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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/471/2017

ATA/501/2017 du 02.05.2017 sur JTAPI/223/2017 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/471/2017-PE ATA/501/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2017 (JTAPI/223/2017)


EN FAIT

1. Madame A______, née le ______1974, est une ressortissante du Venezuela. Elle est au bénéfice d’un permis d’établissement. Elle est mariée avec Monsieur Juan A______ et domiciliée______, route de C______à Genève.

2. Monsieur B______, né le ______1969, est un ressortissant vénézuélien. C’est le frère de Mme A______. Il n’est au bénéfice d’aucun permis de séjour.

3. Mme A______ et M. B______ ont créé la société en nom collectif D______ (ci-après : SNC) qui a été inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 18 mai 2016 et dont le but est « développement informatique, conseil en gestion, service de marketing et e-commerce », à l’adresse______, route de C______.

4. Le 23 juin 2016, la SNC a déposé pour M. B______, une demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qui a été transmise le 13 juillet 2016 à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail
(ci-après : OCIRT), pour raison de compétence.

5. Le 13 juillet 2016, l’OCIRT a écrit à la SNC. Il ne lui était pas possible de rendre une décision favorable à l’octroi de la demande d’autorisation de séjour sollicitée, ceci après examen du dossier par la commission désignée à cet effet par le Conseil d’État. Les conditions de l’art. 19 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n’étaient pas remplies. La demande ne présentait pas d’intérêt économique suffisant. S’agissant de l’exercice d’une activité indépendante, il n’était pas prouvé que le marché suisse du travail tirerait durablement profit de l’implantation au sens de la jurisprudence. En outre, les conditions financières et les exigences relatives à l’exploitation de l’entreprise indépendante n’étaient pas réalisées. La SNC n’a pas recouru contre cette décision.

6. Le 13 janvier 2017, l’OCPM a refusé d’octroyer à M. B______ une autorisation de séjour avec activité lucrative salariée. Son renvoi de Suisse était prononcé et un délai au 13 février 2017 lui était accordé pour quitter la Suisse. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

7. Le 13 février 2017, Mme A______ a interjeté un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de l’OCPM du 13 janvier 2017 prononçant l’expulsion du territoire Suisse de M. B______ en concluant à son annulation.

À la fin de l’acte de recours, elle indiquait interjeter celui-ci « pour le compte de M. B______ en son nom » mais elle a été la seule à le signer.

Elle concluait au constat de la violation d’un droit fondamental, notamment celui de la liberté économique, à son détriment, à l’annulation de la décision de l’OCPM du 13 janvier 2017 et à ce qu’un droit lui soit reconnu d’obtenir une autorisation de séjour avec une activité lucrative pour son associé
M. B______ afin d’assurer l’exploitation de la SNC et son produit commercial de l’activité lucrative en Suisse.

Elle rappelait les circonstances dans lesquelles elle avait créé la SNC avec l’aide de son frère, M. B______, pour développer un projet de commerce de petite conciergerie. Elle ne comprenait pas la décision négative de l’OCIRT. Elle n’avait pas renoncé à son projet. Elle pensait mettre en route ce dernier le 15 mars 2017, mais l’ordre d’expulsion au 13 février 2017 frappant son frère venait détruire toute possibilité d’exploiter le produit, constituer un capital et créer des postes de travail en comblant un besoin d’une partie de la population genevoise, par la mise en œuvre des activités de la SNC. Son droit à la liberté économique était atteint par la décision. Elle sollicitait l’effet suspensif.

8. Reçu par le TAPI le 13 février 2017, le recours a été enregistré comme interjeté par Mme A______.

9. Par jugement du 27 février 2017, le TAPI a rejeté le recours. La question de savoir si la recourante bénéficiait de la qualité pour recourir contre la décision prononçant le renvoi de Suisse de M. B______ souffrait de rester indécise. En effet, l’OCIRT, par une décision cantonale préalable qui s’imposait à l’OCPM, avait refusé d’entrer en matière sur l’octroi d’une autorisation de séjour pour activité indépendante. Cette décision s’imposait à l’OCPM. L’OCPM ne pouvait que confirmer le refus d’octroi de l’autorisation et prendre une décision de renvoi qui n’était que la conséquence de la première décision qui était en force.

Le recours était rejeté dans la mesure où il était recevable et la demande de restitution de l’effet suspensif était sans objet.

10. Par acte posté le 28 mars 2017, Mme A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 27 février 2017 prononçant l’expulsion du territoire Suisse de M. B______. Elle prenait les mêmes conclusions que celles prises devant le TAPI et reprenait la même argumentation à l’appui de sa demande d’annulation dudit jugement. L’effet suspensif devait être restitué.

À nouveau, elle signait elle-même le recours mentionnant son nom mais aussi la mention « pour B______ ».

11. Le 5 avril 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

12. Le 4 avril 2017, l’OCPM en a fait de même.

13. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, contre un jugement du TAPI rendu à l’encontre de la recourante, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La décision de renvoi qui a fait l’objet du recours au TAPI visait
M. B______ et non pas la recourante. À teneur de l’acte de recours dont la juridiction de première instance a été saisie, celui-ci a été interjeté par Mme A______ pour le compte de M. B______. Le TAPI a cependant enregistré ledit recours comme n’ayant été interjeté que par celle-là en rejetant le recours mais en laissant ouverte la question de savoir si elle bénéficiait de la qualité pour recourir.

Dans la mesure où la décision de renvoi qui fait l’objet du contentieux n’a été rendue qu’à l’encontre de M. B______, il s’agit de déterminer si c’est à juste titre qu’il n’a pas été considéré comme partie à la procédure de première instance.

3. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/623/2016 du 19 juillet 2016 consid. 4 ; ATA/602/2016 du 12 juillet 2016 consid. 1b).

En l’occurrence, la décision de renvoi, qui visait M. B______ n’a été notifiée qu’à ce dernier. La recourante n’en était pas la destinataire et ne pouvait pas invoquer un intérêt digne de protection pour la contester. C’est donc à tort que le TAPI est entré en matière sur le fond du recours. Interjeté par
Mme A______ en son nom, le recours était irrecevable.

4. La recourante ayant signé le recours au TAPI en indiquant agir pour le compte de M. B______, il y a lieu de déterminer si c’est en conformité du droit de procédure que le TAPI n’a pas retenu ce dernier comme partie recourante.

5. En tant que destinataire de la décision de renvoi, M. B______ disposait indubitablement de la qualité pour recourir contre cette décision en vertu de l’art. 60 al. 1 LPA.

6. Il reste à déterminer si le recours, non signé par celui-ci, respecte les conditions de recevabilité formelles.

7. En vertu de l’art. 64 al. 1 LPA, le recours est formé par écrit et adressé à la juridiction administrative appelée à en connaître.

8. À teneur des art. 12 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), et notamment de l’art. 14 al. 1 CO, la forme écrite implique que la signature doit être écrite à la main par celui qui s’oblige.

De jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte pour être considéré comme un recours (ATA/649/2014 du 19 août 2014 ; ATA/98/2013 du 19 février 2013 et les références citées).

9. Selon l’art. 9 LPA, les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un partenaire enregistré, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s’agit.

10. En l’occurrence, le recours formé pour le compte de M. B______ n’a pas été signé par ce dernier. Quant à Mme A______, sœur de celui-ci, qui ne fait pas partie de ses ascendants ou descendants et qui n’a pas la qualité de mandataire au sens de l’art. 9 LPA, elle ne pouvait pas être considérée comme autorisée à le représenter dans le cadre du présent recours. En l’absence de signature de M. B______, le recours ne remplissait donc pas les conditions de l’art. 64 LPA.

11. Si, de jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte pour être considéré comme un recours (ATA/559/2016 du 28 juin 2016 et les références citées), selon le droit actuellement en vigueur, le défaut de signature est en tous les cas un vice réparable si la signature est ajoutée pendant le délai de recours (ATF 125 I 166 ; art. 65 al. 3 LPA ; art. 52 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021). Pour éviter tout reproche de formalisme excessif, l’autorité de recours qui constate une telle carence doit impartir un bref délai au recourant pour venir signer l’acte, éventuellement même hors délai
(ATF 114 Ib 20 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_141/2011 du 14 juillet 2011 consid. 2 publié in SJ 2011 I 357 ; 1C_139/2013 du 11 mars 2013
consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2).

12. En l’occurrence, M. B______ et Mme A______ agissaient en personne et sans recourir à un avocat ou mandataire professionnellement qualifié. À réception du recours, le TAPI, constatant que cette dernière ne pouvait valablement représenter le premier, aurait dû leur impartir un bref délai pour que celui-ci vienne signer le recours. En ne procédant pas ainsi, la juridiction de première instance a fait preuve d’un formalisme excessif constituant un aspect particulier du déni de justice et contrevenant à l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_139/2013 précité consid. 2.1).

13. Le recours sera admis. Le jugement du TAPI sera annulé au sens des considérants et la cause retournée au TAPI pour qu’il impartisse un délai à
M. B______ pour venir signer l’acte de recours puis qu’il donne à la procédure la suite qu’elle comporte.

14. Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée, la recourante, même si elle y a conclu, n’ayant pas établi avoir exposé des frais en rapport avec le recours (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2017 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
27 février 2017 ;

 

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2017 ;

retourne la cause au Tribunal administratif de première instance pour traitement au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.