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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1286/2008

ATA/790/2013 du 03.12.2013 sur JTAPI/827/2013 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 29.01.2014, rendu le 25.02.2014, RETIRE, 2C_95/2014, 2C_96/2014
Descripteurs : ; DOMICILE FISCAL(DOUBLE IMPOSITION) ; DOUBLE IMPOSITION ; DOUBLE IMPOSITION INTERNATIONALE ; OBJET DU LITIGE ; PRESCRIPTION
Normes : CDI-F.4.ch2 ; CDI-F.27 ; LIFD.3 ; aLCP.2.ch1 ; aLCP.369
Résumé : Définition de l'objet du litige. Double imposition entre la France et la Suisse entre 1995 et 1997. Les contribuables n'ont jamais contesté leur domicile fiscal à Genève jusqu'au moment où un arrêt français de mars 2008 confirme leur imposition en France, suite à l'ouverture d'une enquête pénale française à l'encontre de la société, dans laquelle le contribuable occupait une fonction dirigeante. Au regard du droit suisse, les contribuables ont leur centre d'intérêts à Genève et sont assujettis de manière illimitée aux impôts suisses sur le revenu et la fortune. Ils ont également, en application de l'art. 4 ch. 2 let. a CDI-F, le centre des intérêts vitaux à Genève. Domicile fiscal et imposition à Genève confirmés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1286/2008-ICC ATA/790/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Madame G______ et Monsieur G______
représentés par Me Michel Halpérin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 juillet 2013 (JTAPI/827/2013)


EN FAIT

1) Madame G______ et Monsieur G______ (ci-après : les contribuables), époux, nés en 1927, disposent tous deux de la seule nationalité française. Ils sont arrivés de France à Genève le 14 novembre 1991. Ils ont bénéficié d'une autorisation de séjour (permis B) dès le 17 décembre, respectivement le 15 novembre 1991, puis d'un permis d'établissement (permis C) entre le 3 décembre 1996 et le 4 janvier 2009, date à laquelle ils ont annoncé leur départ pour Paris à l'office cantonal de la population (ci-après : OCP).

2) Avant son arrivée à Genève, M. G______ travaillait pour la société française X______. En 1991, il a été muté à la Société Y______, société suisse basée à Genève. Il a été administrateur et président de la société suisse Z______ S.A. jusqu'en mars 1997 et président d'une autre société suisse, A______, jusqu'en juillet 1994.

3) Les contribuables ont rempli leurs déclarations fiscales suisses pour personnes physiques pour les périodes fiscales de 1993 à 1998 en indiquant leur adresse genevoise. Les bordereaux de taxation pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) y relatifs leur ont été envoyés à cette adresse et n'ont pas été contestés.

4) En raison de ses fonctions au sein du groupe pétrolier X______, M. G______ a été impliqué dans une enquête pénale menée par les autorités françaises à l'encontre dudit groupe. Ces dernières ont établi des relations entre l'intéressé et différents comptes bancaires.

De ce fait, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a, par lettre du 12 novembre 1998, informé les contribuables de l'ouverture de la procédure de vérification de leurs déclarations fiscales pour l'ICC et l'IFD des années 1993 à 1998. Elle leur a demandé de produire plusieurs documents et leur a annoncé la modification de leur déclaration fiscale 1993.

Entre le 10 novembre 1999 et le 11 mai 2000, les contribuables et l'AFC-GE ont échangé des courriers au sujet de demandes de documents et d'explications.

5) Suite à la procédure de vérification, l'AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux d'impôts portant sur des rappels d'impôts et des amendes pour les périodes fiscales de 1993 à 1998. Le montant des amendes a été fixé à 1/3 des impôts éludés, malgré les circonstances aggravantes, pour tenir compte de la situation personnelle actuelle des recourants. Ces bordereaux ont tous été contestés.

Dans aucune de ces réclamations, les intéressés n'ont remis en cause leur assujettissement aux impôts genevois, ni leur domicile genevois.

Le tableau ci-dessous indique, pour chaque bordereau, leur motif ainsi que les dates de leur notification et celles des réclamations qui les ont suivis.

Bordereau - Impôt

Motif du bordereau

Notification du bordereau

Date de la réclamation

ICC 1993 - Rectificatif

supplément d'impôts

8 décembre 1998

6 janvier 1999

ICC 1994 - Rectificatif

supplément d'impôts

13 décembre 1999

29 décembre 1999

ICC 1995 - Rectificatif

supplément d'impôts

6 décembre 2000

8 décembre 2000

ICC 1996 - Rectificatif

supplément d'impôts

29 novembre 2001

18 décembre 2001

ICC 1997 - Rappel d'impôt

supplément d'impôts

26 novembre 2002

28 novembre 2002

ICC 1998 - Rappel d'impôt

supplément d'impôts

25 juillet 2003

12 août 2003

IFD 1995-1996 -

Rappel d'impôts

supplément d'impôts

25 juillet 2003

12 août 2003

IFD 1997-1998 -

Rappel d'impôts

supplément d'impôts

25 juillet 2003

12 août 2003

ICC - Amende

omission d'éléments imposables

25 juillet 2003

12 août 2003

IFD - Amende

omission d'éléments imposables

25 juillet 2003

12 août 2003

 

Quant au tableau ci-dessous, il indique les montants dus par les contribuables pour les années fiscales précitées ainsi que le montant des amendes ICC et IFD.

Période Supplément de l'impôt Intérêts de retard

fiscale ICC

 

 

 

1993

CHF 185'987.90

CHF 46'497.-

1994

CHF 1'756'281.10

CHF 370'831.45

1995

CHF 1'852'126.90

CHF 343'260.85

1996

CHF 1'610'208.20

CHF 285'912.60

1997

CHF 2'052'786.75

CHF 357'298.95

1998

CHF 2'027'160.75

CHF 325'809.80

Amende

CHF 3'099'500.-

 

 

 

IFD

 

 

1995-1996

CHF 1'455'302.-

CHF 378'418.95

1997-1998

CHF 2'456'745.-

CHF 495'682.45

Amende

CHF 977'600.-

 

 

 

6) Suite à la notification des redressements fiscaux français relatifs à l'année 1995, les époux G______ ont formulé des observations le 12 janvier 1999.

7) Le 26 mai 1999, les contribuables ont reçu un avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle émis par la direction nationale française des vérifications de situations fiscales (ci-après : l'administration fiscale française) pour les années 1995 à 1997.

8) Le 17 décembre 1999, l'administration fiscale française a répondu aux observations des contribuables du 12 janvier 1999.

M. et Mme G______ contestaient avoir leur résidence fiscale en France et invoquaient être intégralement soumis à l'impôt en Suisse, où M. G______ exerçait une activité professionnelle. Dans cette réponse, l'administration fiscale française énumérait les éléments de fait attestant du domicile fiscal des contribuables en France. Elle maintenait sa position pour les années 1995 à 1997, malgré la lettre de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 3 novembre 1999. Cette dernière confirmait le domicile des contribuables en Suisse au sens de l'art. 4 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale (avec protocole additionnel) (CDI-F - RS 0.672.934.91).

9) Le 6 juillet 2001, les contribuables ont demandé à l'AFC-CH l'ouverture de la procédure amiable prévue par l'art. 27 CDI-F afin de résoudre le conflit d'imposition entre la France et la Suisse. Contrairement à l'avis des autorités françaises, les recourants se considéraient domiciliés et imposables en Suisse. Ils avaient contesté les décisions d'imposition françaises en saisissant le Tribunal administratif de Paris (ci-après : TA-Paris) en avril 2001.

Le 3 septembre 2001, l'AFC-CH a en vain sollicité un complément d'information de la part des recourants.

10) Par décision sur réclamation du 13 mars 2008, l'AFC-GE a modifié en faveur des contribuables les bordereaux « rappel d'impôt » pour l'ICC 1994, 1997 et 1998 ainsi que le bordereau « amende » y relatif.

Par une autre décision sur réclamation du même jour, l'AFC-GE a modifié en faveur des contribuables les bordereaux « rappel d'impôt » pour l'IFD 1995-1996 et 1997-1998 ainsi que le bordereau « amende » y relatif.

Aucune de ces décisions ne s'est prononcée sur la question du domicile des contribuables, celui-ci n'ayant pas été remis en cause. L'ensemble de ces décisions reposait sur la découverte de divers comptes non déclarés dans le cadre de la procédure pénale. La correction des sommes réclamées à titre d'impôts dus tenait notamment compte des rétrocessions de commissions usuelles dans le monde pétrolier.

La quotité de l'amende IFD était maintenue et le montant de celle-ci recalculé sur la base des taxations rectifiées. Quant à l'amende ICC, sa quotité était réduite, malgré les circonstances aggravantes, à 1/10 des impôts éludés en application du principe du droit le plus favorable. En réduisant de cette manière la quotité de l'amende, il avait été tenu compte de la situation personnelle et de l'âge avancé des recourants, ainsi que du temps qui s'était écoulé depuis les faits incriminés.

Les bordereaux rectifiés se présentaient comme suit :

Période fiscale Supplément de l'impôt Intérêts de retard

ICC

 

 

1994

CHF 933'276.05

CHF 197'057.35

1997

CHF 771'433.45

CHF 134'272.30

1998

CHF 1'724'007.75

CHF 277'086.35

Amende

CHF 707'700.-

 

IFD

 

 

1995-1996

CHF 1'274'039.-

CHF 331'285.55

1997-1998

CHF 1'196'000.-

CHF 241'309.60

Amende

CHF 823'300.-

 

 

11) Le 17 mars 2008, le TA-Paris a jugé que M. G______ était fiscalement domicilié en France pendant les années 1995 à 1997, tant au regard de la législation française que de l'art. 4 CDI-F. Il avait son foyer d'habitation permanent en France où vivait son épouse. Il n'avait pas établi, ni même allégué, avoir aussi disposé d'un foyer d'habitation permanent en Suisse. L'appréciation de l'administration suisse sur le lieu de la résidence fiscale du contribuable n'était pas pertinente.

12) Par deux actes séparés datés du 14 avril 2008, les contribuables ont interjeté recours contre les deux décisions sur réclamation auprès de l'ancienne commission cantonale de recours en matière d'IFD, respectivement auprès de celle en matière d'ICC. Ces deux dernières ont été regroupées, dès le 1er janvier 2009, au sein de l'ancienne commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Les contribuables ont principalement conclu à l'annulation des décisions sur réclamation de l'AFC-GE. Préalablement, ils ont requis la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la question de leur domicile fiscal.

Les recourants invoquaient pour la première fois devant les autorités suisses la question de leur domicile fiscal suite à la procédure fiscale ouverte par les autorités françaises en mai 1999. Ils avaient reçu, le 26 mai 1999, un avis d'examen contradictoire de l'administration fiscale française. Ce dernier visait l'imposition de M. G______ en France pendant les années 1995 à 1997. Les contribuables avaient soutenu, devant les autorités fiscales françaises, être fiscalement domiciliés en Suisse, notamment en produisant une attestation des autorités fiscales suisses. Le 6 juillet 2001, ils avaient, sans succès, sollicité l'intervention de l'AFC-CH auprès des autorités françaises vu que ces dernières persistaient à les considérer résidents fiscaux français. Le 17 mars 2008, le TA-Paris avait confirmé que M. G______ avait son domicile fiscal en France entre 1995 et 1997. La procédure judiciaire française sur ce point était encore en cours car il avait interjeté un recours contre cette dernière décision. Les contribuables allaient à nouveau s'adresser à l'AFC-CH pour régler cette question. Ils demandaient au TAPI de suspendre la procédure au motif que, si le domicile fiscal de M. G______ en France était confirmé, il ne pourrait pas être aussi imposé en Suisse.

13) Le 19 mai 2009, les contribuables ont à nouveau sollicité auprès de l'AFC-CH l'ouverture de la procédure amiable prévue par l'art. 27 CDI-F pour éviter une double imposition entre la Suisse et la France.

Ils démontraient de manière détaillée que leur centre de vie et leur domicile se trouvaient à Genève depuis leur arrivée en 1991. A cet effet, ils s'appuyaient sur l'ensemble des formalités entreprises auprès des autorités suisses et françaises annonçant leur départ de France pour Genève, sur la qualité et le loyer mensuel élevé de leur appartement genevois, les importants travaux de rénovations effectués dans ledit appartement afin d'en rehausser la valeur ainsi que de menus travaux d'entretien, les factures d'entretien de leur appartement payées pendant de nombreuses années, le raccordement à une centrale de réception d'alarme dudit appartement, la conclusion d'un abonnement au téléréseau, les factures de fourniture d'énergie et de télécommunications, leur couverture obligatoire à l'assurance maladie et accident ainsi que l'assurance-ménage de l'appartement. De plus, M. G______ se faisait soigner à Genève, y faisait ses achats, était membre de certaines institutions genevoises et y percevait sa retraite. Ces éléments étaient confirmés par pièces jointes. Etait également produite une attestation de l'assistante du contribuable, qui confirmait la présence de ce dernier à Genève, hormis les déplacements professionnels à l'étranger et les séjours de vacances.

14) Le 26 mai 2009, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

15) Le 16 juin 2009, les recourants ont maintenu leur position et joint leur lettre du 19 mai 2009 adressée à l'AFC-CH.

16) Le 15 octobre 2009, l'AFC-CH a demandé aux recourants des compléments d'information et la production de documents attestant que leur domicile fiscal se trouvait à Genève.

17) Le 2 novembre 2009, le TA-Paris a considéré que M. G______ était fiscalement domicilié en France pour les années 2000 et 2001.

18) Le 17 novembre 2009, l'administration fiscale française a approuvé les conditions de la transaction passée avec les contribuables le 12 novembre 2009. Cette dernière portait sur le règlement des impôts français dus pour les années 1995 à 1997 notamment. Il se montait à une somme totale de EUR 17'197'455.-.

19) L'AFC-GE s'est opposée, le 10 décembre 2009, à la demande de suspension de l'instruction de la procédure sollicitée par les contribuables.

20) Le 5 février 2010, les contribuables ont demandé à l'AFC-GE d'annuler, faute de fondement, tant les bordereaux ordinaires de taxation ICC et IFD des années 1993 à 2009 que les bordereaux ICC et IFD faisant l'objet de la procédure devant le TAPI. Ils ont également sollicité la restitution des montants d'impôts dont ils s'étaient acquittés pour les années 1993 à 2009.

En effet, bien qu'ils crussent être devenus contribuables genevois lors de leur installation à Genève, les autorités fiscales françaises n'admettaient pas ce point de vue. Ces dernières considéraient que leur domicile fiscal se trouvait en France. Cette position était attestée par les deux décisions du TA-Paris du 17 mars 2008 respectivement du 2 novembre 2009, la réponse de l'administration fiscale française du 17 décembre 1999, la lettre de cette dernière du 17 novembre 2009 accompagnée du contrat de transaction passée entre les autorités françaises et les contribuables le 12 novembre 2009, ainsi que les avis d'imposition français relatifs aux années 1995, 1996, 1997, 2000 et 2001.

21) Le 5 février 2010, les recourants ont transmis leur détermination au TAPI, renvoyant à la lettre du même jour qu'ils adressaient à l'AFC-GE. Ils avaient sollicité une prise de position de cette dernière sur le maintien des bordereaux litigieux. Dans l'affirmative, ils concluaient à l'annulation desdits bordereaux au motif qu'ils étaient fiscalement domiciliés en France.

22) Le 9 février 2010, les recourants ont écrit à l'AFC-CH pour interrompre la procédure amiable engagée en vertu de l'art. 27 CDI-F. En dépit des apparences, leur centre de vie et leur domicile fiscal devaient être situés à Paris, et non à Genève, depuis plusieurs années.

23) Le 30 août 2010, l'AFC-GE a maintenu sa position.

24) Le 28 mars 2011, l'AFC-GE a transmis son dossier au TAPI.

25) Le même jour, les recourants ont proposé à l'AFC-GE de régler le litige d'un commun accord.

26) Par jugement du 11 juillet 2011, le TAPI a joint et rejeté les recours des contribuables portant sur l'IFD et l'ICC des années 1993 à 1998. Il a siégé dans une composition comprenant un juge de carrière et deux juges assesseurs, dont Monsieur S______.

Genève était le foyer d'habitation permanent et le centre des intérêts vitaux des contribuables entre 1993 et 1998. Dès 1991, ces derniers avaient entrepris toutes les démarches pour être domiciliés à Genève. En 1996, ils avaient demandé la transformation de leur permis de séjour en permis d'établissement. Ils avaient régulièrement rempli leurs déclarations d'impôts en mentionnant Genève comme lieu de domicile. Les contribuables ne contestaient pas cette donnée, mais invoquaient la décision des autorités françaises les considérant domiciliés à Paris. Or, le domicile effectif était déterminant, contrairement à la décision française qui ne liait pas le TAPI. De plus, il ressortait de la décision française que les intéressés ne s'étaient pas prévalus de leur domicile suisse. Les contribuables étaient dès lors soumis à un assujettissement illimité à Genève pour la période concernée par la procédure de rappel d'impôt. Confrontés à une double imposition, ils devaient entreprendre la procédure prévue à l'art. 27 CDI-F auprès de l'autorité compétente.

27) Par acte posté le 12 août 2011, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à l'annulation du jugement précité du TAPI et des décisions de l'AFC-GE pour les années 1993 à 1998.

Comme cela ressortait de la réponse de l'administration fiscale française du 17 décembre 1999, le centre des intérêts vitaux des contribuables et leur domicile étaient à Paris pendant la période litigieuse. Ils n'étaient dès lors pas soumis aux impôts suisses. Ils s'étaient considérés contribuables genevois, alors qu'ils partageaient leur vie entre Paris et Genève.

28) Par courrier du 17 août 2011, le TAPI a transmis le dossier à la chambre administrative, sans observations.

29) Le 30 septembre 2011, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours du 12 août 2011.

Les éléments de la réponse de l'administration fiscale française du 17 décembre 1999 étaient similaires à ceux invoqués par les contribuables dans leur lettre du 19 mai 2009 adressée à l'AFC-CH pour demander l'ouverture de la procédure prévue à l'art. 27 CDI-F. Les éléments de cette lettre tendaient à démontrer leur domicile fiscal à Genève, contrairement à leur recours. Sur la base de ces éléments, ils occupaient de manière effective leur appartement genevois et y avaient leur centre des intérêts vitaux.

De plus, ils avaient entrepris toutes les démarches nécessaires, avant de quitter la France, pour transférer leur domicile à l'étranger : information aux autorités fiscales françaises, paiement de l'impôt correspondant aux revenus perçus à la date du départ à l'étranger et obtention du « quitus fiscal ». L'extrait de l'OCP attestait de leur résidence ininterrompue de 1991 à 2009. Ils avaient annoncé leur arrivée à Genève aux autorités consulaires françaises en janvier 1992. Depuis lors, leur domicile genevois figurait dans leurs documents d'identité. Le changement de position des contribuables quant à leur domicile résultait des décisions françaises qui retenaient le domicile français et les imposaient en France. Par conséquent, dès le début, ils avaient eu l'intention de s'établir à Genève et d'en faire leur centre d'intérêts.

30) Le 31 octobre 2011, les contribuables ont maintenu leur position.

31) Le 6 juillet 2012, le juge délégué leur a demandé des compléments d'information.

Ce même jour, le juge délégué a également sollicité de l'AFC-CH des précisions sur l'issue de la requête du 6 juillet 2001 déposée auprès d'elle par les contribuables.

32) Le 12 juillet 2012, l'AFC-CH a expliqué ne pas avoir donné suite à leurs requêtes de 2001 et de 2009, faute d'éléments de fait suffisants.

Les contribuables n'avaient pas donné suite à ses demandes de compléments d'information des 3 septembre 2001 et 15 octobre 2009. Le 9 février 2010, ils l'avaient informée que leur centre de vie et leur domicile étaient à Paris depuis de nombreuses années et avaient retiré leur demande de procédure amiable.

33) Le 20 août 2012, les contribuables ont répondu au juge délégué.

Ils étaient uniquement de nationalité française. M. G______ avait été président de la société jusqu'en mars 1997. En 1993, 1994 et 1998, ils n'avaient pas été soumis à l'impôt sur le revenu et la fortune en France. Ils joignaient leurs avis d'imposition français pour les années 1995 à 1997. Ceux-ci avaient donné lieu à la transaction du 12 novembre 2009 conclue entre eux et les autorités fiscales françaises, qui limitait la somme des montants dus à titre d'impôts. Cette somme avait été réglée par le produit de la vente de la propriété de M. G______ en Corse, sans fournir de pièce justificative à cet égard.

34) Le 30 août 2012, l'AFC-CH s'est déterminée sur les observations des contribuables du 20 août 2012. La démarche d'imposition des contribuables pour les années 1995 à 1997 par les autorités fiscales françaises résultait d'une reconsidération des éléments de faits à leur disposition dans le cadre d'un réexamen de leur situation effectué en 1999, et non d'un oubli.

35) Le 31 août 2012, l'AFC-GE a maintenu sa position.

36) Le 14 septembre 2012, les contribuables ont renoncé à se déterminer sur les courriers des 30 et 31 août 2012 des administrations fiscales fédérale et genevoise et ont persisté dans leurs conclusions.

37) Le 11 février 2013, la présidente du conseil supérieur de la magistrature a informé les juges de la chambre administrative que M. S______, juge assesseur auprès du TAPI, siégeant dans les affaires fiscales, était domicilié dans le canton de Vaud depuis le mois de septembre 2010 de sorte que, dès cette date, il ne remplissait plus les conditions d'éligibilité.

38) Par arrêt du 5 mars 2013 (ATA/132/2013), la chambre administrative a partiellement admis le recours des contribuables du 12 août 2011, annulé le jugement du TAPI du 11 juillet 2011 et renvoyé la cause à ce dernier pour qu'il rende un nouveau jugement dans une composition régulière.

En effet, le 11 juillet 2011, M. S______ avait siégé en tant que juge assesseur dans le jugement querellé du TAPI, alors qu'il ne remplissait plus la condition d'éligibilité prévue à l'art. 5 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Domicilié dans le canton de Vaud depuis septembre 2010, il n'avait alors plus l'exercice des droits politiques à Genève et n'aurait pas dû participer à la délibération. Le TAPI avait ainsi siégé dans une composition irrégulière.

39) Le 5 juillet 2013, le TAPI, statuant dans une nouvelle composition, a rendu un nouveau jugement au sujet des recours des contribuables du 14 avril 2008. Ceux-ci portaient sur les rappels d'impôts relatifs à l'IFD 1995-1996 et à l'IFD 1997-1998, les rappels d'impôts afférents à l'ICC 1993 à 1998 ainsi que les amendes IFD et ICC concernant ces périodes fiscales. Il a joint les recours et les a partiellement admis.

Le TAPI annulait les rappels d'impôts IFD 1995 à 1997. Le droit de procéder au rappel de l'impôt s'éteignait, de manière définitive, quinze ans après la fin de la période fiscale considérée, soit fin 2012. Il annulait également l'amende relative à l'IFD 1995 à 1997. Cette dernière était atteinte par la prescription absolue prévue à l'art. 184 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), appliquée au titre de lex mitior. Cette disposition exigeait que la procédure pour soustraction soit achevée par une décision entrée en force au plus tard quinze ans à compter de la période fiscale en cause. Par contre, le rappel d'impôt IFD 1998 et l'amende y relative n'étaient pas prescrits et étaient confirmés.

S'agissant des rappels d'impôts ICC 1993 à 1998, ils étaient confirmés. Le droit de taxer n'était pas prescrit au moment de l'ouverture de la procédure de vérification relative à ces années, survenue le 12 novembre 1998. Les créances fiscales n'avaient pas été atteintes par la prescription relative, interrompue à plusieurs reprises et à chaque fois en temps utile. L'ancien droit ne prévoyait pas de prescription absolue, contrairement à la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), entrée en vigueur le 1er janvier 2002. En l'espèce, le délai de quinze ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle la taxation était entrée en force (art. 61 al. 3 LPFisc), n'était pas échu. Par contre, l'amende relative à l'ICC 1993 à 1998 était atteinte par le délai de prescription absolue de dix ans dès la commission de la dernière infraction, découlant de la jurisprudence genevoise.

Quant à la question du domicile fiscal et l'assujettissement illimité, le TAPI reprenait l'argumentation développée dans son jugement du 11 juillet 2011. Les contribuables disposaient, entre 1993 et 1998, d'un foyer d'habitation permanent à Genève, lieu avec lequel les relations personnelles étaient les plus étroites et où se situait le centre de leurs intérêts vitaux. Ils y étaient dès lors imposables sur la base d'un assujettissement illimité. Vu la double imposition à laquelle ce constat aboutissait, le TAPI invitait les recourants à entreprendre, auprès de l'autorité compétente, la procédure prévue à l'art. 27 de la CDI-F.

40) Par acte posté le 12 août 2013, les contribuables ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 5 juillet 2013. Ils ont conclu à l'annulation dudit jugement « admettant partiellement les recours formés par Madame G______ et Monsieur G______ contre les décisions sur réclamation rendues à leur encontre par l'Administration fiscale cantonale de la République et du Canton de Genève, le 13 mars 2008 » ainsi qu'à l'annulation et à la mise à néant des décisions de l'AFC-GE du 13 mars 2008 « pour toutes les périodes concernées ».

Sur le fond, les recourants ont contesté être domiciliés en Suisse entre 1993 et 1998, au motif qu'ils avaient, à cette époque, leur foyer d'habitation permanent à Paris. Leur appartement parisien était à leur libre disposition en tout temps. Deux employés de maison étaient à leur service sur place de manière quotidienne ainsi que toutes les fonctionnalités requises (électricité, eau, installation téléphonique, climatisation, abonnements aux chaînes télévisuelles). Des véhicules étaient à leur disposition dans un parking avoisinant et le courrier leur y était adressé. Cet appartement étaient en outre meublé et décoré, notamment par des oeuvres d'art d'une grande valeur marchande. Leur centre des intérêts vitaux se situait également à Paris. Ils y côtoyaient leur famille, notamment leurs deux fils résidant à Paris, y profitaient de leurs loisirs (notamment grâce à leur voilier) et y exerçaient leurs droits politiques. En 1991, ils avaient disposé d'une deuxième habitation à Genève, tout en conservant la première à Paris. En 1993, ils avaient d'ailleurs déménagé dans un appartement plus grand dans cette même capitale. Depuis début 2000, ils avaient coupé tout lien avec la Suisse et étaient domiciliés à Paris.

Par ailleurs, le raisonnement du TAPI était erroné, dans la mesure où il les renvoyait à la procédure de l'art. 27 CDI-F. Le TAPI aurait dû, au contraire, conclure que le centre d'intérêts des contribuables ne pouvait être identifié de manière claire et procéder à une application « en cascade » de l'art. 4 ch. 2 CDI-F. Même si on admettait que les contribuables avaient séjourné habituellement en France et en Suisse, ils auraient dû être considérés comme résidents français du fait de leur seule nationalité française en application de l'art. 4 ch. 2 let. c CDI-F. L'application de cette convention conduisait, quelle que fût l'hypothèse envisagée, à les considérer comme résidents français et assujettis de manière illimitée en France, et non en Suisse. L'erreur du TAPI tenait au fait qu'il s'était avant tout fondé sur des éléments subjectifs relevant de la « volonté » des contribuables d'être assujettis fiscalement en Suisse, et non sur des éléments objectifs démontrant leur résidence effective dans ce pays. Les bordereaux litigieux devaient être tous mis à néant.

Concernant l'amende relative à l'IFD 1998, le jugement du TAPI était contradictoire. Dans sa partie en fait, la quotité de cette amende correspondait à 1/3 de l'impôt éludé, alors que dans sa partie en droit, elle s'élevait à 1/10 de ce dernier. La quotité de 1/10 avait été jugée raisonnable par le TAPI.

S'agissant des rappels d'impôts ICC 1993 à 1998, les recourants reprochaient au TAPI d'avoir admis que la prescription relative avait été correctement interrompue pendant la procédure, sans établir les faits y relatifs dans la partie en fait de son jugement. Cette lacune entraînait une violation de leur droit d'être entendu, de l'art. 19 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et de l'interdiction de l'arbitraire.

41) Le 19 août 2013, le TAPI a transmis son dossier, sans observations.

42) Le 16 octobre 2013, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

S'agissant du domicile des contribuables et de leur assujettissement illimité à Genève, elle reprenait l'argumentation développée dans son écriture du 30 septembre 2011. Elle persistait à situer le centre des intérêts vitaux des contribuables à Genève pendant la période litigieuse. Concernant la contradiction relevée par les recourants au sujet de la quotité de l'amende, elle relevait une erreur de plume de la part du TAPI dans la mesure où l'art. 175 al. 2 LIFD n'autorisait pas une diminution de l'amende allant au-delà de 1/3. Quant à la prescription relative, elle confirmait la position du TAPI, sans formuler de critiques à l'encontre du jugement du TAPI sous l'angle de la prescription.

43) Le 17 octobre 2013, le juge délégué a transmis l'écriture précitée aux recourants leur fixant un délai au 18 novembre 2013 pour formuler d'éventuelles observations, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

44) Le 18 novembre 2013, les recourants ont maintenu leur position.

45) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a LPA). En tant que destinataires du jugement litigieux, les contribuables ont la qualité pour recourir (art. 60 al. 1 let. a et al. 2 LPA).

2) S'agissant du droit applicable au litige et selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, les prétentions découlant du rappel d'impôt sont régies par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/505/2008 du 30 septembre 2008 ; ATA/93/2005 du 1er mars 2005 et les références citées), sous réserve de l'amende pour laquelle s'applique le principe de la lex mitior.

En l'espèce, les périodes fiscales portent sur les années 1993 à 1998 pour l'ICC et 1995 à 1998 pour l'IFD.

Au niveau fédéral, la LIFD est entrée en vigueur le 1er janvier 1995 et trouve application. La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), entrée en vigueur le 1er janvier 1993, est devenue obligatoire pour les cantons au 1er janvier 2001 (art. 72 al. 1 LHID).

Au niveau genevois, les dispositions fiscales entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la LHID, ont abrogé la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05). Toutefois, ces dernières demeurent applicables, notamment en ce qui concerne l'imposition des personnes physiques, pour les périodes fiscales antérieures à l'année 2001 (ATA/346/2006 du 20 juin 2006 ; ATA/373/2004 du 11 mai 2004 et les références citées). La LCP dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2001 (ci-après : aLCP) est applicable au présent litige. S'agissant des règles de procédure, la LPFisc est entrée en vigueur le 1er janvier 2002 et s'applique depuis lors, y compris aux causes encore pendantes (art. 86 LPFisc). Toutefois, en application du principe de la lex mitior, la LPFisc prévoit la rétroactivité en matière de sanctions pénales. Elle dispose à son art. 84 que les sanctions pénales afférentes à des infractions réalisées avant son entrée en vigueur sont prononcées conformément à l'ancien droit, dans la mesure où le nouveau droit n'est pas plus favorable. La LPA est au surplus applicable dans la mesure où la LPFisc n'y déroge pas (art. 2 al. 2 LPFisc).

3) En cas de double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la fortune de personnes résidentes en France ou en Suisse, la CDI-F trouve également application.

D'après l'art. 1 CDI-F, la convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. Une personne est résidente d'un Etat contractant lorsqu'au regard du droit interne de cet Etat, elle y est assujettie à l'impôt de manière illimitée (art. 4 § 1 CDI-F ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_627/2011 du 7 mars 2012 consid. 5 ; P. LOCHER, Einführung in das internationale Steuerrecht der Schweiz, 3ème éd., 2005, p. 225 ss ; X. OBERSON, Précis de droit fiscal international, 3ème éd., 2009, p. 92 ss n. 291 et 295 ; J.-M. RIVIER, La notion de domicile fiscal au regard du droit suisse et de la convention de double imposition entre la Suisse et la France en matière d'impôt sur le revenu, Revue fiscale 40/1985, p. 580 et les références citées).

En l'espèce, la France et la Suisse revendiquent un assujettissement illimité concurrent des recourants pour les périodes fiscales 1995 à 1997. Le présent conflit positif d'assujettissements illimités doit ainsi être résolu pour ces années en application des règles de conflit contenues dans la CDI-F liant la France et la Suisse.

4) Avant de procéder à l'analyse des griefs, il convient en premier lieu de circonscrire l'objet du présent litige.

a. L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée. Cette dernière en délimite le cadre matériel admissible. Il peut se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours (B. BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 390 ; cf. également P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, Vol. II, 3ème éd., 2011, p. 807, 819 ss et 823 ss ; J. CANDRIAN, Introduction à la procédure administrative fédérale - La procédure devant les autorités administratives fédérales et le Tribunal administratif fédéral, 2013, n. 182). Lorsque le recourant conclut uniquement à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, il convient de se référer aux motifs de son recours afin de déterminer ce qui constitue l'objet du litige selon sa volonté déterminante (J. CANDRIAN, op. cit., p. 109 n. 182).

b. Il ne faut pas confondre l'objet du litige et le pouvoir de décision de l'autorité de recours. En effet, dérogeant à l'art. 69 al. 1 LPA, l'art. 143 al. 1 LIFD, applicable par renvoi de l'art. 145 LIFD, prévoit que l'autorité de recours peut, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au désavantage de ce dernier. Le contenu de l'art. 143 al. 1 LIFD est similaire à celui des art. 54 LPFisc et art. 62 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Comme l'art. 54 LPFisc et l'art. 62 al. 2 PA, l'art. 143 LIFD réserve la reformatio in pejus. Toutefois, celle-ci doit respecter le cadre strict de l'objet du litige tel qu'il résulte des moyens soulevés par les parties (B. BOVAY, op. cit., p. 433 ; cf. également P. MOOR / E. POLTIER, op. cit., p. 807 et 819 s. ; J. CANDRIAN, op. cit., p. 109 n. 182).

En l'espèce, seuls les contribuables ont interjeté recours contre le jugement du TAPI du 5 juillet 2013. Cette juridiction a partiellement admis le recours des intéressés, en ce sens qu'elle a annulé les rappels d'impôts IFD 1995-1996 et IFD 1997, les amendes relatives aux IFD 1995-1996 et IFD 1997 ainsi que les amendes relatives aux ICC 1993 à 1998, pour des motifs de prescription. Malgré la généralité des conclusions du recours, visant à l'annulation du jugement du TAPI « admettant partiellement les recours [des intéressés] » et à l'annulation et la mise à néant des décisions de l'AFC-GE du 13 mars 2008, et en dépit de l'absence de toute autre précision dans le recours quant à l'objet du litige soumis devant la chambre de céans, il convient d'interpréter, conformément au principe de la confiance, le recours des contribuables tendant essentiellement à démontrer l'absence de domicile fiscal en Suisse sur la base de la CDI-F. Il en résulte que ledit recours ne vise pas à remettre en cause les décisions de l'AFC-GE annulées par le TAPI, à savoir les rappels d'impôts IFD 1995-1996 et IFD 1997, les amendes relatives aux IFD 1995-1996 et IFD 1997 ainsi que les amendes relatives aux ICC 1993 à 1998. Le recours des intéressés a ainsi pour seul but de contester les décisions de l'AFC-GE confirmées par le TAPI, à savoir le rappel d'impôt IFD 1998, les rappels d'impôts ICC 1993 à 1998 ainsi que l'amende relative à l'IFD 1998. Ceux-ci forment donc l'objet du présent litige, dans la mesure où l'AFC-GE n'a quant à elle pas formé recours contre le jugement précité du TAPI.

Par conséquent, le rappel d'impôt IFD 1997, annulé par le TAPI au motif de la prescription, n'entre pas dans le champ de l'objet du présent litige. La chambre de céans ne peut dès lors pas annuler le jugement du TAPI sur ce point, malgré l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 novembre 2013 dans les causes 2C_416/2013, 2C_417/2013, 2C_446/2013 et 2C_447/2013, qui avait pourtant admis le recours de l'AFC-GE déposé en mai 2013 sur la même problématique concernant la déclaration prématurée de la prescription pour un rappel d'impôt IFD 1997 (cf. ATF 2C_416/2013 précité consid. 6). De plus, même si l'AFC-GE avait pris, dans sa réponse du 16 octobre 2013, une telle conclusion, elle n'aurait pas pu être admise, le recours incident étant inconnu de la LPA (ATA/621/2013 du 20 septembre 2013 ; ATA/133/2012 du 13 mars 2012 et les références citées).

L'objet du présent litige se limite, en conséquence, au rappel d'impôt IFD 1998, aux rappels d'impôts ICC 1993 à 1998 ainsi qu'à l'amende relative à l'IFD 1998.

5) Avant d'examiner les griefs des recourants, il convient de relever que, comme l'a correctement examiné le TAPI, le rappel d'impôt IFD 1998 n'est actuellement pas prescrit en application des art. 152 al. 1 et 3 LIFD.

6) En ce qui concerne l'amende relative à l'IFD 1998, les recourants se limitent à relever que, dans sa partie en droit, le TAPI admet raisonnable une quotité fixée à 1/10, alors que, dans la partie en fait du jugement, le TAPI indique que cette quotité est de 1/3. Ils ne développent aucune autre argumentation contestant l'amende IFD 1998. Ils ne contestent en particulier pas son principe et n'indiquent pas en quoi une quotité de 1/3 serait infondée par rapport à une quotité de 1/10 au regard des circonstances du cas particulier et de la situation personnelle des contribuables.

En l'espèce, en confirmant l'amende relative à l'IFD 1998, le TAPI commet, de toute évidence, une erreur de plume dans sa partie en droit en indiquant une quotité de 1/10, alors que, dans sa partie en fait, il relève la différence de quotité entre l'amende ICC fixée à 1/10 et celle de l'amende IFD fixée à 1/3. Comme le soulignent les recourants eux-mêmes, cette même erreur figure dans la motivation du bordereau amende IFD joint à la décision sur réclamation du 13 mars 2008. En effet, ce dernier fait référence, dans sa motivation, à une réduction de la quotité à 1/10 sur la base de l'art. 341 aLCP, alors que le même bordereau vise à infliger une amende portant sur l'IFD, qu'il se fonde sur l'art. 175 LIFD et qu'il accompagne la décision sur réclamation relative à l'IFD du 13 mars 2008. Cette dernière mentionne clairement que l'AFC-GE maintient la quotité de l'amende IFD, dont le montant est calculé sur les taxations rectifiées. L'ensemble de ces éléments explique l'erreur de plume commise malencontreusement par le TAPI dans sa partie en droit. De plus, selon l'art. 175 al. 2 LIFD, l'amende est fixée en règle générale au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée. La quotité de 1/3 est ainsi la quotité minimale prévue par la loi. Ayant résolu l'apparente contradiction du jugement du TAPI sur la quotité de l'amende IFD 1998, relevée par les intéressés dans leur recours, la chambre de céans ne discerne aucun autre argument remettant en cause le bien-fondé de l'amende IFD 1998. Celle-ci doit en conséquence être confirmée.

7) S'agissant de la prescription relative des rappels d'impôts ICC 1993 à 1998, les recourants estiment que ni l'AFC-GE ni le TAPI n'ont établi que la prescription relative avait été interrompue ou suspendue. En revanche, ils ne contestent, à juste titre, pas le fait que ces rappels d'impôts ne sont pas atteints par la prescription absolue, inexistante dans l'ancien droit. De plus, comme le mentionne à bon droit le TAPI, le délai de quinze ans instauré par la LPFisc ne peut commencer à courir qu'à partir de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 1er janvier 2002. Il n'est donc pas échu en l'espèce.

La prescription de la créance fiscale pour les années 1993 et 1994 est régie par l'art. 369 aLCP, lequel stipule que les créances de l'Etat et des communes pour la perception des impôts se prescrivent dans un délai de cinq ans dès le jour où le bordereau de perception a été adressé au contribuable. Ce délai peut être interrompu par toute mesure de l'autorité tendant à la taxation, cette dernière faisant repartir un nouveau délai de prescription de même durée. L'interruption de la prescription s'apprécie au regard des art. 129 et suivants du Code des obligations du 20 mars 1911 (CO - RS 220 ; ATA/445/2010 du 29 juin 2010 consid. 4a ; ATA/267/2008 du 27 mai 2008 consid. 8c ; ATA/547/2001 du 28 août 2001 consid. 3c et 7).

Pour les périodes fiscales 1995 à 1998, l'art. 369 aLCP, modifié le 23 septembre 1994 et entré en vigueur le 1er janvier 1995, prévoit que les créances de l'Etat et des communes pour la perception des impôts se prescrivent par cinq ans dès le jour de l'entrée en force de la décision de taxation.

La notion d'acte interruptif de la prescription fiscale s'interprète largement. Conformément à la jurisprudence, tous les actes de l'autorité qui sont portés à la connaissance du contribuable dans le processus tendant à déterminer la créance ont pour effet d'interrompre la prescription, même s'ils ne continuent pas concrètement la procédure de taxation. Il en va ainsi non seulement des actes de perception de l'impôt proprement dit, mais aussi de l'ensemble des autres actes officiels, à l'image de simples lettres ou d'injonctions s'inscrivant dans le suivi de la taxation. La communication de l'autorité de taxation indiquant à un contribuable que sa réclamation était transmise à l'autorité compétente a par exemple été considérée par le Tribunal fédéral comme un acte interruptif de prescription. Prenant place dans le processus de recouvrement de la créance fiscale, ce type de mesure porte à la connaissance du contribuable la volonté des autorités de poursuivre les démarches visant à recouvrer la créance fiscale (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_555/2008 du 5 novembre 2008 consid. 3.2 ; 2P.1/2007 du 24 mai 2007 consid. 4.4 et les autres références citées ; ATA/445/2010 précité consid. 4c).

En l'occurrence, la prescription relative des créances ICC pour les années 1995 à 1998 n'est pas problématique eu égard à l'art. 369 aLCP en vigueur dès le 1er janvier 1995, dans la mesure où les bordereaux envoyés les 6 décembre 2000 (pour l'année 1995), 29 novembre 2001 (pour l'année 1996), 26 novembre 2002 (pour l'année 1997) et 25 juillet 2003 (pour l'année 1998) ne sont toujours pas entrés en force compte tenu de la procédure de réclamation et de la présente procédure. Partant, le délai de prescription de cinq ans n'a pas encore commencé à courir.

Quant à la prescription relative pour les années fiscales 1993 et 1994, il ressort du dossier que les bordereaux y relatifs ont été envoyé aux recourants les 8 décembre 1998 (pour l'année 1993) et 18 décembre 1999 (pour l'année 1994). La prescription a été interrompue par les réclamations des recourants pour ces deux années les 6 janvier 1999 (pour l'année 1993) et 29 décembre 1999 (pour l'année 1994), ce qui a fait repartir pour ces deux périodes un nouveau délai de cinq ans dès les deux dates précitées. Le dernier courrier de l'AFC-GE demandant aux recourants des renseignements s'inscrivant dans le suivi de la taxation 1993 et 1994 date quant à lui du 21 mars 2000, ce qui a fait repartir un nouveau délai de cinq ans dès cette date. Depuis cette date et à teneur du dossier, aucun acte de l'AFC-GE n'a été effectué concernant ces deux années jusqu'à la décision sur réclamation - nouvel acte interruptif de la prescription - laquelle est intervenue le 13 mars 2008, soit plus de sept ans après le dernier acte interruptif de la prescription. Les autres bordereaux des 6 décembre 2000 (pour l'année 1995), 29 novembre 2001 (pour l'année 1996), 26 novembre 2002 (pour l'année 1997), 25 juillet 2003 (pour l'année 1998) ainsi que les réclamations respectives ne peuvent être retenus comme étant des actes d'interruption de la prescription relative pour les années 1993 et 1994 compte tenu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt.

Partant, force est de constater que la prescription relative de cinq ans prévue à l'art. 369 aLCP dans sa version antérieure au 1er janvier 1995 est acquise pour les années ICC 1993 et 1994.

Le grief sera partiellement admis. En conséquence, il convient d'annuler le jugement du TAPI en ce qu'il concerne le rappel d'impôt ICC 1993 et 1994, d'annuler la décision sur réclamation du 13 mars 2008 pour le rappel d'impôt ICC 1993 et 1994, ainsi que les bordereaux des 8 décembre 1998 et 13 décembre 1999. Les rappels d'impôts ICC 1995 à 1998 seront quant à eux confirmés, étant précisé que les montants pour les rappels d'impôts ICC 1997 et 1998 sont ceux modifiés par la décision sur réclamation du 13 mars 2008.

8) Quant à la question du domicile fiscal et a fortiori de l'assujettissement des recourants aux impôts suisses, elle ne peut porter, au vu de l'objet du présent litige, que sur le rappel d'impôt IFD 1998 et l'amende y relative ainsi que sur les rappels d'impôts ICC 1995 à 1998. Or, cette question a été réglée de manière définitive dans les premiers bordereaux d'impôts. Ceux-ci n'ont à l'époque pas été contestés et sont donc entrés en force. Ces décisions en force ne peuvent pas être remises en cause dans le cadre du présent recours contre les rappels d'impôts et les amendes, sous réserve de faits ou moyens de preuve nouveaux. En effet, l'objet des rappels d'impôts ne vise qu'à corriger le montant des impôts dus suite à la découverte d'éléments imposables qui n'ont pas été déclarés. Quant aux amendes, elles ont pour but de réprimer la soustraction d'impôts imputée aux contribuables. Ni le rappel d'impôt IFD 1998, ni l'amende y relative, ni les rappels d'impôts ICC 1993 à 1998, objet du présent litige, ne remettent en cause le principe de l'imposition des recourants à Genève.

Toutefois, le 17 mars 2008, le TA-Paris a jugé que le domicile fiscal du contribuable se situait en France pendant les années 1995 à 1997, sans tenir compte de l'appréciation de l'administration suisse sur le lieu de résidence fiscale de l'intéressé. Le TA-Paris a jugé dans le même sens en novembre 2009 concernant les années 2000 et 2001. En février 2010, les contribuables ont invoqué la double imposition avec la France tant auprès de l'AFC-GE que de la CCRA, et ont demandé l'annulation des décisions, objet du présent litige. Par conséquent, dans le cadre de la présente cause, la double imposition constitue un fait nouveau susceptible de remettre en cause l'imposition des recourants à Genève pour les années 1995 à 1997 exclusivement. Le réexamen de la question du domicile fiscal et a fortiori de l'assujettissement illimité aux impôts suisses ne concerne, dans la présente affaire, que les rappels d'impôts ICC 1995 à 1997. S'agissant de l'année fiscale 1998, elle ne fait pas l'objet d'une double imposition. Par conséquent, le grief des recourants remettant en cause l'existence d'un domicile fiscal à Genève pendant cette année, doit être déclaré irrecevable, au motif qu'il est tardif. En l'absence de fait nouveau, le rappel d'impôt IFD 1998, l'amende y relative et le rappel d'impôt ICC 1998 ne peuvent être remis en cause et doivent en conséquence être confirmés, étant précisé que les montants pertinents sont ceux modifiés par les décisions sur réclamations du 13 mars 2008.

En conclusion, seuls les rappels d'impôts ICC 1995 à 1997 peuvent être remis en cause en raison de la double imposition avec la France résultant de l'arrêt du TA-Paris du 17 mars 2008. Il y a donc lieu de trancher le conflit d'assujettissement fiscal auquel sont confrontés les recourants pour les années 1995 à 1997.

9) En présence d'un état de fait relevant de la double imposition internationale, il convient d'établir en premier lieu si le droit interne prévoit une imposition (X. OBERSON, op. cit., p. 43 n. 120). Ce n'est que lorsqu'il est établi qu'un impôt est dû en application du droit interne qu'il convient de se demander, dans un second temps, si cet impôt est limité par une convention de double imposition (P. LOCHER, op. cit., p. 95). Une convention de double imposition ne peut ainsi ni créer ni élargir une imposition mais seulement restreindre une imposition prévue par le droit national (ATF 117 Ib 358 consid. 3 in fine ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_436/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.1 ; 2A.421/2000 du 11 mai 2001 consid. 3c).

Les conventions internationales en matière de double imposition ne contiennent que des règles visant à limiter les pouvoirs d'imposition des Etats mais ne fondent pas l'imposition elle-même (ATF 117 Ib 358 consid. 3 in fine et les références citées). Par conséquent, il convient d'abord de s'assurer de l'existence d'un droit (interne) d'imposition, puis, le cas échéant, de vérifier que ce droit d'imposition n'est pas limité par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_627/2011 précité consid. 3 ; 2C_436/2011 précité consid. 2.1 ; X. OBERSON, op. cit., p. 43 n. 119 et 120).

10) En premier lieu, il faut vérifier si les recourants réalisent les conditions d'assujettissement illimité au droit fiscal suisse pour les périodes fiscales litigieuses.

a. En droit interne fédéral, d'après l'art. 3 al. 1 LIFD, les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse. Une personne a son domicile en Suisse au regard du droit fiscal lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral (art. 3 al. 2 LIFD). Une personne séjourne en Suisse au regard du droit fiscal lorsque, sans interruption notable, elle y réside pendant trente jours au moins et y exerce une activité lucrative ou qu'elle y réside pendant nonante jours au moins sans y exercer d'activité lucrative (art. 3 al. 3 let. a et b LIFD). L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité (art. 6 al. 1 LIFD).

Au niveau interne genevois, selon l'art. 2 ch. 1 let. a aLCP, les personnes physiques domiciliées dans le canton de Genève sont astreintes au paiement des impôts sur le revenu et la fortune. Y sont également soumises les personnes physiques qui, sans être domiciliées dans le canton, y résident plus de trois mois par an (art. 2 ch. 1 let. b aLCP). L'article 3 de la même loi précise que le domicile est déterminé par les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210).

b. Même si la LIFD et la LHID connaissent une définition du domicile (art. 3 LIFD et 3 LHID) qui n'est plus, à l'instar des anciennes lois fiscales, calquée sur la définition du droit civil, la notion de domicile fiscal reste néanmoins très proche de celle du droit civil (ATF 131 V 59 consid. 5.7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2003 du 26 juillet 2004 ; W. RYSER / B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 4ème éd., 2002, p. 31 ; J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, 2ème éd., 1998, p. 311 note 2b). Ainsi, le domicile fiscal correspond en principe au domicile civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'établir (art. 23 al. 1 CCS), ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts personnels et professionnels (ATF 134 V 236 consid. 2.1 p. 239 ; 131 V 59 consid. 5.7 p. 64 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2011 du 12 avril 2012 consid. 3.1 ; ATA/593/2006 du 14 novembre 2006 consid. 6b). Il n'est pas nécessaire à cet égard qu'elle ait l'intention d'y demeurer pour toujours ou pour une durée indéterminée. Il suffit qu'elle veuille faire d'un endroit déterminé le centre de ses relations personnelles et économiques et qu'elle lui confère ainsi une certaine stabilité. Le lieu où une personne a déposé ses papiers ou exerce ses droits politiques n'a pas de portée déterminante (ATF 132 I 29 consid. 4.1 ; 131 I 145 consid. 4.2). Ces circonstances extérieures peuvent toutefois constituer des indices à l'appui du domicile fiscal lorsqu'ils sont confirmés par ailleurs par le comportement de la personne (ATA/272/2003 du 6 mai 2003 consid. 4b). Le centre des intérêts vitaux se détermine d'après l'ensemble des événements objectifs extérieurs permettant de reconnaître ces intérêts, et non simplement d'après les souhaits exprimés par la personne concernée (ATF 123 I 289 consid. 2 p. 294 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_918/2011 du 12 avril 2012 consid. 3.2 ; 2C_472/2010 du 18 janvier 2011 ; ATA/747/2011 du 6 décembre 2011 consid. 6 ; ATA/623/2011 du 4 octobre 2011 consid. 6). 

C'est aux autorités fiscales qu'il appartient d'instruire d'office les éléments de fait constitutifs d'un domicile fiscal (art. 123 al. 1 LIFD) ; les autorités fiscales ne sont aucunement liées par les décisions prises par d'autres autorités (décisions en matière d'exercice des droits politiques, cachet de la Chancellerie du canton et contrôle des habitants etc.), qui ont tout au plus valeur d'indices. S'il leur incombe bien de prouver l'existence d'un tel domicile, le contribuable a néanmoins un devoir de collaboration et doit, en particulier, fournir des renseignements circonstanciés au sujet des éléments propres à fonder son assujettissement (art. 124 ss LIFD) ; dans le cadre de ce devoir de collaboration, il est tenu de rendre vraisemblable l'existence d'étroites relations avec l'Etat où il se dit domicilié (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_627/2011 précité consid. 4.2 ; 2A.475/2003 du 26 juillet 2004 consid. 2.3 ; 2P.145/1998 du 29 septembre 1999 in Praxis 2000 7 p. 29).

En l'espèce, les recourants sont venus à Genève au moment de la mutation du contribuable au sein d'une société basée dans cette ville. Ils ont alors entrepris toutes les démarches administratives pour y transférer leur domicile (annonce aux autorités fiscales françaises, à l'OCP ainsi qu'aux autorités consulaires françaises situées à Genève, règlement de l'impôt français dû au moment de leur départ, obtention du « quitus fiscal »). Ils ont également obtenu de l'OCP le permis d'établissement en décembre 1996. L'ensemble de ces démarches coïncident avec leurs déclarations et leur comportement jusqu'à l'intervention des autorités fiscales françaises visant à les imposer en France. La concordance entre l'engagement du contribuable dans la société basée à Genève, les démarches précitées et les déclarations étayées des recourants tant devant les autorités françaises (cf. réponse de l'administration fiscale française du 17 décembre 1999) que les autorités suisses (cf. en particulier la lettre des contribuables du 19 mai 2009 à l'AFC-CH) conduit à admettre l'existence de leur centre d'intérêts à Genève. Les déclarations des recourants se fondent sur des éléments de faits concrets, tels que les factures d'énergie, de télécommunications et d'entretien de l'appartement genevois. De plus, le contribuable travaillait pour une société basée à Genève, son épouse n'avait pas d'activité professionnelle et les parties n'allèguent pas avoir fait des allers-retours quotidiens entre Genève et Paris.

Les recourants ont changé de version des faits en avril 2008, dans le cadre de leur recours auprès des anciennes commissions de recours en matière d'IFD respectivement d'ICC, suite à l'arrêt du TA-Paris du 17 mars 2008 confirmant leur imposition en France pour les années 1995 à 1997. Or, cette décision constitue une nouvelle lecture juridique de faits passés par les autorités françaises, mais ne change pas la réalité des faits susmentionnés, ce d'autant plus que l'arrêt français ne discute pas la question d'un domicile éventuel en Suisse.

Par conséquent, le grief des contribuables doit être écarté et le jugement du TAPI confirmé. Les recourants étaient donc domiciliés à Genève entre 1995 et 1998 et assujettis de manière illimitée aux impôts suisses sur le revenu et la fortune pendant ces années.

11) Les recourants invoquent l'existence d'une imposition française sur leurs revenus et leur fortune pour les années 1995 à 1997 et par voie de conséquence une double imposition entre la France et la Suisse. Il convient donc de résoudre le présent conflit positif d'assujettissements illimités en application des règles de conflit contenues dans la CDI-F.

a. Aux termes de l'art. 4 ch. 2 CDI-F, lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes :

a) cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ;

  b) si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ;

  c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ;

  d) si cette personne possède la nationalité de chacun des Etats contractants ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord.

b. La notion de foyer d'habitation permanent recouvre en principe toute forme d'habitation, maison ou appartement, propriété de l'intéressé ou pris en location, chambre meublée, présentant un caractère de permanence, ce qui implique qu'elle ait été aménagée et réservée à l'usage du contribuable de manière durable (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_627/2011 précité consid. 6.2 ; 2P.63/2004 du 3 mars 2005 consid. 6.1 in RtiD 2005 II 572). En sont exclus les locaux qui ne servent qu'à des besoins de convalescence, de cure, d'études ou de sport. L'intéressé doit avoir le logement à sa disposition en tout temps, d'une manière continue et non pas occasionnellement pour effectuer un séjour qui, compte tenu des raisons qui le motivent, est de courte durée comme le sont les voyages d'agrément ou d'affaires, d'études ou les stages dans une école (X. OBERSON, op. cit., p. 93 n. 296 ; J.-M. RIVIER, op. cit., p. 581 et les références citées). Toutefois, à la différence des autres conventions de double imposition conclues par la Suisse, l'art. 4 ch. 2 let. a CDI-F contient une définition spéciale qui assimile la notion de foyer d'habitation permanent à celle de centre des intérêts vitaux (X. OBERSON, op. cit., p. 93 n. 297 ; J.-M. RIVIER, op. cit., p. 581).

  Pour définir le centre des intérêts vitaux, on prend en considération les relations familiales et sociales de l'intéressé, ses occupations, ses activités politiques, culturelles ou autres; le siège de ses affaires ou le lieu d'où il administre ses biens sont en revanche des critères que la convention de double imposition avec la France a volontairement écartés. Il convient donc d'examiner l'ensemble des circonstances en attachant une importance particulière au comportement personnel du contribuable (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_627/2011 précité consid. 6.2 ; ATA/472/2004 du 25 mai 2004 consid. 6 ; J.-M. RIVIER, op. cit., p. 581).

En l'espèce, il convient d'abord de signaler que l'application de la CDI-F ne concerne que les années 1995 à 1997, dans la mesure où les contribuables n'ont pas été soumis à un assujettissement illimité en France pour l'année 1998. Au vu des éléments du dossier, le centre des intérêts vitaux au regard de la CDI-F se trouvait aussi à Genève pour les raisons développées ci-dessus. Les recourants n'apportent aucun élément remettant en cause l'existence des faits susmentionnés. Le changement des autorités françaises dans l'appréciation juridique de la situation fiscale des recourants ne modifie pas la réalité des faits sur lesquels se fondent les autorités suisses pour établir le centre de leurs intérêts et a fortiori leur domicile fiscal en Suisse. En effet, l'arrêt du TA-Paris du 17 mars 2008 reconnaît l'existence d'un foyer d'habitation permanent du contribuable en France au seul motif que lui et son épouse disposent d'un appartement à Paris, où vit cette dernière. A teneur de l'arrêt français, le contribuable n'établit ni n'allègue avoir disposé d'un foyer d'habitation permanent en Suisse. De plus, la juridiction française rejette l'appréciation de l'administration suisse sur la résidence fiscale du contribuable au profit de celle de l'administration française sans autre explication. L'arrêt du TA-Paris constate l'existence d'une imposition fiscale en France, sans cependant discuter ni remettre en cause les éléments de faits ayant permis aux autorités suisses d'établir le centre d'intérêts des recourants à Genève. Le fait que la recourante vive à Paris, comme cela est évoqué dans l'arrêt français, n'y est pas étayé. Quant à la réponse de l'administration fiscale française du 17 décembre 1999, elle ne peut être retenue comme pièce probante. Les faits, constitutifs du domicile fiscal français au regard de l'autorité française, étaient à l'époque contestés par les recourants eux-mêmes.

Par conséquent, au vu des éléments du dossier, le centre d'intérêts des contribuables se trouvait à Genève entre 1995 et 1997. Ils doivent dès lors, en application de l'art. 4 ch. 2 let. a CDI-F, être considérés comme résidents suisses et assujettis aux impôts suisses.

S'agissant du raisonnement des recourants tendant à une application « en cascade » de l'art. 4 ch. 2 CDI-F et aboutissant à une application de la lettre d de cette disposition, il ne peut être suivi. En effet, contrairement à l'avis des recourants et comme cela a été exposé ci-dessus, le centre d'intérêts des contribuables se trouve à Genève entre 1995 et 1997 conformément à la lettre a de l'art. 4 ch. 2 CDI-F. Il n'y a par conséquent pas lieu d'appliquer les lettres b à d de cette même disposition. Le TAPI renvoie, à juste titre, les contribuables à la procédure prévue à l'art. 27 CDI-F.

Par ailleurs, les recourants ont déjà fait appel à cette procédure en juillet 2001 et en mai 2009. Ils avaient alors démontré de manière détaillée et en s'appuyant sur des éléments objectifs et concrets, étayés par pièces, que leur centre de vie et leur domicile se situaient à Genève depuis leur arrivée dans cette ville en 1991. Ils s'étaient basés notamment sur une série de factures relatives à l'entretien de leur appartement genevois, à la fourniture d'énergie et de télécommunications, sur la qualité et le loyer mensuel élevé de leur appartement genevois, sur d'importants travaux de rénovations qui y avaient été entrepris, sur le raccordement à une centrale de réception d'alarme dudit appartement, sur leur couverture obligatoire à l'assurance-maladie et accident suisse, sur le fait de se faire soigner à Genève, d'être membre de certaines institutions genevoises et de percevoir la retraite à Genève ainsi que sur une déclaration écrite de l'assistante du contribuable attestant de la présence de ce dernier dans cette ville, en sus des formalités effectuées auprès des autorités suisses et françaises annonçant le départ de France pour Genève. L'argument des recourants, selon lequel le TAPI se fonde uniquement sur leur volonté pour déterminer leur lieu de domicile, tombe ainsi à faux.

Le grief des recourants doit donc être écarté et le jugement du TAPI confirmé en ce qu'il concerne le domicile suisse et l'assujettissement illimité aux impôts suisses des contribuables en application de l'art. 4 ch. 2 let. a CDI-F.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Le jugement du TAPI sera annulé en tant qu'il confirme le rappel d'impôt ICC 1993 et 1994. La décision sur réclamation du 13 mars 2008 en tant qu'elle confirme le rappel d'impôt ICC 1993 et 1994 sera également annulée, de même que les bordereaux des 8 décembre 1998 et 13 décembre 1999. Le jugement querellé sera confirmé pour le surplus.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent dans une large mesure (art.  87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera en revanche allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 août 2013 par Madame G______ et Monsieur G______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 juillet 2013 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 juillet 2013 en tant qu'il confirme le rappel d'impôt ICC pour les années 1993 et 1994 ;

confirme le jugement querellé pour le surplus ;

met à la charge de Madame G______ et Monsieur G______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue à Madame G______ et Monsieur G______, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Halpérin, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :