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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1252/2006

ACOM/83/2006 du 31.07.2006 ( CRUNI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION; HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES; CONTRAT DE TRAVAIL; ENGAGEMENT(CONTRAT DE TRAVAIL); DROIT PRIVÉ; RAPPORTS DE SERVICE; INSTITUTION UNIVERSITAIRE
Normes : LPA.4 ; RIOR.1.al1 ; LFDH.6 ; RU.11
Résumé : contrat de droit privé - compétence CRUNI Le refus d'embauche constitue une décision au sens juridique qui n'est pas susceptible de recours. Pour le surplus, à l'Université, les contrats de travail relatifs aux maîtres d'enseignement et de recherche sont des contrats de droit privé. La CRUNI n'est ainsi pas compétente pour examiner les contestations relatives à ces derniers.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/1252/2006-CRUNI ACOM/83/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 31 juillet 2006

 

dans la cause

 

Monsieur R______
représenté par Me Marco Ziegler, avocat

 

contre

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

 

 

(contrat de droit privé - compétence CRUNI)


1. Monsieur R______ est, depuis 1996, titulaire d’un doctorat de sociologie et a travaillé en tant que collaborateur de l’enseignement et de la recherche au sein de l’Université de Genève (ci-après : l’université), en particulier dans le cadre de la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté SES). Il y assumait, sous la forme de divers contrats de travail successifs de durée déterminée, la direction du laboratoire de sociologie des sociétés du tiers-monde.

2. Durant l’année 2005, M. R______ était lié à l’Université par trois types d’engagements, à savoir :

- un contrat de travail de droit privé s’étendant du 1er janvier au 30 septembre 2005 par lequel il fut engagé en qualité de maître d’enseignement et de recherche suppléant à 30 % dans le cadre du programme interfacultaire d’action humanitaire ;

- un contrat de droit privé s’étendant du 1er janvier au 30 septembre 2005 par lequel il fut engagé en qualité de maître d’enseignement et de recherche suppléant à 20 % au sein de la faculté SES ;

- une nomination par le département de l’instruction publique (ci-après : DIP) en tant que maître d’enseignement et de recherche suppléant à 30 % au sein de la faculté SES couvrant la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, ce mandat ayant été prolongé par le président du DIP jusqu’à la fin de l’année 2005, soit du 1er octobre au 31 décembre 2005.

3. L’université a informé M. R______, par courriers des 26 août 2005 et 14 septembre 2005, que les deux contrats de travail de droit privé arrivaient à échéance le 31 décembre 2005 et qu’elle souhaitait y mettre un terme.

4. Le 13 décembre 2005, le professeur B______, directeur du Centre universitaire d’écologie humaine (ci-après : CUEH), a établi avec M. R______ un contrat, prévoyant l’engagement de ce dernier en qualité de maître d’enseignement et de recherche suppléant à 20 % de janvier à décembre 2006. Le doyen de la faculté SES, le professeur Allan ayant donné son accord formel, M. R______ en informa la Ville de Genève qui versa le lendemain, sur le compte de l’université, le montant de CHF 82'500.- représentant la tranche de financement relative à la dernière partie du mandat de recherche.

5. Dans le courant du mois de janvier 2006, ce nouveau contrat de travail a été soumis au rectorat en vue de son approbation. Par courrier du 19 janvier 2006, le rectorat a informé M. R______ qu’il ne serait pas donné suite à sa proposition de travailler en tant que de maître d’enseignement et de recherche suppléant à 20 % durant l’année 2006 au sein du CUEH.

6. M. R______ a également fait parvenir, le 11 janvier 2005, à la division des ressources humaines de l’université une demande de paiement d’heures complémentaires effectuées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2005, qu’il aurait effectuées dans le cadre de son contrat de droit privé à 20 % au sein de la faculté SES.

Par courrier du 20 janvier 2006, Monsieur A______, responsable de ladite division, a refusé d’entrer en matière sur cette demande, faute d’éléments la justifiant et de preuve d’un accord préalable de la hiérarchie de l’intéressé.

Ce même 20 janvier 2006, M. R______ a fourni au doyen de la faculté SES les explications relatives à son activité supplémentaire.

7. Par courrier daté du 21 janvier 2006, adressé au recteur et au vice-recteur, M. R______ a demandé à ce que son contrat de travail de droit privé soit validé et ses heures complémentaires payées dans la mesure où la décision du rectorat se fondait sur une connaissance incomplète du dossier.

8. Le rectorat a confirmé, par courrier du 27 janvier 2006, son refus d’approbation du contrat de travail de droit privé ainsi que son refus de paiement des heures complémentaires. M. R______ ne faisait plus partie du corps enseignant universitaire depuis le 31 décembre 2005.

9. Par lettres signatures des 20 et 27 février 2006, M. R______ a fait opposition à la décision précitée. Il a sollicité l’approbation de son contrat de travail de droit privé, ainsi que le paiement des heures complémentaires.

10. Le 28 février 2006, le recteur a informé M. R______ qu’il considérait l’opposition formée à l’encontre de la décision du 27 janvier 2006 irrecevable. En effet, les contrats de M. R______ étant arrivés à échéance le 31 décembre 2005. L’Université ne souhaitait pas établir un nouveau contrat avec M. R______ ce qui ne constituait pas une décision administrative au sens de l’article 4 de la loi cantonale sur la procédure administrative (ci-après : LPA).

11. Le 2 mars 2006, le recteur a accusé réception du courrier du 27 février 2006 de M. R______. L’opposition formée à l’encontre de la décision rendue le 27 janvier 2006 était irrecevable. L’Université a refusé le paiement des heures complémentaires dans sa décision du 27 janvier 2006 ce qui ne constituait pas une décision administrative au sens de l’article 4 LPA.

12. Par pli recommandé du 3 avril 2006, M. R______ a saisi la commission de recours de l’Université (ci-après : CRUNI) d’un recours contre les décisions du 28 février et 2 mars 2006. Le paiement d’heures complémentaires pour l’activité déployée en 2005 sur fonds privés relevait d’une décision administrative de l’université car si cela n’avait pas été le cas le rectorat aurait dû se dessaisir du dossier et en informer les professeurs concernés.

En outre, soit le contrat de travail de droit privé relevait du Code des obligations (ci-après : CO) et alors le rectorat n’était pas compétent pour se prononcer quant à sa conclusion, soit le refus d’approbation du contrat de travail de droit privé était une décision administrative car elle se prononçait sur l’existence ou non de rapports juridiques entre l’université et le bénéficiaire du contrat de droit privé.

Il conclut à ce que la CRUNI constate que les décisions du rectorat contre lesquelles il a formé opposition constituent des décisions administratives au sens de la loi et qu’il incombe à l’autorité universitaire de traiter lesdites oppositions. Il demande l’annulation des décisions d’irrecevabilité et le renvoi de dossier au rectorat afin qu’il instruise et se prononce sur les oppositions, conformément au règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours (ci-après : RIOR).

13. Dans ses écritures du 26 avril 2006, l’université s’est rapportée à justice sur la recevabilité du recours et a conclu à son rejet sur le fond. Les décisions du rectorat quant à l’approbation d’un contrat de travail de droit privé et le paiement d’heures complémentaires n’étaient pas des décisions administratives au sens de l’article 4 LPA et qu’en vertu de l’article 33, alinéa 1 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 (LU - C 1 30), seuls les membres du corps enseignant ayant qualité pour former opposition ou recours contre les décisions individuelles les concernant. Or, depuis le 1er janvier 2006, M. R______ n’était plus membre du corps enseignant au sens de l’article 33 LU. Il n’avait plus qualité pour agir.

14. A la demande de la CRUNI, l’université a précisé que les engagements de personnel de l’université sur fonds DIP avaient lieu sur la base des articles 26 et 57 E LU ainsi que 15 RALU alors que les engagement des membres du corps enseignant sur contrat de droit privé se fait sur la base de l’article 11 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 (RU – C 1 30.06).

1. a. Dirigé contre les décisions sur opposition du 28 février 2006 et 2 mars 2006 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est à priori recevable (art. 62 LU ; art. 87 RU; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

b. Les questions qui se posent sont les suivantes : M. R______ peut-il faire opposition à la décision prise par le rectorat le 27 janvier 2006 de ne pas approuver le contrat de travail de droit privé qu’il a conclu avec le CUEH ? M. R______ peut-il faire opposition à la décision prise par le rectorat le 27 janvier 2006 de ne pas payer ses heures complémentaires effectuées durant l’année 2005 ?

c. Se pose préalablement la question de la qualité de M. R______ pour recourir. A teneur de l’article 33 LU, le règlement de l’université détermine les conditions et les modalités du droit d’opposition et de recours des membres du corps enseignant contre les décisions individuelles les concernant. L’intimée fonde notamment l’irrecevabilité de l’opposition de M. R______ sur cette disposition en soutenant que ce dernier n’étant plus membre du corps enseignant depuis le 31 décembre 2005, il ne peut pas contester le refus d’approbation de son contrat de travail de droit privé ainsi que le paiement d’heures complémentaires. Or, cette question se pose dans des termes similaires pour la recevabilité du recours devant l’autorité de céans.

A ce stade du raisonnement, cette question souffre de rester ouverte.

2. Le recourant affirme que la "décision" du rectorat de ne pas approuver le contrat de travail de droit privé qu’il a conclu avec le CUEH est une décision administrative au sens de l’article 4 LPA.

3. a. Selon l’article 1, al. 1 RIOR, sont considérées comme des décisions les mesures prises par les organes universitaires dans le cas d’espèce et ayant pour objet de statuer sur l’existence ou l’étendue d’un droit ou d’une obligation. Cette définition est similaire à celle qui figure à l’article 4 al. 1 LPA et qui reprend un concept uniforme en droit administratif suisse (voir Mémorial du Grand Conseil 1984 I 1477, p. 1535).

b. En l’espèce, la décision prise par le rectorat de ne pas approuver le contrat de travail de droit privé conclu par M. R______ avec le CUEH touche les droits et obligations de M. R______ dans la mesure où le rectorat refuse de fonder un rapport de travail déjà négocié. Il ressort de ce qui précède que le courrier du 27 janvier 2006, envoyé par le rectorat au recourant, est une décision au sens de l'art. 1, al. 1 RIOR et 4, al. 1 LPA.

4. a. Cependant, la jurisprudence considère que le refus d'embauche constitue une décision au sens juridique qui n'est pas susceptible de recours (ACOM 68/2005  du 8 novembre 2005 consid. 7 a.; pour Genève, voir SJ 1992 498; la qualification de décision est toutefois controversée, voir à ce propos la présentation qui figure dans K. ARIOLI/F. FURRER ISELI, L'application de la loi sur l'égalité aux rapports de travail de droit public, Bâle, Genève, Munich, 2000, p. 26 et principalement p. 62, n. 65 et les références citées; voir également U. HÄFELIN/G. MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich, Bâle, Genève, 4ème éd., 2002, p. 321-322).

b. Cette exclusion d'une voie de droit cantonale afin de contester un refus d'engagement est au demeurant conforme à l'article 6 CEDH, qui garantit en principe l'accès à un juge pour les litiges de nature civile et pénale (A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 2ème éd., Berne, 2006, no 1199 ss).

c. En l'espèce, le litige ne découle pas d'un rapport de service existant dans la mesure où c'est le non-engagement, qui est contesté. L'article 6 CEDH n'impose dès lors pas l'ouverture d'une voie de droit pour contester le refus d'engagement d'un collaborateur de l'enseignement et de la recherche universitaire. La situation est ainsi différente de celle qui prévaut lorsque, suite à l'engagement d'un membre du corps enseignant, un litige survient sur le montant du traitement (voir pour l'université de Genève, l'ATF du 2 décembre 2004 dans les causes 2P.33/2004 et 2P.174/2004).

Il résulte de ce qui précède que la décision du 27 janvier 2006 n’est pas susceptible de recours. Celui-ci sera déclaré irrecevable.

5. Le recourant réclame le paiement d’heures complémentaires effectuées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2005 dans le cadre du contrat de travail le liant à la faculté SES. Le Tribunal fédéral admet le principe de l’application du droit privé dans la relation de travail entre un agent public et une collectivité publique pour autant qu’une base légale expresse le prévoie (ATF 118 II 213/219 ; voir dernièrement JAAC 68 no 9 p. 111). Cette exigence est conforme à l’article 342 CO qui régit les rapports entre le droit de la fonction publique et les règles de droit privé applicables au contrat de travail (G. AUBERT/F. BELLANGER/ T. TANQUEREL, Fonction publique : vers une privatisation ? Journées de droit administratif 4 et 5 mars 1999, Zurich, Schulthess, 2000, p. 51-52). A l’université, les contrats de travail relatifs aux maîtres d’enseignement et de recherche sont fondés sur l’article 11 RU. Tel est le cas du contrat en exécution duquel le recourant sollicite le paiement d’heures complémentaires. Les contestations relatives à ce contrat relèvent par conséquent du droit privé, la CRUNI n’est donc pas compétente pour les examiner. Par conséquent, le recours sera déclaré irrecevable sur ce point également.

6. Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

déclare irrecevable le recours interjeté le 3 avril 2006 par Monsieur R______ contre les décisions du rectorat des 28 février 2006 et 2 mars 2006 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

communique la présente décision à Me Marco Ziegler, avocat du recourant, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

 

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Mesdames Scharly et Pedrazzini Rizzi, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

La présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :