procédure.

16. Sur quoi, après transmission des observations précitées, la cause a été gardée à juger sur partie.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Le pouvoir d’examen de la chambre administrative est limité à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. let. a LPA). Sauf exception prévue par la loi, la chambre de céans ne peut pas revoir l’opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

b. Les communes disposent d’une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents. Cela ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, elle est notamment liée par les critères qui découlent du sens et du but de la réglementation applicable (ATA/185/2011 du 22 mars 2011 consid. 8a et b et les références citées).

3. Engagée le 1er janvier 2010 en qualité d'auxiliaire, puis d'employée dès le 1er janvier 2011, la recourante est soumise aux dispositions du statut.

4. La recourante invoque en premier lieu une violation de son droit d’être entendu dès lors qu'il n'a pas été donné suite à sa demande d'audition orale par une délégation du Conseil administratif.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; ATA/918/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3 et les références citées). En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 précité consid. 3.2 p. 494 ; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 ss ; ATA/918/2014 précité). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b p. 274 ; ATA/918/2014 précité). En matière de rapports de travail de droit public, des occasions relativement informelles de s’exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d’être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu’une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (arrêts du Tribunal fédéral 1C_560/2008 du 6 avril 2009 consid. 2.2 ; ATA/918/2014 précité). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais également savoir qu’une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêts du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 21 juin 2011 consid. 4.3 ; ATA/918/2014 précité).

b. Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle, mais annulable (arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a ; ATA/918/2014 précité ; ATA/195/2014 du 1er avril 2014 consid. 5). La violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; ATA/918/2014 précité).

c. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 132 II 21 consid. 3.1 ; 130 II 249 consid. 2.4 p. 257 ; ATA/312/2015 du 31 mars 2015 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 908 ss). Des vices de procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité (arrêt de Tribunal fédéral 8C_861/2012 du 20 août 2013 consid 5.2 et les arrêts cités).

La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, est possible lorsque l’autorité de recours dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure, y compris si la question relève de l'opportunité (ATA/918/2014 précité ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.7.3 p. 324). En effet, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/735/2013 précité).

5. a. Selon l’art. 4 al. 4 du statut, le Conseil administratif exerce les fonctions d’employeur, notamment en ce qui concerne l’engagement et la résiliation des rapports de service. Il peut, par règlement, déléguer ses compétences d’employeur, sauf dans les cas où le statut prévoit qu’il lui appartient de statuer (art. 4 al. 5 statut). Il nomme les employées et employés, compétence qu’il peut déléguer à l’un de ses membres (art. 24 statut). La résiliation des rapports de service fait, en toute hypothèse, l’objet d’une décision motivée du Conseil administratif (art. 30 al. 2, 32 al. 2 et 34 al. 1 statut). Le statut ne prévoit pas que cette compétence ne puisse être déléguée. La procédure de licenciement est régie par les art. 96 et suivants du statut et la LPA (art. 37 statut).

b. Les art. 95 et suivants du statut ont trait aux décisions concernant les membres du personnel. Ces derniers ont la possibilité de s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l’appui de la décision. Ils ont également droit à une audition orale devant l’autorité compétente pour prendre la décision, ou une délégation de celle-ci s’il s’agit du Conseil administratif, avec le droit de se faire assister (art. 96 al. 2 statut). Ce droit à une audition orale par une délégation du Conseil administratif est rappelée à l’art. 99 al. 3 du statut réglant plus précisément la procédure en cas de licenciement.

6. La question de savoir si la recourante a, comme elle le soutient, joint à ses observations du 29 mai 2015 le courrier de couverture sollicitant son audition par une délégation du Conseil administratif qui, selon l’intimée, ne figurait dans aucune des deux enveloppes reçues par des services différents, souffrira de demeurer irrésolue dès lors que les déclarations convergentes de la recourante, de la secrétaire syndicale et du directeur général font état de cette demande lors des entretiens des 23 juin et 22 juillet 2015, soit avant la résiliation des rapports de service du 29 juillet 2015. Il faut ainsi retenir qu’elle a été valablement formulée en temps utile.

7. Les parties divergent sur la composition possible de la délégation du Conseil administratif, la recourante soutenant qu’elle doit comprendre un ou plusieurs membres de ce conseil et l’intimée estimant qu’elle peut n’être composée que du directeur général, au bénéfice d’une délégation générale de représentation du Conseil administratif.

a. La chambre de céans a été amenée à examiner cette question dans deux cas d’espèce soumis à l’ancien statut applicable au personnel de l’administration municipale (ci-après : SPAM), lequel prévoyait la possibilité de demander une audition par une délégation du Conseil administratif en cas de licenciement après la période d’essai.

Dans l’ATA/836/2010 du 30 novembre 2010, elle a jugé que le Conseil administratif pouvant, pour des cas précis, déléguer ses compétences de représentation, conformément à l’art. 50 al. 5 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC – B 6 05) et que le SPAM n’indiquant pas quelle devait être la composition de la délégation, celle-ci pouvait ne comprendre qu’un membre du Conseil administratif dans sa composition. Dans l’ATA/185/2011 précité, elle a admis que l’obligation d’audition n’impliquait pas que ce dernier doive procéder dans tous les cas à une audition directe de la personne concernée. Il pouvait déléguer cette faculté à un membre de la haute hiérarchie se distinguant des personnes ayant participé à la prise de décision litigieuse. Dans ces deux espèces, les personnes intéressées avaient été formellement informées par courrier du Conseil administratif de la composition de la délégation qui allait les entendre.

b. La jurisprudence – au demeurant isolée – de l’ATA/185/2011 ne peut toutefois être confirmée au vu de l’évolution du rôle de l’employeur conféré au Conseil administratif par le statut et de la portée du droit d’être entendu offert aux membres du personnel.

Dans l’exposé des motifs à l’appui du projet de nouveau statut, le Conseil administratif, qui a été le moteur de la révision du SPAM, précise qu'il a voulu ancrer dans le nouveau statut les instruments modernes de gestion du personnel, reconnaître les besoins actuels de protection de celui-ci et promouvoir le dialogue social. Le statut impose des devoirs accrus pour le Conseil administratif dans son rôle d’employeur. Il « introduit expressément un droit à une audition orale à tous les niveaux. Pour les décisions prises par une autorité subordonnée au Conseil administratif, quelle que soit leur importance, les membres du personnel auront donc deux fois droit à une audition s’ils le demandent : d’abord devant l’autorité compétente pour rendre la décision, ensuite devant une délégation du Conseil administratif. Pour les décisions prises par le Conseil administratif, les intéressés auront toujours droit à une audition orale devant une délégation de celui-ci. En matière de droit d’être entendu, les membres du personnel bénéficieront ainsi d’une protection sans équivalent en Suisse » (mémorial du conseil municipal de la ville de Genève du 14 octobre 2009, PR-749 p. 3 et 15).

Alors que le système mis en place prévoit un double degré d’audition orale pour des décisions de moindre importance, un seul est possible en cas de licenciement, soit l’une des décisions les plus importantes dans le cadre des rapports entre employeurs et employés. Cette décision comporte par ailleurs une part d’appréciation en opportunité et la discussion peut dès lors être orientée vers des aspects que la personne concernée ne pourra ou ne voudra évoquer que devant un ou des membres de l’autorité compétente. Dans ce contexte, il est conforme à la logique du système mis en place sous l'impulsion du Conseil administratif lui-même que ce dernier soit directement partie prenante lors de l’audition orale de l’employé, non pas in corpore, mais à travers la présence d’un ou plusieurs de ses membres dans la délégation prévue par le statut. Eu égard à la teneur de l’art. 50 al. 5 LAC, la mention d’une audition par une délégation du Conseil administratif n’aurait d’ailleurs aucune portée s’il fallait la comprendre comme lui permettant de déléguer ses pouvoirs de représentation.

Ainsi, la recourante devait être entendue par une délégation du Conseil administratif composée d’au moins un membre de cette autorité. Les deux entretiens qu’elle a eus avec le directeur général ne peuvent en tenir lieu, ce d’autant moins qu’ils n’ont jamais été annoncés ni présentés comme ayant cette portée avant la procédure devant la chambre de céans. Cela ressort en particulier de l’échange de correspondances des 28 septembre et 7 octobre 2015 entre la secrétaire syndicale et la ville. Le droit d’être entendue de la recourante a donc été violé.

8. S’agissant d’un droit procédural essentiel de l’employé dans le système mis en place par la ville, cette violation doit être qualifiée de grave. Elle était reconnaissable sitôt identifiée dans le cours des entretiens ayant précédés la décision querellée. En outre, le Conseil administratif était à même d’y remédier en organisant l’audition sollicitée avant de rendre la décision querellée, voire en retirant celle-ci comme le lui a demandé la recourante le 12 août 2015 et en procédant à l’audition sollicitée avant de rendre une nouvelle décision, quelle qu’elle soit.

Par ailleurs, en matière de licenciement d’un membre du personnel de la ville, la chambre administrative ne dispose pas du même pouvoir d’examen que le Conseil administratif. Elle ne peut revoir l’opportunité de la décision. En outre, si elle juge le licenciement contraire au droit, elle ne peut en principe que proposer la réintégration de l’employé, l'autorité n'ayant pas l'obligation de l'accepter. Est alors ouverte la seule voie de l'indemnisation. L’annulation de la décision avec ordre de réintégration n’est possible qu'exceptionnellement si le licenciement est abusif au sens de l’art. 336 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations – CO – RS 220) ou des art. 3 et 10 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985 (LEg – RS 151.1) ou alors qu’il n’existe pas de juste motif (art. 106 statut). Ainsi, la recourante ne peut faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse. Dès lors, la violation du droit d'être entendue de la recourante ne peut être réparée devant la chambre de céans.

Seule la nullité de la décision querellée entre ainsi en ligne de compte. La sécurité du droit n’en souffrira pas sérieusement dès lors que l’échéance des rapports de service est fixée au 30 novembre 2015, de sorte que ceux-ci existent encore au moment où la chambre statue.

9. La nullité de la décision querellée sera donc constatée. En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 précité consid. 1.2 ; ATA/312/2015 précité). Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

10. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA).

Vu la nullité de la décision attaquée et les actes d'instruction effectués, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 29 juillet 2015 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 14 septembre 2015 par Madame A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 29 juillet 2015 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :