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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1639/2007

ATA/245/2007 du 15.05.2007 ( CM ) , ADMIS

Descripteurs : ; ÉLECTION(DROITS POLITIQUES) ; CAMPAGNE ÉLECTORALE ; PUBLICITÉ(COMMERCE) ; ACTION EN CONSTATATION
Normes : LEDP.180 ; LEDP.83.al1 ; Cst.34.al2 ; LPA.49.al2 ; PA.25
Parties : GIRARDET ET HULLIGER Jean-François et Jean-Philippe, HULLIGER Jean-Philippe / COMMUNE DE MEYRIN, CONSEIL D'ETAT
Résumé : Elections au conseil administratif de la commune de Meyrin. Dans le cadre de la campagne électorale, deux candidats ont fait distribuer un tract critiquant la gestion du conseil administratif sortant. En réponse, celui-ci a diffusé une "information officielle à la population meyrinoise" qualifiant le tract des candidats de calomnieux et annonçant le dépôt d'une plainte pénale. Le recours des candidats portant sur la constatation de l'illicéité du document diffusé par la commune est recevable. En publiant l'écrit litigieux, au contenu polémique et dépourvu de tout aspect informatif, le conseil administratif a agi en violation de l'art. 83 al. 1 LEDP qui interdit aux communes de faire de la propagande électorale.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1639/2007-CM ATA/245/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 mai 2007

dans la cause

 

Messieurs François GIRARDET et Jean-Philippe HULLIGER
représentés par Me Vincent Spira, avocat

contre

COMMUNE DE MEYRIN
représentée par Me François Bellanger, avocat

et

CONSEIL D’ÉTAT

 


 


1. Messieurs Jean-François Girardet et Jean-Philippe Hulliger (ci-après : les consorts) étaient candidats au conseil administratif de la commune de Meyrin lors des élections du 29 avril 2007. Ils sont membres du conseil municipal élu le 25 mars 2007.

2. Entre le 17 et le 20 avril 2007, les consorts ont fait distribuer un « avis aux habitants de Meyrin-Cointrin », imprimé recto-verso sur une feuille A4, appelant à voter pour eux-mêmes et critiquant divers aspects de la gestion du conseil administratif sortant. Ils y reprochaient notamment aux membres du conseil administratif de la commune de Meyrin, alors en fonction, d’avoir mené de manière « totalitaire » différents dossiers communaux. Plus loin, dans le même document, il était mentionné des « exemples évidents du totalitarisme » du conseil administratif et de son « mépris des sentiments ou inquiétudes » des habitants de la commune. Il était en outre reproché à un conseiller municipal, M. Tschudi, de soutenir le conseil administratif au motif qu’il était du même parti que le conseiller d’Etat en charge de la gestion du département cantonal du territoire, en mesure de confier des mandats d’étude notamment aux ingénieurs et aux architectes. Le tract se termine par la mention « Ras-le-bol de ces abus » décrits précédemment et par un appel à voter pour les consorts.

3. Dans la nuit du 19 au 20 avril 2007, le conseil administratif a fait distribuer un document à en-tête tricolore (noire, vert et rouge) de la commune de Meyrin et portant le titre encadré « information officielle à la population meyrinoise ». Le tract des consorts y était qualifié de « papier calomnieux » et il était décrit comme « inacceptable et contraire à l’éthique de propager des propos méprisants et calomnieux ». Les membres du conseil administratif annonçaient encore que ledit conseil déposait une plainte pénale auprès du Procureur général. Le document portait en outre les mentions suivantes :

Le Conseil administratif

Jean-Claude DUCROT

Maire

 

Roland SANSONNENS Monique BOGET

Conseiller administratif Conseillère administrative

 

Le tout assorti d’une citation des « Rêveries d’un promeneur solitaire ».

 

4. Le 20 avril 2007 toujours, les consorts ont publié un communiqué de presse, accompagné d’un exemplaire de leur tract distribué à partir du 17. La presse locale s’est faite l’écho de ces différends communaux, notamment les 21 et 22 avril 2007.

 

5. Le 24 avril 2007, MM. Girardet et Hulliger (ci-après : les recourants) ont déposé un recours et une requête de mesures provisionnelles auprès du tribunal de céans. Sur mesures provisionnelles, ils ont conclu à ce que le tribunal ordonne la suspension des élections au conseil administratif et le report de la date de celles-ci.

 

Au fond, ils ont conclu à nouveau à la suspension des élections au conseil administratif et au report des élections. Ils demandent encore au Tribunal administratif de dire que « l’information officielle à la population meyrinoise », distribuée par le conseil administratif, constituait une violation des opérations électorales, de même que l’annonce faite du dépôt d’une plainte pénale contre eux-mêmes. Ils demandent enfin la condamnation de la commune à la publication du dispositif de l’arrêt que rendrait le Tribunal administratif et au paiement des frais de distribution des tracts nécessaires « à la réhabilitation dans le débat politique », le tout avec suite de frais et dépens.

6. Le 27 avril 2007, la commune a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles, au motif que les recourants ne pouvaient justifier d’aucun préjudice devant conduire au report de la date des élections. La commune se devait de répondre par le biais de son conseil administratif, car les conseillers administratifs sortants n’avaient pas été attaqués à titre individuel, mais à celui des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

 

7. Le 27 avril 2007 également, le Conseil d’Etat a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles, l’intérêt public à la poursuite de l’opération électorale étant prépondérant et les recourants ne pouvant se prévaloir d’un préjudice sérieux.

 

8. Le 27 avril 2007, les parties ont été entendues avant de plaider sur la question des mesures provisionnelles :

 

a. Le maire de la commune a confirmé que l’information distribuée à la population avait l’apparence habituelle des communications officielles de la commune et avait été voulue comme telle. Elle avait été signée par les trois conseillers administratifs en exercice. Un avocat avait été mandaté le 24 avril 2007 pour déposer une plainte pénale, mais cette démarche n’avait pas été encore accomplie, car les membres du conseil administratif n’entendaient pas agir dans la précipitation.

 

b. Par la bouche de son représentant, le Conseil d’Etat a exposé que le service des élections et votations recevait chaque jour le courrier de la poste et l’ouvrait. Les cartes de vote étaient scannées et l’ensemble constitué de la carte de vote et de l’enveloppe était distribué commune par commune. Un décompte était effectué quotidiennement, de telle sorte qu’il était aisé de retracer le scrutin dans une commune, sous réserve des enveloppes qui n’avaient pas été dépouillées à 15h00 et dont le traitement était reporté au lendemain. Le vendredi matin précédant l’élection, les urnes étaient réparties dans les communes, contenant toutes les enveloppes de vote reçues jusqu’à ce moment. Le solde du courrier parvenu au service précité avant l’échéance du délai légal était également placé dans l’urne le dimanche matin avant l’ouverture du vote.

c. Les parties ont eu alors l’occasion de plaider, chacune d’entre elles étant invitée à s’exprimer à deux reprises.

 

9. Par décision du même jour, le Président du Tribunal administratif a rejeté la requête de mesures provisionnelles, motif pris notamment de la confusion entre les deux premiers chefs de conclusions des recourants, s’agissant de leurs demandes à titre provisionnel et au fond.

 

10. Par télécopies des 4 et 7 mai 2007, le service des élections et votations a déposé le dénombrement des enveloppes reçues jour par jour entre le mardi 17 avril et le samedi 28 avril 2007, ainsi que le nombre des suffrages déposés le dimanche 29 avril 2007 au bureau de vote.

 

11. Le 7 mai 2007, les recourants ont exposé qu’ils renonçaient à demander l’annulation de l’opération électorale visée et qu’il leur importait que leurs autres conclusions, portant sur le caractère illicite de l’ « information officielle à la population meyrinoise » ainsi que celle en réparation du dommage subi, soient traitées.

 

12. Le 10 mai 2007, la commune de Meyrin a déposé son écriture responsive au fond. Le tract distribué par les recourants était un véritable réquisitoire contre le conseil administratif. Il laissait peu de place à un débat constructif et était mensonger à bien des égards. Le but était de donner aux électeurs l’impression que la gestion de la commune était abusive et totalitaire, voire entachée de tentatives d’enrichissement personnel aux dépens des contribuables. Le communiqué officiel du conseil administratif avait eu pour seule fonction de répondre au « pamphlet » d’origine.

Le recours était irrecevable, car les conclusions en suspension de la procédure électorale étaient devenues sans objet. Quant aux conclusions additionnelles, de nature constatatoire, elles supposaient un intérêt digne de protection. Or, une telle constatation n’avait de sens que pour demander l’annulation de l’opération électorale litigieuse. Enfin, les conclusions de nature civile étaient irrecevables par-devant le Tribunal administratif.

 

13. Le 10 mai 2007 également, le Conseil d’Etat, agissant cette fois par le secrétariat général du département des institutions, a déclaré s’en rapporter à justice sur les conclusions en constatation des recourants et conclut au rejet du recours pour le surplus, avec suite de frais et dépens. Les consorts avaient renoncé à contester le résultat du scrutin et admettaient ainsi à tout le moins que la violation alléguée des opérations électorales n’avait pas eu d’influence sur le résultat de l’élection. Le Tribunal administratif avait considéré que l’avis litigieux de la commune ne pouvait être compris comme une information, ne comportant que des jugements de valeur quant au pamphlet des recourants. Le Conseil d’Etat relevait en outre que ces jugements étaient exprimés en des termes forts véhéments. Il était envisageable que les recourants puissent, selon le modèle de l’article 25a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) s’en prendre à un acte matériel.

 

14. Le 11 mai 2007, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. A teneur de l’article 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), les recours en matière de votations et d’élections cantonales et communales sont régis par les articles 56A et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) ainsi que par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

a. Selon l’alinéa 2 de la même disposition, le recours est ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision (cf. également ATA/166/2003 du 25 mars 2003 ; ATA/641/1998 du 13 octobre 1998 et ATA Parti radical de Genthod et Groupement pour les intérêts de Genthod contre Conseil d’Etat du 15 avril 1991 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 1991 in SJ 1992 313 ainsi que les arrêts cités).

Le recours dirigé contre la distribution de matériel de propagande électorale est ainsi recevable.

b. Ni l’article 180 LEDP, ni les article 56A et suivants LOJ ne donnent de compétence au tribunal de céans pour statuer en matière de publication d’un jugement ou d’une rectification à l’instar du juge civil en application de l’article 28 a du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210). De telles conclusions, prises devant le Tribunal administratif, sont donc irrecevables. Quant à la mise en œuvre de la responsabilité pour acte illicite commis par des magistrats cantonaux et communaux, elle est réglée par la loi sur la responsabilité de l’Etat et des communes du 24 février 1989 (A 2 40) et relève aussi du Tribunal de première instance, qui fait application des règles de procédure civile. Les conclusions prises par les consorts en remboursement des frais nécessaires à l’impression et à la distribution de tracts en vue de leur « réhabilitation » sont également irrecevables.

2. A teneur de l’article 63 alinéa premier lettre c LPA, le recours en matière de votations et élections est ouvert dans un délai de six jours.

Le document distribué par le conseil administratif de la commune de Meyrin l’a été dans la nuit du 19 au 20 avril 2007, de sorte que le recours remis au greffe de la juridiction de céans le 24 respecte le délai précité.

3. En application de l’article 65 alinéa premier LPA, le cadre des débats est formé par les conclusions des recourants (ATA/126/2007 du 20 mars 2007 ; ATA/286/2006 du 23 mai 2006 ; ATA/780/2005 du 15 novembre 2005). S’il est ainsi interdit à une partie d’élargir le cadre de ses conclusions initiales, rien ne lui interdit en revanche de le restreindre en renonçant à certaines de ses prétentions.

En l’espèce, les recourants ne demandent plus que la constatation du caractère illicite de l’information distribuée par le conseil administratif à la population, de même que la constatation que l’annonce du dépôt d’une plainte pénale constituait une violation de leurs droits politiques. Ils concluent encore à la condamnation de la commune à la publication du dispositif de l’arrêt du Tribunal administratif et à la prise en charge des frais des tracts nécessaires à leur « réhabilitation », le tout avec suite de frais et dépens.

Il convient dès lors de déterminer si les conclusions encore présentes sont recevables.

a. A teneur de l’article 34 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la garantie des droits politiques protège notamment la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes. Il s’agit de la faculté d’exiger que le résultat d’une élection ne soit pas reconnu s’il n’est pas l’expression fidèle et sûre de la libre volonté du corps électoral (cf. ATF 117 Ia 41 consid. 5a p. 46-48).

b. En principe, il faut que la partie recourante ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATA/21/2006 du 17 janvier 2006). Le droit cantonal contient en outre la possibilité d’intenter une action en constatation si son auteur rend vraisemblable qu’il a un intérêt juridique personnel et concret, digne de protection à l’admission d’une telle demande (art. 49 al. 2 LPA). La loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) prévoit également la possibilité d’une action en constatation si le requérant prouve qu’il a un intérêt digne de protection (art. 25 PA) et elle permet à toute personne qui y a un intérêt digne de protection d’exiger de l’autorité compétente, pour des actes matériels fondés sur le droit public fédéral et touchant à des droits ou des obligations qu’elle s’abstienne d’actes illicites, cesse de les accomplir ou les révoque (art. 25a al. 1er let. a PA, en vigueur depuis le 1er janvier 2007) ou en constate l’illicéité (art. 25a al. 1er let. c PA, idem). Le droit fédéral ne prévoit par ailleurs pas de mécanisme particulier de réparation (Cf. consid. 1b). Même si de telles normes ne sont pas directement applicables au contentieux des élections dans le canton de Genève, qui est régi par le droit cantonal, elles peuvent servir à éclairer l’interprétation de ce dernier.

c. En règle générale, les conclusions de nature constatatoire sont irrecevables dès lors que leur auteur n’a pas d’intérêt à leur admission (ATA/647/2001 du 11 octobre 2001). Il en va notamment ainsi lorsque la partie recourante agit en constatation de droit alors qu’elle pourrait le faire en condamnation de sa partie adverse (ATA/739/2002 du 26 novembre 2002). En vertu du principe de subsidiarité, une décision en constatation ne sera prise qu’en cas d’impossibilité pour la partie concernée d’obtenir une décision formatrice, ainsi que le Tribunal administratif l’a admis dans un arrêt en matière de droits politiques, déclarant irrecevables des conclusions constatatoires par application analogique de l’article 25 PA précité (ATA/631/1998 précité).

d. La doctrine range expressément les renseignements données aux administrés et les informations faites au public dans la catégorie des actes matériels, notamment dans le domaine des droits politiques (P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, 2ème éd., Berne 2002, p. 26 et 30-33).

En l’espèce, les recourants ont retiré une partie de leurs conclusions, soutenant ainsi renoncer à faire contrôler, par la juridiction de céans, le résultat des élections au conseil administratif alors qu’ils y avaient un intérêt direct, en leur qualité d’électeurs de la commune concernée. Quels que soient les motifs pour lesquels des recourants renoncent au contrôle judiciaire d’une opération électorale proprement dite, il reste à décider s’ils peuvent avoir un intérêt idéal, distinct de celui à l’annulation de l’élection, à la constatation d’une violation des règles applicables aux opérations électorales. Compte tenu non seulement de leur statut de citoyens actifs dans la commune considérée, mais également de leur situation d’élus municipaux de celle-ci, les consorts conservent un intérêt à faire constater si la commune intimée a oui ou non violé les règles applicables aux élections. Il s’agit pour eux de faire constater l’illicéité de l’acte matériel qu’est la diffusion du document à en-tête de la commune, qui constitue un élément détachable de la question de l’influence de celui-ci sur le résultat de l’élection, exorbitante à l’objet du présent litige. En raison d’une part de l’évolution du droit procédural fédéral entre l’état de celui-ci au moment de l’arrêt du 6 octobre 1998 et à ce jour et d’autre part de l’intensité de l’atteinte aux droits politiques des recourants, il convient de ne pas déclarer irrecevables leurs conclusions en constatation de l’illicéité d’un acte matériel, soit le document diffusé par la commune.

4. A teneur de l’article 83 alinéa premier LEDP, les communes ne sont pas autorisées à faire de la propagande électorale.

L’exécutif peut en revanche faire parvenir aux électeurs des informations supplémentaires et notamment des avis rectificatifs en cas de changements significatifs des circonstances de droit ou de fait durant la campagne ou lorsque la liberté de vote risque d’être faussée par une information erronée ou tendancieuse provenant de tiers (art. 8D al. 2 du règlement d’application de la loi sur l’exercice du droit politique du 12 décembre 1994 - REDP - A 5 05.01). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les autorités publiques doivent en principe s’abstenir de toute intervention lors d’élections, faute de quoi elles violent le droit à la libre formation de l’opinion contenu dans l’article 34 alinéa 2 Cst (ATF 124 I 55 consid. 2 p. 57). Elles peuvent toutefois rectifier des informations manifestement fausses à condition de s’abstenir de toute propagande électorale ou de critiques à l’égard d’un candidat (ATF 117 Ia 452 consid. 3c p. 457) sans pour autant s’attribuer un rôle de conseiller du citoyen, l’Etat ne devant pas être assimilé à un groupe ou à des opinions particulières (ATF 124 I 55 consid. 2 p. 57-58). Tout écrit polémique est également prohibé par la jurisprudence du tribunal de céans (ATA/166/2002 du 5 février 2002; ATA/641/1998 précité et les arrêts cités). Ce devoir fondamental d’abstention en cas d’élections est en outre approuvé par la doctrine (P. TSCHANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Berne, 2004, p. 652-654 et 657 ; A. AUER, Les limites imposées au gouvernement en matière de publicité politique, Medialex 3/2002, p. 133 et 140  ; Cf. également D. MASMEJEAN, L’intervention des autorités avant les votations à la lumière des développements récents, Medialex 4/2006, p. 191-192, sur l’étendue du devoir d’abstention en cas de votations; sur la question particulière de la prohibition du recours aux signes officiels : art. 31 al. 3 ; Y. HANGARTNER et A. KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich, 2000, p. 1044).).

En l’espèce, le document distribué par la commune n’a pas la valeur d’une information visant à rectifier des données erronées. Il se caractérise par le recours à des termes violents et blessants et contient une information erronée à tout le moins au jour de sa diffusion ainsi que lors de l’audience du 27 avril 2007 par-devant le tribunal de céans, à savoir le dépôt d’une plainte pénale contre les recourants.

Il s’agissait d’un écrit uniquement polémique, dépourvu de tout contenu informatif, dont la commune aurait dû s’abstenir.

5. Les recourants ont donc droit à ce qu’il soit constaté que le document distribué par le conseil administratif le 20 avril 2007 viole l’article 83 alinéa premier LEDP.

6. Bien fondé dans la mesure où il est recevable, le recours doit être admis, s’agissant des seules conclusions constatatoires prises par les consorts, qui ont droit à une indemnité de procédure d’un montant de CHF 2'000.-, à laquelle ils ont conclu et qui sera mise à la charge de la commune de Meyrin en application de l’article 87 alinéa 2 LPA. Cette collectivité publique, qui succombe, sera condamnée en outre aux frais de la procédure arrêtés également à CHF 2'000.-. Le Conseil d’Etat, qui s’en est rapporté à justice sur les conclusions en constatation de droit prises par les recourants, n’aura pas à participer aux frais de la procédure.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

admet le recours déposé le 24 avril 2007 par Messieurs Jean-François Girardet et Jean-Philippe Hulliger contre la distribution d’une « information officielle » par le conseil administratif de la commune de Meyrin dans la nuit du 19 au 20 avril 2007 dans la mesure où il est recevable ;

dit que cette « information officielle » constitue une violation de l’article 83 alinéa premier de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP – A 5 05) ;

alloue aux recourants une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge de la commune de Meyrin ;

met à la charge de la commune de Meyrin un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Spira, avocat de Messieurs Jean-François Girardet et Jean-Philippe Hulliger, au Conseil d’Etat, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la commune de Meyrin.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :