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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/451/2020

ATA/491/2021 du 11.05.2021 sur JTAPI/704/2020 ( LDTR ) , ADMIS

Recours TF déposé le 15.06.2021, rendu le 10.11.2022, REJETE, 1C_370/2021
Descripteurs : OBJET DU LITIGE;NULLITÉ;VENTE;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);PESÉE DES INTÉRÊTS;INTÉRÊT PUBLIC;LOGEMENT;MARCHÉ LOCATIF;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;FRAUDE À LA LOI;DEVOIR DE COLLABORER
Normes : LPA.65; LPA.69.al1; LDTR.25; LDTR.39; RDTR.11; RDTR.13; Cst.9; Cst.5.al3; CC.973.al1; LPA.19; LPA.20; LPA.22; LPA.24.al2
Résumé : Octroi d'une autorisation d'aliéner une part de PPE (appartement) confirmée par le TAPI. La venderesse est devenue propriétaire de l'appartement dans le cadre d'une fraude à la loi ayant permis de se soustraire à la nécessité d'une autorisation d'aliéner, de sorte que son inscription au registre foncier est matériellement viciée. La sécurité du droit s'oppose néanmoins à la constatation de la nullité de cette inscription, de sorte que la venderesse est effectivement propriétaire de l'appartement qu'elle souhaite aujourd'hui aliéner. Pesée des intérêts pour déterminer si l'autorisation sollicitée devait être délivrée : examen des dettes invoquées par la venderesse, prise en compte du contexte de fraude à la loi et de l'impact de la délivrance d'une autorisation d'aliéner, qui permettrait à l'acteur principal de ladite fraude, initialement propriétaire de l'entier de l'immeuble, de redevenir propriétaire de l'appartement, mais individualisé, après validation par autorisation d'aliéner. Intérêt public prépondérant. Recours admis et autorisation d'aliéner annulée.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/451/2020-LDTR ATA/491/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mai 2021

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Mes Romolo Molo et Roman Seitenfus, avocats

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

Mme A______

B______ SA

représentées par C______ SA, mandataire

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 août 2020 (JTAPI/704/2020)


EN FAIT

1) a. M. D______ est administrateur président avec signature individuelle de E______ SA, société dont la raison sociale est devenue C______ SA le 30 juillet 2020 (ci-après : larégie C______) et dont le siège se situe au ______, rue F______.

b. G______ SA (ci-après : G______) a pour but les achats et ventes immobilières et l'exploitation d'immeubles. Depuis sa création le 24 novembre 2011, elle a son siège auprès de larégie C______ et M. D______ en a été administrateur jusqu'au 29 août 2012, date à laquelle il est devenu administrateur président, toujours avec signature individuelle.

c. B______ SA (ci-après : B______) a pour but l'achat, la vente, la construction, le pilotage, la promotion, la gérance et le courtage de tous biens immobiliers ainsi que tous placements et opérations financiers. Depuis sa création le 19 août 2016, elle a également son siège auprès de larégie C______ et M. D______ en est administrateur président, avec signature individuelle.

2) Le 12 juillet 2002, M. D______ a acquis l'immeuble comportant vingt-deux appartements sis au ______, route H______, sur la parcelle no 1______, feuillet 2______ de la commune I______, située en deuxième zone de développement (ci-après : l'immeuble).

3) Le 5 juin 2012, Mme A______ a acheté le certificat d'actions no 3______ de G______ au prix de CHF 216'000.-.

4) Le 15 juin 2012, M. D______ a vendu l'immeuble à G______, au prix de CHF 3'444'000.-.

5) Le 25 juin 2012, les statuts de G______ ont été modifiés, cette dernière devenant une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après : SIAL).

6) Dès le 29 juin 2012, l'immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE).

Le lot de PPE no 4______ correspondait à un appartement de quatre pièces, pour un total de 84 m2, avec balcon de 2 m2 au cinquième étage, avec local annexe n5______, soit une cave.

7) Le 23 décembre 2013, G______ a transféré Mme A______ la propriété du lot de PPE de l'immeuble correspondant à son certificat d'actions, soit le lot no 4______.

8) a. En janvier 2014, l'Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'absence de décision du département du logement, de l'aménagement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire
(ci-après : DT), et l'inscription au registre foncier (ci-après : RF) de dix-neuf acquéreurs d'appartements au sein de l'immeuble, lesquels, après avoir acheté des actions de G______, venaient chacun d'être inscrits au grand livre du RF en tant que propriétaires de l'appartement correspondant à leur certificat d'actions. Ces recours ne visaient cependant pas le transfert de l'appartement no 4______ à Mme A______.

b. Après que le TAPI eut déclaré les recours irrecevables (JTAPI/406/2014 et JTAPI/407/2014 du 15 avril 2014), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a, par arrêts des 2 décembre 2014 (ATA/948/2014) et 20 janvier 2015 (ATA/79/2015), partiellement admis les recours de l'ASLOCA, annulé les jugements du TAPI et directement transmis la cause au DT pour qu'il statue par décision sur la soumission des transferts à autorisation d'aliéner et, le cas échéant, délivre ou rejette lesdites autorisations. Si, dans l'instruction de ces procédures, le DT constatait l'existence d'une fraude à la loi ou suspectait la commission d'autres infractions de nature pénale ou disciplinaire, il devrait prendre les décisions qui s'imposaient en sa qualité d'autorité de répression ou dénoncer les autres infractions aux autorités compétentes. Si, au terme de son instruction, le DT constatait qu'une autorisation d'aliéner était nécessaire mais que les conditions de sa délivrance n'étaient pas réunies et que la transaction faite devant le notaire était viciée, il lui appartiendrait de statuer, en sa qualité d'autorité de surveillance du RF, sur les conséquences de cette situation sur les inscriptions correspondantes portées au grand livre (conditions de révocation, etc).

9) a. Le 9 avril 2014, le RF a adressé aux études de notaires genevoises une note relative aux opérations de liquidation des SIAL et transformation des cessionnaires détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'étages. Depuis 1995 au moins, ces opérations n'étaient pas soumises à autorisation de vente au regard de la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Il était toutefois apparu que les exigences légales pouvaient être contournées par diverses opérations juxtaposées dans l'application de cette pratique. Cette dernière était dès lors momentanément suspendue et les opérations en cause devraient dorénavant être soumises à la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), rattachée au DT, pour décision sur la question de l'assujettissement ou non à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation.

b. Suite à ce changement de pratique, le 29 juillet 2015, le DT a refusé d'autoriser l'aliénation de deux appartements de l'immeuble aux actionnaires détenant le certificat d'actions correspondant. Ce refus a été confirmé par le TAPI le 5 août 2016 (JTAPI/794/2016), la chambre administrative le 23 mai 2017 (ATA/577/2017) et le Tribunal fédéral le 23 novembre 2017 (arrêt 1C_361/2017), les instances judiciaires ayant constaté l'existence d'une fraude à la loi.

10) Le 22 juin 2017, Mme A______, représentée par la régie C______, a conclu un contrat de bail à loyer concernant l'appartement avec Mme J______ et M. K______. Il s'agissait d'un bail à terme fixe de trente-six mois, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, sans renouvellement, pour un loyer mensuel de CHF 1'350.-, avec charges de CHF 200.- par mois.

11) a. Par requête du 1er décembre 2019, Mme A______ a sollicité auprès de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), rattaché au DT, l'autorisation de vendre l'appartement à B______ au prix de CHF 800'000.-.

Elle était contrainte à la vente en raison de sa situation financière catastrophique. Elle devait plus de CHF 830'000.- à la régie C______ et plus de CHF 30'000.- à des tiers. La vente avait pour but de résorber une grande partie de ces dettes. Il s'agissait de son seul bien immobilier. B______ était intéressée à l'acquisition à titre d'investissement. L'intérêt à la vente était prépondérant et l'acquisition n'irait pas à l'encontre des buts de la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, dans la mesure où il n'y avait aucun risque que le logement sorte du marché locatif.

b. À l'appui de sa requête, elle a notamment versé à la procédure un extrait de son compte débiteur auprès de la régie C______ au 14 novembre 2019 ainsi qu'un extrait du registre des poursuites du 18 novembre 2019.

12) Par arrêté du 23 décembre 2019 (VA 13'975), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du même jour, le DT a autorisé l'aliénation au profit de B______, précisant que cette aliénation ne pourrait être invoquée ultérieurement pour justifier une nouvelle aliénation individualisée de l'appartement.

La cession d'actions survenue en juin 2012 aurait dû, le cas échéant, faire l'objet d'une requête en autorisation d'aliéner, ce qui n'avait pas été le cas. La requérante ne possédait que ce seul appartement dans l'immeuble. Ce dernier était loué et B______ s'était engagée à reprendre les droits et obligations du bail en cours. L'opération intervenait en vue d'assainir la situation financière de la requérante. La pesée des intérêts conduisait à l'octroi de l'autorisation sollicitée.

13) Par acte du 3 février 2020, l'ASLOCA a recouru auprès du TAPI contre cet arrêté, concluant à la constatation que le partage-attribution du lot de PPE no 4______ entre G______ et Mme A______ avait fait l'objet d'une fraude à la loi, à l'injonction au DT de rétablir une situation conforme au droit, en procédant en tant qu'autorité de surveillance du RF, à la réinscription de G______ en tant que propriétaire du lot de PPE en radiant Mme A______, ainsi qu'à l'annulation de l'arrêté attaqué.

Suite à l'ATA/79/2015 précité, le DT n'avait rien entrepris, alors qu'il aurait dû déterminer si les cessions-acquisitions de G______ en faveur de ses actionnaires constituaient une fraude à la loi. La requérante affirmait être débitrice à hauteur de CHF 830'000.- de la régie C______, dont M. D______ était actionnaire et administrateur, statuts qu'il avait également par rapport à l'acquéreuse, B______, ce qui aurait dû éveiller la curiosité du DT. Le seul montant tangible sur lequel reposait la mauvaise situation financière de la requérante était les six actes de défaut de biens pour un dette de CHF 29'482.49. Le décompte de la régie C______ avait un contenu pour le moins surprenant. Si la première ligne correspondait au prêt accordé lors de la cession des actions, le décompte mentionnait ensuite son remboursement régulier jusqu'en mars 2017, où apparaissait un versement de CHF 70'000.- inexpliqué. En juin 2017, y figuraient deux mentions étranges concernant l'annulation du remboursement du prêt pour CHF 36'000.- et « Prêt Ttit/rbt tif » pour CHF 40'000.- puis, en octobre 2019, la mention relativement extraordinaire d'un débit « PZ Cédule 2ème rang » de CHF 550'000.-, qui semblait être une cédule ne visant à garantir aucune dette de la requérante, aucune cédule de deuxième rang d'un tel montant ne figurant sur l'extrait du RF. Il « sautait aux yeux » que l'aliénation reposait sur des raisons plus que douteuses. Il se posait la question de savoir si la vente n'avait finalement pas que pour but de court-circuiter l'examen qu'aurait dû faire le DT depuis 2015, à savoir si le partage-attribution de l'époque constituait une fraude à la loi. L'octroi de l'autorisation sollicitée conduisait en pratique à guérir le vice originel puisque tout acquéreur pourrait se prévaloir de ladite autorisation en cas de revente.

14) a. Par réponse du 24 avril 2020, Mme A______ et B______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation de l'ASLOCA aux frais et dépens.

Dans la cadre de la procédure ayant mené à l'ATA/79/2015 précité, le DT n'avait ni remis en cause, ni jugé contraire au droit l'aliénation des certificats d'actions, ni la transformation de la société en SIAL. Il avait au contraire expressément indiqué, dans des arrêtés du 29 juillet 2015, que le refus des transferts ne péjorait en rien la qualité d'actionnaires des acquéreurs. Le DT s'était penché sur la question du transfert des actions et la constitution de la SIAL pour conclure qu'il n'y avait aucune illégalité à cette situation. L'aliénation des actions, la transformation en SIAL et les transferts antérieurs au RF n'avaient jamais fait l'objet de critiques, ni par la chambre administrative, ni par le Tribunal fédéral. Il n'y avait eu aucun transfert frauduleux en décembre 2013, ni antérieurement, ni postérieurement. Les inscriptions des copropriétaires au grand livre du RF ne pouvaient plus être exmatriculées. Même à admettre une fraude à la loi, la sécurité du droit et la bonne foi des administrés contraignaient au maintien de la situation. Le DT ne pouvait tenir compte d'actes passés dans l'instruction de la demande d'autorisation d'aliéner querellée. Une éventuelle violation n'était ni grave, ni manifeste, ni facilement décelable, les statuts ayant été modifiés par une notaire, les actes de transfert ayant été établis et déposés par un notaire, qui avait attesté qu'ils n'étaient pas soumis à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, et le conservateur du RF ayant procédé aux enregistrements requis et les ayant inscrits au grand livre, après vérification. Tous les copropriétaires n'étaient pas parties à la procédure ayant abouti à l'ATA/79/2015 précité, la vente des actions et la constitution en SIAL remontait à presque huit ans et quelques appartements avaient été revendus à des tiers dans l'intervalle.

La régie C______ avait prêté une somme supplémentaire de CHF 70'000.- en mars 2016 et les sommes de CHF 36'000.- et CHF 40'000.- représentaient des montants complémentaires dues par la requérante. La dette avait été garantie, en mai 2018, par la constitution d'une cédule hypothécaire au porteur. À la même période, une cédule hypothécaire avait été constituée en raison d'une dette de CHF 520'000.- envers Madame Christine D______, qui avait été reprise, en octobre 2019, par la régie C______. La situation de la requérante était catastrophique. S'agissant d'un investissement, l'appartement resterait sur le marché locatif. Le contrat de bail avait été conclu récemment et la vente ne pourrait permettre une augmentation du loyer. L'arrêté litigieux prévoyait expressément qu'il ne pourrait avoir valeur de précédent. L'intérêt public n'était aucunement atteint. C'était au contraire le recours de l'ASLOCA qui pourrait le mettre en danger, dans la mesure où la requérante, étranglée par ses dettes, pourrait décider de l'occuper personnellement ou dans la mesure où il pourrait faire l'objet d'une vente aux enchères et être acquis par un particulier décidant d'y habiter. Le DT avait correctement procédé à la pesée des intérêts, laquelle n'était au demeurant pas nécessaire, s'agissant d'une vente en bloc.

b. À l'appui de leur réponse, elles ont notamment produit des documents concernant les postes du compte débiteur de Mme A______ auprès de la régie C______ remis en cause par l'ASLOCA.

15) Par réponse du 13 mai 2020, le DT a conclu au rejet du recours.

La cession d'actions avait certes fait l'objet d'une fraude à la loi, mais le transfert au nom de Mme A______ s'était fait selon la pratique en cours à l'époque et ne pouvait lui être reproché. L'exécutabilité du constat de nullité du transfert créerait une situation inextricable au vu de temps écoulé et de la bonne foi de la requérante, qui pouvait difficilement être mise en doute.

16) Par jugement du 25 août 2020, le TAPI a rejeté le recours.

L'individualisation de l'appartement avait déjà eu lieu lorsque Mme A______ en avait obtenu l'inscription au RF en décembre 2013. Dans l'ATA/79/2015 précité, l'étape ultime de l'inscription au RF avait déjà été franchie, étant intervenue juste avant la modification de la pratique du DT, lequel ne devait pas formellement procéder à l'examen requis par cet arrêt pour l'appartement concerné. Le DT avait, dans sa réponse, clairement exposé sa position selon laquelle la nullité du transfert en faveur de la requérante ne pouvait être constatée. L'annulation de l'autorisation litigieuse pour le seul motif que le DT n'avait pas formellement procédé à l'examen auquel le contraignait l'ATA/79/2015 précité serait contraire aux principes d'économie de procédure et d'interdiction du formalisme excessif. Il n'était pas envisageable de revenir sur l'inscription au RF de 2013, solution posant de sérieux problèmes de sécurité juridique et qui avait déjà été écartée par la chambre administrative dans un cas analogue.

Quand bien même les dettes alléguées par la venderesse seraient sujettes à caution, elle avait un intérêt à ne pas être contrainte à demeurer définitivement propriétaire d'un bien immobilier impliquant des responsabilités juridiques et économiques et qui avait un impact sur sa situation fiscale. De telles contraintes n'étaient pas admissibles si la vente n'entraînait aucune modification du statut de l'appartement sur le marché locatif, comme c'était le cas en l'espèce. B______ était une personne morale propriétaire d'un certain nombre d'appartements à Genève, acquis comme investissements. La situation pourrait même être améliorée, vu que la requérante aurait pu décider d'habiter personnellement son appartement ou de le vendre aux enchères en raison de ses dettes, ce qui l'aurait soustrait au marché locatif.

La réserve figurant dans l'arrêté attaqué entrait a priori en contradiction avec le texte de la loi, de sorte que les craintes qu'une nouvelle aliénation de l'appartement soit autorisée ne pouvaient être contredites, mais c'était bien l'inscription au RF qui était à l'origine de la situation.

17) Par acte du 25 septembre 2020, l'ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et formulant pour le reste les mêmes conclusions qu'en première instance.

Le prix de vente (CHF 800'000.- alors que l'appartement avait été acquis au prix de CHF 216'000.-), rapporté à l'ensemble de l'immeuble, représentait un bénéfice de 384 % en voie de réalisation en sept ans seulement par M. D______ avec ses proches et ses amis grâce à l'arrêté litigieux, suite à une opération qualifiée par les instances compétentes de frauduleuse, soit l'utilisation de la forme de SIAL après 1985 afin d'éluder la loi. Le loyer licite augmenterait du fait de cette opération, au mépris des buts de la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Mme A______ était vraisemblablement liée à M. D______ par un rapport de subordination ou d'amitié, vu les prêts accordés par la régie C______ et Mme D______. Tout avait été orchestré pour permettre à la requérante de « pleurer » devant les tribunaux, alors qu'elle n'aurait qu'à restituer l'appartement à G______ pour se tirer d'affaire, à charge pour cette dernière de dédommager les créanciers de Mme A______, ce qui ne devrait pas poser problème, vu que l'administrateur et bénéficiaire économique était le même pour toutes les sociétés. Cette solution permettait d'assainir les opérations frauduleuses. L'ensemble des personnes bénéficiaires des cessions d'actions de G______ étaient des proches ou amis de M. D______, voire des « personnes de paille », ou encore des « sociétés-pseudopodes » détenues et administrées par lesdites personnes, quand elles ne l'étaient pas par M. D______ lui-même ou un de ses parents. M. D______ avait mené la même opération de vente à la découpe pour d'autres immeubles. L'ensemble des opérations, visant à éviter de déposer une demande d'autorisation, violait la loi et son but de préservation du parc locatif, revêtait une gravité exceptionnelle et était validé de manière incompréhensible par le DT et le TAPI. Le fait que l'appartement no 4______ ne figure pas dans l'ATA/577/2017 précité était sans conséquence vu que les opérations étaient strictement les mêmes. Le fait que la personne qui avait été l'instrument de la fraude ou y avait participé avait dans le cas d'espèce été inscrite au RF résultait de la passivité du DT.

18) Par réponse du 21 octobre 2020, Mme A______ et B______ ont conclu au rejet du recours.

M. D______ ne vendait pas l'appartement, mais l'achetait, par l'intermédiaire de sa société B______, de sorte qu'il lui était impossible de faire un bénéfice. L'individualisation avait déjà eu lieu et il fallait tenir compte de la situation de la venderesse, de bonne foi. Mme A______ n'était pas une « femme de paille ». Les futurs ex-époux D______ ne lui avaient pas fait de cadeau, mais lui avaient accordé des prêts, avec des intérêts relativement importants, en raison desquels elle avait dû constituer deux gages immobiliers sur l'appartement. L'argumentation sur le rendement relevait exclusivement du droit du bail et, sauf carence du propriétaire, il ne serait jamais pris comme montant d'acquisition du bien le coût du certificat d'actions, mais sa valeur de marché au moment de l'achat.

19) Le 30 novembre 2020, le DT a conclu au rejet du recours.

Le DT n'était pas resté passif comme le lui reprochait l'ASLOCA, comme le démontrait l'existence d'une autre procédure pendante devant la chambre administrative (A/3155/2019).

20) Par réplique du 7 janvier 2021, l'ASLOCA a persisté dans ses conclusions.

Le loyer annuel licite passerait, avec l'autorisation litigieuse, de CHF 5'372.65 à CHF 26'000.-. Mme A______ ne pouvait pas être qualifiée de tiers de bonne foi.

21) Le 19 janvier 2021, le juge délégué de la chambre administrative a imparti un délai au 3 février 2021 à Mme A______ et B______ pour produire la convention de cession du certificat d'actions no 3______ de 2012, la modification des statuts par laquelle G______ était devenue une SIAL la même année ainsi que tout éventuel convention ou projet d'acte concernant la vente immobilière pour laquelle l'autorisation litigieuse avait été sollicitée. En l'absence de réponse à cette demande, le 24 mars 2021, un nouveau délai de production de ces documents a été fixé au 9 avril 2021.

22) Faute de telle production, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut à la constatation que le partage-attribution du lot de PPE no 4______ du 23 décembre 2013 entre G______ et Mme A______ a fait l'objet d'une fraude à la loi et à ce qu'il soit ordonné à l'autorité intimée de rétablir une situation conforme au droit, en procédant, en tant qu'autorité de surveillance du RF, à la réinscription de G______ en tant que propriétaire du lot de PPE et en radiant Mme A______.

a. L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions de la recourante ou du recourant (art. 65 al. 1 LPA). L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA). La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 précité consid. 2b).

c. En l'espèce, la recourante n'a jamais soumis ses demandes à l'autorité intimée et celles-ci ne font pas l'objet de la décision litigieuse, qui porte exclusivement sur la délivrance à la venderesse de l'autorisation d'aliéner l'appartement no 4______ à l'acquéreuse.

Les conclusions de la recourante ayant trait au transfert du lot de PPE survenu le 23 décembre 2013 et au rétablissement d'une situation conforme au droit sont par conséquent exorbitantes au litige et à ce titre irrecevables.

3) Toutefois, même si elles n'ont pas été formulées comme telles, ces conclusions peuvent être comprises comme des conclusions en constatation de la nullité de l'inscription de Mme A______ au RF, point sur lequel l'argumentation des parties a porté. La nullité devant être constatée en tout temps et d'office, il convient d'examiner cette question, la qualité de propriétaire de l'appartement de la venderesse étant par ailleurs déterminante à la résolution du présent litige.

a. L'inscription au grand livre du RF consacre l'admission de la réquisition d'inscription audit registre et constitue une décision au sens de l'art. 4 al. 1 let. a LPA (ATA/79/2015 précité consid. 12b).

b. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger a sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.1).

4) a. L'aliénation sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation [mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi] du 25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20). Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

b. Selon l'art. 11 al. 3 du règlement d'application de la LDTR du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01), par appartement jusqu'alors offert en location, au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR, il faut entendre l'appartement loué lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner (let. a), l'appartement vide ou vacant lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, mais qui a précédemment été loué par son propriétaire actuel (let. b), ou l'appartement occupé, lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, par son propriétaire, si celui-ci a précédemment loué l'appartement considéré (let. c). Nonobstant la teneur de l'art. 11 al. 3 RDTR, une autorisation d'aliéner doit impérativement être requise en cas de vente d'un ou plusieurs appartement(s) acquis par voie d'adjudication (art. 11 al. 4 RDTR).

c. Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté en 2013, 2019, 2020 et 2021 qu'il y avait pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR des 20 mars 2013, 19 décembre 2018, 1er juillet 2020 et 9 décembre 2020 - ArAppart - L 5 20.03).

5) a. Le DT autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue, sous réserve du régime applicable à l'aliénation d'appartements destinés à la vente régi par l'art. 8A de loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), cette réserve ayant été ajoutée dans le texte légal le 19 novembre 2016 (let. a) ; était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; n'a jamais été loué (let. c) ; a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en PPE et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que la personne acquéreuse ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée (art. 39 al. 4 LDTR).

En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le DT est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont alternatives (ATA/725/2020 du 4 août 2020 consid. 2f ; ATA/870/2019 du 7 mai 2019 consid. 4b)

b. Au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à aliéner l'appartement dont elle est propriétaire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011 ; 1C_139/2011 ; 1C_141/2011 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011 ; ATA/545/2020 du 29 mai 2020 consid. 5).

Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le DT procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 RDTR). L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque le propriétaire doit vendre l'appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (let. b), ou du fait de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (let. c ; art. 13 al. 3 RDTR). Le DT refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR).

La politique prévue par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important (arrêts du Tribunal fédéral 1C_416/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.3 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011). Le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire au principe de la proportionnalité, dès lors qu'il est consécutif, de la part de l'autorité administrative, à une pesée des intérêts en présence et à une évaluation de l'importance du motif de refus envisagé au regard des intérêts privés en jeu. En effet, la restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; ATA/1313/2019 du 3 septembre 2019 consid. 7).

Dans le cas d'appartements en PPE, la vente en bloc de ces derniers doit être préférée à la vente par unités séparées, ce procédé-là ne mettant en principe pas en péril les buts de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3). Toutefois, même dans ce cadre, la vente en bloc de petits lots d'appartements augmente la probabilité d'une vente ultérieure de logements individualisés aux locataires en place et, partant, le risque d'atteinte au parc immobilier locatif protégé par la LDTR. Il y a donc lieu de privilégier une approche stricte de la protection conférée par cette loi pour éviter une telle atteinte par des « ventes à la découpe ». Ainsi, même en cas de vente en bloc, l'aliénateur doit justifier d'un intérêt privé particulier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3).

6) a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 568 p. 203).

b. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'une ou un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.1). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; 134 I 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 du 23 novembre 2017 consid. 4.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2).

7) Celui qui acquiert la propriété ou d'autres droits réels en se fondant de bonne foi sur une inscription du RF, est maintenu dans son acquisition (art. 973 al. 1 du code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210).

8) La chambre administrative a déjà été amenée à examiner la nullité d'un partage-attribution en raison de l'absence d'autorisation d'aliéner. Le vice était grave, mais non facilement décelable, puisque le conservateur avait procédé à l'enregistrement de l'acte de partage-attribution sans exiger les autorisations de vente (consid. 9d). Du point de vue de la sécurité du droit, l'exécutabilité de la nullité des partages-attributions serait extrêmement problématique, notamment du fait que l'appartement en cause avait été vendu à des tiers, inscrits au RF. L'application du constat de nullité créerait dans la pratique une situation inextricable au vu du temps écoulé et de la bonne foi des nouveaux propriétaires (consid. 9e). La nullité ne pouvait donc être constatée (consid. 10 ; ATA/255/2010 du 20 avril 2010).

9) La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s'il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4a). En matière de production de documents, l'art. 24 al. 2 LPA précise expressément que l'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision.

10) En l'espèce, la recourante conteste l'inscription de Mme A______ au RF car elle serait intervenue grâce à une fraude à la loi. L'autorité et les intimées affirment quant à elles que le transfert de la part de PPE à Mme A______ en décembre 2013 serait intervenu conformément à la pratique alors en vigueur. Les intimées soutiennent également que l'aliénation des actions, la transformation en SIAL et les transferts antérieurs au changement de pratique n'auraient jamais fait l'objet de critiques par les juridictions administratives.

En se prévalant d'une aliénation conforme à l'ancienne pratique de l'autorité intimée, les intimées reconnaissent que l'appartement no 4______ constitue un appartement dont l'aliénation était, en 2013, en principe soumise à autorisation conformément à l'art. 39 al. 1 LDTR, ce que confirme le dossier. Il s'agit en effet d'un appartement de quatre pièces au sein d'un immeuble initialement entièrement propriété de M. D______ puis de G______, et donc offert à la location.

Or, si, comme l'affirment les intimées, l'aliénation de la part de PPE de G______ à son actionnaire, Mme A______, a pu aboutir à l'inscription de cette dernière au RF sans qu'une autorisation d'aliéner soit exigée, c'est parce que ladite aliénation apparaissait intervenir dans le cadre d'une opération visant à liquider la SIAL et à transformer l'actionnaire en propriétaire d'une unité d'étages, sans changement de détentrice économique, ce qui donnait l'apparence de cas d'application de l'ancienne pratique de l'autorité intimée (ATA/577/2017 précité consid. 6).

Toutefois, si, comme le soulignent les intimées, la situation de Mme A______ n'a pas fait l'objet de l'ATA/577/2017 et de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2017 précités, l'opération s'inscrit néanmoins dans le même complexe de faits que celui prévalant dans ces arrêts : cession par M. D______ des actions de la société dont il était alors administrateur avec signature individuelle, G______, à une cessionnaire, soit dans le présent cas, Mme A______, le 5 juin 2012, puis vente de l'immeuble par M. D______ à la société dont il est administrateur dix jours plus tard, le 15 juillet 2012, puis transformation de la même société en SIAL dix jours plus tard, le 25 juin 2012, puis soumission de l'immeuble au régime de la PPE quatre jours plus tard, le 29 juin 2012, jour marquant également le passage de M. D______ au statut d'administrateur président avec signature individuelle de G______, puis finalement, transfert du lot de PPE à l'actionnaire quelques mois plus tard, en l'occurrence Mme A______ le 23 décembre 2013. La situation concerne ainsi les mêmes opérations, le même immeuble et les mêmes protagonistes, en relation avec un appartement et une acquéreuse distincts. Elle s'inscrit donc dans le contexte du même montage mis sur pied dès l'origine dans le but de contourner la LDTR et donc de fraude à la loi constatés dans ces arrêts (arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2017 consid. 4.4 ; ATA/577/2017 précité consid. 7), étant à cet égard relevé que contrairement à ce qu'affirment les recourantes, l'aliénation des actions et la transformation en SIAL ont bel et bien été remises en cause par les juridictions administratives, qui les ont considérées s'inscrire dans le contexte global de fraude à la loi. La principale différence du cas d'espèce par rapport aux arrêts précités est que le transfert de la part de PPE a été effectué avant la note du RF du 9 avril 2014 et que, grâce à la situation créée artificiellement pour rentrer dans un cas d'application de l'ancienne pratique de l'autorité intimée, la nouvelle propriétaire a ainsi été inscrite au RF sans qu'une autorisation d'aliéner n'ait été exigée. La fraude à la loi a ainsi été menée à son terme, la globalité des opérations ayant abouti au changement de propriétaire au sens juridique et à l'individualisation de l'appartement sans autorisation.

S'agissant d'une fraude à la loi, la norme éludée - et donc la soumission à autorisation d'aliéner - aurait dû être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner, et ceci même si le transfert de la part de PPE a eu lieu avant le changement de pratique. Il aurait donc dû y avoir soumission à autorisation d'aliéner et l'inscription au grand livre du RF a eu lieu en violation de la LDTR.

Or, si de telles opérations ont été mises sur pied pour éviter de solliciter une autorisation d'aliéner, c'est précisément parce que les protagonistes, professionnels de l'immobilier sous réserve de Mme A______, savaient qu'aucun des cas de délivrance figurant à l'art. 39 al. 3 et 4 LDTR n'était réalisé, qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'aucun intérêt justifiant la grave atteinte à l'intérêt public à la protection du parc locatif causée par l'individualisation de l'appartement et donc qu'ils ne pourraient obtenir d'autorisation d'aliéner, ce qui a d'ailleurs été le cas pour les appartements pour lesquels ils ont été contraints d'en solliciter une (arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2017 consid. 5 ; ATA/577/2017 précité consid. 8c).

Il découle de ce qui précède que la décision d'admission de la réquisition d'inscription de Mme A______ au RF était matériellement viciée. Ce vice est particulièrement grave, puisqu'il consacre une violation de la LDTR obtenue par la mise en place d'une fraude à la loi effectuée au mépris total des buts de ladite loi.

Par ailleurs, si le vice n'est à première vue pas manifeste, l'autorité intimée ayant procédé à l'inscription de Mme A______ sans se rendre compte de la nécessité d'une autorisation d'aliéner, c'est précisément en raison de l'ensemble d'opérations successives ayant pour but de cacher la nécessité d'une autorisation d'aliéner mis sur pied. Or, face à une simple vente de la part de PPE de G______ à Mme A______ - ce à quoi correspond en définitive l'intégralité du montage -, la nécessité d'une autorisation d'aliéner aurait été évidente, de sorte que le vice doit être considéré comme manifeste. Une conclusion contraire reviendrait d'ailleurs à récompenser la fraude à la loi et à empêcher tout constat de nullité en raison précisément de la tromperie mise sur pied.

Sur le plan de la sécurité du droit, contrairement à ce qu'ont retenu l'autorité intimée et le TAPI, Mme A______ n'est pas une acquéreuse de bonne foi, puisqu'elle est au contraire partie prenante à la fraude à la loi. Elle a en effet acheté des actions de G______, ceci alors même qu'il ne s'agissait alors pas d'acheter une part de PPE, ni même des actions dans une SIAL, ni même des actions d'une société propriétaire d'un immeuble, mais simplement des actions d'une société - puisque G______ a acquis l'immeuble, alors non encore constitué sous forme de PPE, et a été transformée en SIAL postérieurement à l'achat des actions -, pour ensuite se voir transférer la propriété de l'appartement, sans que l'acte de transfert de la part de PPE ne stipule un prix de vente, mais uniquement la remise du certificat d'actions. Ces éléments dénotent que Mme A______ était partie prenante à la fraude à la loi, ayant initialement acheté les actions dans le but de devenir, à terme, propriétaire de l'appartement. Cette conclusion doit d'autant plus être retenue que les documents dont la production a été ordonnée à deux reprises et qui auraient certainement permis de confirmer ces éléments n'ont pas été versés à la procédure, ceci en violation du devoir de collaboration des intimées.

. Néanmoins, le dernier acte de l'ensemble des opérations de fraude à la loi remonte au 23 décembre 2013, Mme A______ étant inscrite au RF depuis plus de sept ans. Par ailleurs, les ATA/948/2014 et ATA/79/2015 précités - qui précisent spécifiquement qu'il revient, en cas de fraudes à la loi et d'absence de réalisation des conditions de délivrance des autorisations d'aliéner, à l'autorité intimée de statuer - remontent à décembre 2014 et janvier 2015, tandis que l'ATA/577/2017 et l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2017 précités - qui confirment l'existence de fraudes à la loi - datent de 2017. Même si ces procédures ne concernent pas Mme A______ et l'appartement no 4______, ils concernent G______, l'immeuble et le même complexe de faits. Or, malgré ces différentes procédures, qui ont établi, d'une part, le rôle à jouer par l'autorité intimée s'agissant des transferts déjà inscrits au RF et, d'autre part, l'existence de fraudes à la loi, l'autorité intimée n'a entrepris aucune démarche relative aux inscriptions au RF intervenues en fraude à la loi, et notamment à l'inscription de Mme A______, ayant uniquement agi quant aux inscriptions non encore finalisées et sur le plan d'une amende administrative (ATA/186/2021 du 23 février 2021 dans la cause A/3155/2019). Vu le temps écoulé depuis l'inscription de Mme A______ au RF et le fait que l'autorité intimée n'est ni intervenue, s'agissant des transferts déjà inscrits au RF, depuis les ATA/948/2014 et ATA/79/2015 précités, ni même depuis l'ATA/577/2017 et l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2017 précités, la sécurité du droit s'oppose à la constatation de la nullité de l'inscription au RF de Mme A______.

Dans ces circonstances, la nullité de l'inscription de Mme A______ ne peut être constatée, cette dernière étant devenue propriétaire de l'appartement no 4______, pour lequel elle sollicite à présent une autorisation d'aliéner.

11) Reste dès lors à examiner si l'autorité intimée était fondée à autoriser Mme A______ à vendre l'appartement à B______.

a. L'autorité intimée et le TAPI ont directement procédé à la pesée des intérêts selon l'art. 39 al. 2 LDTR, aucun des cas de délivrance d'autorisation d'aliéner selon l'art. 39 al. 4 LDTR n'étant réalisé, conclusion non remise en cause devant la chambre administrative et que rien au dossier ne vient contredire.

b. Les intérêts qui s'opposent sont, d'une part, les intérêts privés de la venderesse à aliéner l'appartement no 4______ et ceux de l'acquéreuse à l'acheter ainsi que, d'autre part, l'intérêt public à la protection du parc locatif genevois.

Dans la décision litigieuse, l'autorité intimée a retenu que la cession des actions aurait dû faire l'objet d'une autorisation d'aliéner, mais que cela n'avait pas été le cas, que la venderesse ne possédait que ce seul appartement dans l'immeuble, que ledit appartement était loué et que l'acquéreuse s'était engagée à reprendre les droits et obligations découlant du bail - ce qui permettait de préserver l'intérêt public à la protection du parc locatif - et que l'opération intervenait en vue d'assainir la situation financière de la venderesse, pour finalement délivrer l'autorisation d'aliéner. Le TAPI a quant à lui retenu que même si les dettes de CHF 800'000.- alléguées par la venderesse devaient être sujettes à caution, l'intérêt privé de cette dernière à pouvoir exercer ses droits liés à la garantie de la propriété et à la liberté économique en n'étant pas contrainte de demeurer indéfiniment propriétaire d'un bien immobilier, ce qui impliquait des responsabilités juridiques et économiques et avait des incidences fiscales, devait l'emporter, en l'absence de modification du statut de l'appartement sur le marché locatif par l'aliénation projetée.

12) a. Mme A______ fait valoir, à l'appui de sa requête en autorisation d'aliéner sa situation financière catastrophique, la vente de l'appartement ayant pour but de lui permettre de résorber une grande partie de ses dettes.

Il ressort de l'extrait des poursuites produit à l'appui de la requête en autorisation d'aliéner que la venderesse faisait l'objet, au 18 novembre 2019, de six actes de défaut de biens pour un total de CHF 29'482.49 et de nombreuses poursuites à différents stades pour un montant de CHF 55'964.20, principalement pour des dettes envers les administrations fédérales et cantonales, des assureurs-maladie et des sociétés de recouvrement. Par ailleurs, la venderesse se prévaut devant la chambre de céans d'une dette de CHF 687'833.37 - et non de CHF 830'000.- comme elle l'avait indiqué de manière erronée dans sa demande en autorisation d'aliéner, puis devant le TAPI - envers la régie C______.

Or, les comptes produits pour établir cette dette apparaissent nébuleux.

Il y apparaît un prêt comptabilisé au 1er octobre 2012 pour CHF 84'000.-, libellé « RZ - Prêt à HG pour approv.c/c action.G______ ». Cette somme semble constituer un prêt accordé dans le cadre de la cession des actions de G______. Cette dernière n'a toutefois pas eu lieu en octobre 2013 mais en juin 2012.

Y apparaissent ensuite chaque trimestre des décomptes « H______ ______ », en débit et en crédit, pour des montants relativement importants, mais dont on ne comprend pas à quoi ils correspondent initialement, Mme A______ n'étant alors qu'actionnaire, voire actionnaire-locataire de G______ et s'agissant d'un compte auprès de la régie C______ et non de G______. Par ailleurs, ces décomptes sont libellés comme concernant le « (lot 4______), 100 % A______ » dès le 30 septembre 2013. Mme A______ est pourtant uniquement devenue propriétaire de la part de PPE le 23 décembre 2013.

Au 30 septembre 2015 est comptabilisé un remboursement d'un prêt « 2013 », qui pourrait concerner soit le prêt contracté en 2012 soit un autre prêt qui ne figurerait pas dans ce compte, pour un montant de CHF 39'000.-. Un nouveau remboursement est comptabilisé le 24 décembre 2015, cette fois pour CHF 10'000.-.

Le 22 mars 2016, un montant de CHF 70'000.- est inscrit au débit du compte, simplement libellé « A______ - Versement ». La fiche de l'ordre de paiement relatif à ce versement indique comme motif « Versement Titi » et un courriel de la comptabilité de la régie C______ désigne l'opération comme un nouveau prêt.

Apparaissent ensuite, le 28 juin 2016, une ligne de débit d'« Annulation rbt prêt HG » de CHF 36'000.- et une autre ligne de débit « Prêt Titi/rbt tif » de CHF 40'000.-. À fin juin 2017, le solde du compte débiteur est d'environ CHF 130'000.-. Ce montant a fait l'objet d'une reconnaissance de dette de Mme A______ le 7 juillet 2017, laquelle fixe des intérêts à 2 % dès le 1er juillet 2017, qui figurent ensuite chaque trimestre au débit. Une cédule hypothécaire au porteur a par ailleurs été constituée pour ce montant de
CHF 130'000.- le 25 mai 2018.

Finalement, le 1er octobre 2019, CHF 550'000.- sont comptabilisés au débit, avec le libellé « PZ Cédule 2ème rang », étant relevé que sur la cédule au porteur de CHF 130'000.- précitée sont mentionnés des droits de gage en parité de rang de CHF 520'000.-.

Ces comptes présentent ainsi des inscriptions pour le moins surprenantes.

Les seules explications fournies sur ces comptes l'ont été devant le TAPI : il s'agirait selon les intimées d'un prêt de « somme supplémentaire » de CHF 70'000.-, sans plus de précisions, de « sommes complémentaires dues par Mme A______ » (CHF 36'000.- et CHF 40'000.-), également sans plus de précisions, et de reprise par la régie C______ d'une dette de CHF 520'000.- envers l'épouse de M. D______, pour la garantie de laquelle aurait été constituée une cédule hypothécaire, là encore sans plus de précisions.

Ces explications, pour le moins vagues, n'apportent pas plus d'éclairage sur le contenu insolite du compte débiteur de Mme A______ auprès de G______.

La seule dette à l'égard de la régie C______ dont l'origine peut éventuellement être considérée comme établie, en dépit des incohérences de dates, est le premier prêt de CHF 84'000.- destiné à financer une partie du prix de vente des actions, par CHF 216'000.-.

S'il n'est pas exclu que les prêts accordés ultérieurement l'aient été à titre de financement de l'appartement, le prêt initial ne couvrant que CHF 84'000.-, laissant un solde de CHF 132'000.-, leur origine et destination ne sont pas établies, ni même compréhensibles.

Cela ne peut en tout état être le cas du montant de CHF 550'000.- figurant dans le compte. Celui-ci est excessivement élevé par rapport au prix de vente des actions et au solde de ce prix, par CHF 132'000.-, dont le financement n'est pas établi.

L'origine de la dette de CHF 550'000.- n'est ainsi pas établie. Celle-ci est venue augmenter considérablement la dette de Mme A______ envers la régie C______ deux mois à peine avant la demande d'autorisation d'aliéner, cela alors qu'un montant similaire, de CHF 520'000.-, apparaissait déjà sur la cédule hypothécaire au porteur du 25 août 2018 en tant que droit de gage en parité de rang. Il sera sur ce point relevé que le total des droits de gages à teneur de la cédule hypothécaire du 25 mai 2018 s'élève à CHF 865'450.-, soit un montant bien supérieur au prix d'achat du certificat d'actions, par CHF 216'000.-, mais très similaire à celui fixé pour la vente de la part de PPE autorisée par la décision litigieuse, soit CHF 800'000.-.

Au vu de ce qui précède, les dettes dont se prévaut Mme A______ envers la régie C______ ne peuvent qu'être qualifiées d'insolites.

À cela s'ajoute le fait qu'il est pour le moins surprenant que Mme A______ n'invoque pas, à l'appui de sa demande en autorisation d'aliéner, la dette hypothécaire de CHF 175'250.- reprise lors du transfert de la part de PPE, dont on ignore ce qu'elle est advenue, un droit de gage de rang antérieur, d'un montant toutefois différent, soit CHF 215'450.-, figurant dans la cédule hypothécaire du 25 mai 2018. La reprise de cette dette hypothécaire était en soi également surprenante, vu que la valeur fiscale de l'appartement selon l'acte de transfert correspondait au prix de vente des actions, soit CHF 216'000.-, et que l'acte de vente ne prévoyait pas de prix de vente, mais simplement l'échange de la part de PPE contre le certificat d'actions, de sorte qu'il est difficile de comprendre pourquoi Mme A______ a repris la dette hypothécaire de G______ lors du transfert de la part de PPE.

Finalement, il sera constaté que les dettes invoquées envers la régie C______, en elles-mêmes insolites, s'inscrivent par ailleurs dans un contexte bien particulier dont il ne peut être fait abstraction, soit le contexte de fraude à la loi.

Ainsi, d'une part, le premier prêt accordé lors de la cession des actions est partie intégrante du montage constitutif de fraude à la loi. En effet, dans d'autres cas concernant le même montage pour d'autres sociétés de M. D______ et d'autres immeubles, le prêt opéré lors de la cession des actions, ici invoqué comme intérêt pour pouvoir aliéner l'appartement, a précisément été considéré comme un indice de plus de la fraude à la loi. Il opérait dans les faits, de par l'échéance fixée, un paiement en deux temps - le premier lors de la conclusion de l'acte de cession et le second lors du transfert des parts de PPE - et permettait à M. D______ de rester économiquement propriétaire des actions durant les étapes suivantes du montage mis sur pied, ce qui démontrait que le cédant n'était pas en marge du système mis en place mais y avait participé dès la conclusion de la cession (ATA/1333/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1334/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1335/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1336/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1337/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1339/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b  ; ATA/1340/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1342/2020 du 22 décembre 2020 consid. 9b). Or, la demande de production de documents du juge délégué avait notamment pour objet d'examiner la situation du cas d'espèce à cet égard. Les intimées n'ayant, comme vu précédemment, pas donné suite à cette demande en dépit des deux délais impartis à cet effet, en violation de leur devoir de collaboration, la chambre administrative ne peut que retenir que le cas d'espèce ne s'écarte pas des cas similaires susmentionnés. Par conséquent, l'intérêt à rembourser ce prêt, élément de la fraude à la loi à laquelle Mme A______ a sciemment participé, ne peut être protégé.

D'autre part, la globalité de la dette alléguée à teneur du compte débiteur, de CHF 687'833.37, est due à une première société dont M.  D______ est administrateur président avec signature individuelle, la régie C______, société qui représente d'ailleurs les intimées dans la présente procédure. Par ailleurs, le prix de vente, pour l'aliénation en faveur d'une deuxième société dont M. D______ est également administrateur président avec signature individuelle, B______, a été fixé à CHF 800'000.-. L'opération ici envisagée permet ainsi, par une augmentation très importante du prix de vente, d'éponger de manière opportune la totalité de la dette de la venderesse, revenant à annuler la dette globale de celle-ci envers la régie C______ et à désintéresser ses autres créanciers, ceci tout en re-transférant la propriété juridique de l'appartement à M. D______, par l'intermédiaire de sa deuxième société, B______. Ainsi, la vente permet à ce dernier d'acquérir la propriété individualisée de l'appartement, alors qu'il était initialement propriétaire unique de l'entier de l'immeuble puis propriétaire de celui-ci à travers une troisième société dont il est administrateur président avec signature individuelle, G______, et alors qu'il ne s'est en réalité jamais départi de la propriété économique de l'appartement, vu les dettes de Mme A______ envers sa première société, la régie C______. En définitive, l'opération ici envisagée permettrait, au terme de la globalité des opérations effectuées depuis 2012, de remettre la venderesse dans la situation antérieure à son entrée dans les opérations de fraude à la loi et à M. D______ de redevenir juridiquement propriétaire de l'appartement, par l'intermédiaire de sa deuxième société, cependant ceci après avoir obtenu l'individualisation de celui-ci validée par autorisation d'aliéner, si ladite autorisation devait être confirmée.

Au vu de ce qui précède, insolites et contractées dans un contexte de fraude à la loi, les dettes de la venderesse apparaissent pour la plupart douteuses. L'intérêt de celle-ci à les amortir, en sortant de la situation dans laquelle elle est sciemment entrée en fraude à la loi, et en permettant à l'acteur principal de ladite fraude de redevenir propriétaire, cette fois-ci du lot individualisé, par le biais d'une de ses sociétés, ne peut, quant aux dettes envers la régie C______, être protégé, et, quant à celles envers des tiers, que revêtir un poids relatif.

b. En ce qui concerne les intérêts privés de la cessionnaire, les intimées ont indiqué que B______ achetait le certificat d'actions à titre d'investissement, soit pour des motifs purement commerciaux. Il sera sur ce point relevé que l'intérêt privé qui apparaît derrière celui de B______ est celui de M. D______, B______ n'étant pas une société tierce mais, comme déjà constaté, une société liée à M. D______, lequel en est administrateur président avec signature individuelle et dont l'omniprésence à chaque étape des opérations, y compris dans l'étape finale ici considérée, dénote qu'il est le seul bénéficiaire économique du montage mis sur pied.

13) S'agissant de l'intérêt public, il s'agit de celui au maintien de l'affectation locative de l'appartement, sur lequel le TAPI s'est en définitive basé pour retenir que l'autorisation d'aliéner devait être accordée, ayant retenu que la vente n'entraînait aucune modification du statut de l'appartement sur le marché locatif.

Toutefois, non seulement le bail versé à l'appui de la demande d'autorisation d'aliéner, de durée déterminée, est arrivé à échéance en décembre 2020, de sorte qu'il n'est pas évident, à teneur du dossier, que l'appartement soit à l'heure actuelle encore loué, mais aussi et surtout, le TAPI a omis de prendre en considération l'identité de l'acquéreuse et les effets d'une l'aliénation, à supposer qu'elle soit validée par autorisation d'aliéner. En effet, l'aliénation est sollicitée en faveur d'une société dont M. D______ est administrateur président et permettrait ainsi, comme déjà relevé, à M. D______, présent à toutes les étapes de la fraude à la loi et encore présent à cette ultime étape, de redevenir, à travers sa société B______, propriétaire de l'appartement, mais cette fois non pas en tant que partie de l'immeuble dont il est propriétaire, mais en tant que part de PPE individualisée. La délivrance d'une autorisation d'aliéner reviendrait par conséquent à valider l'individualisation de l'appartement, malgré l'absence d'intérêts privés substantiels, un tel résultat se heurtant à un intérêt public évident.

Il sera sur ce point relevé que, comme l'a à juste titre constaté l'instance précédente, la réserve de l'impossibilité d'invoquer l'art. 39 al. 4 let. d LDTR figurant dans la décision litigieuse se heurte au texte légal et ne change donc rien à ce qui précède, ni ne présente en tant que telle aucune garantie. Or, cet élément est important, étant donné que contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, ce serait bien la délivrance de l'autorisation sollicitée qui permettrait éventuellement, en vertu du principe de la légalité, de se prévaloir d'un droit à obtenir une nouvelle autorisation d'aliéner en vertu de l'art. 39 al. 4 LDTR, et non l'inscription déjà intervenue de Mme A______ au RF, qui, même si elle n'est pas nulle, n'a jamais été validée par une telle autorisation.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'intérêt public est largement prépondérant par rapport aux intérêts privés invoqués. L'autorité intimée a par conséquent abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation d'aliéner et l'instance précédente en la confirmant. Le grief sera admis.

14) Enfin, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable au vu de la large prépondérance de l'intérêt public en l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 du 23 novembre 2017 consid. 3.2), la restriction est conforme à la garantie de la propriété consacrée par l'art. 26 Cst.

Dans ces circonstances, le recours sera admis, dans la mesure où il est recevable, et le jugement du TAPI et l'arrêté de l'autorité intimée seront annulés.

15) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des intimées (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à l'ASLOCA, qui obtient gain de cause, à la charge solidaire des intimées (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 25 septembre 2020 par l'Association genevoise des locataires contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 août 2020 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 août 2020 ;

annule l'arrêté VA 13'975 du département du territoire du 23 décembre 2019 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de Mme A______ et B______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à l'Association genevoise des locataires, à la charge solidaire de Mme A______ et B______ SA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Romolo Molo et Roman Seitenfus, avocats de la recourante, à C______ SA, mandataire des intimées, au département du territoire - OCLPF ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :