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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/839/2005

ACOM/4/2006 du 15.02.2006 ( CRUNI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/839/2005-CRUNI ACOM/4/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 15 février 2006

 

dans la cause

 

Monsieur S__________

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

FACULTÉ DE DROIT

 

 

 

 

(élimination du doctorat pour dépassement des délais,

dérogation, circonstances exceptionnelles)


1. Monsieur S__________, né le __________, s’est immatriculé à l’université de Genève le 8 décembre 1999, en vue de la préparation d’un doctorat auprès de la faculté de droit (ci-après : la faculté) ; le vice-doyen lui avait en effet confirmé, par lettre du 29 juin 1998, que la faculté consentait à accorder l’équivalence à la licence en droit qu’il avait obtenue en Angleterre en 1996, suite au préavis favorable du Professeur Luigi Condorelli, pressenti en tant que directeur de thèse. Dans ce courrier, le vice-doyen attirait l’attention de l’étudiant sur le délai réglementaire de dix semestres pour achever le doctorat.

2. Par courrier du 13 juin 2002, le Professeur Condorelli a demandé au doyen de la faculté de désigner son successeur à la direction de la thèse de M. S__________, compte tenu de son départ à la retraite. A cette occasion, le Professeur Condorelli précisait que M. S__________ était un fonctionnaire international en contact avec lui depuis longtemps et qui, après de multiples colloques, très espacés en raison de l’éloignement du doctorant de Genève et de ses engagements de travail, avait mis au point un plan de thèse acceptable sur le sujet « La question de Chypre en droit international ». Le Professeur Condorelli proposait par ailleurs que le sujet de thèse soit enregistré.

3. Lors de la séance du 26 juin 2002, le collège des Professeurs de la faculté a décidé de surseoir à la désignation d’un successeur à la direction de la thèse de M. S__________, dans l’attente de l’avis du département de droit international public de la faculté (ci-après : le département).

4. Au mois de septembre 2002, M. S__________ a pris contact avec le Professeur Nicolas Levrat, son nouveau directeur de thèse. Il exposait avoir convenu avec son prédécesseur de rédiger la thèse en anglais et il indiquait être en train de rédiger. Il précisait toutefois qu'il avait été contraint de recommencer plusieurs fois, compte tenu des changements de situation concernant Chypre. Il proposait d'adresser son nouveau plan de travail et il sollicitait une prise de contact, soit par téléphone soit lors d’une visite à Genève.

5. Par message électronique du 19 septembre 2002, le Professeur Levrat a répondu à M. S__________ qu'il était effectivement son nouveau directeur de thèse mais qu'il n'avait pas reçu de son prédécesseur le dossier le concernant. Avant d’organiser un entretien, le Professeur Levrat a sollicité du doctorant l'envoi de son plan de travail ainsi que d'une note de cinq pages résumant la problématique étudiée. Il a confirmé que, dans la mesure du possible, les accords passés avec le Professeur Condorelli demeuraient valables et il a conclu qu'il reprendrait contact avec l’intéressé après avoir pris connaissance des documents demandés.

6. Le 29 novembre 2002, le secrétariat des étudiants de la faculté a écrit à l’adresse de Genève de M. S__________ afin qu’il prenne contact au plus vite avec la conseillère aux études. Ce courrier est retourné à l’université, avec la mention « non réclamé ».

7. En date du 20 février 2004, M. S__________ a pris contact par téléphone avec le secrétariat des étudiants de la faculté, en indiquant qu’il avait adressé un plan de travail à son directeur de thèse, dont il ne pouvait toutefois pas indiquer le nom.

8. Interpellé à ce sujet par le secrétariat des étudiants en date du 4 mars 2004, le département a répondu, par courrier électronique du 11 mars 2004, que le doctorant était en principe suivi par le Professeur Nicolas Levrat, qui avait effectivement reçu en automne 2002 un plan de thèse. Le Professeur n’avait toutefois plus eu de nouvelles du doctorant, qu’il n’avait d’ailleurs jamais rencontré.

9. Par courrier électronique du 22 mars 2004, le secrétariat des étudiants a informé le doctorant que son directeur de thèse était le Professeur Nicolas Levrat et lui a transmis ses coordonnées. M. S__________ a été invité à communiquer à la faculté une adresse valable.

10. M. S__________ a demandé au secrétariat des étudiants, par e-mail du 24 mars 2004, si le Professeur Levrat avait bien reçu le plan de travail qu'il lui avait envoyé environ une année auparavant. Il a souhaité savoir si celui-ci était au courant qu’il était son nouveau directeur de thèse et s’il savait que la thèse était rédigée en anglais. Il a enfin demandé quel était le délai pour terminer sa thèse.

11. Dans un message électronique du 31 mars 2004, dicté par la Conseillère aux études, le secrétariat des étudiants de la faculté a invité l’étudiant à prendre contact au plus vite avec son directeur de thèse, le délai de 10 semestres venant à échéance au semestre d’été 2004. En fonction du résultat des discussions avec le Professeur Levrat, et avec son accord, il était en principe possible d’obtenir une prolongation de deux semestres.

12. Le 8 avril 2004, le doctorant s’est adressé au Professeur Levrat par courrier électronique. Il a demandé la confirmation de la réception de son plan de travail et a sollicité une prolongation de deux semestres pour achever sa thèse, dont le déroulement avait été retardé pour des raisons personnelles, dont notamment un changement de domicile, ainsi qu’en raison des derniers développements de l'histoire de Chypre. Il a précisé qu'il était en train de rédiger la thèse en anglais et qu'il poursuivait la rédaction conformément au plan de travail préalablement communiqué.

13. En date du 27 avril 2004, le Professeur Levrat a indiqué que le plan de thèse nécessitait des amendements pour tenir compte, notamment, du nouveau statut juridique de l'île. Quant à la demande de prolongation, elle ne pouvait être prise en compte qu'après avoir examiné l’état d’avancement du travail, le doctorant étant invité à faire parvenir rapidement une partie de sa thèse. Une rencontre en vue de discuter les modifications à apporter au plan de travail était aussi souhaitable.

14. Le lendemain, M. S__________ a répondu qu'étant donné qu'il n'avait plus reçu de nouvelles après l'envoi de son plan de thèse, il avait pensé que son directeur de thèse était absent ou que le département cherchait un remplaçant. Il a aussi précisé n'avoir rien rédigé, mais avoir complété ses recherches. Quant à un déplacement à Genève, il n’était pas possible avant la fin de l'année.

15. Le même jour, le Professeur Levrat a répondu que l'octroi d'un délai supplémentaire avait pour fonction de permettre au doctorat d'achever sa thèse. Une telle décision ne pouvait donc être prise que sur la base d'une évaluation du travail déjà fourni et du travail encore à fournir par le candidat. Le directeur de thèse a aussi rappelé à M. S__________ qu'au mois de septembre 2002 il lui avait demandé de lui envoyer une note de cinq pages résumant la problématique, qu'il n'avait jamais reçue. Le Professeur Levrat a fait savoir qu'il ne pourrait pas se prononcer favorablement sur la demande de prolongation, s'il ne recevait pas un texte d'une cinquantaine de pages avant le 10 mai 2004.

16. M. S__________ a indiqué avoir bien pris connaissance de la demande visant à fournir une note de problématique mais n’avoir en revanche pas obtenu de réaction sur son plan de travail. Il a affirmé être en mesure de présenter une cinquantaine de pages avant la fin du mois de juin 2004.

17. En date du 4 mai 2004, le Professeur Levrat a pris note de ce message et a répondu qu'il se renseignerait auprès de la faculté pour savoir si un tel délai était acceptable.

18. Le 1er juillet 2004, le Professeur Levrat a demandé au doctorant des nouvelles quant au texte de cinquante pages promis. En l'absence d'un tel document, il ne pouvait pas donner un préavis favorable à la demande de prolongation présentée.

19. M. S__________ a répondu qu'il y avait eu un malentendu. Sa proposition consistait à envoyer cinquante pages à la condition qu'il fût possible de lui accorder une prolongation d'une année. Il a d'ailleurs indiqué avoir écrit à plusieurs reprises à Mme S______ pour obtenir une réponse. Il a conclu en précisant que si la faculté acceptait de lui accorder un délai supplémentaire d'une année, il consentait à se rendre à Genève et à présenter un texte d'une cinquantaine de pages.

20. Par message électronique du 5 juillet 2004, le Professeur Levrat a fait savoir au doctorant qu'il ne pouvait pas donner suite à sa nouvelle proposition. Conformément à l'art. 38c du règlement de la faculté de droit, une demande de prolongation du délai pour achever la thèse ne pouvait être préavisée positivement par le directeur de thèse que si le mémoire était pour sa grande part, réalisé, les semestres supplémentaires devant permettre d'achever le travail en cours. En l'absence de tout texte écrit, il ne pouvait pas donner un préavis positif. Une décision d'élimination allait probablement être prise à son encontre.

21. Le 10 novembre 2004, M. S__________ a envoyé un message électronique au doyen de la faculté, dans le but d'éviter une décision administrative éliminatoire.

22. En date du 14 décembre 2004, le doyen de la faculté a notifié au doctorant une décision d'élimination de la faculté, au motif qu'il n'avait pas soutenu avec succès sa thèse de doctorat dans le délai réglementaire de dix semestres. Par ailleurs, en l'absence du préavis positif du directeur de thèse, une prolongation n'avait pas pu être accordée. Les motifs de cette décision lui étaient au demeurant connus, vu les échanges d'e-mails avec le Professeur Levrat.

23. Le doctorant a formé opposition contre cette décision en date du 18 janvier 2006. Il a fait valoir que compte tenu du changement de sujet de thèse, du départ du Professeur Condorelli à la retraite et des difficultés de communication avec son nouveau directeur de thèse, il était justifié de lui accorder une prolongation. Il a aussi allégué avoir envoyé la note de problématique demandée par le Professeur Levrat en septembre 2002 mais n'avoir jamais reçu de réponse de sa part. Il a produit pour preuve un texte de six pages, non daté.

24. Par décision sur opposition du 10 mars 2005, le doyen de la faculté a confirmé la décision d'élimination du 14 décembre 2004. Les conditions pour accorder une prolongation n'étaient pas réunies, compte tenu de l'absence d'un préavis favorable de la part du Professeur Levrat, fondé sur le fait qu’il n’avait pas reçu de texte écrit permettant d'évaluer l'état d'avancement de la thèse.

25. Par acte mis à la poste le 25 mars 2005, et reçu le 30 mars 2005, M. S__________ a interjeté recours contre cette décision devant la commission de recours de l’université (ci-après: CRUNI). Il demande principalement à ce que le délai réglementaire pour terminer la thèse soit calculé à partir de l'enregistrement du nouveau délai de thèse. A titre subsidiaire, il sollicite une prolongation de deux semestres d'études. Il reproche au Professeur Levrat de n'avoir pas repris contact avec lui après l'envoi du plan et de la note de problématique demandée. Il nie également avoir jamais promis de fournir une cinquantaine de pages, dans la mesure où il attendait une réponse du Professeur Levrat, qu'il n'avait jamais reçue.

26. Invitée à répondre, l’université conclut, dans sa détermination du 13 mai 2005, au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Elle conteste avoir reçu une note de cinq pages durant l'automne 2002 et trouve curieux que le recourant ne se soit pas inquiété du sort de son envoi avant le mois de février 2004, et qu'il ait oublié dans l'intervalle le nom de son directeur de thèse. Vu l'écoulement des dix semestres réglementaires, la décision d'élimination était fondée. Quant au refus d'accorder une prolongation, une telle dérogation ne se justifiait pas en l'espèce, le recourant n'ayant pas été en mesure de fournir un quelconque texte écrit permettant de juger de l'état d'avancement de ses travaux.

27. La réponse de l’université a été communiquée par la CRUNI au recourant en date du 19 mai 2005. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 10 mars 2005 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Les conditions d'élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l'université (art. 63D al. 3 LU). L’art. 22 alinéa 2 RU dispose que l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (let. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d'études (let. b), est éliminé.

b. Selon l’art. 25 al. 6 RU, le doctorat sanctionne un travail qui atteste l’acquisition de connaissances avancées et la capacité d’accomplir des recherches de manière indépendante; un tel diplôme est décerné par toutes les facultés de l’université de Genève. La durée des études de doctorat est ainsi réglée non seulement par le règlement d’études respectif de chaque faculté ou école, mais également par le RU. Ce dernier énonce à son art. 18 al. 1 que l’étudiant qui prépare une thèse de doctorat est immatriculé pendant toute la durée de ses études. La ratio legis de cette norme repose sur la volonté de ne pas rendre illusoires les délais prévus par l’art. 18 al. 2 RU, lequel indique que l’immatriculation du candidat au doctorat ne peut dépasser 10 semestres, sauf dérogation accordée par le Rectorat - en principe sur préavis de la faculté. Laisser écouler ce délai de 10 semestres sans avoir rempli les exigences réglementaires, soit en général la soutenance de sa thèse et la remise d’un nombre donné d’exemplaires de celle-ci, revient, pour le candidat, à être éliminé du diplôme, conformément à l’art. 22 al. 2 lit. b RU. Le règlement d’études de la faculté de droit applicable (ci-après : le RE) reprend, en ses art. 38 et 39, les conditions posées par le RU.

3. En l'occurrence, le recourant a été inscrit au programme de doctorat dès le semestre d'hiver 1999/2000. Il a ainsi effectué les semestres suivants: hiver 1999/2000; été 2000; hiver 2000/2001; été 2001; hiver 2001/2002; été 2002; hiver 2002/2003; été 2003; hiver 2003/2004; été 2004. Cela fait un total de dix semestres. Le délai total de dix semestres prévu à l'article 18 al. 2 RU et 38 let. c RE a ainsi été dépassé sans que le recourant n’obtienne le titre brigué. L'élimination du recourant pouvait donc être prononcée conformément aux règlements susmentionnés.

4. Il reste encore à déterminer si le recourant est en mesure d'invoquer des circonstances exceptionnelles, au sens de l'article 22, alinéa 3 RU, respectivement une dérogation, au sens des articles 18 al. 2 RU et 38 let. c RE.

5. a. Selon la jurisprudence constante rendue à propos de l'article 22, alinéa 3 RU, n'est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave pour l'étudiant. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont la CRUNI ne censure que l'abus (ACOM/31/2005 du 3 mai 2005; ACOM/28/2005 du 28 avril 2005). Cette jurisprudence est conforme au principe de l'instruction d'office (ACOM/13/2005 du 7 mars 2005, consid. 5). La CRUNI a ainsi jugé que des graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu'un rapport de causalité soit démontré par l'étudiant (ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées). En revanche, il a été jugé que des difficultés financières ou le fait de devoir exercer une activité en sus de ses études ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles, même si elles constituaient à n’en pas douter une contrainte (ACOM/20/2005 du 7 mars 2005 consid. 5 et les références citées).

b. En l’espèce, le recourant fait valoir à l’appui de son recours qu’il a changé de sujet et de directeur de thèse et qu’il a rencontré des difficultés de communication avec le nouveau directeur de thèse. Or, ces circonstances - à supposer qu’elles soient établies - ne revêtent pas le degré de gravité requis par la jurisprudence pour fonder un cas de circonstances exceptionnelles susceptible d'amener à un prolongement des études.

6. a. La clause de dérogation prévue à l'article 18 al. 2 RU est toutefois plus large que la notion de circonstances exceptionnelles au sens de l'article 22, alinéa 3 RU. Une dérogation peut en effet être accordée chaque fois qu'il existe des cas particuliers, étant précisé qu'une telle décision n'est prise que si l'état d'avancement de la thèse permet d'en escompter une conclusion rapide (ACOM/37/2005 du 26 mai 2005 consid. 7a).

b. L’octroi d’une dérogation relève du pouvoir discrétionnaire de l’université qui peut donc accepter la dérogation, l'accepter sous condition ou la refuser. Il s'agit d’une faculté, soit de ce que la doctrine appelle une "Kann-Vorschrift" (cf. Tschannen/Zimmerli, Allgemeines Verwaltungsrecht, Berne, 2005., p. 186-187).

c. D'après l'article 87, alinéa 3 RU, le recours à la CRUNI ne peut être fondé que sur l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité universitaire. Dès lors, selon une jurisprudence constante, le pouvoir de cognition de la CRUNI est limité en cas de liberté d'appréciation accordée à l'autorité universitaire. La CRUNI ne peut pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité universitaire. Elle doit se restreindre à vérifier que cette dernière n'est pas tombée dans l'arbitraire et que les principes du droit administratif, au nombre desquels figure notamment le principe de proportionnalité, n'ont pas été violés (ACOM/23/2005 du 26 avril 2005, consid. 4.c; ACOM/71/2004 du 21 juillet 2004, consid. 4.b et les références citées).

d. Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, "c'est-à-dire quand elle est en contradiction évidente avec la situation effective, viole grossièrement une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou choque le sentiment de la justice et de l'équité" (Claude Rouiller, Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi, in: Thürer/Aubert/Müller (éd.), Droit constitutionnel suisse, Zurich, 2001, p. 679; SJ 2005 I 277, consid. 2.1; ATF 129 I 49, consid. 4).

7. En l’espèce, l'intimée a refusé d’accorder une prolongation après avoir pris connaissance du préavis négatif du directeur de thèse, celui-ci ayant constaté que les travaux du doctorant n’avaient subi aucun progrès significatif après dix semestres d’études. A cet égard, l’appréciation de l’intimée n’apparaît pas critiquable. En effet, force est de constater que le doctorant a lui-même avoué, dans son message du 28 avril 2004, n’avoir pas commencé la rédaction de sa thèse. Or, s'il est vrai que le fait d’avoir entrepris la rédaction ne démontre pas obligatoirement le travail de recherche déjà effectué, il s'agit toutefois d'un indice important sur l'avancement du travail (cf. ACOM/37/2005). Par ailleurs, même si l’on considère que le changement de sujet de thèse a retardé l’avancement des travaux, le choix du sujet est intervenu, d’après les déclarations du recourant, au mois de novembre 2001. Il avait donc disposé de plus de deux ans pour débuter son travail. En tout état, l’absence de tout travail rédactionnel ne permettait manifestement pas d’espérer en une conclusion rapide de la thèse du recourant. L’intimée pouvait donc à bon droit refuser la demande de dérogation.

8. a. Le recourant se plaint aussi de difficultés de communication avec son directeur de thèse. Il fait en particulier valoir qu’il attendait que ce dernier reprenne contact avec lui après l’envoi de son plan de travail et de la note de problématique durant l’automne 2002. Quant au fait qu’il n’a pas communiqué le texte de cinquante pages demandé, il allègue qu’il était dans l’attente d’une réponse de son directeur de thèse sur sa demande de dérogation. Ce faisant, le recourant fait valoir, à tout le moins de manière implicite, une violation du principe de la bonne foi.

b. Ancré à l’article 5 al. 3 et à l’article 9 de la Constitution fédérale et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (ACOM/68/2005 du 8 novembre 2005, consid. 9). En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placé dans celles-ci. De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime. Entre autres conditions toutefois, l'administration doit être intervenue à l'égard de l'administré dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 130 I 60, consid. 8. 1; ATF 129 II 361, consid. 7.1; RDAF 2005 I 71, consid 2.1; SJ 2005 I 205, consid. 8.2;).

c. Il y a lieu aussi de tenir compte du comportement de l’administré, qui est aussi tenu d’agir de bonne foi envers l’administration.

9. a. En l’espèce, la CRUNI constate, d’une part, que dans le message du 19 septembre 2002 le Professeur Levrat avait sollicité du recourant qu’il lui remette son plan de travail et une note de cinq pages. Après réception de ces documents, il aurait repris contact par e-mail avec le doctorant. Or, il ne s’est pas exécuté. En effet, il ressort des différents échanges d’e-mails versés au dossier, que le recourant a toujours fait référence à l’envoi de son plan de travail mais jamais à celui de la note de problématique. Lorsqu’il a d’ailleurs repris contact avec l’université au mois de février 2004, le recourant a indiqué au secrétariat des étudiants avoir envoyé son plan de travail. C’est aussi ce qu’il a précisé dans son courrier électronique du 24 mars 2004 adressé à Madame R______. Ce n’est qu’au stade de l’opposition, et après que le Professeur Levrat lui ait rappelé sa demande de septembre 2002 concernant l’envoi d’une note de problématique, que le recourant a allégué, pour la première fois, avoir envoyé cette note au Professeur au mois d’octobre 2002. En guise de preuve, il a produit un texte de six pages non daté. Dans ces circonstances, la CRUNI ne peut que concevoir de sérieux doutes quant à l’envoi effectif de cette note de problématique. Le recourant n’indique d’ailleurs pas par quel moyen il aurait adressé ce texte à son directeur de thèse et n’a pas fourni le courrier qui devait logiquement accompagner l’envoi d’un texte ne portant pas son nom. Cela est d’autant plus étonnant que le recourant a été en mesure de produire l’échange de messages de septembre 2002. Enfin, il y a lieu de constater que le recourant ne s’est jamais inquiété du sort de son envoi, qu’il n’a pas communiqué à l’université son changement d’adresse et que ce n’est qu’au mois de février 2004 qu’il a appelé par téléphone le secrétariat des étudiants, en précisant qu’il ne connaissait pas le nom du directeur de thèse auquel il avait envoyé son plan de travail. Dans ces circonstances, le recourant ne saurait prétendre de bonne foi qu'il n'a pas avancé dans son travail car il a attendu pendant plus que deux ans la réaction de son directeur de thèse sur son plan de travail.

b. Quant à la remise du texte de cinquante pages, le Professeur Levrat, en date du 4 mai 2004, a répondu au recourant qui avait indiqué être en mesure de fournir son texte à la fin du mois de juin 2004, qu’il avait bien reçu le message et qu’il se renseignerait pour savoir si un tel délai était acceptable pour la faculté. Certes, le Professeur Levrat n’a pas repris contact avec le recourant à ce sujet. Compte tenu toutefois de l’importance de cette échéance, qui constituait la dernière chance de pouvoir obtenir la prolongation demandée, le recourant aurait dû se préoccuper davantage de ce problème en relançant le directeur de thèse à ce sujet, ou la conseillère aux études, qui lui avait proposé de s’adresser à elle en vue de discuter sa situation. Conscient d’ailleurs de la faiblesse de sa position, le recourant allègue, dans son message du 3 juillet 2004, avoir relancé par écrit le secrétariat des étudiants à plusieurs reprises, sans toutefois fournir la moindre preuve à ce sujet, en particulier sans produire le moindre e-mail. Enfin, le recourant ne pouvait de bonne foi avoir compris que la remise du texte de cinquante pages était subordonnée à l’accord de la faculté de prolonger le délai pour achever la thèse, comme il l’a indiqué dans son e-mail du 3 juillet 2004. En effet, le directeur de thèse lui avait clairement signifié qu’il ne pouvait préaviser favorablement la demande de prolongation qu’après avoir pris connaissance d’une partie de la thèse du recourant. L'envoi d'un texte d'une cinquantaine de pages était donc la condition posée pour obtenir la prolongation. Il ne pouvait y avoir aucun malentendu à ce sujet.

c. Compte tenu de ce qui précède, en particulier du comportement du recourant, l’on ne saurait retenir un comportement contraire à la bonne foi de la part des autorités facultaires.

10. En tout point mal fondé, le recours doit être rejeté.

11. Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu, (art. 33 RIOR).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mars 2005 par Monsieur S__________ contre la décision sur opposition de la faculté de droit du 10 mars 2005 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument 

communique la présente décision à Monsieur S__________, à la faculté de droit, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Madame Pedrazzini-Rizzi et Monsieur Grodecki, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :