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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1484/2004

ATA/222/2005 du 19.04.2005 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : ACTION PECUNIAIRE; FONCTIONNAIRE; EGALITE ENTRE HOMME ET FEMME; DISCRIMINATION; CERTIFICAT DE TRAVAIL
Normes : LEg.3; LEg.6; LPAC.31A; RPAC.39
Résumé : Demande en paiement d'une employée du Pouvoir judiciaire qui conteste sa non-réélection et qui se plaint d'une discrimination à raison du sexe à l'engagement. Le grief de discrimination fondé sur la LEg ne peut être utilisé aux seules fins de contourner l'absence de voie de recours à disposition des fonctionnaires pour contester la classification de leur fonction. Recours parallèle de l'employée contre son certificat de travail. Le certificat de travail n'est pas une décision mais un acte matériel, qui ne peut être attaqué qu'après que l'autorité se soit prononcée sur la demande de modification proposée par l'employé. Exigences formelles de la décision refusant la modification demandée. Demande de modification rejetée en l'espèce.
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1484/2004-FIN ATA/222/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 avril 2005

dans la cause

 

Mme B__________

contre

POUVOIR JUDICIAIRE

et

OFFICE DU PERSONNEL DE L'ÉTAT


1. Fin mars 2003, le Tribunal tutélaire du canton de Genève a cherché à pourvoir en urgence un poste de commis-greffier auxiliaire 1, son greffe se trouvant provisoirement surchargé du fait de l’absence de plusieurs collaborateurs en congé maladie et accident.

2. Ce poste a été proposé pour une durée de six mois à Mme B__________, qui était connue du Pouvoir judiciaire pour avoir postulé précédemment à un poste de greffier, mais dont la candidature n’avait pas été retenue à cette occasion.

3. Mme B__________ ayant accepté d’effectuer le remplacement proposé, elle a été engagée en qualité de commise-greffière auxiliaire au greffe de cette juridiction, du 15 avril au 31 octobre 2003, les besoins du tribunal devant être réévalués au terme de cette période.

4. Son traitement initial a été colloqué en classe 8, soit à CHF 5'482,45 par mois. Sur ses 13 ans d’expérience professionnelle, une expérience utile au poste de huit ans et neuf mois a été retenue, de sorte que ses annuités ont été fixées à 8.

5. Mme B__________ ayant apporté toute satisfaction au tribunal pendant ces six mois et la surcharge de travail persistant au sein du greffe, son contrat a été renouvelé pour une période maximale de six mois, dès le 1er novembre 2003.

6. Sur proposition de sa hiérarchie, la responsable des ressources humaines a déposé une demande de stabilisation en sa faveur, avec effet au 1er janvier 2004, le poste qu’elle occupait faisant partie des 15,5 régularisations de postes intégrées au budget 2004.

7. En janvier 2004, une lettre d’engagement en qualité de commise-greffière 1 auprès du Tribunal tutélaire sous statut d’employée à compter du 1er janvier 2004 a été adressée à Mme B__________.

8. Dans un courrier daté du 4 janvier 2004, Mme B__________ a déclaré renoncer à cet engagement.

Elle avait beaucoup de plaisir à assumer sa tâche, mais elle se trouvait oppressée par l’attitude du magistrat pour lequel elle travaillait. Suite à un entretien qu’elle avait eu avec lui en décembre 2003, la situation s’était améliorée. Elle souhaitait cependant « que l’amélioration constatée demeure, avant de prendre une décision de (s)’engager par un nouveau contrat ».

Auparavant, elle souhaitait également être déchargée de la signature des ordonnances qui lui étaient dictées « dans la mesure où elle ne participait pas aux décisions qui (étaient) prises par le magistrat et que sa tâche se limitait à les dactylographier ».

Enfin, elle espérait qu’un nouveau contrat lui serait proposé au 1er mai 2004.

9. En février 2004, Mme B__________ a eu un entretien avec sa supérieure hiérarchique, qui l’a informée que le poste qui lui avait été proposé serait repourvu si elle ne signait pas la lettre d’engagement.

10. Mme B__________ n’ayant pas signé ladite lettre, le poste a été repourvu à l’interne. Il a été confié à Mme F__________, qui avait été engagée au sein du Tribunal tutélaire à la même date que Mme B__________, en qualité de commise-greffière 1.

11. A partir de ce moment, les relations entre les parties se sont gravement péjorées, Mme B__________ s’étant sentie injustement « mise sur la touche ».

12. Le 19 février 2004, la greffière de juridiction a informé Mme B__________ qu’elle souhaitait intégrer Mme F__________ à son nouveau poste de travail, soit celui actuellement occupé par Mme B__________, cette dernière devant reprendre les tâches de Mme F__________ au service du contrôle.

13. Le 25 février 2004, le pouvoir judiciaire a délivré un certificat de travail intermédiaire à Mme B__________, attestant que celle-ci travaillait en qualité de commise-greffière au Tribunal tutélaire depuis le 1er mai 2003.

14. Le 14 mars 2004, Mme B__________ s’est adressée à Monsieur le Procureur général (ci-après : le Procureur général), en sa qualité de président de la Commission de gestion du Pouvoir judiciaire, pour se plaindre de ses conditions d’engagement.

Depuis le début de son engagement, elle assumait les tâches de greffière et non de commise-greffière. Elle était considérée par la juridiction comme « la greffière attitrée (ou principale) de la 3ème chambre », ainsi qu’en attestaient divers procès-verbaux en sa possession.

Elle remplaçait actuellement M. L__________, provisoirement absent, lui-même greffier. Or, elle ne bénéficiait pas de la même classe de traitement que lui, colloqué en classe 13.

De même, M. L__________, venait d’être engagé en qualité de greffier de la 4ème chambre. Bien qu’il ressortait d’un compte-rendu d’une séance de direction datant du 16 septembre 2003 qu’il devrait être formé à ce poste, son traitement avait également été colloqué en classe 13.

La constitution fédérale (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; Cst. - RS 101) stipulait que l’homme et la femme avaient droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Ce droit était en conséquence violé.

De plus, elle avait été amenée, à quelques occasions, à assumer les tâches de greffier du Président de la juridiction et avait appris que cette fonction était colloquée en classe 15.

Dès son entrée en fonction, elle avait assumé les tâches de greffière sans formation préalable auprès de la juridiction, grâce à une expérience professionnelle d’environ 13 ans. Actuellement, elle suivait une formation de clerc d’avocat. Ses connaissances n’avaient pas été suffisamment prises en compte dans l’évaluation de sa classe de fonction et de ses annuités.

On lui avait promis d’être nommée en qualité de greffière de la 3ème chambre et la lettre d’engagement qui lui avait été envoyée ne respectait pas cette promesse. Celle-ci était attestée par le compte-rendu précité, d’où il ressortait les éléments suivants : « 3ème chambre : M. L__________ ne réintégrera pas cette chambre, mais deviendra greffier volant. Mme B__________ devrait être définitivement nommée prochainement greffière de la 3ème chambre (stabilisation), complétant ainsi l’équipe (…) » .

Enfin, en mentionnant qu’elle travaillait comme commise-greffière, le certificat de travail intermédiaire qui lui avait été délivré le 25 février 2004 n’indiquait pas la fonction réelle qu’elle avait exercée au sein du tribunal, qui était celle de greffière.

15. Le 1er avril 2004, le Procureur général a informé Mme B__________ qu’il transmettait sa plainte à M. M__________, Secrétaire général du Pouvoir judiciaire (ci-après : le Secrétaire général), les griefs qu’elle contenait concernant exclusivement ses conditions d’engagement.

16. Par la suite, plusieurs altercations sont survenues entre Mme B__________ et ses supérieurs hiérarchiques et les relations n’ont pas cessé de se dégrader.

17. Par lettre du 15 avril 2004, co-signée par le président du Tribunal tutélaire et la greffière de juridiction, Mme B__________ a été libérée de son obligation de travailler jusqu’à l’échéance de son contrat, soit le 30 avril 2004, aux motifs que sa récente attitude avec ses supérieurs hiérarchiques et avec ses collègues était inacceptable, qu’elle avait insulté et manqué de respect à ses collègues et que son comportement mettait en péril le bon fonctionnement de la juridiction.

18. Suite à ce courrier, Mme B__________ a déposé une plainte pénale à l’encontre de ses signataires pour diffamation et calomnie.

19. Sa plainte a été classée le 4 mai 2004 au motif que les faits dénoncés n’étaient pas constitutifs des infractions visées.

20. Le 5 mai 2004, Mme B__________ a reçu un certificat de travail signé par le Secrétaire général et la greffière-juriste du Tribunal tutélaire, dont la teneur est la suivante :

« Par la présente, nous attestons que Mme B__________, née le 1er février 1969, a été engagée en qualité de commise-greffière auxiliaire au Tribunal tutélaire, Pouvoir judiciaire, du 15 avril 2003 au 30 avril 2004.

Les tâches principales de Mme B__________ ont été les suivantes :

la tenue de l’agenda d’une Chambre

la gestion et le suivi des audiences, notamment la tenue de procès-verbaux en audience

la rédaction de correspondance courante

la dactylographie des ordonnances et des courriers

diverses tâches de secrétariat, tels que téléphone avec des mandataires, avocats et justiciables, classement et mise sous pli.

Mme B__________ a accompli, à notre satisfaction, les tâches confiées.

Elle est sérieuse, consciencieuse et présente avec soin son travail.

Mme B__________ nous a quittés, à l’échéance de son contrat de durée déterminée, libre de tout engagement, à l’exception de celui relevant de son secret de fonction.

Nous formulons nos meilleurs vœux pour son avenir professionnel ».

21. Le 13 mai 2004, Mme B__________ a saisi la commission de conciliation en matière d’égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail et conclu au paiement CHF 16'192.-, soit à la différence de salaire résultant de son classement en classe 8 en lieu et place de la classe 13.

22. L’audience de conciliation a eu lieu le 23 juin 2004. Les parties ont campé sur leurs positions.

23. Le 16 juin 2004, le Secrétaire général du Pouvoir judiciaire a répondu à la plainte de Mme B__________, qui lui avait été transmise.

La fixation du traitement initial des collaborateurs du Pouvoir judiciaire dépendait de plusieurs facteurs, dont la classification du poste, le niveau de formation et l’expérience professionnelle, mais en aucun cas du sexe de la personne engagée.

La situation de M. L__________, que Mme B__________ prenait en comparaison, n’était pas identique à la sienne. Ce collaborateur avait été engagé au Tribunal tutélaire plus de 17 ans auparavant, soit en janvier 1987, dans une classe de fonction inférieure à celle de Mme B__________.

Le simple fait d’effectuer les tâches de greffier en remplacement de ces derniers ne conférait pas le titre de greffier ou le droit à une classe de salaire supérieure.

La proposition d’engagement qui avait été faite ayant été refusée par l’intéressée, le contrat était venu à échéance à son terme, sans résiliation, le 30 avril 2004.

Il n’y avait pas de raison de remettre en cause la classification de la fonction qui avait été effectuée.

24. Mme B__________ a répondu à ce courrier le 21 juin 2004.

Elle était la seule personne travaillant au sein du Tribunal tutélaire à ne pas disposer du titre de greffier, alors qu’elle faisait les mêmes tâches que les autres.

Même Mme F__________, qui avait été engagée en même temps qu’elle, et qui occupait désormais son poste, avait été promue au titre de greffière.

25. Par acte du 12 juillet 2004, Mme B__________, reprenant les arguments qu’elle avait développés dans ses divers courriers, a déposé auprès du Tribunal de céans une « action en constatation d’une discrimination au niveau du titre de la fonction et de la classe de l’échelle de traitement par rapport à deux collègues masculins (art. 3 LEg) et résiliation abusive avec effet immédiat (art. 10 LEg) et action en modification du certificat de travail ».

Dans sa demande, elle conclut au paiement de CHF 16'192.- avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2003, représentant la différence de traitement entre les classes de fonction 8 et 13 et, au cas où le salaire de M. L__________ était colloqué en classe 15, au montant correspondant à la différence entre cette dernière classe de traitement et la classe 8. En sus, elle conclut au paiement de la différence de salaire entre les annuités 8 et 13, au paiement de dommages-intérêts et d’une indemnité pour tort moral, ainsi qu’à la modification de son certificat de travail.

Outre qu’elle avait été victime d’une discrimination à raison du sexe, elle avait fait l’objet d’un congé abusif, car on lui avait fait des promesses d’engagement en qualité de greffière qui n’avaient pas été tenues.

Enfin, il convenait de mentionner, dans son certificat de travail, qu’elle avait exercé la fonction de greffière et non de commise-greffière, qu’elle avait effectué des déplacements avec le juge dans des hôpitaux et EMS afin d’interroger les patients et qu’elle avait pris les procès-verbaux à la main à ces occasions.

26. L’Office du personnel de l’Etat (ci-après : l’Office du personnel) s’est déterminé le 31 août 2004.

La demande, en ce qu’elle avait trait à la majoration du traitement initial était irrecevable.

Les conclusions en dommages-intérêts pour congé abusif et tort moral étaient également irrecevables, car il n’y avait pas eu de licenciement, le contrat étant venu à terme à son échéance.

Les conclusions en constatation d’une discrimination fondée sur le sexe étaient recevables, mais parfaitement infondées.

En effet, il n’y avait pas, à Genève, d’école pour les greffiers. La formation se faisait « sur le tas ». Dans cette perspective, trois fonctions-type avaient été créées : celles de commis-greffier 1 (classe 09), commis-greffier 2 (classe 11) et greffier 1 (classe 13). L’objectif était de créer un cursus permettant aux personnes engagées de progresser dans le cadre d’un plan de carrière. Ce système fonctionnait depuis 1988 dans l’ensemble des juridictions genevoises. L’évolution de la carrière dépendait de plusieurs facteurs (vacance des postes, besoins de la juridiction, formation, expérience professionnelle, qualité des prestations fournies, etc.). Il n’y avait pas un droit au plan de carrière, comme il n’y avait pas un droit à l’engagement.

La situation de M. L__________ était radicalement différente de celle de Mme B__________. M L__________ avait été engagé le 1er janvier 1987 en qualité de commis-greffier 1 (classe max. 09) au greffe de la chambre des tutelles et Justice de paix. Son traitement initial n’avait pas bénéficié d’autant d’annuités que Mme B__________. Il s’était donc situé à un niveau inférieur, alors même qu’il avait un nombre d’années d’expérience utiles au poste supérieur à Mme B__________.

En raison d’excellentes prestations, il avait été promu greffier 1 en juillet 1988, avant d’être nommé fonctionnaire en janvier 1990.

M. L__________ avait été engagé en qualité de commis-greffier 2 (classe max. 11) le 1er septembre 1997 au greffe des juges d’instruction en raison du fait qu’il était titulaire d’une maturité commerciale et qu’il avait plusieurs années d’expérience professionnelle. En raison de ses compétences particulières, il avait été rapidement affecté au cabinet d’un juge financier. Compte tenu de ses excellentes prestations, il avait été promu greffier 1 (classe max. 13) en septembre 1999 et nommé fonctionnaire en 2003.

Quant à Mme F__________, elle avait été engagée en qualité de commise-greffière 1 (classe max. 09) au greffe du Tribunal tutélaire le 1er avril 2003. Elle avait été promue commise-greffière 2 (classe max. 11) dès le 1er mai 2004.

Enfin, le certificat de travail ne pouvait être modifié dans le sens voulu par la recourante, car le titre qu’elle voulait y voir figurer n’était pas conforme à la réalité.

27. Invitée à se déterminer, la commission de gestion du pouvoir judiciaire a déclaré faire siennes les conclusions prises par l’office du personnel, le 15 octobre 2004.

28. Les parties ont procédé à un nouvel échange d’écritures les 13 novembre et 15 décembre 2004. Leurs arguments seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

1. Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des prétentions fondées sur l’existence d’une discrimination à raison du sexe dans les relations de travail entre l’Etat de Genève et ses agents publics (art. 3, 4 et 13 de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985, LEg- RS 151.1 ; 56 B al. 4 let. a et 56 G al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941, LOJ - E 2 05 ; 2C de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997, LPAC - B 5 05). Ces prétentions ne peuvent être invoquées dans le cadre d’une action pécuniaire que lorsqu’elles ne peuvent pas faire l’objet d’une décision (art. 56G al. 1 LOJ).

Ces dispositions ouvrent une brèche dans le système instauré par les règles de procédure applicables à la fonction publique (art. 56B al. 4 LOJ et 31 et ss LPAC a contrario) qui ferment la voie du recours et de l’action au candidat contestant un refus d’engagement ou au membre de la fonction publique qui souhaite s’opposer à la décision fixant son statut ou sa classe de traitement.

La compétence de la juridiction de céans ne saurait ainsi être mise en doute lorsque est invoquée une discrimination à raison du sexe. Toutefois, le pouvoir d’examen du Tribunal de céans est limité, dans le contexte de la fonction publique, à ce seul grief et aux conséquences juridiques qu’il convient d’en tirer. En d’autres termes, la manière dont l’office du personnel a qualifié le poste occupé par l’intéressée au sein du greffe du Tribunal tutélaire, déterminé sa classe de salaire et le nombre d’années d’expérience utiles au poste échappe au contrôle du Tribunal de céans, sauf si l’usage de ce pouvoir d’appréciation constitue une discrimination à raison du sexe. Ainsi en a voulu le législateur lors de la réforme de la juridiction administrative genevoise du 11 juin 1999 (cf. T. TANQUEREL, La réforme de la juridiction administrative genevoise, in RDAF 2000 I 473-496, p. 491).

2. Selon l’article 31A LPAC, « tout membre du personnel peut recourir au Tribunal administratif contre les décisions relatives à un certificat de travail le concernant ».

Le délai pour recourir est de trente jours dès la notification de la décision (art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ; LPA – E 5 10).

Par « décision » au sens de l’article 31A LPAC, il faut entendre les décisions formelles rejetant une demande de modification du certificat de travail formée par l’employé auprès de l’autorité qui l’a employé.

En effet, en tant que tel, le certificat de travail constitue un acte matériel et non une décision administrative au sens de l’article 4 LPA, car il ne crée pas, ni ne modifie, annule ou constate des droits ou des obligations. Il est néanmoins apparu nécessaire au législateur que cet acte matériel puisse être attaqué en raison des conséquences que son contenu peut avoir sur la carrière professionnelle de l’employé. Dans le système instauré par le législateur, il apparaît toutefois cohérent et conforme au principe de l’économie de procédure de n’ouvrir la voie du recours qu’après que l’autorité ait pu se déterminer sur la modification souhaitée par l’employé. Il résulte de ces considérations que la communication du certificat de travail n’est pas soumise aux exigences formelles de la procédure administrative, applicable aux décisions (indication des voie et délai de recours notamment). En revanche, la détermination de l’autorité rejetant la demande de modification formée par l’employé doit respecter les exigences de forme et de procédure imposées par la loi (respect du droit d’être entendu, notification, etc.).

En l’espèce, la décision formelle de refus de modifier le certificat de travail dans le sens voulu par la demanderesse a été prononcée par le Pouvoir judiciaire le 16 juin 2004. La demande – qui doit être considérée comme un recours s’agissant du certificat de travail – a été déposée le 13 juillet 2004. Le délai de recours a ainsi été respecté.

Le recours fondé sur l’article 31A LPAC est en conséquence recevable.

3. La question de la recevabilité, à titre de recours ou d’action pécuniaire, des autres prétentions formulées dans la demande peut rester ouverte en l’espèce, dès lors que le grief de discrimination – sur lequel repose l’ensemble des conclusions de la demanderesse – s’avère de toute façon mal fondé.

4. En effet, selon l’article 3 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse (art. 3 al. 1 LEg). L’interdiction de toute discrimination s’applique notamment à l’embauche, à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail (art. 3 al. 2 LEg).

5. Aux termes de l’article 6 LEg, l’existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable. Cette disposition allège le fardeau de la preuve d'une discrimination à raison du sexe, en ce sens qu'il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence d'une telle discrimination. Si celle-ci y parvient, le fardeau de la preuve est renversé; il appartient alors à l'employeur d'établir l'inexistence de la discrimination (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, du 24 février 1993, in : FF 1993 I 1215/1216 ; S. STEIGER-SACKMANN, in : Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle 1997, n. 57, 58 et 64 ad art. 6 LEg ; ATF 127 III 207 consid. 3b, p. 213 ss).

L’existence d'une différence de salaire entre n'importe quels travailleurs ne fait pas apparaître comme probable une discrimination à raison du sexe. En revanche, lorsque des travailleurs de sexe opposé ont une position semblable dans l’entreprise avec des cahiers des charges comparables, il est présumé, s'il y a une différence de rémunération entre eux, que celle-ci est de nature sexiste, l'employeur devant apporter la preuve de la non-discrimination (ATF 125 III 368 consid. 4 p. 372 ; 125 II 541 consid. 6a/6b p. 550 s. ; 125 I 71 consid. 4a p. 82 qui renvoie à l'ATF 118 Ia 35 où était déduit directement de l'art. 4 al. 2 aCst. le devoir d'examen minimal auquel le juge doit procéder en la matière). Si l'employeur ne réussit pas à rapporter cette preuve, l'action de la partie demanderesse doit être accueillie, sans que doive encore être établie l'existence dans l'entreprise d'une politique du personnel sexiste (ATF 127 III 207 consid. 3b, p. 213 ss).

En l’espèce, la demanderesse ne rend aucunement vraisemblable l’existence d’une discrimination à raison du sexe. Au contraire, la comparaison qu’elle fait de sa situation avec celle de Mme F__________, qui a été engagée dans une classe de fonction supérieure à la sienne au poste qu’elle occupait, plaide en faveur d’une absence de discrimination entre hommes et femmes dans la politique d’engagement et de promotion interne menée par l’autorité intimée.

Dans ces circonstances la discrimination ne saurait être présumée. Il appartient donc à la demanderesse de la prouver.

6. a. Une discrimination à raison du sexe peut intervenir dans la classification générale de diverses fonctions au sein d'une échelle de traitement, ou bien dans la fixation de la rémunération d'une personne déterminée lorsqu'on la compare avec celle d'autres personnes du sexe opposé (ATF 125 III 368 consid. 3 p. 371 et les arrêts cités). Dans les deux cas, elle peut résulter de l'évaluation des prestations de travail selon des critères directement ou indirectement discriminatoires ou du fait que des critères d'évaluation neutres, objectivement admissibles en eux-mêmes, sont appliqués de façon inconséquente au détriment d'un sexe, soit que le critère invoqué à l'appui d'une différence de traitement ne soit pas du tout réalisé concrètement, soit qu'il ne joue aucun rôle pour l'exercice de l'activité en cause (cf. ATF 117 Ia 270 consid. 4a p. 276) soit encore qu'il n'exerce une influence sur l'évaluation des prestations de travail que dans des cas isolés (127 III 207 consid. 3b, p. 213 ss ; ATF 125 III 368 ibidem).

b. La jurisprudence considère comme non discriminatoires les différences de salaire qui reposent sur des motifs objectifs. Parmi ceux-ci figurent d'abord les motifs qui peuvent influencer la valeur même du travail, comme la formation, l'ancienneté, la qualification, l’expérience, le domaine concret d'activité, les prestations et les risques encourus (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 373; 124 II 409 consid. 9c p. 428, 436 consid. 7a p. 441 et les références citées). En outre, des différences de salaire peuvent se justifier pour des motifs qui ne se rapportent pas immédiatement à l'activité de la travailleuse ou du travailleur, mais qui découlent de préoccupations sociales, comme les charges familiales ou l'âge (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 373; 118 Ia 35 consid. 2c p. 37 ss; 117 Ia 270 consid. 4a p. 276). En règle générale, des motifs objectifs ne peuvent légitimer une différence de rémunération que s'ils jouent un rôle véritablement important en regard de la prestation de travail et s'ils influent par conséquent sur les salaires versés par le même employeur (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 374).

c. En l’espèce, la demanderesse a été engagée au sein du Tribunal tutélaire en qualité d’ « auxiliaire commise-greffière 1 », classe 8/annuités 8 de l’échelle des traitements, par décision du 15 avril 2003, pour une durée déterminée, soit jusqu’au 31 octobre 2003. Son engagement a été renouvelé jusqu’au 30 avril 2004. Elle considère qu’elle aurait dû bénéficier, dès le début de son engagement, de la même classe de fonction dont MM. L__________ et L__________ bénéficient aujourd’hui, au motif qu’elle effectuait les mêmes tâches qu’eux lorsqu’elle était en fonction.

d. La demanderesse compare des situations qui sont loin d’être identiques. En effet, ces fonctionnaires ont été engagés il y a plusieurs années ; l’un en 1987, l’autre en 1997. Ils bénéficient d’une expérience de la fonction que la demanderesse prétendrait avoir eu depuis le début de son engagement, sans avoir jamais exercé l’activité de greffière auparavant. La pratique du Pouvoir judiciaire, consistant à former les employés à la fonction de greffier « sur le tas », en leur attribuant les mêmes tâches que ceux-ci sous la surveillance d’un greffier expérimenté, d’un greffier-juriste ou d’un magistrat, n’est pas contraire à la LEg, dès lors qu’elle s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Les deux greffiers pris en comparaison n’ont été engagés en qualité de greffiers qu’après un an et demi à deux ans d’expérience au sein d’un greffe. Il apparaît clairement, à l’analyse de leur parcours professionnel, qu’ils ont commencé leur carrière avec un statut identique ou assimilable à celui de la demanderesse, et que ce statut a évolué avec le temps. D’ailleurs, en proposant sa stabilisation en qualité d’employée en janvier 2004, soit 10 mois après son entrée en fonction comme auxiliaire, les intimés ont démontré qu’ils avaient l’intention de faire suivre à Mme B__________ le même parcours qu’aux autres greffiers. En refusant la proposition d’engagement qui lui a été faite, la demanderesse a pris le risque que le poste soit repourvu. En février 2004, soit moins de deux mois avant le terme de son contrat, elle n’avait toujours pas signé sa lettre d’engagement, reçue mi-janvier 2004. Il est parfaitement compréhensible, dans ces circonstances, que l’autorité intimée se soit tournée vers une autre candidature. Cette candidature était féminine. Elle a obtenu le poste litigieux à des conditions tout à fait semblables à celles appliquées aux deux greffiers prénommés. La demanderesse ne l’ignore pas, puisqu’elle prétend même que Mme F__________ a été engagée comme greffière à sa place, à de meilleures conditions que celles qui lui ont été offertes.

e. De son argumentation pour le moins contradictoire, il apparaît, qu’en réalité, la demanderesse allègue l’existence d’une discrimination à raison du sexe uniquement dans le but de contourner l’absence de voie de recours à sa disposition pour contester la manière dont l’autorité d’engagement a fait usage de son pouvoir d’appréciation lors de son engagement par rapport aux autres personnes, femmes et hommes, qui exercent aujourd’hui la fonction de greffier au sein de la juridiction et par rapport auxquelles elle se sent discriminée. Or, cette manière de procéder est contraire à la loi ; on ne saurait en effet obtenir, par ce biais, le réexamen de questions que la loi a précisément voulu exclure de la compétence du Tribunal de céans.

Le grief de discrimination sera donc rejeté.

7. La demanderesse prétend au paiement d’indemnités pour congé abusif (art. 10 LEg et 5 al. 2 LEg).

Selon l’article 24 alinéa 1 LPAC, les rapports de service prennent fin à l’échéance du contrat conclu pour une durée déterminée. Dès lors que les circonstances démontrent qu’il n’y a pas eu de discrimination à raison du sexe lorsque le poste de la demanderesse – qui lui a d’abord été proposé, puis confié à une femme aux mêmes conditions qu’à ses collègues masculins – a été repourvu en avril 2004, il n’y a pas lieu de revenir sur le terme du contrat, fixé au 30 avril 2004.

Ledit contrat étant venu à échéance à son terme, sans résiliation, il ne peut y avoir de congé abusif.

En tant qu’elles sont recevables, les prétentions en dommages-intérêts et en tort moral pour congé abusif sont ainsi parfaitement infondées.

8. a. Mme B__________ demande au Pouvoir judiciaire de modifier le certificat de travail qu’elle a reçu à la fin de ses rapports de service (art. 31A LPAC). Elle souhaite cependant que figurent dans ce dernier deux mentions supplémentaires, soit qu’elle a exercé la fonction de greffière et non de commise-greffière, et qu’ « elle a effectué des déplacements avec le juge dans des hôpitaux et EMS afin d’interroger les patients » et pris les procès-verbaux à la main à ces occasions.

b. Selon l’article 39 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics du 24 février 1999 (RLPAC - B 5 05 01), à la fin des rapports de service, le membre du personnel reçoit de sa hiérarchie un certificat de travail portant sur la nature et la durée du travail, ainsi que sur la qualité de son travail et son comportement.

c. Concernant la mention, dans le certificat, du titre de greffière en lieu et place du titre de commise-greffière, la recours ne peut être admis, dès lors qu’il n’a pas été constaté de discrimination dans la classification de la fonction de l’intéressée et qu’en dehors de cette hypothèse, le Tribunal de céans ne peut revoir la classification du poste opérée par les autorités intimées.

d. S’agissant de la mention des audiences lors desquelles la demanderesse a assisté le juge, le certificat de travail délivré en mai 2004 indique clairement que parmi les tâches principales effectuées, figuraient « la gestion et le suivi des audiences, notamment la tenue de procès-verbaux en audience ». Le fait que ces audiences se déroulent parfois en dehors du tribunal et qu’à ces occasions, la greffière ou la commise-greffière prenne les procès-verbaux à la main relève de l’ordinaire de la fonction et résulte clairement de la définition de la fonction-type de commis-greffier, émise par le Palais de justice et versée à la procédure par la recourante elle-même. Ainsi, on ne voit pas ce que Mme B__________ pourrait tirer de la modification demandée.

Son recours sera donc également rejeté sur ce point.

9. Selon les articles 13 al. 5 LEg et 8 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 28 mai 1998 (LaLEg - A 2 50), la procédure est gratuite, sauf en cas de témérité.

Il ne sera donc pas perçu d’émolument.

 

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours déposé le 13 juillet 2004 par Mme B__________ contre la décision du Pouvoir judiciaire du 16 juin 2004 ;

au fond :

le rejette ;

rejette, en tant qu’elle est recevable, l’action pécuniaire déposée par Mme B__________ contre le Pouvoir judiciaire et l’Office du personnel de l’Etat ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ; 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme B__________, au Pouvoir judiciaire ainsi qu’à l'office du personnel de l'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :