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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1165/2014

ATA/686/2014 du 26.08.2014 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; INTÉRÊT ACTUEL ; MISE EN LIBERTÉ DÉFINITIVE
Normes : LPA.60.letb; RRIP.47
Résumé : Irrecevabilité du recours contre une mesure disciplinaire en raison de l'absence d'intérêt actuel suite à la libération du recourant pendant la procédure. La constatation de l'illicéité de la mesure disciplinaire par la chambre administrative n'est pas un prérequis à une action civile en réparation du préjudice subi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1165/2014-PRISON ATA/686/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2014

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Gilbert Deschamps, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION



EN FAIT

1) Le 28 octobre 2013, M. A______ a été mis en détention à la prison de Champ-Dollon.

2) M. A______ a été placé dans la cellule n° 1______ avec deux autres détenus, M. B______ et M. C______.

3) Le 24 mars 2014, à 2h51, la vitre de cette cellule a été brisée.

4) Interrogé sur cet évènement, M. A______ a dit être innocent et avoir vu
M. B______ briser la vitre de la cellule.

Également interrogé, M. C______ a déclaré n'avoir rien fait et avoir vu
M. A______ et M. B______ briser la vitre de la cellule.

5) Le 24 mars 2014, par décision de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD), M. A______ a été placé en cellule forte pour une durée de dix jours.

Cette décision a été signifiée à M. A______ et signée par celui-ci le jour même. De nature immédiatement exécutoire, la sanction a été infligée du 24 mars 2014 au 3 avril 2014.

6) Les deux autres codétenus ont fait l'objet de sanctions similaires.

7) Par acte expédié le 24 avril 2014, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant au fond à l'annulation de la décision, à la constatation de la violation arbitraire de sa liberté personnelle, à la réserve d'agir contre l'État de Genève en réparation du préjudice subi, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité en sa faveur couvrant les frais de son conseil ainsi que les frais occasionnés par la procédure.

Il n'avait pas besoin de prouver son intérêt actuel à recourir étant donné que la situation pourrait se présenter à nouveau, dans la mesure où il se trouvait encore détenu à Champ-Dollon. De plus, l'inscription de son nom au registre des placements en cellule forte influencerait d'éventuelles sanctions ultérieures prises par l'autorité contre lui ou encore l'évaluation d'une libération conditionnelle.

En outre, un intérêt actuel devait lui être reconnu dès lors qu'il s'agissait d'une atteinte grave et arbitraire à sa liberté personnelle et qu'une simple constatation de celle-ci lui permettrait d'actionner l'État de Genève en réparation du préjudice qu'il avait subi, notamment pour son tort moral.

Au surplus, son droit d'être entendu avait été violé, il n'avait nullement participé au bris de la vitre de la cellule et la décision d'infliger une sanction de groupe violait le principe de l'individualisation de la sanction.

8) Le 29 avril 2014, Monsieur A______ a été libéré, sa peine ayant été compensée selon jugement du Tribunal correctionnel du même jour.

9) Le 4 juin 2014, en réponse au recours de M. A______, l'OCD a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet avec suite de frais.

M. A______ n'avait plus d'intérêt actuel à recourir en raison de sa libération de la prison de Champ-Dollon, survenue le 29 avril 2014. Le recours devait par conséquent être déclaré irrecevable, la situation litigieuse ne pouvant plus se répéter.

Au fond, l'OCD contestait la violation du droit d'être entendu de
M. A______, considérait celui-ci comme coauteur de l'infraction sujette à sanction et faisait valoir la proportionnalité de la sanction infligée au recourant.

10) Par réplique du 21 juin 2014, le recourant a contesté sa qualité de coauteur dans le cadre des faits qui lui étaient reprochés et renvoyé pour le surplus à l'argumentation développée dans son recours, faisant notamment valoir que la violation de sa liberté personnelle pouvait déjà être réparée par le constat du caractère arbitraire de la mesure litigieuse.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62
al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; arrêt du tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/307/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 consid. 1.3 p. 24-25 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_745/2011 du 6 juin 2012
consid. 1.2 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; 8C_194/2011 du 8 février 2012 consid. 2.2 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ia 488 consid. 1a p. 490 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_745/2011 précité consid. 1.2 ; 8C_194/2011 consid. 2.2 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/195/2007 précité ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004).

c. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 129 I 113 consid. 1.7 p. 119 ;
128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.3 ; 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 1.2 ; 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/253/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/153/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/224/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; 6B_34/2009 précité consid. 1.3).

d. Concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l'arrêt, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi une telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/510/2014 précité ; ATA/183/2013 du
19 mars 2013 ; ATA/775/2012 du 13 novembre 2012 ; ATA/134/2009 du 17 mars 2009).

3) a. En l'espèce, le 24 mars 2014, le recourant, alors détenu à la prison de Champ-Dollon, a fait l'objet d'une sanction sous forme d'un placement en cellule forte pour une durée de 10 jours. Cette punition a été immédiatement exécutée.

b. Il ressort de la procédure que le recourant a été mis en liberté le 29 avril 2014. Aucun élément du dossier ne laisse à penser qu'il est susceptible d'être incarcéré à nouveau, ni d'être encore une fois sanctionné par un placement en cellule forte. Il n'y a dès lors aucune raison de passer outre l'exigence de l'intérêt actuel (ATA/510/2014 précité ; ATA/441/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/775/2012 précité ; ATA/541/2010 du 4 août 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_295/2010 du 14 septembre 2010).

c. Le recourant soutient notamment que son intérêt actuel réside dans le fait que la constatation demandée lui permettra d'actionner l'État de Genève en réparation du préjudice subi.

Une telle action en responsabilité de l'État serait fondée sur la loi sur la responsabilité de l'état et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40). Cette loi permet à la juridiction civile de déterminer préalablement si une décision revêt ou non un caractère illicite. Il n'en ressort pas en revanche que la constatation de l'illicéité par la chambre administrative soit un prérequis à une action civile par devant le Tribunal de première instance (ATA/510/2014 précité ; ATA/338/2011 du 24 mai 2011).

Cet argument du recourant doit donc être écarté.

4) Au vu de ce qui précède, le recourant a perdu tout intérêt actuel et n'a pas la qualité pour recourir contre la décision du 24 mars 2014.

Le recours est donc irrecevable.

5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 avril 2014 par M. A______ contre la décision de l'office cantonal de la détention du 24 mars 2014 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gilbert Deschamps, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de la détention.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :