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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1231/2008

ATA/112/2009 du 03.03.2009 ( DCTI ) , REJETE

Parties : SAVIOZ Roland et Judith, MAYENCOURT SAVIOZ Judith / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, HANSEN Jutta Juul
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1231/2008-DCTI ATA/112/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 3 mars 2009

1ère section

dans la cause

 

Madame Judith MAYENCOURT SAVIOZ
Monsieur Roland SAVIOZ

représentés par Me Daniel Udry, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

Madame Jutta Juul HANSEN
représentée par Me Christian Grobet, avocat



EN FAIT

1. Madame Jutta Juul Hansen est propriétaire de la parcelle n° 87, feuille 9 de la commune d’Hermance, sise à l’adresse 13, rue du Nord. Cette parcelle, située en zone 4B protégée, comprend un bâtiment classé MS-c 233 par arrêté du Conseil d’Etat du 1er juillet 1992.

2. Madame Judith Mayencourt Savioz et Monsieur Roland Savioz (ci-après : les époux Savioz) sont propriétaires de la parcelle n° 1881, feuille 9 de la commune d’Hermance, sise 15, rue du Nord, sur laquelle est édifiée une maison d’habitation, inventoriée MS-i 16 par arrêté du Conseil d’Etat du 15 juin 1979.

3. Les parcelles nos 87 et 1881 sont voisines et les bâtiments MS-c 233 et MS-i 16 sont mitoyens.

4. Par requête enregistrée le 8 mars 2007 sous n° DD 101’176-1, Mme Hansen a sollicité la délivrance d'une autorisation de construire auprès du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département ou DCTI) pour la réhabilitation d’une maison villageoise.

5. a. Appelée à se déterminer sur le projet, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), sous-commission monuments et antiquités (ci-après : SCMA), a, le 28 mars 2007, émis un préavis défavorable.

La maison remontait aux origines du bourg d'Hermance, vers le milieu du XIIIe siècle. Laissé à l'abandon depuis le début des années 1980, l'édifice avait subi un processus de délabrement, puis avait fait l'objet de travaux, non autorisés, qui avaient déstructuré complètement les volumes et structures intérieurs. La SCMA ne s'opposait dès lors pas aux réaménagements intérieurs proposés mais demandait un projet modifié s'agissant des nouvelles ouvertures prévues dans la toiture, jugées beaucoup trop nombreuses.

b. Les autres préavis recueillis étaient favorables, en particulier, celui émis par la commune le 20 avril 2007.

6. Le 26 avril 2007, les époux Savioz se sont opposés au projet en raison de la nature des travaux envisagés et de leurs conséquences.

7. Suite au préavis de la SCMA, un projet modifié a été déposé et enregistré auprès du DCTI le 31 mai 2007.

8. Le 12 juin 2007, le conservateur cantonal des monuments a préavisé favorablement le projet modifié qui répondait aux demandes de la CMNS, à savoir la création de deux châssis de 55x78 cm de toiture seulement, l’un sur le pan côté rue, l’autre sur le pan côté cour, ainsi que le déplacement des tabatières existantes en maintenant leurs dimensions de 40x60 cm.

9. Par décision du 6 juillet 2007, publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du 11 juillet 2007, le département a délivré l’autorisation définitive de construire.

10. Le 10 août 2007, les époux Savioz ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission), remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (CCRA).

L'accès à la propriété de Mme Hansen se faisait par le biais de leur cour privée grâce à un droit de passage grevant leur parcelle. La réalisation de deux appartements allait engendrer un usage accru de la servitude et serait source d’inconvénients graves pour eux, au sens de l’article 14 alinéa 1 lettre a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). S'agissant des ouvertures prévues sur le toit, elles portaient atteinte à l’aspect extérieur de la bâtisse et à leurs droits. De plus, eux-mêmes n'avaient pas été autorisés à aménager les ouvertures qu’ils souhaitaient sur leur propre bâtiment. Situées au-dessus de la salle de bains projetée par Mme Hansen, qui se trouvait en contrebas de la fenêtre de leur maison, ces ouvertures créeraient également une gêne évidente. Enfin, la cheminée prévue violait les prescriptions légales en vigueur.

11. La commission a entendu les parties lors d'une comparution personnelle, le 15 novembre 2007.

A cette occasion, Mme Hansen a renoncé, par gain de paix, au bénéfice de l’autorisation en tant qu’elle portait sur la cheminée. Elle a indiqué que son bâtiment comportait deux logements qu’elle ne pouvait relier sans violer la loi.

Le DCTI a précisé, qu’au vu de l’état de dégradation du bâtiment, des travaux étaient indispensables de façon urgente.

12. Les parties ont tenté de trouver une solution amiable pour permettre l'accès au 1er étage de la propriété de Mme Hansen sans empiéter sur le bien-fonds des époux Savioz. A cette fin, elles ont consulté la CMNS qui, le 13 février 2008, s'est prononcée défavorablement sur un projet de modification de l'escalier extérieur.

13. Par décision du 3 mars 2008, la commission a donné acte à Mme Hansen de ce qu’elle renonçait au bénéfice de l’autorisation en tant qu’elle concernait l’édification d’une cheminée et a rejeté le recours pour le surplus.

La question de l’accroissement d’usage de la servitude relevait du droit privé. Quant à l’inconvénient lié à l’utilisation de l'escalier conçu pour l’accès au logement situé au 1er étage du bâtiment de Mme Hansen, et préexistant sans doute à l’acquisition du bien-fonds par les époux Savioz, le recours était à la limite de la témérité. S'agissant des ouvertures en toiture prévues par le projet, le DCTI ne pouvait pas s’écarter du préavis favorable du conservateur des monuments constatant que le projet modifié répondait parfaitement aux vœux du premier préavis de la CMNS. Il n'y avait dès lors pas de violation de l’article 15 LCI.

14. Par acte du 9 reçu le 11 avril 2008, les époux Savioz ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Ils concluent à son annulation en reprenant, pour l'essentiel, leurs précédents arguments.

Pour le surplus, la commission avait violé les principes fondamentaux protégeant l’administré de l’arbitraire. Elle n'avait tenu compte, ni lors de l’audience de comparution personnelle, ni dans la partie en fait de sa décision, des importantes modifications extérieures projetées, soit notamment la création de deux châssis et le repositionnement des quatre tabatières existantes, et n'avait pas examiné les violations des articles 15 alinéa 1 LCI, 12 alinéa 5 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) soulevées. Elle se retranchait purement et simplement derrière l’avis de la CMNS.

Le projet avait été modifié, limitant quelque peu le nombre des ouvertures prévues sur le toit. Cependant, les constructions en zone 4B protégée devaient permettre de préserver le caractère architectural des quartiers envisagés. Or, dans la localité d’Hermance, peu d’habitations de la même époque bénéficiaient d’autant d’ouvertures. L’harmonie des constructions avoisinantes et l’esthétique du bourg d’Hermance étaient ainsi compromises. Il était particulièrement choquant de constater qu’il semblait exister deux poids et deux mesures dans la protection du caractère architectural de ces maisons, classées en zone 4B protégée et inscrites à l’inventaire. Ainsi, dans sa consultation du 13 février 2008, la CMNS se montrait parfaitement intransigeante et imperméable à toute modification extérieure de l'escalier extérieur proposée par un professionnel et existant à plusieurs endroits déjà dans le bourg d’Hermance, arguant de la typologie caractéristique du bourg médiéval d'Hermance. La commission devait s’écarter de la pratique par trop inconstante de la CMNS et trancher elle-même dans le cas d’espèce. La décision litigieuse violait dès lors l’article 15 LCI.

La construction envisagée laissait apparaître deux ou trois registres suivant l’ange sous lequel on se plaçait. Eux-mêmes s’étaient vu refuser une autorisation au motif que le pan de toiture devait comprendre en tout trois châssis disposés sur un seul registre. De plus, leur toiture était deux fois plus importante que celle de Mme Hansen. Enfin, la construction projetée ne manquerait pas de créer une gêne évidente puisque ces ouvertures se situaient au-dessus de la salle de bains de Mme Hansen, laquelle se trouvait en contrebas de leur fenêtre. Mme Hansen se fondait d'ailleurs sur l’existence des ouvertures en toiture prévues pour s’opposer, de son côté, à tout agrandissement de leur fenêtre donnant précisément sur ce toit.

15. Le 13 mai 2008, le DCTI s’est opposé au recours.

Les transformations et réfections envisagées portaient sur une maison sise en zone protégée qui avait fait l’objet d’une mesure de classement. Dès lors, les préavis de la CMNS et de la commune avaient été recueillis conformément à la loi. Le projet modifié déposé par Mme Hansen avait reçu l’aval du conservateur cantonal des monuments, selon lequel les modifications apportées répondaient aux exigences de la SCMA. Au surplus, les autres préavis étaient positifs. Ainsi, le département n’avait aucune raison de s’écarter des préavis de la CMNS et de la commune. En délivrant l’autorisation querellée, il n’avait donc pas abusé de son pouvoir d’appréciation et, partant, n’avait pas violé les articles 15 LCI et 12 alinéa 5 LaLAT. La commission devait tenir compte du préavis de la SCMA, qui revêtait un poids considérable dès lors que la construction projetée portait sur un bâtiment se trouvant en zone protégée et était classé.

Les recourants ne pouvaient se plaindre d’une violation de leur droit d’être entendus. Ils étaient assistés d’un avocat lors de l'audience devant la commission et avaient signé le procès-verbal sans le contester.

La SCMA avait préavisé défavorablement leur projet lors de l'instruction de la requête en autorisation APA 25’263-1 qui portait sur l’agrandissement et la transformation d’une maison d’habitation. Toutefois, il ressortait des plans visés ne varietur, que les recourants avaient reçu l’autorisation de créer trois châssis en toiture sur un registre, alors qu’un autre registre préexistait et avait été maintenu, de sorte qu’au final, deux registres étaient présents sur ce pan de toiture. Mme Hansen avait reçu l’autorisation de créer deux châssis de toiture et de déplacer les tabatières, de taille très modeste. Ainsi, une ouverture sur un registre sur chaque pan de la toiture avait été créée. Le pan où les tabatières seraient installées posséderait dès lors certes trois registres. Toutefois, comme pour les recourants qui disposaient déjà d’une ouverture en toiture, ces tabatières préexistaient. Par ailleurs, les ouvertures autorisées pour les recourants et pour Mme Hansen étaient de la même dimension. Au surplus, la taille du toit n’influençait pas la CMNS qui analysait chaque cas en fonction de sa spécificité propre, notamment en considérant l’ensemble du bâtiment, sa qualité et les volumes de la maison en proportion de la toiture. Si les situations pouvaient être considérées comme semblables, elles n’avaient pas été traitées de manière différente. En effet, dans les deux situations des ouvertures préexistaient, chez les recourants sur un registre et chez Mme Hansen sur deux registres. Ensuite, les châssis autorisés se trouvaient, dans les deux cas, sur un seul registre. Finalement, ceux-ci étaient de la même dimension pour l’une et l’autre des parties. Il n'y avait dès lors pas d'inégalité de traitement.

Enfin, les règles sur les vues droites et les distances à respecter ne s’appliquaient pas aux velux. Au surplus, si quelqu’un pouvait se trouver gêné dans son intimé, ce serait Mme Hansen.

16. Le 24 avril 2008, Mme Hansen s’est opposée au recours et a requis le retrait de l’effet suspensif.

Quatre tabatières existaient déjà sur le pan sud de la toiture et seule une nouvelle ouverture, de petite dimension (55x78 cm), était prévue sur ce côté. Quant au pan nord de la toiture, il n’y avait qu’une seule nouvelle ouverture prévue, également de dimension réduite (55x78 cm), qui ne serait pas visible depuis la rue. La préservation de l’intimité des recourants était garantie car les ouvertures en cause étaient situées en contrebas du mur mitoyen avec leur bâtiment. Les époux Savioz ne pouvaient alléguer une violation du principe de l’égalité de traitement, dans la mesure où ils avaient obtenu cinq nouvelles ouvertures en toiture. De plus, il n’y avait eu aucune appréciation arbitraire de la part de la CMNS, qui ne faisait que délivrer un préavis que la police des constructions n’aurait pas manqué d’écarter s’il avait été arbitraire. Les ouvertures autorisées dans la toiture de la maison de Mme Hansen étaient conformes à la loi. Les recourants plaidaient pour leur projet d’aménager la toiture dans leur maison, ce qui n’avait rien à voir avec la présente procédure.

17. Le 5 juin 2008, les époux Savioz se sont opposés au retrait de l’effet suspensif au recours.

18. Le 2 juillet 2008, le département s’en est rapporté à justice sur la levée de l’effet suspensif attaché au recours.

19. Le 29 septembre 2008, le juge délégué a procédé à un transport sur place en présence des parties.

M. Savioz a confirmé, qu’en l’état de la procédure, son opposition concernait les ouvertures en toiture. Il a indiqué ne pas être opposé à une solution visant à ce que le chantier puisse avancer, pour autant que les travaux réalisés soient conformes à l’autorisation délivrée et qu’aucune des ouvertures litigieuses en toiture ne soit réalisée.

Les participants se sont dirigés au rez-de-chaussée de la maison, appelé à être un logement indépendant. Ils se sont ensuite rendus au premier étage en utilisant l’escalier passant devant la maison des époux Savioz. Au 1er étage, le volume était également en chantier. Aucune modification d’importance n'était prévue. Dans la toiture, les quatre tabatières existantes étaient visibles et Mme Hansen avait posé des plaques blanches dans la partie ouest du bâtiment pour symboliser la place future, soit de la nouvelle ouverture, soit des ouvertures déplacées. Sur la partie est, une plaque indiquait la nouvelle tabatière.

Les parties se sont ensuite rendues dans l’appartement des époux Savioz, déjà rénové. Au 2ème étage, la pièce située du côté opposé au lac était uniquement éclairée par trois velux. La façade contiguë ne disposait pas d’ouverture. A côté de cette pièce, se trouvait une chambrette, éclairée également par deux velux ainsi que par une petite fenêtre d’environ 35x50 cm. Depuis cette fenêtre, le juge délégué a vu l’emplacement où la nouvelle ouverture serait créée ainsi que les anciens jours existants qui seraient déplacés à peu près à la hauteur de ladite fenêtre.

M. Savioz a indiqué que, comme il s’agissait du seul jour sur cette façade, les nuisances proviendraient aussi bien des odeurs pouvant sortir d’une salle de bains que de la lumière et de ce que l’on pourrait y observer. Il a précisé avoir un enfant de dix ans, dont l’espace en question était la salle de jeux.

20. Par décision du 2 octobre 2008, le vice-président du Tribunal administratif a retiré l’effet suspensif attaché au recours des époux Savioz, sauf en ce qui concernait la création ou le déplacement d’ouvertures en toiture.

21. Le 20 octobre 2008, le DCTI a informé n’avoir aucune remarque à formuler quant à la teneur du procès-verbal.

22. Le 31 octobre 2008, Mme Hansen a notamment souligné que le rez-de-chaussée était déjà, précédemment, un logement indépendant et que la petite fenêtre dans la chambrette de la maison des recourants ne faisait l'objet d'aucune servitude quelconque, notamment de vue droite.

23. Par courrier du 6 novembre 2008, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités). La jurisprudence en matière de droits constitutionnels du Tribunal fédéral a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 237 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1P.729/2003 du 25 mars 2004 consid. 2 et 1P.531/2002 du 27 mars 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives. Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 237 ; ATF 126 I 97 consid. 2 p. 102  ; Arrêts du Tribunal fédéral précités ; ATA/362/2007 du 31 juillet 2007 consid. 3 ; ATA/360/2007 du 31 juillet 2007 consid. 13 ; P. TSCHANNEN/ U. ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2ème éd., Berne 2005, p. 239 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 299 ss, n. 2.2.8.2).

En l'espèce, les recourants, qui ont signé le procès-verbal sans émettre de réserve, ne démontrent pas avoir été empêchés de s'exprimer sur les modifications importantes engendrées par le projet lors de la comparution personnelle. Par ailleurs, il ressort de la décision de la commission que celle-ci a considéré que le département ne pouvait pas s'écarter du préavis favorable du conservateur cantonal des monuments et qu'il n'y avait pas violation de l'article 15 LCI. Sa motivation est claire et suffisante pour permettre aux recourants d'en comprendre la portée. Aucune violation du droit d'être entendu ne peut dès lors être retenue.

3. Les recourants soutiennent que la décision viole les articles 15 alinéa 1 LCI et 12 alinéa 5 LaLAT.

4. La 4ème zone B est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements, situées dans des villages et des hameaux (art. 19 al. 2 LaLAT). Lorsque la zone est en outre protégée, comme en l'espèce, l’aménagement et le caractère architectural du quartier ou de la localité considéré doivent être préservés (art. 12 al. 5 et art. 29 LaLAT).

5. a. Aux termes de l'article 106 LCI, dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant. Le département peut, en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites.

b. L’article 106 LCI renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’article 15 de la même loi, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce. Cette notion juridique indéterminée laisse un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/232/2006 du 2 mai 2006 et les références citées ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 332-333 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1991, p. 34-36).

6. Pour l’application de l’article 106 LCI, le département doit recueillir le préavis de la CMNS et de la commune.

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l’autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/648/2006 du 5 décembre 2006 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201, 5b). En particulier, lorsque la consultation de la CMNS qui est composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine, est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/78/2007 du 20 février 2007 et réf. cit.).

7. En l’espèce, la commune a émis un préavis favorable. Quant à la SCMA, elle a demandé que des modifications soient apportées au projet pour les ouvertures en toiture. Un projet modifié a ainsi été déposé, que le conservateur cantonal des monuments a préavisé favorablement car il répondait aux exigences de la CMNS.

Les préavis de la SCMA et du conservateur cantonal des monuments sont clairs et motivés. Ils émanent de spécialistes et aucun élément du dossier ne permet de s'en écarter. En particulier, le refus exprimé par la CMNS lors de la consultation du 13 février 2008 vise un objet particulier, soit la construction d'un escalier extérieur, et n'autorise pas à considérer que la pratique de la SCMA est inconstante.

En suivant les préavis recueillis, le département n'a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

8. Les recourants invoquent le refus qui leur a été opposé à la construction de nouvelles ouvertures en toitures. Le principe de l'égalité de traitement permet au justiciable de contester la décision qui lui refuse un traitement analogue à celui d'un tiers dans des circonstances identiques. En l'espèce, l'autorisation a été délivrée de façon conforme au droit. Faute d'en être les destinataires, les recourants ne peuvent dès lors pas se prévaloir du principe de l'égalité de traitement. De toute manière, il ressort des explications données par le département qu'une autorisation pour des ouvertures en toiture a été délivrée aux recourants. Ainsi, la situation de ces derniers et celle de Mme Hansen n'ont pas été traitées différemment.

9. Enfin, les nuisances occasionnées par la nouvelle ouverture au-dessus de la salle de bain sont minimes. En particulier, le fait qu’on puisse éventuellement apercevoir une personne dénudée ne saurait être considéré comme un inconvénient grave dès lors que des mesures simples permettent d’y remédier. Aucune violation de l'article 14 LCI ne peut ainsi être retenue.

10. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à Mme Hansen, à la charge conjointe et solidaire des recourants.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 avril 2008 par Madame Judith Mayencourt Savioz et Monsieur Roland Savioz contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 mars 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Madame Judith Mayencourt Savioz et Monsieur Roland Savioz, pris conjointement et solidairement ;

alloue à Madame Jutta Hansen une indemnité de CHF 2'000.- à charge de Madame Judith Mayencourt Savioz et Monsieur Roland Savioz, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Udry, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information et à Me Christian Grobet, avocat de Madame Jutta Hansen.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :