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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3215/2008

ATA/496/2009 du 06.10.2009 ( DES ) , REJETE

Descripteurs : ; EMPLOYÉ PUBLIC ; ACTION EN CONSTATATION ; CONTRAT DE DURÉE DÉTERMINÉE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : aLPAC.7 ; LPAC.36.al3 ; Cst.9
Résumé : Action en constatation rejetée. L'art. 36 al. 3 LPAC a prolongé la période maximale prévue par la loi sans pour autant conférer aux conseillers en personnel auxiliaires un droit à être stabilisé dans leur fonction.
RÉPUBLIQUE ET

REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE

pouvoir judiciaire

A/3215/2008-DES ATA/496/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 octobre 2009


dans la cause



Madame X______
représentée par Me Eric Maugué, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI






EN FAIT

a. Madame X______ a été engagée par l’office cantonal de l’emploi (ci après : OCE) en qualité d’auxiliaire comme conseillère en personnel au sein du groupe du suivi des présentations (ci-après : GSP) dès 1er avril 2004 et pour une durée maximale de trente-six mois.

Son taux d’activité était de 100 % pour un traitement de base annuel de CHF 73'550.-, soit CHF 6'129,20 par mois. Le contrat prévoyait une classe de fonction maximum 13. L’accession à la classe de fonction 14 exigeait l’obtention du certificat du Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) de conseillère en personnel.

b. Selon la description du poste, les supérieurs hiérarchiques de Mme X______ étaient Monsieur Y______, responsable du GSP, et Madame Z______, directrice du service juridique. En sa qualité de conseillère du GSP, Mme X______ devait notamment examiner si les demandeurs d’emploi remplissaient leurs obligations au regard de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0), évaluer leur aptitude au placement et instruire les dossiers. Elle devait également rédiger des décisions dans les domaines de l’aptitude au placement, de la suspension et de la privation du droit aux indemnités.

Mme X______ a fait l’objet d’un entretien d'évaluation au terme des trois premiers mois. L'analyse, signée par Mme X______, M. Y______ et Mme Z______ le 14 juillet 2004, indiquait que les prestations de Mme X______ étaient bonnes. Celle-ci devait améliorer et poursuivre son apprentissage des législations cantonale et fédérale en matière d’assurance-chômage et obtenir la certification après avoir suivi la formation de base de conseiller en personnel « Office régional de placement » (ci après : ORP). Elle était arrivée à l’OCE avec un solide parcours professionnel et une motivation qui laissait présager un potentiel intéressant pour l’OCE et le GSP. Elle avait très rapidement assimilé l’essentiel de la fonction de conseillère en personnel GSP. Ses premières approches avec les interlocuteurs, assurés, employeurs, services de l’OCE étaient pragmatiques et efficaces. Mme X______ était appréciée par ses collègues et l’intégration au sein de la section GSP était pleinement réussie.

En novembre 2004, Mme X______ a obtenu son certificat l’autorisant à pratiquer en qualité de conseillère en personnel ORP.

Une analyse des prestations de Mme X______ a eu lieu à la fin de la première année d'activité. Le document émis suite à l'entretien, signé par Mme X______, par M. Y______ le 27 avril 2005 et par Mme Z______ le 14 mai 2005 mentionnait que l'intéressée devait maintenir le niveau déjà acquis et l’intérêt pour le métier de conseillère en personnel au sein du GSP. Elle devait gérer et instruire les demandes de traitement avec plus d’impartialité et moins de ressenti et augmenter la puissance de travail en respectant la même qualité. Mme X______ était une collaboratrice efficace, très volontaire et toujours prête à aider ses collègues. Elle s’était bien intégrée dans le groupe et avait de très bonnes relations avec l’ensemble des collaborateurs. Le service était heureux de la voir au sein de son entité et comptait sur elle à l’avenir.

Le 16 janvier 2006, les membres de la direction de l’OCE ont informé les collaborateurs auxiliaires engagés pour trente-six mois qu’un projet de loi (PL 9748) avait été déposé au Grand Conseil en vue de la prolongation de leur statut jusqu’en décembre 2008. Cette loi permettrait aux collaborateurs auxiliaires arrivant à l'échéance de leur contrat de prolonger celui-ci jusqu’à ce qu’un poste fixe se libère. La prolongation était limitée à la fin de l’année 2008 et serait effectuée dans le cas où un poste fixe ne serait pas disponible immédiatement après échéance du contrat.

a. Le 17 février 2006, Mme X______ ainsi que deux collègues, Madame T______ et Madame S______, ont déposé une plainte pénale contre M. Y______ pour avoir tenu des propos diffamatoires à leur encontre.

b. M. Y______ a été licencié par arrêté du Conseil d’Etat du 28 juin 2006.

c. Il a également été reconnu coupable de calomnies à l’encontre des trois plaignantes par un jugement du Tribunal de police du 31 mai 2007.

Le 9 juin 2006, le Grand Conseil a modifié la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et introduit un nouvel art. 36 al. 3 aux termes duquel "jusqu’au 30 juin 2008, la limitation de la durée de la relation de service prévue à l’art. 7 al. 2 ne s’appliquait pas à l’auxiliaire occupant une fonction de conseiller en personnel au sein de l’OCE, sanctionnée par une formation spécifique et dont le poste était financé par la Confédération".

En mars 2007, Madame V______ a repris ad intérim la direction du service juridique.

a. Le 15 mars 2007, une évaluation de l’activité de Mme X______ au terme des trois ans a été effectuée par Mme V______ et Monsieur G______, service des ressources humaines de l’OCE. Selon celle-là, Mme X______ était au bénéfice d’une prolongation exceptionnelle jusqu’au 30 juin 2008. En raison de circonstances indépendantes de la volonté de Mme X______, l’évaluation relative à la période des deux ans n’avait pas pu être effectuée. Toutefois, il ressortait de l’appréciation globale du travail de Mme X______ que ses prestations n’étaient en l’état pas suffisantes pour qu’une stabilisation puisse être envisagée si un poste de conseillère en personnel venait à se libérer. Mme X______ manquait d’autonomie dans le traitement des dossiers qui lui étaient confiés, avait de la difficulté à cerner les problèmes et avait tendance à s’attarder sur des éléments annexes inutiles à la résolution des cas. S’agissant de ses relations avec certains de ses collègues, Mme X______ se laissait parfois « déborder » par son côté émotionnel, ce qui pouvait provoquer certaines tensions. Une nouvelle évaluation, avec des objectifs précis, était prévue d’ici le 30 septembre 2007.

b. Mme X______ a contesté la teneur de son évaluation le 2 avril 2007. Elle n’avait pas eu d’évaluation au terme de la deuxième année contrairement à ce que prévoyait la loi et ceci malgré ses multiples demandes. Son responsable direct de l’époque, M. Y______, et la directrice du service, Mme Z______ ne s'étaient jamais plaints de son travail. Sa hiérarchie s'était toujours montrée rassurante sur ses compétences professionnelles. Les deux personnes capables de juger de ses compétences étaient absentes lors de cette dernière évaluation. Celle ci devait être annulée et une nouvelle analyse devait être effectuée par Mme Z______.

c. Le 4 avril 2007, Mme V______ a répondu à Mme X______ qu'elle avait effectué l'analyse de prestations selon les instructions claires et précises de Mme Z______.

Le 13 juin 2007, le contrat d’engagement de Mme X______ a été renouvelé dès le 1er avril 2007 pour une durée maximale de quinze mois.

Dans un courrier électronique du 19 juin 2007, Monsieur J______, directeur général, a indiqué que les conseillers en personnel engagés avant le 1er juillet 2005 avaient vu leur contrat d’auxiliaire prolongé jusqu’au 30 juin 2008. La régularisation des chefs de groupe interviendrait en priorité et celle des auxiliaires s'effectuerait selon la date d’entrée dans la fonction, l’ordre alphabétique et les prestations en lien avec les exigences du poste.

a. Une analyse intermédiaire des prestations a eu lieu le 23 août 2007. Selon le bilan général, Mme X______ avait tenu compte des remarques formulées lors de l'entretien précédent et des instructions données par sa hiérarchie. Elle avait fait preuve d’une attitude positive et constructive qui lui avait permis d’aller de l’avant et de se conformer aux attentes de sa hiérarchie. Une amélioration très sensible de la qualité de son travail était relevée. Mme X______ était invitée à poursuivre les efforts entrepris et à continuer d'améliorer ses prestations, notamment en relisant beaucoup plus attentivement ses décisions. Lors de l’analyse des dossiers, elle devait cerner le problème principal et ne pas se laisser distraire par des faits secondaires.

b. Une fois son évaluation terminée, Mme X______ a rapporté à Mme V______ et à M. G______ des propos tenus par Mme T______ selon lesquels celle-ci désirait simuler une tentative de suicide.

Une séance a eu lieu le 10 septembre 2007, présidée par M. J______ et en présence des responsables des ressources humaines du département de la solidarité et de l’emploi (ci-après : le département) et de l’OCE.

Selon la note de service rédigée par M. G______ et adressée aux conseillers en personnel auxiliaires de l’OCE, il a été rappelé, lors de cette séance, que le service des ressources humaines du département se tenait à disposition des conseillers en personnel sous statut d’auxiliaire engagés jusqu’au 1er juin 2005 et dont le contrat avait été prolongé au 30 juin 2008 ou serait prolongé jusqu’à cette date pour les soutenir dans le cadre de leurs recherches d’emploi. Un tableau des conseillers en personnel pouvant être stabilisés serait établi fin septembre/début octobre, en fonction du budget et envoyé aux directions de service ainsi qu’aux chefs d’agence. Une communication serait également adressée aux personnes concernées selon les voies et moyens à définir. Les règles fixées pour la stabilisation restaient les mêmes. Celle-ci se ferait en fonction de la date d’entrée et, en cas d’arrivée à la même date, selon l’ordre alphabétique. De plus, les entretiens périodiques devaient avoir donné entière satisfaction quant au travail du conseiller, son « relationnel » ainsi que son comportement.

Le 27 septembre 2007, Mme X______ a transmis ses commentaires sur son évaluation du 23 août 2007 à Mme V______. Elle refusait de signer le document qui lui avait été remis le 21 septembre 2007 car, lors de la séance, il lui avait été dit que si un poste de conseiller en personnel venait à se présenter, elle pouvait compter sur sa stabilisation. Or, rien n’était mentionné à ce sujet dans son évaluation. Par ailleurs, le contenu de l’entretien n'avait pas été retranscrit point par point.

Mme V______ a répondu par courrier électronique le jour même. Il n’y avait jamais eu d'engagement de la part de M. G______ ni d'elle-même quant à une stabilisation au cas où un poste venait à se libérer. A la fin de l’entretien, Mme X______ les avait interrogés et ils lui avaient déclaré qu’ils ne s’opposeraient pas à une éventuelle stabilisation. D'ailleurs, la décision de stabiliser ou non un auxiliaire n’appartenait pas au supérieur hiérarchique direct qui ne pouvait donner qu’un préavis.

a. Une rencontre a eu lieu le 18 octobre 2007 entre Madame K______, responsable du service des ressources humaines, et Mme X______.

b. Le 7 novembre 2007, Mme K______ a confirmé à Mme X______, qu'en l’état, si la question devait se poser, elle ne pourrait pas proposer une stabilisation au vu de la teneur des entretiens périodiques figurant dans le dossier. Mme X______ figurait en deuxième position sur la liste des auxiliaires à stabiliser. Si des régularisations étaient possibles, la question de la stabilisation de Mme X______ ne pourrait pas se poser avant avril 2008. Le contrat arrivant à échéance en juin 2008, elle ne pouvait en aucun cas garantir que Mme X______ pourrait être stabilisée entre avril et juin 2008. Elle l’invitait dès lors à faire les démarches nécessaires pour assurer son avenir professionnel.

Mme X______ a répondu à ce courrier le 13 novembre 2007. Elle ne pouvait admettre être tenue pour responsable et être pénalisée par la désorganisation engendrée par le départ de M. Y______, par l’absence momentanée de hiérarchie au sein dudit service et par le défaut d'analyse de prestations au terme de ses deux ans d’emploi. Par égalité de traitement, elle souhaitait que la décision prise et mentionnée dans le courrier du 7 novembre 2007 soit réétudiée.

Le 28 novembre 2007, Mme K______ a maintenu sa position. L’entretien périodique du mois d’août 2007 n’annulait, ni ne remplaçait celui de mars 2007 et aucune garantie de stabilisation avant l’échéance du contrat ne pouvait être donnée.

a. Entre novembre 2007 et mars 2008, le service de santé du personnel de l’Etat a procédé à une évaluation médicale de Mme X______, demandée par Mme V______ suite à des certificats médicaux remis par Mme X______ aux termes desquels son état de santé pouvait être à l’origine d’arrivées tardives.

b. Selon le rapport remis le 11 mars 2008, l’état de santé de Mme X______ avait évolué de manière tout-à-fait favorable et le traitement médical suivi était optimal. La restriction médicale en vigueur depuis l’automne 2007 et qui permettait à Mme X______ d’arriver au-delà des heures usuelles du matin n’avait plus lieu d’être. En revanche, il restait justifié de permettre à Mme X______ de bénéficier, pour des raisons médicales, d'une récupération les lundis qui suivaient les samedis de formation.

Mme X______ s’est inscrite le 5 décembre 2007 et le 28 février 2008 à des modules de formation, exigés par l’art. 119b al. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02).

Le 7 et le 8 avril 2008, deux collègues de Mme X______ ont, par courrier électronique, félicité Mme X______ de sa stabilisation.

Le 8 avril 2008, Mme X______ s’est enquise de sa situation auprès de Mme V______.

Un rendez-vous a été fixé le jour même avec Mme V______ et M. G______ lors duquel Mme X______ a été informée qu'elle ne serait pas stabilisée.

Le 6 mai 2008, elle a obtenu le certificat pour le module conseil et placement.

Dans un courriel du 6 mai 2008, adressé en copie à Mme X______, Madame B______, service des ressources humaines du département, a fixé le terme de l'activité de Mme X______ au 10 juin 2008, vu le solde de vacances de l'intéressée.

Le 16 mai 2008, Mme V______ a informé Mme X______ qu'elle ne pouvait pas accéder à sa demande de formation vu sa fin d'activité à l'OCE au 30 juin 2008.

Mme X______ s'est trouvée en incapacité de travail pour cause de maladie du 3 juin 2008 au 30 juin 2008.

Le 13 juin 2008, par l’intermédiaire du syndicat, Mme X______ a demandé sa stabilisation au service juridique de l’OCE ou dans un autre service. Elle avait connu une situation extrêmement difficile en lien avec le comportement de son ancien supérieur, M. Y______. Elle avait également dû subir les conséquences d’une plainte que l’une de ses collègues, Mme T______, avait déposée contre elle. Ces événements douloureux qui s’étaient succédé pendant trois ans l’avaient affectée dans sa santé. Or, au moment où sa stabilisation devait intervenir, celle-ci lui avait été refusée en raison de ses arrêts maladie qui étaient pourtant en lien direct avec les événements intervenus sur son lieu de travail. Ses évaluations étaient bonnes. Aucun reproche ne lui avait été adressé quant à ses compétences professionnelles ou ses relations avec les assurés, ses collègues, sa hiérarchie. Elle remplissait parfaitement les conditions exigées pour la stabilisation des conseillers en personnel engagés sous statut d’auxiliaire.

Le 2 juillet 2008, Mme X______, sous la plume de son avocat, a sollicité la confirmation de son engagement en qualité de fonctionnaire à compter du 1er juillet 2008 dès lors qu’elle réunissait toutes les conditions requises à cet effet telles qu’énoncées notamment dans le courrier électronique du 19 juin 2007. Elle, ainsi que deux de ses collègues, avaient subi de sévères atteintes à leur droit de la personnalité de par le comportement de leur précédent chef de service. Elles avaient également fait l’objet de pressions de la part de collègues de travail et de mesures visant clairement à les écarter du service. Ainsi, Mme T______ avait été mise à la retraite anticipée, Mme S______ était en arrêt maladie en raison d’une dépression et elle-même se trouvait dans la plus grande incertitude quant à la poursuite de ses rapports de service. Ces mesures vexatoires révélaient un climat particulièrement délétère au sein du service et s’apparentaient à des actes de rétorsion contre des personnes qui avaient fait valoir leurs droits en relation avec des agissements particulièrement choquants.

Elle faisait partie des auxiliaires dont les postes avaient été financés par le SECO, visés par le PL n° 9748 qui avait conduit à l’adoption de l’art. 36 al. 3 LPAC. Dans le contexte des débats parlementaires, il avait été relevé que les auxiliaires en question étaient tout à fait compétents et que le SECO souhaitait que ce personnel, formé à ses frais, continue son activité. Le législateur avait notamment souligné qu’il serait regrettable de se séparer de collaborateurs formés, compétents et motivés, pour réengager de nouvelles personnes à former et que le SECO estimerait inacceptable le licenciement d'employés dont il finançait l'intégralité du salaire et de la formation.

Elle avait suivi avec succès l’ensemble des formations qui lui avaient été proposées. Les reproches qui lui étaient adressés par sa supérieure hiérarchique directe en relation avec ses absences pour maladie s’avéraient totalement infondés. Enfin, le dernier décompte de salaire pour juin 2008 portait la mention "prochaine paie juillet 2008" et comportait un solde de vacances qui lui était dû.

Dans un courrier du 3 juillet 2008 adressé au syndicat, l’OCE a expliqué qu'il ne disposait pas d’autant de postes fixes qu'il avait de collaborateurs à stabiliser. Les employés donnant satisfaction au niveau de leur travail avaient été retenus. Le critère des absences pour raison de santé avait été pris comme second critère.

Le 17 juillet 2008, l’OCE a répondu au conseil de Mme X______. Le service ne pouvait proposer un poste fixe à chacun des collaborateurs auxiliaires.

Le 18 juillet 2008, un certificat de travail a été envoyé à Mme X______.

Un échange de correspondances entre l’OCE et le conseil de Mme X______ a encore eu lieu au mois d’août 2008.

Par acte du 8 septembre 2008, Mme X______ a saisi le Tribunal administratif d'une action en constatation de droit et d'une action pécuniaire. Elle demande d'une part qu’il soit constaté que ses rapports de service n’ont pas pris fin au 30 juin 2008 et qu’elle est au bénéfice du statut de fonctionnaire de l’Etat de Genève et, d'autre part, elle réclame le versement d’une somme de CHF 20'000.- pour atteinte illicite à la personnalité.

Elle ne contestait pas un refus d’engagement mais agissait pour faire constater qu’en application des principes de l’interdiction de l’abus de droit et de la bonne foi, elle pouvait se prévaloir de sa nomination en qualité de fonctionnaire et de l'absence de résiliation valable des rapports de service. Son action était dès lors recevable. De même, son action pécuniaire était recevable car elle fondait ses prétentions pour atteinte à sa personnalité sur l’art. 328 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) applicable à titre de droit public supplétif.

Sur le fond, le Grand Conseil avait adopté, le 9 juin 2006, un nouvel art. 36 al. 3 LPAC selon lequel, jusqu’au 30 juin 2008, la limitation de la durée de la relation de service prévue à l’art. 7 al. 2 ne s’appliquait pas à l’auxiliaire occupant une fonction de conseiller en personnel au sein de l’OCE, couronnée par une formation spécifique et dont le poste était financé par la Confédération. Tant lors de la séance du 16 janvier 2006 que lors de celle du 10 septembre 2007, la direction de l’OCE avait envisagé de procéder à la stabilisation de l’ensemble des auxiliaires sans aucune limitation liée à des restrictions de personnel. Les intéressés pouvaient donc se prévaloir d’un droit subjectif à obtenir leur stabilisation dans l’ordre de leur entrée en service et pour autant que leurs prestations aient donné entière satisfaction. Des membres de la direction de l’OCE voulaient se débarrasser des trois collaboratrices qui avaient porté plainte contre leur ancien supérieur, M. Y______. Mme V______ et M. G______ s’étaient évertués à trouver de faux prétextes pour s’opposer à sa stabilisation. Ses compétences avaient ainsi été mises en doute au mois de mars 2007. Puis des prétendues absences pour maladie avaient été invoquées, alors que bon nombre d’entre elles étaient en lien avec les procédures liées à M. Y______. Enfin, l’OCE avait avancé qu’il était en réduction d’effectif alors que la stabilisation de la demanderesse aurait déjà pu intervenir depuis plusieurs mois, d’autres collègues entrés en service après elle ayant été nommés. Un tel comportement était constitutif d’un abus de droit. Elle réunissait toutes les conditions pour prétendre à sa nomination qui ne pouvait pas lui être refusée pour des motifs sans lien avec ses aptitudes professionnelles.

Le comportement de sa hiérarchie lui permettait légitimement d’inférer que son engagement ne prendrait pas fin au 30 juin 2008. Ainsi, en janvier 2008, une nouvelle carte d’identification lui avait été remise qui devait être en usage à partir du mois de septembre 2008. Elle avait également été inscrite à un module de formation qui devait se terminer au début du mois de juillet 2008. Elle avait demandé et obtenu la possibilité de prendre des vacances durant le mois de septembre 2008. Autant d’assurances qui avaient suscité une confiance légitime en son avenir au sein de l’OCE. Si Mme V______ et M. G______ lui avaient effectivement dit, en avril 2008, que ses absences pour cause de maladie posaient un problème, M. J______ lui avait donné des assurances que ce reproche n’était pas fondé. L’ensemble des auxiliaires SECO avait été stabilisé, à l’exception de ceux qui avaient décidé de quitter l’OCE. Elle n’avait bénéficié d’aucun soutien pour la recherche d’un autre poste. L’OCE avait ainsi fait preuve d’un manque de loyauté certain dans son comportement à son égard qui était propre à la tromper sur ses perspectives d’avenir au sein de cette administration. Elle avait réglé sa conduite en fonction des assurances qui lui avaient été données et n'avait notamment entrepris aucune démarche pour la recherche d’un nouvel emploi. Ce faisant, elle avait pris des dispositions qu’elle ne pouvait plus modifier sans subir de préjudice. Par ailleurs, le fait de ne pas avoir pu anticiper une prétendue fin des rapports de travail avait eu pour conséquence qu’elle n’avait pas pu adapter ses charges en fonction de sa nouvelle situation économique de sans emploi.

Elle avait été l’objet de graves atteintes à la personnalité de la part de son supérieur hiérarchique, M. Y______. Celles-là s’étaient poursuivies après la suspension de ce dernier, notamment par des agressions verbales de la part de certains de ses collègues qui lui avaient reproché le dépôt d’une plainte pénale. Des pressions psychologiques avaient également été exercées à son encontre avant et après ses auditions par l’enquêteur et par les autorités pénales. Elle sollicitait d'ailleurs la production du rapport d’enquête administrative concernant M. Y______. Hormis la suspension, puis la révocation, de M. Y______ aucune mesure sérieuse n’avait été prise par ses supérieurs hiérarchiques pour la préserver d’un tel environnement. Bien au contraire, la directrice du service juridique de l’époque l’avait invitée à ne pas mettre de l’huile sur le feu et à s’accommoder de cette situation. Elle avait été psychologiquement très affectée. L’attitude de la nouvelle direction du service juridique n’avait pas été plus respectueuse de ses droits de la personnalité. Certains de ses collègues avaient été déplacés, d’autres demeuraient dans le service. Fragilisée et fortement ébranlée par ce premier épisode, elle était fondée à attendre un soutien dans son activité professionnelle. Or, les membres de cette nouvelle direction, soit Mme V______ et M. G______, avaient adopté une attitude déloyale en relation avec sa stabilisation. La nouvelle directrice du service juridique s'était également montrée dénigrante. Elle refusait de la saluer ou l’ignorait ostensiblement et mettait en doute de manière répétée son aptitude à remplir sa fonction pour des motifs médicaux qui s’avéraient infondés. On ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir recouru jusqu'à présent aux procédures prévues par le droit de la fonction publique cantonal en cas d'atteinte aux droits de la personnalité, les conséquences de sa précédente démarche judiciaire ayant été suffisamment lourdes pour qu'elle en soit dissuadée. Au vu de ces circonstances, elle avait droit à une indemnité pour tort moral.

L’OCE a répondu le 15 octobre 2008. Il conclut à l’irrecevabilité de l’action en constatation de droit et de l’action pécuniaire déposées par Mme X______, subsidiairement à leur rejet.

La création ou l’établissement des rapports de service était des prérogatives pour lesquelles l’autorité hiérarchique disposait d’un plein pouvoir d’appréciation. Personne ne saurait exiger l’octroi d'une prestation laissée à sa discrétion. L'action en constatation était dès lors irrecevable. De même, la demande en paiement d’une indemnité pour atteinte à la personnalité était fondée sur l’art. 328 CO. Or, les rapports de service étaient régis par des dispositions statutaires de droit public, le CO ne s’appliquant plus à titre de droit public supplétif. En cas de harcèlement psychologique, il était prévu une procédure d’enquête interne, laquelle était sujette à recours devant le Conseil d’Etat. Ainsi, une telle prétention ne saurait revêtir la forme d’une action pécuniaire, celle-ci étant subsidiaire. Partant, elle devait être déclarée irrecevable.

Si, par impossible, le tribunal de céans entrait en matière sur le fond du litige, l'OCE relevait que Mme X______ avait été mise au bénéfice d’un premier contrat de durée déterminée allant du 1er avril 2004 au 31 mars 2007 qui avait été prolongé jusqu’au 30 juin 2008 sur la base de l’art. 36 al. 3 LPAC. Il n’avait jamais donné une quelconque assurance à la demanderesse s’agissant d’une stabilisation ou d’une prolongation des rapports de service. De plus, Mme X______ ne fournissait aucune indication quant à un éventuel préjudice qu’elle aurait subi. Elle ne pouvait dès lors pas invoquer sa bonne foi et se prévaloir du statut de fonctionnaire.

Mme V______ ou M. G______ n’avait jamais eu des propos ou des attitudes attentatoires à la personnalité de la demanderesse. Cette dernière était malvenue de fustiger l’attitude de sa hiérarchie alors que des mesures avaient été prises suite à l’enquête administrative contre M. Y______. Le service juridique avait été complètement réorganisé. La hiérarchie mais aussi des personnes en charge des ressources humaines avaient consacré une part importante de leur activité à son encadrement et à son soutien ainsi qu'à la gestion des conflits interpersonnels dans lesquels elle était impliquée. Enfin, dans le cadre de son entretien d’évaluation du 23 août 2007, la demanderesse avait jugé son environnement de travail parfaitement adéquat. De son côté, cette dernière ne démontrait en aucune manière avoir subi de manière répétée des actes attentatoires à sa personnalité autres que ceux dont s’était rendu coupable M. Y______. Elle n’invoquait aucune autre attitude démontrant une volonté individuelle ou concertée de la dévaloriser, de la marginaliser ou de l’exclure par des moyens pernicieux sur son lieu de travail. Elle ne pouvait dès lors pas réclamer le versement d'une indemnité pour tort moral.

Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 26 novembre 2008.

a. Mme X______ a expliqué que, lors de son arrivée à l’OCE, M. Y______ était son supérieur hiérarchique. Mme Z______ était la directrice du service juridique de l’OCE. Elle avait succédé à M. Y______, lorsque celui-ci avait été suspendu, et était donc devenue sa supérieure hiérarchique jusqu’au mois de février 2007. Mme V______ était l'adjointe de Mme Z______, elle avait ensuite repris la direction du service juridique ad intérim lorsque Mme Z______ s'était trouvé en arrêt pour cause de maladie en mars 2007. Le service juridique était divisé en deux groupes, l’un dirigé par Mme Z______ et l’autre par Mme V______. Elle-même travaillait dans le groupe de Mme Z______ et ce n’était que lorsque celle-ci avait été absente qu’elle avait eu Mme V______ comme supérieure hiérarchique. M. J______ était, quant à lui, directeur de l’OCE depuis le 1er juin 2006. M. G______ était chargé des ressources humaines de l’OCE depuis le 1er février 2007. Elle n’avait jamais travaillé avec celui-ci. Enfin, Madame D______ était adjointe au service des ressources humaines au sein du département depuis 2004 environ.

Mme X______ a admis que, lors de son entretien périodique du 15 mars 2007, il lui avait été dit que son contrat prendrait fin le 30 juin 2008. Elle a encore confirmé avoir été présente lors de la séance du 10 septembre 2007. Elle avait également bien reçu le courrier adressé par Mme K______ le 7 novembre 2007 ainsi que le courriel de Mme B______ du 6 mai 2008 et de Mme V______ du 16 mai 2008.

S’agissant des assurances qui lui avaient été données au sujet de sa stabilisation, ce sujet n’avait pas été abordé lors de l’évaluation de mars 2007. Au mois d’août 2007, son évaluation était meilleure et, en réponse à une question qu'elle leur avait posée, M. G______ et Mme V______ avaient dit qu’ils ne s’opposeraient pas à sa stabilisation. Lorsqu’elle avait reçu le procès-verbal d’entretien, le 24 septembre 2007, elle avait constaté que rien ne figurait sur ce sujet. Elle s’était alors renseignée et les deux personnes lui avaient répondu par courriel qu’ils ne s’opposeraient pas à sa stabilisation mais que cela ne dépendait pas d’eux. En 2007/2008, elle avait suivi deux modules de formation, imposés par l’OCE et pour lesquels Mme V______ était tout-à-fait positive. En mars 2008, au cours d'un entretien avec l’une de ses collègues, Mme V______ aurait déclaré que sa stabilisation était en ordre. Le Docteur Gavillet, médecin conseil, lui avait également dit qu’au vu de son dossier, elle n’avait pas de souci à se faire pour sa stabilisation. Le 8 avril 2008, plusieurs de ses collègues l'avaient félicitée pour sa stabilisation. Elle avait alors essayé d’obtenir confirmation et avait finalement été reçue par de Mme V______, M. G______ et Mme D______ qui lui avaient dit qu’elle n’était pas stabilisée.

Les modules qu’elle avait suivis à l’OCE n’étaient d’aucune utilité pour un autre travail. Au cours du printemps 2008, elle avait appelé à trois reprises Monsieur Bernard Golay, chef des mesures cantonales, pour lui demander s’il y avait un poste qui se libérait. Elle n’avait pas reçu de réponse positive.

b. Mme K______ a expliqué ne pas savoir d’où venaient les rumeurs qui circulaient au sujet de la stabilisation de Mme X______. Lors de l’entretien du 8 avril 2008, le Conseil d’Etat n’avait pas pris d’arrêté de stabilisation concernant Mme X______ et c’était dans ce sens qu’il fallait comprendre les informations données à ce moment-là. L’arrêté de stabilisation était pris sur préavis de la hiérarchie, pour autant qu’une place se libère. Dans le cas de Mme X______, sur la base des analyses de prestations de mars et septembre 2007, le préavis donné était négatif. L’OCE avait mis en place un système de formation pour les collaborateurs qui pouvaient poursuivre au-delà de l’échéance du contrat et cela même pour les auxiliaires. L’OCE s’était engagé à prendre en charge de telles formations notamment pour les collaborateurs qui ne pouvaient pas être nommés fonctionnaires. Mme X______ n’avait pas utilisé les possibilités offertes aux auxiliaires en fin de contrat pour retrouver du travail. A sa connaissance, Mme X______ n’avait pas déposé de dossier alors qu’un poste de conseiller en personnel au service des mesures cantonales dépendant de l’OCE se libérait. De telles occasions s’étaient présentées en 2006 et 2007.

Une audience d’enquêtes a eu lieu en présence des parties le 26 février 2009.

a. Mme T______ a confirmé avoir déposé une plainte pénale contre M. Y______ le 17 février 2006 avec Mmes X______ et S______, à la suggestion de Mme Z______. En mars 2008, elle avait quitté l’OCE contre son gré. Mmes V______ et K______ ainsi que M. G______ avaient agi de sorte qu’elle s’en aille.

Elle travaillait avec Mme X______ et était assez proche d’elle. Elle avait entendu des rumeurs concernant Mme X______ qui provenaient soit de collègues, soit de M. Y______. Il avait été notamment colporté que celle-ci serait anorexique voire porteuse du virus du sida. M. Y______ avait prétendu que Mme X______ avait obtenu son poste grâce à des pistons et, lors d’une réunion du personnel, il avait dit qu’il avait été obligé de l’engager.

Elle contestait entièrement la déclaration de Mme X______ faite à son sujet lors de l’évaluation d’août 2007. Elle en avait beaucoup souffert car la hiérarchie croyait effectivement ce qu’avait allégué Mme X______. Elle ignorait les raisons pour lesquelles Mme X______ avait écrit ce document mais pensait que celle-ci avait agi parce que son évaluation de prestations était mauvaise et qu’elle-même était la cible de la personne à évincer du service. Mme X______ s’était donc rangée du côté de la hiérarchie.

Elle avait constaté de l’hostilité de la part de Mme V______ à l’égard de Mme X______. En revanche, elle n’avait jamais rien constaté de tel concernant Mme K______ et M. G______. Le comportement de Mme V______ était ciblé contre elle-même, contre Mme X______ et contre Mme S______. Mme V______ refusait de les recevoir pour parler d’un dossier, elle ignorait leurs interventions lors de séances. Elle avait même pu constater qu’elle ricanait dans le dos de Mme X______. Elle « massacrait » des décisions rédigées par Mme X______. Cette attitude était postérieure au dépôt de la plainte pénale contre M. Y______ et elle s’était manifestée lorsque Mme V______ était devenue leur supérieure hiérarchique. Elle avait encore remarqué que certains collègues ne parlaient plus à Mme X______.

A son avis, rien n’avait été entrepris pour ramener le calme et la sérénité dans le service ou pour protéger les collaborateurs qui avaient été traînés dans la boue par M. Y______.

Elle s’était plainte de l’attitude de Mme V______ auprès de Mme K______. Aucune suite n'ayant été donnée à ses doléances, elle avait demandé au service du personnel de l’OCE l'ouverture d’une enquête administrative contre Mmes Z______, V______, K______ et M. G______. L’OPE avait décliné sa demande et une procédure était en cours.

b. Le Dr Gavillet avait reçu Mme X______ au service de santé de l’Etat. La hiérarchie de celle-là avait fait une demande d’évaluation le 21 septembre 2007 et demandé, en particulier, de se prononcer sur la validité du certificat médical du 4 septembre 2007 du Docteur Hentsch. Lors de la consultation du 12 octobre 2007, Mme X______ lui avait fait part de plusieurs difficultés, à savoir une intervention chirurgicale subie en mars 2005 ayant entraîné une incapacité de travail de longue durée, une situation professionnelle difficile avec sa hiérarchie, une ambiance de travail lourde suite au licenciement de son ancien chef et une grave maladie de sa mère. Cet ensemble d’éléments péjorait son état de santé et entraînait notamment des troubles du sommeil. Elle était sous traitement médicamenteux et suivie médicalement par un médecin traitant et un spécialiste. Les soins prodigués en automne 2007 n’étaient pas en relation avec la tumeur au cerveau dont avait souffert Mme X______ quelques années auparavant. Lorsqu’il avait revu Mme X______ le 10 novembre 2007, elle lui avait fait part d’une surcharge de travail liée à des formations complémentaires qu’elle suivait notamment le samedi. Il avait reçu, une dernière fois, Mme X______ le 7 mars 2008. Lors des consultations, Mme X______ s’était plainte du retard dans ses évaluations de prestations ainsi que du fait qu’elle n’était pas stabilisée dans sa fonction alors que d’autres collègues qui effectuaient le même travail qu’elle l’étaient. L’état de Mme X______ s’était amélioré au fil des mois, amélioration confirmée par le psychiatre consultant du service de santé.

c. Le Docteur Scherrer avait reçu Mme X______ à sa consultation le 19 mars 2007 en sa qualité de médecin du travail de l’OPE. Elle lui avait été adressée par l’infirmière de santé publique de l’OPE sans indication des raisons médicales de l’intervention.

Mme X______ lui avait fait part de ses difficultés liées à ses évaluations de prestations repoussées à plusieurs reprises. Elle avait également évoqué des difficultés liées à l’affaire « Y______ ». Il n’avait pas établi d’arrêt de travail pour Mme X______ car cela n’entrait pas dans ses compétences.

Il n’avait plus vu Mme X______ depuis cette consultation mais avait eu des contacts par téléphone ou par e-mail. Le Dr Scherrer a versé à la procédure le relevé de l’entretien médical du 19 mars 2007 ainsi qu'un échange de courriels des 23 août, 29 septembre 2007 et 22 avril 2008.

d. Mme V______ était rattachée au service juridique depuis le mois de septembre 2006. Elle travaillait dans les mêmes locaux que Mme X______ mais n’avait pas de relations professionnelles avec celle-ci. Lorsque Mme Z______ était tombée malade en février 2007, elle l’avait remplacée et était devenue cheffe du service juridique depuis juillet 2008. Elle avait procédé à l’évaluation de prestations de Mme X______ après trois ans, en avril 2007, puis une analyse intermédiaire au mois d’août 2007. Mme X______ voulait obtenir la garantie qu’elle allait être stabilisée, ce qu’elle-même ne pouvait pas faire.

Elle avait constaté que Mme X______ arrivait régulièrement en retard, raison pour laquelle elle avait requis une évaluation médicale. Lors de l’analyse de mars 2007, les prestations de Mme X______ n’étaient pas suffisantes pour envisager une stabilisation de son poste. En août 2007, les prestations s’étant améliorées, M. G______ et elle-même avaient indiqué à Mme X______ qu’ils ne s’opposeraient pas en l’état à sa stabilisation. Ce n’était toutefois pas eux qui prenaient la décision. Par la suite, elle avait souvent dit à Mme X______ que la situation n’était pas certaine à l’OCE et elle l’avait encouragée à chercher du travail ailleurs. En avril 2008, des rumeurs avaient circulé informant Mme X______ qu’elle était stabilisée. M. G______, Mme D______ et elle-même avaient alors agendé une réunion pour annoncer à Mme X______ que tel n’était pas le cas.

En mars 2008, la hiérarchie lui avait demandé de se prononcer sur les prestations de Mme X______ dans le but d’une éventuelle stabilisation. Compte tenu des nombreuses absences pour raison de maladie de Mme X______ depuis août 2007, elle n’avait pas beaucoup d’éléments pour se déterminer. A cette période, il n’y avait pas eu de stabilisation d’auxiliaires occupant des postes financés par le SECO dans son service. Dès 2008, il y avait eu des réductions d’effectifs au sein de ce dernier, elle avait perdu trois postes dont celui de Mme X______.

Mme X______ lui en avait voulu en raison de la teneur des analyses de prestations et les contacts étaient devenus difficiles. En revanche, elle-même avait toujours été à son écoute notamment lors des problèmes qu’elle avait rencontrés avec Mme T______.

Elle avait effectué l’analyse de prestations de mars 2007 sur les instructions de Mme Z______ eu égard au volet relationnel. En revanche, pour les prestations professionnelles, elle s’était basée sur ses propres constatations. Depuis le mois de septembre 2006, il lui arrivait de manière occasionnelle de travailler sur les dossiers du personnel de Mme Z______ dans la mesure où celle-ci était soit absente, soit retenue par d’autres tâches. Suite à l’analyse de prestations d’août 2007, Mme X______ avait fait part à M. G______ et à elle-même du plan élaboré par Mme T______. Elle leur avait remis le document signé. Ils avaient alors reçu Mme T______ et, au vu de la divergence des déclarations, ils avaient renoncé à une confrontation. Ils n'avaient pas pris de sanctions, car ils ne savaient pas où se situait la vérité. En octobre 2007, Mme X______ avait informé M. G______ que Mme T______ l’avait menacée et suite à cela un blâme avait été prononcé à l’encontre de celle-ci.

Le 5 mars 2008, l’OCE a transmis au tribunal de céans l’effectif du service juridique pour les trois dernières années qui était de :

  • 27,56 postes à plein-temps au 31 décembre 2006 ;

  • 24,60 postes à plein-temps au 31 décembre 2007 ;

  • 20,48 postes à plein temps au 31 décembre 2008.

Une nouvelle d’audience d’enquêtes a eu lieu en présence des parties le 30 avril 2009.

a. La Doctoresse Aude Charmillot avait suivi Mme X______ entre le 26 novembre 2007 et juin 2008 au centre de la consultation de la Jonction en psychiatrie adulte. Mme X______ souffrait d’un état dépressif sévère dû essentiellement à des problèmes de stress professionnels mais aussi, dans une certaine mesure, à un stress personnel lié à l’état de santé de sa mère.

Elle avait établi l’attestation du 3 juin 2008 en accord avec le Dr Gavillet pour que Mme X______ puisse disposer de deux jours libres consécutifs par semaine pour pouvoir récupérer. Les difficultés professionnelles de Mme X______ étaient l’objet principal de leurs discussions. Celle-ci souffrait du retard lié à sa stabilisation. De plus, les entretiens qu’elle avait avec sa hiérarchie se passaient mal et étaient difficiles. Mme X______ souffrait également des pressions d’une collègue, vraisemblablement Mme T______.

b. Monsieur G______ avait travaillé au service juridique de l’OCE du 26 avril 2004 au 26 septembre 2007. Mme X______ était une collègue, M. Y______, son supérieur hiérarchique. Pendant toute la période de l’enquête dirigée contre ce dernier, il y avait eu un flou dans le service. Mme X______ était très affectée par cette situation. A l’intérieur du groupe, certaines personnes ne s’entendaient pas très bien. Cette mésentente était antérieure à l’affaire "Y______" mais s’était exacerbée suite à celle-ci.

Mme V______ était sa supérieure hiérarchique directe. En-dessus d’elle, il y avait Mme Z______. Entre Mmes V______ et X______, il n’y avait visiblement pas d’affinités. Lors de son arrivée, Mme V______ avait de bonnes intentions mais devant l’ampleur des difficultés, elle n'était pas parvenue à obtenir une cohésion au sein du groupe. Lui-même avait un contrat de durée déterminée mais il avait quitté le service avant le terme car il était tombé en dépression, en raison principalement de l’ambiance difficile dans le service.

Dans le service, il y avait deux groupes, les personnes en faveur de M. Y______ et les autres. Il avait entendu certaines personnes critiquer l’attitude de Mme X______ à l’endroit de M. Y______. Certains collaborateurs voulaient « faire payer » ceux qui avaient éjecté M. Y______. Ainsi, par exemple, Madame M______ qui était la secrétaire attitrée de M. Y______, avait tenu des propos désobligeants à l’endroit de Mme X______. Cette personne avait été transférée dans un autre service peu après l'arrivée de Mme V______. Les relations entre Mme V______ et Mme X______ étaient difficiles. En particulier, pour cette dernière, il n’était pas facile d’approcher sa supérieure hiérarchique. La direction du service avait pris des mesures pour essayer d’aplanir les difficultés du groupe. Il y avait eu, dans un premier temps, une mesure appelée « étoile de mer » qui regroupait un psychologue, une personne des ressources humaines et les collaborateurs du service qui voulaient y participer. Mme D______ avait également convoqué chaque collaborateur à tour de rôle. En revanche, il n’y avait pas eu de mesures pour l’affectation des collaborateurs, ni de réorganisation de personnel au sein du service. Le programme « étoile de mer » avait précédé l’enquête relative à M. Y______.

c. Madame C______ travaillait au service juridique depuis quinze ans mais pas dans la même entité que Mme X______. Elle n’avait rien observé quant à la qualité des relations entre Mme X______ et Mme V______. Actuellement, Mme V______ était sa supérieure hiérarchique. Ses relations avec cette dernière étaient bonnes.

d. Madame N______ travaillait depuis 1995 à l’OCE. Mme X______ était sa collègue et elles faisaient partie du même groupe. Elle était dans le service à l’époque de l’affaire "Y______". Cette période avait été délicate pour tout le monde et avait mis Mme X______ dans un état émotionnel difficile. La direction de l’OCE n’avait pas pris de mesures spécifiques à l’égard du service juridique dans le cadre de cette affaire. A sa connaissance, le service n’avait pas forcément demandé de soutien à la direction.

Mme Z______ avait succédé à M. Y______. Les choses se passaient bien avec cette directrice. Celle-ci avait été par la suite remplacée par Mme V______ qui avait été nommée dans un premier temps cheffe ad intérim, puis titulaire du poste. A l’arrivée de celle-ci, ils avaient dû s’habituer à une nouvelle manière de fonctionner, cela avait été un peu difficile pour tout le monde. Elle n’avait jamais assisté personnellement à un conflit entre Mmes X______ et V______. Elle avait pu constater que les relations entre ces deux personnes étaient bonnes. L’affaire "Y______" avait fait « éclater » le service. Certains collaborateurs avaient donné leur démission, d’autres avaient été déplacés et une partie était restée en place. A sa connaissance, aucun collaborateur du service n’avait souffert de dépression en relation avec cette affaire. Elle n’avait rien entendu de particulier concernant Mme X______ par rapport à cette affaire. En 2007, Mme X______ était la seule auxiliaire de conseillère en personnel du service. Elle-même n’avait pas de problème avec Mme V______. Actuellement, l’ambiance de travail était bonne.

e. Madame A______ travaillait à l’OCE depuis le 1er juin 2005 en qualité de conseillère en personnel. Elle était auxiliaire et avait été stabilisée à fin juin 2008. Lorsqu'elle avait été engagée sa hiérarchie lui avait clairement dit qu’il n’y avait pas de garantie de stabilisation à l’expiration du contrat d’auxiliaire de trois ans. Au début du mois de mai, son chef lui avait annoncé qu’il y aurait de fortes chances qu’elle soit stabilisée. Elle avait reçu l’arrêté du Conseil d’Etat à fin juin 2008.

Elle était à l’agence économique du Bouchet, et n’avait jamais travaillé avec Mme X______. Pendant deux ans, la question de la stabilisation avait fait l’objet de nombreuses conversations entre les auxiliaires. A ces occasions, elle avait pu constater que, pour les personnes engagées avant le 1er juin 2005, la stabilisation semblait quasiment automatique, voire une simple formalité. Cela expliquait que certains auxiliaires avaient été particulièrement déçus lorsque la stabilisation n’intervenait pas. A sa connaissance, le tableau des auxiliaires établi en vue de la stabilisation était l’œuvre de la hiérarchie. Selon ce tableau, seule Mme X______ n’avait pas été stabilisée, d’autres collaborateurs avaient quitté le service car ils avaient trouvé du travail ailleurs avant le 30 juin 2008. Lors de son engagement en 2005, on lui avait dit qu’elle avait un délai de cinq ans pour obtenir un brevet RH ou en assurances sociales ou alors l’équivalence de deux modules que l’on pouvait obtenir en deux ans. L’obtention du brevet n’était pas une condition à la stabilisation mais l’obtention des deux modules oui.

Le 17 juin 2009, Mme Z______ a été entendue à huis clos, sur demande du président du département et d'entente entre les parties, en présence du conseil de Mme X______ et du représentant de l’OPE.

Mme Z______ a expliqué que, lors de son engagement à l’OCE, Mme X______ était sous la responsabilité directe de M. Y______ et qu’elle-même était la responsable hiérarchique de ce dernier. Elle n’avait pas participé aux entretiens périodiques effectués respectivement après trois mois et une année de service de Mme X______, mais elle avait contresigné les procès-verbaux en sa qualité de supérieure hiérarchique. Elle n'avait pas pu procéder à l’entretien de la troisième année de service car elle avait été malade à ce moment-là. Mme X______ était très travailleuse et se donnait beaucoup de peine, mais il lui manquait un esprit de synthèse et une certaine rigueur. Elle ne pensait pas qu’idéalement Mme X______ avait le profil du poste. Elle n’avait pas le souvenir que la question de la stabilisation de Mme X______ ait été abordée alors qu’elle était la supérieure hiérarchique du service. Pendant une certaine période, elle avait travaillé directement avec Mme X______, Mme V______ était son adjointe. Les relations entre les trois personnes étaient bonnes. La plainte pénale et l’enquête administrative dirigées contre M. Y______ avaient engendré des tensions et des clivages au sein de l’équipe. Elle ne se souvenait pas si les ressources humaines étaient intervenues dans le service à cette époque. Elle ne savait pas non plus dans quelle mesure les ressources humaines était au courant de ce qui se passait, étant précisé que le clivage était sous-jacent. A sa connaissance, il y avait eu une intervention ponctuelle des ressources humaines. Elle n’avait pas ressenti que les collaborateurs du service auraient fait « payer » d’une quelconque manière à Mme X______ le fait qu’elle ait déposé plainte pénale contre M. Y______. Madame F______, qui avait travaillé quelques temps dans le service, lui avait adressé un courrier qui dénonçait l’attitude de Mme M______. Cette dernière était une amie d’enfance de M. Y______. Elle ne croyait pas que celle-ci ait eu un comportement différent vis-à-vis de Mme X______ qu’envers d’autres collaborateurs, mais il était évident qu’elle soutenait M. Y______. Mme M______ avait des problèmes avec les trois-quarts de l’équipe, dont Mme X______.

S’agissant de l’analyse de prestations de Mme X______ du printemps 2007, elle n’avait pas donné d’instructions à Mme V______ à ce sujet. En revanche, celle-ci disposait de son dossier lequel contenait ses notes personnelles concernant le travail de Mme X______.

L’audition des témoins s’est poursuivie le même jour en présence des parties.

a. Monsieur F______ était secrétaire général du département et, à ce titre, il avait participé à la décision qui avait abouti au refus de stabilisation de Mme X______. Toutes les demandes de stabilisation étaient en dernier ressort visées par le secrétaire général du département et son président. Ces questions revenaient en définitive à la nomination d’un nouveau fonctionnaire et étaient donc alors du ressort du Conseil d’Etat. Les demandes de stabilisation étaient acceptées pour autant qu’il n’y ait aucun problème dans la qualité des prestations de l’intéressé que ce soit sur le plan professionnel et/ou relationnel. De plus, s’agissant d’un poste de conseiller en personnel, la formation suivie par l’intéressé était également prise en considération. A son souvenir, concernant Mme X______, aucun des indicateurs nécessaires n’était ouvert. La qualité des prestations professionnelles était discutée. Ses relations avec ses supérieurs et ses collègues n’étaient pas simples. Sauf erreur, elle n’avait pas le brevet ni l’équivalence requise. Les décisions étaient prises sur la base du dossier préparé par la hiérarchie de l’intéressée ainsi que sur le préavis du service des ressources humaines. Il n’était pas exclu que certaines personnes stabilisées soient titulaires du brevet ou de l’équivalence AOST, cette exigence provenant du SECO. La formation suivie par Mme X______ était une formation cantonale de base selon la pièce soumise par le conseil de celle-ci. Or, le SECO exigeait le brevet fédéral. Le certificat obtenu par Mme X______ le 1er novembre 2004 ne pouvait pas être considéré comme une équivalence du brevet fédéral. Cette formation se faisait par palier et le certificat obtenu par Mme X______ était le premier échelon de celle-là. Le processus de formation était standard pour tous les collaborateurs aussi longtemps que la fin des rapports de service n’était pas intervenue. L'inscription d'un collaborateur par la hiérarchie à un processus de formation ne démontrait pas que la qualité des prestations était acquise.

Il avait connaissance du cas de Mme X______ puisque lui-même avait initié la démarche qui avait abouti au licenciement de M. Y______. Il avait également entendu parler de cette collaboratrice, notamment par Mme V______, et des difficultés relationnelles que celle-là rencontrait au sein de l’équipe. Par ailleurs, aussi bien Mme V______ que Mme K______ l’avaient informé des difficultés professionnelles rencontrées par Mme X______. Il ne voyait pas la relation de cause à effet entre le fait que Mmes X______, S______ et T______ aient déposé plainte contre M. Y______ et leur départ de l’OCE.

b. Mme S______ avait été une collègue de Mme X______. Elle effectuait le même travail. Elle avait été nommée fonctionnaire mais elle avait démissionné fin décembre 2008. Elle avait envoyé au Conseiller d'Etat responsable une lettre de soutien en faveur de la stabilisation de Mme X______. Mme V______ trouvait que l'initiative était bonne.

Elle avait déposé plainte pénale contre M. Y______ avec Mme X______ et Mme T______. Mme Z______ l’avait soutenue dans cette démarche A sa connaissance, elle avait également soutenu Mme X______ et Mme T______. Lors de l’enquête administrative contre M. Y______, elle-même était en arrêt maladie. Lorsqu’elle était revenue en avril 2007, elle avait constaté que ses collègues n'approuvaient pas sa démarche, à l’exception bien sûr de Mme X______. Elle avait également constaté une animosité certaine à l’encontre de Mme X______ alors qu’à son égard c’était plutôt de l’indifférence. En particulier, elle avait remarqué qu’il n’y avait aucune marque de sympathie entre Mme V______ et Mme X______. On sentait une tension entre ces deux personnes, notamment au sujet de la stabilisation de Mme X______. Elle n’avait jamais entendu ni Mme Z______, ni Mme V______ se plaindre des prestations professionnelles de Mme X______. Toutes les décisions préparées par les collaborateurs et qui partaient du service étaient signées soit par l’une, soit par l’autre. C’était donc le signe qu’elles étaient acceptées par la hiérarchie. Elle n’avait jamais constaté que des décisions préparées par Mme X______ auraient été retournées par la hiérarchie comme étant fausses. Il était incontestable que l’affaire "Y______" avait été un pavé dans la mare, mal vécu par les collaborateurs plus que par la hiérarchie. Lorsqu'elle était revenue, elle avait pu constater que l’équipe était divisée en clans. Certaines personnes leur en voulaient car, pour celles-ci, la démarche avait coûté son poste à M. Y______, d'autres étaient indifférentes. Elle avait entendu certaines insultes à l’encontre de Mme X______ et il était clair que certaines personnes ne voulaient pas que celle-ci reste. Le service des ressources humaines n’avait rien mis en œuvre pour tenter d’apaiser les tensions au sein du groupe. L’animosité à l’encontre de Mme X______ était essentiellement le fait de deux personnes dont Mme M______. Ni Mme V______, ni un représentant des ressources humaines n’avaient entendu des insultes proférées à l’encontre de Mme X______.

L’OCE a transmis le 9 juillet 2009 le courrier de Mme S______ adressé au Conseiller d'Etat responsable.

Le 30 août 2009, Mme X______ a déposé des conclusions après enquêtes. Elle maintient sa position.

La responsabilité de l’Etat de Genève était engagée à double titre, d'une part, en raison des agissements de M. Y______ et, d'autre part, en raison du fait que la hiérarchie du département n’avait pris aucune mesure pour la préserver des pénibles atteintes à son droit de la personnalité dont elle faisait l’objet par la suite de la part de certains de ses collègues. Elle avait ainsi souffert d’un état dépressif sévère lié à des problèmes de stress professionnel comme l’avait confirmé les médecins entendus au cours des enquêtes. Une indemnité à titre de tort moral de CHF 20'000.- était dès lors justifiée. Sa stabilisation n’était pas formellement intervenue pour des raisons qui devaient être mis en lien avec la plainte déposée contre M. Y______. Les enquêtes avaient pu démontrer que les motifs avancés par sa hiérarchie étaient contradictoires et ne résistaient pas à l’examen. Les responsables hiérarchiques avaient gravement enfreint le principe de la bonne foi en ce qui concernait sa stabilisation. Compte tenu des circonstances, l’autorité devait supporter les conséquences de l’incertitude dans laquelle elle avait été maintenue. Elle persistait donc intégralement dans ses conclusions en constatation de droit. En tout état de cause, l’attitude déloyale adoptée à son égard constituait une composante des atteintes à la personnalité dont elle avait été l’objet et devait être prise en compte à ce titre.

A la même date, l’OCE a déposé ses observations après enquêtes. Il persiste intégralement dans ses précédentes observations.

Pour le surplus, les enquêtes avaient confirmé que la défenderesse ne pouvait soutenir avoir réglé sa conduite sur des assurances qui lui auraient été données. Elle ne pouvait valablement invoquer sa bonne foi dès lors qu’elle réclamait un avantage dont le législateur avait précisément voulu la priver en délimitant la période de prolongation accordée. Ne pouvant en aucun cas se prévaloir du statut de fonctionnaire, son action en constatation devait être rejetée dans la mesure où elle était recevable. La demanderesse n’avait démontré en aucune manière avoir subi des actes attentatoires à sa personnalité autres que ceux dont s’étaient rendu coupable M. Y______ ou Mme M______. Elle n’invoquait aucune autre attitude démontrant une volonté individuelle ou concertée de la dévaloriser, de la marginaliser ou de l’exclure par des moyens pernicieux sur son lieu de travail. La plainte pénale de la demanderesse avait abouti à la condamnation pénale de M. Y______, à l’ouverture d’une enquête administrative au terme de laquelle le mis en cause avait été révoqué et à la réorganisation complète du service en question. Parallèlement, la hiérarchie mais aussi les personnes en charge des ressources humaines avaient consacré une part importante de leur activité à son encadrement, à son soutien et à la gestion des conflits interpersonnels dans lesquels elle était impliquée. Plus généralement, un soutien individualisé avait été mis en place par le biais de Mme D______ pour aider les auxiliaires dans leurs recherches d’emploi. Dans ces conditions, l’action en constatation déposée par la demanderesse devait être rejetée dans la mesure où elle était recevable.

Le 17 septembre 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

a. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ   E 2 05). Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, répond à l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui garantit l'accès au juge et à l'art. 86 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) qui oblige les cantons à instituer des tribunaux supérieurs statuant en dernière instance comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral. Elle a notamment entraîné l'abrogation de l'art. 56B al. 4 LOJ et la modification de l'art. 56G LOJ. Ainsi, le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat et l'action pécuniaire est devenue une action contractuelle réservée aux prétentions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision et qui découlent d'un contrat de droit public (ATA/178/2009 du 7 avril 2009).

b. Les dispositions transitoires figurant à l’art. 162 LOJ ne déterminent pas si le Tribunal administratif saisi d’un recours ou d'une action au cours de l'année 2008 doit appliquer les anciennes ou les nouvelles clauses de compétence. Il convient dès lors de trancher la présente cause en application des principes généraux du droit intertemporel.

c. En principe, le nouveau droit s’applique à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur. En particulier, en l’absence de dispositions transitoires, les nouvelles règles de nature procédurale doivent s’appliquer immédiatement à toutes les affaires pendantes (ATF 130 V 560, 562 ; 111 V 46, 47 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-5714/2007 du 18 mars 2008, consid. 3.4 et les réf. citées ; ATA/356/2008 du 24 juin 2008 ; voir aussi U. HAEFELIN/G. MÜLLER/F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich, 2006, p. 66, n° 327a ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 1994, p. 171), sous réserve de deux exceptions. Premièrement, si une autorité compétente selon l’ancien droit a été saisie avant l’entrée en vigueur du nouveau droit et n’a pas été abolie par ce dernier, elle reste compétente pour connaître de l’affaire en cause (ATF 130 V 90, 93). Deuxièmement, les nouvelles règles de procédure ne peuvent être appliquées immédiatement que si elles restent dans une certaine continuité avec le système antérieur, sans en bouleverser les fondements (ATF 112 V 356, 360 ; U. HAEFELIN/G. MÜLLER/F. UHLMANN, op. cit., p. 66, n° 327a). Une règle nouvelle qui modifie la procédure à suivre devant l'autorité dont la décision est entreprise ne saurait être appliquée par l'autorité de recours. Une telle application conférerait un effet rétroactif à la règle de procédure (B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 1991, p. 123, n° 594).

d. En l'occurrence, en ouvrant une voie de recours contre les décisions relatives au statut et aux rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l'Etat, le nouveau droit a restreint les possibilités pour intenter une action pécuniaire. La procédure à suivre devant l'autorité de recours n'est ainsi pas identique selon le nouveau ou l'ancien droit. Il convient dès lors d'appliquer à la présente cause, introduite par-devant le tribunal de céans avant la modification législative, les règles de la LOJ dans leur ancienne teneur (ci-après : aLOJ ; ATA/309/2009 du 23 juin 2009).

a. Aux termes de l'art. 56B al. 4 let. a aLOJ, le recours au Tribunal administratif contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat, des communes, et des autres corporations et établissements de droit public n’est recevable que dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire le prévoit.

b. L'art. 49 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoit la possibilité d’intenter une action en constatation si son auteur rend vraisemblable qu’il a un intérêt juridique personnel et concret, digne de protection à l’admission d’une telle demande. Les conclusions de nature constatatoire sont irrecevables lorsque la partie recourante agit en constatation de droit alors qu’elle pourrait le faire en condamnation de sa partie adverse. En vertu du principe de subsidiarité, une décision en constatation ne sera prise qu’en cas d’impossibilité pour la partie concernée d’obtenir une décision formatrice (ATA/245/2007 du 15 mai 2007).

a. Lorsqu’une personne est engagée par l’Etat de Genève pour assumer des travaux temporaires pour une durée déterminée ou non, elle a le statut d’auxiliaire aux termes de l’art. 7 LPAC. La relation de service ne peut excéder une durée maximale de trois ans (art. 7 al. 2 LPAC).

Cette durée a été étendue par l'art. 36 al. 3 LPAC, adopté le 9 juin et entré en vigueur le 29 août 2006, jusqu’au 30 juin 2008 pour l’auxiliaire occupant une fonction de conseiller en personnel au sein de l'OCE, sanctionné par une formation spécifique, et dont le poste est financé par la Confédération.

b. A teneur de l'art. 24 al. 1 LPAC, lorsqu'un contrat est conclu pour une durée déterminée, les rapports de service prennent fin à l'échéance dudit contrat.

c. Selon la jurisprudence, le refus d'embauche n'est pas une décision susceptible de recours (ACOM/83/2006 du 31 juillet 2006 et les réf. citées ; ATA/222/2005 du 19 avril 2005).

En l'espèce, Mme X______ a été engagée comme auxiliaire dès le 1er avril 2004 pour une durée maximale de trente-six mois. Le 13 juin 2007, son contrat a été prolongé dès le 1er avril 2007 pour une durée maximale de quinze mois. Le contrat de Mme X______ était ainsi un contrat de durée déterminée qui est arrivé à échéance le 30 juin 2008. Il n'y a pas eu licenciement et aucune voie de recours n'est donc ouverte. En revanche, dans la mesure où Mme X______ se prévaut d'un droit subjectif à obtenir sa stabilisation, son action en constatation sera déclarée recevable.

La demanderesse requiert la constatation de sa qualité de fonctionnaire et de l'absence de résiliation des rapports de service en vertu des principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit.

Le principe de la bonne foi, inscrit en tant que principe directeur à l’art. 5 al. 3 Cst. et en tant que droit fondamental invocable à l’art. 9 Cst. protège le justiciable qui, de bonne foi, s’est fié à une indication erronée de l’autorité ; il ne doit en principe subir aucun préjudice. L’invocation de la bonne foi suppose que l’autorité ait agi, dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, dans les limites de sa compétence, que l’administré n’ait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu, qu’il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir un préjudice et que, enfin, la loi n’ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (JAAC 2001 no. 77 ; ATF 130 I 60, consid. 8.1 ; 129 II 361, consid. 7.1 ; ACOM/4/2006 du 15 février 2006 ; ACOM/73/2005 du 1er décembre 2005 ; ACOM/533/2002 du 5 novembre 2002 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel, 2e éd., Berne 2006, vol. II, p. 546 ss ; B. KNAPP, Cours de droit administratif, Bâle/Francfort 1994, p. 43 s.).

Dans le cadre des discussions en vue de l'adoption de l'art. 36 al. 3 LPAC, le conseiller d'Etat en charge du dossier a indiqué que la majorité des collaborateurs auxiliaires dont il était question étaient des conseillers en personnel au bénéfice de qualifications importantes et de deux formations, à savoir une formation de base qui permettait d'être reconnu comme conseiller en placement par le SECO et qui s'étendait à tout le secteur romand et une formation complémentaire permettant d'obtenir un brevet fédéral. Il s'est notamment engagé, dans la mesure où des postes de conseillers en personnel se libéraient et que l'employé ait donné satisfaction, à tenter de procéder à des stabilisations, dans le cadre d'une procédure d'engagement ouverte et normale (secrétariat du Grand Conseil, rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la LPAC du 23 mai 2006, disponible sur http://www.geneve.ch/grandconseil/memorial/data/560109/42/560109_42_partie15.asp [consulté le 15 septembre 2009]).

Il ressort de ce qui précède que l'adoption de l'art. 36 al. 3 LPAC a permis de prolonger la période maximale de trente-six mois prévue par la loi sans pour autant conférer aux conseillers en personnel auxiliaires un droit à être stabilisé. La direction de l'OCE restait libre de procéder à la régularisation de ces collaborateurs.

Le 16 janvier 2006, les membres de la direction de l'OCE ont informé les collaborateurs concernés de l'existence d'un projet de loi visant à permettre la prolongation du contrat des auxiliaires dans le cas où un poste fixe n'était pas disponible immédiatement à l'échéance du contrat. Cette séance était antérieure à l'adoption de l'art. 36 al.3 LPAC. Une fois cette dernière disposition entrée en vigueur, M. J______ a, dans un courriel du 19 juin 2007, indiqué que les contrats des conseillers engagés avant le 1er juillet 2005 avaient été prolongés jusqu'au 30 juin 2008 et que la régularisation reposait sur la date d'entrée dans la fonction, l'ordre alphabétique et les prestations en lien avec les exigences du poste. Lors de la séance du 10 septembre 2007, ces critères ont été rappelés. Il a été précisé que, pour qu'une stabilisation intervienne, le conseiller devait avoir donné entière satisfaction lors des entretiens périodiques tant au niveau de son travail et de son comportement qu'au niveau relationnel. A cette occasion, il a été également mentionné que le service des ressources humaines se tenait à disposition pour soutenir les conseillers dans le cadre de leurs recherches d'emploi.

Ainsi, conformément à l'art. 36 al. 3 LPAC, la direction de l'OCE a prolongé la durée des contrats des auxiliaires et elle a fixé les conditions nécessaires pour pouvoir accéder à une stabilisation qui ne pouvait intervenir que si un poste se libérait. Elle n'a, en revanche, donné aucune assurance quant à une stabilisation de l'ensemble des auxiliaires.

La demanderesse se prévaut de divers éléments telles l'inscription à des formations, la remise d'une nouvelle carte d'identification, sa demande de vacances pour le mois de septembre. Ces éléments se justifient pour permettre la bonne marche du service mais ne sont pas suffisants pour considérer que des promesses ont été données à la demanderesse sur son avenir au sein de l'OCE. D'ailleurs, l'évaluation intervenue le 15 mars 2007 évoque expressément l'insuffisance des prestations de celle-ci pour envisager, en l'état, une stabilisation si un poste venait à se libérer. Suite à l'analyse intermédiaire effectuée en août 2007, Mme V______ et M. G______ ont indiqué qu'ils ne s'opposeraient pas à une éventuelle stabilisation de la demanderesse mais que cette décision ne leur appartenait pas. De plus, à diverses reprises, il a été conseillé à la demanderesse d'entreprendre des démarches pour son avenir professionnel.

Dans ces circonstances, la demanderesse ne peut prétendre avoir reçu des assurances concrètes. C'est donc à tort qu'elle se prévaut du principe de la bonne foi.

La demanderesse ne peut également pas invoquer un abus de droit de la part de sa hiérarchie dans la mesure où il n'existe pas de droit à être stabilisé. Elle ne peut, par le biais de cette action contester la manière dont l'autorité a fait usage de son pouvoir d'appréciation et remettre en cause le refus de sa stabilisation, contre lequel aucune voie de recours n'est ouverte. Ce grief sera dès lors rejeté.

La demanderesse réclame également le versement de CHF 20'000.- à titre de tort moral pour atteinte illicite à la personnalité. Elle fonde sa prétention sur l'art. 328 CO. Toutefois, le CO n'est plus applicable à titre de droit public supplétif à la question de la fin des rapports de service des fonctionnaires et employés du canton. Le droit à une indemnisation est régi, en droit public, par la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40). Selon l'art. 7 LREC, c'est le Tribunal de première instance qui est compétent pour statuer sur les demandes s'y rapportant (ATA/286/2009 du 16 juin 2009 ; ATA/145/2009 du 24 mars 2009). L'action pécuniaire doit dès lors être déclarée irrecevable.

Au vu de ce qui précède, l'action en constatation sera rejetée et l'action pécuniaire sera déclarée irrecevable. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la demanderesse qui succombe. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 1 et 2 LPA).



* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable l'action en constatation déposée le 8 septembre 2008 par Madame X______ ;

déclare irrecevable l'action pécuniaire déposée le 8 septembre 2008 par Madame X______ ;

au fond :

rejette l'action en constatation ;

met à la charge de Madame X______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Eric Maugué, avocat de la demanderesse ainsi qu'à l’office cantonal de l'emploi.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :



C. Del Gaudio-Siegrist


la présidente :



L. Bovy




Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.



Genève, le 







la greffière :