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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3681/2012

ATA/477/2015 du 19.05.2015 sur JTAPI/59/2014 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : REMPLOI(DROIT FISCAL) ; PROVISION POUR RISQUES ET CHARGES ; DUCROIRE ; PREUVE ; FORTUNE PRIVÉE ET COMMERCIALE(DROIT FISCAL) ; CORRECTION DE VALEUR
Normes : Cst.29.al2 ; LIFD.30 ; aLIPP-IV.5 ; aLIPP.21 ; LIFD.64 ; LIFD.27 ; aLIPP-V.3.al3 ; LIPP.30 ; CO.960.al2 ; aLIPP-III.1 ; aLIPP-III.2 ; LIPP.46 ; LIPP.47
Résumé : La recourante ne peut faire grief à l'AFC-GE de lui avoir refusé le remploi qu'elle avait sollicité, dans la mesure où le produit de la vente de son bien immobilier n'a en définitive jamais été utilisé pour racheter un bien de remplacement. Refus d'admettre en déduction le ducroire au motif que la recourante a échoué à apporter la preuve de l'insolvabilité de son débiteur. En revanche, admission d'une provision forfaitaire de 5 % sur sa créance envers tous les débiteurs suisses, conformément à la jurisprudence. Reprise dans la fortune de la recourante du produit de la vente de son hôtel pour régler ses dettes privées. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2012-ICCIFD ATA/477/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mai 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Guggenheim & Associés SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 janvier 2014 (JTAPI/59/2014)


EN FAIT

1) Madame A______ a exploité, avec son ex-mari Monsieur Laurent B______, l’entreprise individuelle l'« C______ » (ci-après : l'hôtel) à Thônex dont le but était l’exploitation de l'hôtel et d'un café-restaurant, le « D______».

2) Selon l'avis de taxation rectificatif du 3 août 2009 concernant les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) pour l'année 2007, les dettes de Mme A______ s'élevaient à un montant total de CHF 2'539'861.-.

3) Le 29 septembre 2008, Mme A______ a vendu à Monsieur E______ l’immeuble abritant l’hôtel, ainsi que le fonds de commerce, le matériel et le mobilier pour la somme totale de CHF 5'000'000.-. Le prix devait être acquitté à raison de CHF 4'400'000.- à verser le jour de l'inscription de la vente au registre foncier et de dix paiements semestriels de CHF 60'000.-, le premier devant être acquitté le 30 juin 2009.

4) Dans sa déclaration fiscale 2008 du 18 février 2010, Mme A______ a indiqué dans la rubrique « Profession exercée » « Exploitante d'un Hôtel » et dans la rubrique « Observations » qu'au vu de l'importance de ses dettes, elle avait été contrainte de vendre son hôtel/restaurant. Elle avait un nouveau projet dans le même domaine d'activité et espérait pouvoir le concrétiser bientôt. Elle priait l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de lui accorder le remploi fiscal du produit net de l'aliénation du bien immobilier et du fonds de commerce effectuée en 2008.

Son bilan des comptes des pertes et profits 2008 faisait état d’un bénéfice réalisé sur la vente de l’immeuble à concurrence de CHF 2'568'029.24, dont il fallait déduire une provision pour remploi fiscal d'un montant de CHF 2'568'029.-.

Au bilan 2008, figurait un poste « débiteur E______ », d'un montant de CHF 600'000.-. Mme A______ avait en outre comptabilisé une provision pour perte sur ce débiteur à concurrence de CHF 550'000.-.

L’exercice 2008 s’était soldé par une perte de CHF 498'869.64.

5) Par courrier du 21 octobre 2009, Mme A______, sous la plume de son mandataire, et se référant à un entretien du 30 septembre 2009 avec un collaborateur de l'AFC-GE relatif à sa demande de remploi, a exposé qu’elle avait été contrainte de vendre l’hôtel pour des raisons purement financières. Elle était toujours indépendante et employait la même structure de bilan que par le passé. Elle souhaitait que le remploi soit étalé sur deux ans, soit jusqu’au 30 septembre 2010.

6) Le 18 décembre 2009 et faisant suite à l'entretien du 30 septembre 2009 ainsi qu'au courrier du 21 octobre 2009, l’AFC-GE a répondu qu’un remploi était fiscalement admissible lors de la vente d'une exploitation dans sa globalité, pour autant que le rachat se rapportant au même domaine d’activité ait lieu au cours de la même année fiscale. S’il intervenait ultérieurement, les principes généraux d’imposition (décompte final sur les réserves latentes non soumises à l’impôt jusque-là) s’appliquaient lors de la taxation concernée ; la poursuite d'une activité indépendante dans le même domaine d'exploitation était donc une condition indispensable à l'octroi du remploi sur le plan fiscal. Des exceptions étaient admises, en prolongeant de deux ans au maximum le délai de remploi, uniquement pour des situations particulièrement graves et indépendantes de la volonté de l’exploitant, comme une résiliation anticipée du bail commercial, une expropriation ou l'octroi d'indemnités suite à une inondation ou un incendie.

En l'occurrence, aucune des conditions permettant de prolonger le délai de remploi n’était remplie, d’une part parce que le principe de la continuité de l’activité indépendante dans le même domaine n’était pas respecté et, d’autre part, parce qu’aucun réinvestissement n’avait été réalisé.

7) Dans sa déclaration fiscale 2009 du 21 février 2011, Mme A______ a indiqué dans la rubrique « Profession exercée » « Masseuse » et dans la rubrique « Observations » que depuis le 1er novembre 2008, elle était à la recherche d'un nouvel établissement pour reprendre son activité. « Selon affaire en cours », elle devrait commencer l'exploitation d'un nouvel établissement dès le 1er avril 2011.

Selon les comptes annuels de l'exercice 2009, Mme A______ avait constitué une provision sur débiteurs commerciaux de CHF 550'000.- et une provision pour remploi fiscal de CHF 2'568'029.-. L’exercice 2009 s’était traduit par un bénéfice de CHF 17'592.72. L’intéressée avait fait valoir des pertes non compensées de CHF 498'869.-.

8) Dans sa déclaration fiscale 2010 du 3 novembre 2011, Mme A______ a indiqué dans la rubrique « Profession exercée » « Masseuse indépendante » et dans la rubrique « Observations » que le résultat de la raison individuelle figurant dans le bilan 2010 était diminué de CHF 19'774.50 (produits extraordinaires), car le montant était à imputer sur le résultat 2009.

Selon le bilan de l'exercice 2010, Mme A______ avait constitué une provision sur débiteurs commerciaux de CHF 550'000.- et une provision pour remploi fiscal de CHF 2'568'029.-. L’exercice 2010 s’était traduit par un bénéfice de CHF 43'115.55.

9) Par courriel du 14 mars 2012, Mme A______ a informé l’AFC-GE que l’acquisition planifiée d’un établissement public dans le quartier de Florissant - affaire très avancée et en voie de concrétisation - n’avait en définitive pas pu se réaliser.

10) Par bordereaux du 30 juillet 2012, l’AFC-GE a notifié à Mme A______ ses bordereaux d’ICC, ainsi que d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour les années fiscales 2008 à 2010.

a. Pour l’année 2008, l’AFC-GE avait arrêté à CHF 2'619'159.- le bénéfice net de l’activité indépendante de Mme A______, dont CHF 2'571'870.- constituaient le produit de la vente immobilière. Les provisions ICC et IFD n’avaient pas été admises en déduction, pour le motif que les conditions du remploi n’étaient pas remplies. De plus, les conditions pour passer une provision sur débiteur n'étaient pas remplies. Le montant de CHF 550'000.- avait été inscrit à titre de dette chirographaire dans la fortune de l'intéressée. Les dettes de Mme A______ se chiffraient à un total de CHF 1'023'679.-.

Ainsi, l'ICC s'élevait à CHF 844'154.55 et l'IFD à CHF 301'829.-, étant précisé qu'il ressortait du relevé de compte annexé au bordereau ICC que l’AFC-GE avait imputé sur l'ICC le montant de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : l’IBGI), qui s’élevait à CHF 404'695.20.

Dans les remarques générales, il était par ailleurs précisé que l'AFC-GE avait remboursé directement sur le compte de Mme A______ le montant payé au titre de l'IBGI.

b. S’agissant de l’année 2009, l'AFC-GE avait fixé à CHF 17'593.- le bénéfice net de l’activité indépendante de Mme A______. Celle-ci ne pouvait faire valoir en déduction ICC et IFD les pertes non compensées, dès lors que sa taxation 2008 laissait apparaître un solde positif. Sous la rubrique « Autre fortune », l’AFC-GE avait ajouté un montant de CHF 2'500'000.-, représentant le solde de la vente de l’hôtel. Par ailleurs, elle a précisé que, puisque le remploi avait été refusé en 2008, elle avait également liquidé l’activité présumée de l’hôtel. Enfin, étant donné que l’activité déployée en 2009 n’était plus en rapport avec l’ancienne, les débiteurs avaient été supprimés des comptes d'actifs. Il n'y avait donc pas lieu de rajouter des intérêts sur un actif inexistant. Les dettes de l'intéressée s’élevaient à un total de CHF 139'852.-.

Ainsi, l'ICC s'élevait à CHF 22'856.45 et il résultait de sa déclaration fiscale 2009 que Mme A______ n'était pas taxable pour l'année 2009 concernant l'IFD.

c. En ce qui concernait l'année 2010, l’AFC-GE avait arrêté à CHF 5'595.- le bénéfice net de l’activité indépendante de Mme A______. Dans la catégorie « Autre fortune », l’AFC-GE avait ajouté un montant de CHF 2'500'000.-, représentant le solde de la vente de l’hôtel. Les dettes de la contribuable totalisaient CHF 127'816.-.

Ainsi, l'ICC s'élevait à CHF 20'276.55 et il résultait de sa déclaration fiscale 2010 que Mme A______ n'était pas taxable pour l'année 2010 concernant l'IFD.

11) Le 29 août 2012, Mme A______ a élevé réclamation contre tous les bordereaux précités.

L’exercice 2008 avait abouti à une perte de CHF 498'870.- et non à un bénéfice de CHF 2'619'159.-.

L’AFC-GE n’avait pas accepté la provision pour remploi de CHF 2'568'029.-. Au moment de la vente de l’hôtel, un nouveau projet de rachat d’un immeuble hôtelier s’était présenté - soit un bien avec la même fonction - qui n’avait pu se réaliser. L’AFC-GE avait mis près de trois ans pour la taxer et rembourser l’IBGI. L’AFC-GE ne saurait donc la rendre responsable de la non-réalisation de l’achat de l’immeuble commercial. De plus, le délai pour le remploi immobilier était de cinq ans. Le gain en capital réalisé sur le fonds de commerce n’était plus imposable en 2008.

Par ailleurs, s’agissant des taxations 2009 et 2010, la perte commerciale encourue en 2008, de CHF 498'869.-, n’avait pas été prise en considération. La provision pour remploi comptabilisée en 2008 à concurrence de CHF 2'568'029.- avait été transformée en fortune, à hauteur de CHF 2'500'000.-.

La réclamation portait également sur un autre point relatif aux pensions alimentaires qui n’est actuellement plus litigieux.

12) a. Par décisions séparées du 22 octobre 2012, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation sur le point des pensions alimentaires perçues en 2008. Pour le surplus, la réclamation a été rejetée.

La motivation concernant l'ICC et l'IFD était la même.

C’était à juste titre que la provision pour remploi avait été rejetée. L’IBGI avait été taxé le 24 juillet 2009 et l’impôt payé le 10 septembre suivant. Aucune demande de libération de consignation n’avait été formée par l'intéressée. S'agissant de la problématique du remploi, l'AFC-GE renvoyait Mme A______ à sa lettre du 18 décembre 2009, dans laquelle elle expliquait les raisons pour lesquelles la demande de remploi devait être rejetée.

L’AFC-GE a notifié à Mme A______ des bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2008.

b. Par décisions séparées du 10 octobre 2012, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation sur le point des pensions alimentaires perçues en 2009. Pour le surplus, la réclamation a été rejetée.

La motivation concernant l'ICC et l'IFD était la même.

Mme A______ était priée de se référer à la décision sur taxation 2008 pour ce qui était de la problématique des pertes non compensées, aucun remploi n'ayant été effectué, l'imposition était pleine et entière.

L’AFC-GE a notifié à Mme A______ un bordereau rectificatif ICC 2009.

c. Par décisions séparées du 18 octobre 2012, l’AFC-GE a rejeté la réclamation portant sur l'année fiscale 2010.

La motivation concernant l'ICC et l'IFD était la même.

Le montant relatif aux pensions alimentaires était correct. S'agissant de la problématique des pertes commerciales, l'intéressée était renvoyée à la décision sur réclamation pour l'année 2008. Aucun remploi n'ayant été effectué, l'imposition était pleine et entière.

13) Par acte du 9 novembre 2012, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation sur les éléments non acceptés, au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour qu’elle lui accorde un délai de deux ans dès le prononcé du jugement afin qu’elle puisse trouver un bien de remploi, à ce que l'AFC-GE lui mette à disposition le montant de l’IBGI, dans le cadre d’un investissement remplissant les conditions du remploi, à l'annulation de la reprise en fortune de CHF 2'500'000.- et à l'acceptation de la provision sur le débiteur en la personne de M. E______.

L'exploitation de l'hôtel vendu consistait en la location de chambres meublées en faveur de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

À la suite de la reprise de l’hôtel par M. E______, celui-ci avait rencontré des problèmes financiers et n’avait pas respecté ses engagements contractuels. Compte tenu des problèmes financiers et des retards dans les paiements, une provision de CHF 550'000.- avait été constituée sur un total débiteur de CHF 600'000.-. Sur le gain immobilier de CHF 2'697'968, le notaire avait prélevé l’IBGI de CHF 404'695.20 et l’avait versé directement à l’AFC-GE.

Le rachat de commerce ne s’était pas réalisé, car, malgré sa demande du 21 octobre 2009, l’AFC-GE lui avait refusé l’octroi d’un délai au 30 septembre 2010. Ce refus avait compromis la réalisation de l’affaire, étant donné qu’elle comptait sur la libération de l’IBGI consigné pour acquérir le nouvel immeuble. Elle ne s’était jamais opposée à ce que l’AFC-GE retienne le montant de l’impôt à la suite de la vente, mais souhaitait que cette somme puisse être utilisée comme fonds propres pour l’investissement dans un bien immobilier.

À la date de l’établissement du bilan, la provision sur le remploi était justifiée, étant donné qu’elle cherchait un bien de substitution. La provision sur le débiteur « E______ » l’était tout autant, puisque ce dernier n’avait pas respecté le contrat et qu’elle avait été calculée sur le montant restant à encaisser sur ses engagements à la date de clôture du bilan.

S'agissant du courrier de l'AFC-GE du 18 décembre 2009, le seul moyen d'opposition utilisable était le dépôt de la déclaration d'impôts afin que l'AFC-GE prenne de manière claire et précise une position.

Elle reprochait à l’AFC-GE de l’avoir taxée vingt-huit mois après le dépôt de sa déclaration fiscale, délai qui ne pouvait pas entrer en ligne de compte pour le calcul d'un délai de remploi raisonnable. Elle ne devait dès lors pas en supporter les conséquences.

Le rajout de CHF 2’500'000.- au niveau de la fortune 2009 et 2010 ne s’expliquait pas. La seule fortune dont elle disposait était composée de ses avoirs en compte bancaire, liquidités utilisées pour le paiement de ses dettes privées. Elle ne comprenait pas comment une imposition de CHF 2'500'000.- était possible dans les bordereaux 2009 et 2010, alors qu'elle ne possédait que CHF 373'391.- au 31 décembre 2009 et CHF 104'053.- à la fin de l’année suivante sous forme de liquidités. L'AFC-GE lui avait dès lors imputé une « fortune inexistante ».

14) Le 13 mai 2013, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Mme A______ n’avait produit aucun document permettant de constater qu’elle disposait d’éléments tangibles pour le rachat similaire ou attestant de démarches effectives engagées en vue de poursuivre son activité dans un nouveau bâtiment. En 2012, l'intéressée n’avait pas investi dans une affaire, présentée comme en voie de concrétisation. L’on voyait dès lors mal que l’intéressée contestât la reprise de la provision fiscale, alors que la vente de l’immeuble sur lequel le remploi était sollicité avait eu lieu en 2008. En l'absence de toutes démarches qui auraient été réalisées pour le rachat d'un nouvel immeuble, dès 2008, les conditions du remploi fiscal et de la provision fiscale n'étaient pas réalisées en 2008. C'était donc à bon droit que la provision pour remploi fiscal avait été refusée en 2008, de même que pour les années postérieures en cause, vu qu'aucun élément ne permettait de vérifier l'hypothèse du réinvestissement annoncé.

Il était surprenant que la provision sur le débiteur soit constituée avant que le premier versement ne soit exigible (premier versement à effectuer le 30 juin 2009). Par ailleurs, l'intéressée n’avait pas démontré avoir entrepris des démarches de recouvrement demeurées infructueuses à l’encontre de M. E______. La provision pour perte sur débiteur devait dès lors être refusée et réintégrée dans le bénéfice 2008. Le montant de CHF 550'000.- devait figurer en tant que créance et non de dette dans la taxation 2008.

Quant à la somme de CHF 2'500'000.-, correspondant à une reprise en fortune pour les années 2009 et 2010 et prétendument inexistante, Mme A______ avait perçu CHF 4'400'000.- dans le cadre de la vente de l’hôtel. Pour le solde de CHF 600'000.-, elle disposait d'une créance à l'encontre de M. E______. Même en considérant les liquidités de CHF 373'391.- qu’elle admettait posséder en 2009, il existait un écart de fortune non explicable entre ses taxations de 2009 et 2010. En 2007, ses dettes s'élevaient à CHF 2'539'861.-, alors qu'en 2008, elles ne s'élevaient plus qu'à CHF 1'023'679.-. En 2009 et 2010, ses dettes avaient encore diminué (CHF 139'852.- en 2009 et CHF 127'816.- en 2010). Entre 2007 et 2010, elle avait ainsi remboursé un total de CHF 2'412'045.-. Mme A______ ayant reconnu disposer de CHF 373'391.- sous forme de liquidités en 2009, on pouvait admettre que le prix de vente de l’immeuble, à raison de CHF 2'785'436.-, avait été affecté au remboursement des dettes de l'intéressée et en liquidités disponibles. C'était donc un solde de CHF 2'214'564.- (CHF 5'000'000.- – CHF 2'785'436.-), qui devrait se retrouver dans le patrimoine de Mme A______ et qui ne l'était pas. En l'absence d'éléments qui justifieraient l'affectation de ce montant, c'était de manière correcte que l'AFC-GE avait réintégré une part du prix de vente de l'immeuble dans la fortune 2009 et 2010.

15) Le 3 décembre 2013, le TAPI a informé Mme A______ qu’il envisageait de modifier sa taxation en sa défaveur, en ce sens qu’il supprimerait de sa fortune imposable la dette de CHF 550'000.- et qu’il la rajouterait à sa fortune en tant que créance. Au total, la reprise envisagée s’élevait à CHF 1'100'000.-.

16) Le 17 décembre 2013, Mme A______ a précisé que, comme cela ressortait de sa déclaration fiscale 2008, la somme de CHF 550'000.- représentait une provision concernant le débiteur nommé M. E______, résultant du solde du prix de vente de l’hôtel. Au moment de la remise de la déclaration fiscale 2008, ledit débiteur n’avait pas honoré ses engagements, invoquant des difficultés financières. En vertu du principe de prudence, elle avait dès lors comptabilisé une provision de CHF 550'000.- dans les comptes clos au 31 décembre 2008.

Courant 2010, un nouvel arrangement avait été pris avec M. E______, ce dernier s'étant engagé à payer CHF 5'000.- par mois et les intérêts à la fin du remboursement. La provision était dissoute en fonction des montants reçus.

17) Le 15 janvier 2014, l'AFC-GE a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Les conditions autorisant la constitution d’une provision n’étaient pas réunies. La créance à l’encontre du débiteur, M. E______, n’était pas encore exigible en 2008 - elle ne l’était devenue qu’à compter du 30 juin 2009 - et le précité ne s’était prévalu qu’en 2010 et non à la fin 2008 de difficultés financières. Par ailleurs, Mme A______ n’avait pas engagé d’opérations en vue de recouvrer sa créance. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu d'admettre à charge du compte de résultat 2008 une provision pour perte sur débiteur de CHF 550'000.-, ni lors des années 2009 et 2010, en l'absence de justificatifs attestant d'opérations de recouvrement.

C’était à tort que l’avis de taxation 2008 mentionnait une dette de CHF 550'000.-. Rien ne permettait de dire que Mme A______ était redevable d’un tel montant envers M. E______. Cependant, dès lors que cette créance figurait dans les comptes de l’hôtel, il n’y avait pas lieu de la rajouter dans les créances chirographaires de l'intéressée.

18) Par jugement du 21 janvier 2014, le TAPI rejeté le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelle décision au sens des considérants.

La demande de remboursement de l'IBGI était rejetée, dans la mesure où il ressortait du relevé de compte annexé au bordereau de taxation 2008 que l'AFC-GE avait déjà imputé l'IBGI d'un montant de CHF 404'495.20 sur l'ICC dû.

S'agissant de la provision pour remploi pour les années 2008 à 2010, à concurrence de CHF 2'568'029.-, les conditions pour l’octroi d’un remploi n'étaient pas réunies. Mme A______ avait vendu son hôtel le 29 septembre 2008. Deux ans plus tard, elle n'avait toujours pas réinvesti le produit de la vente de l'établissement et du fonds de commerce dans un nouvel hôtel. L'affaire qui, selon elle, était prête à se réaliser dans le quartier de Florissant ne s'était pas concrétisée, même trois ans et demi plus tard. Les circonstances du cas d’espèce ne justifiaient pas de prendre en considération un délai plus long. Le TAPI voyait d'ailleurs mal comme elle pourrait réaliser l'acquisition d'un nouvel hôtel sur la base de sa situation financière. Même si on pouvait s’étonner de ce que la taxation soit intervenue si tard compte tenu de la position prise par l’AFC-GE, en 2009 déjà, on pouvait légitimement douter que le seul remboursement de l’IBGI aurait pu permettre à l'intéressée de réaliser l’acquisition envisagée. Mme A______ n’avait, au demeurant, fourni aucun élément probant permettant de l’établir. De plus et en 2009, elle avait cessé son activité d'exploitante d'hôtel pour entreprendre une activité de masseuse.

Concernant la provision pour débiteur « E______ » de CHF 550'000.- pour les années 2008 à 2010, que l'AFC-GE avait rejetée et inscrite en tant que dette chirographaire en 2008, les conditions nécessaires à la constitution de cette provision n'étaient pas réalisées. M. E______ n'était, en 2008, pas encore tenu de s’acquitter du paiement par le versement semestriel du solde du prix de vente de l’hôtel, ce montant ne devenant exigible qu’à compter du 30 juin 2009. Mme A______ n’avait pas allégué et encore moins démontré avoir constaté en 2008 un risque de perte sur sa créance future. S’agissant des années 2009 et 2010, l'intéressée n’avait pas non plus établi l’existence d’un risque de perte sur sa créance détenue à l’encontre de M. E______, pas plus qu’elle n’avait démontré avoir diligenté à son encontre des poursuites en vue de recouvrer l’argent que celui-ci lui devait en vertu du contrat du 29 septembre 2008. Le montant de CHF 550'000.- devait ainsi être rajouté au bénéfice de l'intéressée.

La qualification de « dette chirographaire » de la somme de CHF 550'000.-, figurant dans la taxation 2008 de Mme A______, se révélait erronée. Rien ne démontrait qu’elle était débitrice d’un tel montant. Il y avait ainsi lieu de corriger la taxation de l'intéressée au niveau de sa fortune. Comme l’avait relevé à juste titre l’AFC-GE, il n’y avait pas lieu de rajouter une créance d’un même montant à la fortune de Mme A______, dès lors que les comptes 2008 de l’hôtel faisaient déjà état d’une dette de M. E______ envers l'intéressée, à concurrence de CHF 600'000.-.

Le TAPI, ayant respecté la procédure topique, avait procédé à la reformatio in pejus de la taxation 2008 en supprimant de la fortune de Mme A______ la dette de CHF 550'000.-. Le dossier était renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelle décision de taxation.

Enfin, l'AFC-GE avait démontré que Mme A______ avait affecté le prix de vente de l'immeuble au remboursement de ses dettes en liquidités disponibles. Entre le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2010, les dettes de l'intéressée avaient diminué de CHF 2'412'045.-. Si l’on considérait que le produit de la vente de l’immeuble perçu par l'intéressée avait été affecté au remboursement de ses dettes, une somme de CHF 2'587'955.- devait être rajouté à sa fortune pour les années 2009 et 2010 (CHF 5'000'000.- – CHF 2'412'045.-). Or, l’AFC-GE n’avait augmenté sa fortune 2009 et 2010 que d’un montant de CHF 2'500'000.-. La version présentée par l’autorité intimée se révélait ainsi correcte. Il appartenait dès lors à Mme A______ de remettre en cause le point de vue du fisc, ce qu’elle n’avait pas fait, se contentant de prétendre que le rajout de la somme de CHF 2'500'000.- au niveau de sa fortune était inexplicable, sans présenter d’explication convaincante qui viendrait contredire l’AFC-GE.

19) Par acte du 22 février 2014, mais posté le 23 février 2014, Mme A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, au renvoi du dossier à l'AFC-GE afin qu'elle lui octroie un délai de deux ans dès le prononcé du jugement afin qu’elle puisse trouver un bien de remploi, à ce que l'AFC-GE lui mette à disposition le montant de l’IBGI, dans le cadre d’un investissement remplissant les conditions du remploi, à l'annulation de la reprise en fortune de CHF 2'500'000.- pour les années 2008 à 2010 et à l'acceptation de la provision sur le débiteur « E______ » a minima de 5 %, soit CHF 30'000.-, « sous suite de frais ».

Son recours avait pour but de démontrer que le refus de l'AFC-GE s'agissant du remploi l'avait empêchée de racheter un autre établissement et privée de revenus depuis 2009. L'octroi du remploi était toujours primordial pour lui permettre de reprendre son activité principale et pour laquelle elle était toujours en quête d'un bien immobilier. L'achat prévu en septembre 2009 pour un montant de CHF 3'900'000.- n'était certes plus envisageable mais un autre bien d'une valeur de CHF 2'500'000.- était possible, à la condition qu'elle puisse disposer de l'IBGI comme fonds propres.

Sa situation était précaire, en cas de rejet de son recours, elle devrait à l'AFC-GE environ CHF 800'000.-, ce qui conduirait à sa faillite personnelle.

Certains faits retenus par le TAPI étaient contestés ou lacunaires.

En 2007, elle avait contracté des dettes auprès de proches, son activité lui apportant un revenu insuffisant pour face à son train de vie. Le montant au 31 décembre 2007 était indéterminé « mais se retrouvait dans le total des prélèvements personnels de CHF 401'820.- sur le produit de vente » tel qu'il apparaissait dans le décompte suivant :

Décompte vente hôtel :

Encaissement du prix de vente : CHF 4'400'000.- ;

Remboursement hypothèque « F______ » : - CHF 1'515'000.- ;

Remboursement hypothèque « G______ » : - CHF 136'799.- ;

Remboursement dépôt loyer « H______ » : - CHF 100'000.- ;

Retenue IBGI : - CHF 404'695.- ;

Paiement commission sur vente immeuble : - CHF 150'000.- ;

Versement indemnité rupture de bail « H______ » : - CHF 430'000.- ;

Remboursement « I______ » : - CHF 130'000.- ;

Paiement créanciers privés + « RI »

+ Prélèvements personnels : - CHF 401'820.- ;

Liquidités dans la « RI » au 31 décembre 2008 : - CHF 883'011.- ;

Solde : CHF 0.-

(recte : CHF 248'675.-)

L'activité de l'hôtel consistait en la location de chambres meublées pour de moyennes à longues durées et mises à disposition de l'hospice. Son activité de masseuse à titre indépendant était accessoire et transitoire. Elle avait d'ailleurs exploité un établissement sous l'enseigne « J______ » en 2012 et 2013. Son courriel du 14 mars 2012 adressé à l'AFC-GE n'était pas pertinent, dans la mesure où ce n'était pas cet établissement public dans le quartier de Florissant qui avait fait l'objet du refus de l'AFC-GE concernant la demande de remploi, mais un immeuble en rénovation à la rue de _____. S'il était exact qu'aucun document relatif à un achat similaire n'avait été produit dans la procédure, des pièces avaient été présentées lors de l'entretien avec un collaborateur de l'AFC-GE le 30 septembre 2009. Dans ses archives, elle avait retrouvé des documents relatifs à l'acquisition de l'établissement sis rue de ______. En septembre 2009, elle disposait encore d'environ CHF 500'000.- sur la vente de l'hôtel. Les fonds propres nécessaires à cette acquisition s'élevaient à environ CHF 800'000.-. Sans le refus de l'AFC-GE, la transaction se serait probablement réalisée. Dès 2009, elle avait entrepris des démarches de recouvrement envers M. E______. Une nouvelle convention de paiement avait été signée le 1er juillet 2011 avec le débiteur. L'AFC-GE aurait dû réduire le montant de la provision pour le débiteur « E______ » à 5 % de la dette, soit CHF 30'000.-. L'AFC-GE n'avait pas tenu compte de toutes les informations en sa possession quant à l'évaluation de sa soi-disant fortune. L'autorité intimée avait confondu bénéfice sur la vente et liquidités disponibles.

Sur le fond du litige, l'acceptation par l'AFC-GE du remploi demandé en 2009 et le remboursement de l'IBGI auraient permis l'acquisition d'un nouveau bien immobilier abritant la même activité que celle exercée par le passé.

Enfin, l'AFC-GE et le TAPI avaient commis une erreur en interprétant trop restrictivement les conditions de remploi.

À l'appui de son recours, Mme A______ a produit une invitation de K______ SA du 3 février 2013 portant sur la future vente d'un hôtel-résidence à la rue ______, un dossier complet relatif à un immeuble sis rue de ______ daté du 14 août 2009, un courrier de son avocat du 9 juillet 2010 adressé à l'avocat de M. E______ concernant le solde de la vente de l'hôtel, la convention du 1er juillet 2011 entre l'intéressée et M. E______ portant sur le solde encore dû (CHF 450'000.-), ainsi que le bilan et compte de pertes et profits au 31 décembre 2009 de H______ SA, société dont elle était administratrice.

20) Le 28 février 2014, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

21) Le 4 avril 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Aucun justificatif n'avait été produit pour justifier l'un ou l'autre des postes du décompte reproduit par Mme A______ dans son recours. Il n'y avait dès lors pas lieu de retenir que l'intéressée avait omis de mentionner des dettes supplémentaires dans sa déclaration fiscale.

Concernant la problématique de l'IBGI, Mme A______ aurait pu solliciter une libération de consignation de cet impôt en vue de disposer de liquidités disponibles pour le rachat qu'elle alléguait avoir manqué. Toutefois, elle n'avait pas effectué une telle demande. Rien ne permettait d'exclure qu'elle n’ait aucunement eu l'intention d'investir dans le projet de la rue de ______, ou encore qu'elle ait renoncé à procéder à cet investissement.

Dans la mesure où le contrat de vente du 29 septembre 2009 prévoyait que le premier versement par M. E______ devait s'effectuer le 30 juin 2009, l'intéressée ne pouvait pas provisionner sa créance avant cette date. Il n'y avait pas matière à provisionner des acomptes non encore exigibles. Le seul document pour attester de tentatives de recouvrement était la mise en demeure formulée dans le courrier de l'avocat du 9 juillet 2010. Toutefois, on ignorait si celle-ci avait été suivie d'effet, de sorte qu'il n'y avait pas matière à provisionner, en 2010, une somme qui, par hypothèse, aurait été acquittée.

Mme A______ se méprenait sur la nature de la provision générale pour débiteurs douteux, sans qu'il soit nécessaire d'apporter la preuve du risque. La créance d'un montant de CHF 600'000.- concernait exclusivement M. E______, débiteur. C'était un montant important avec pour conséquence que le risque lié à ce débiteur devait être analysé de manière spécifique. Il n'y avait ainsi pas matière à admettre une provision générale pour débiteurs douteux sur cette créance.

S'agissant de la reprise de CHF 2'500'000.- sur la fortune de l'intéressée, le décompte reproduit par Mme A______ affichait un solde positif de CHF 248'675.- et non un solde de CHF 0.-. De plus et dans ce décompte, les acomptes versés par M. E______ en juin et en décembre 2009 n'avaient pas été pris en compte. La réalité des remboursements allégués pour certains des postes mentionnés n'était pas documentée. Le décompte produit n'était dès lors pas propre à écarter la reprise en fortune qui avait été opérée et confirmée par le TAPI.

Sur le fond du litige, Mme A______ ne pouvait pas nier qu'elle n'avait pas réinvesti le bénéfice retiré de la vente de son hôtel dans un bien similaire. L'IBGI n'avait pas pour vocation à être remboursé. Le montant de CHF 404'695.20 versé au titre de l'IBGI avait été imputé sur le montant de l'ICC 2008.

On ne pouvait pas conclure que des documents relatifs à l'immeuble de la rue de ______ avaient été présentés lors de l'entretien du 30 septembre 2009 entre un collaborateur de l'AFC-GE et l'intéressée. De plus, les documents produits relatifs à cet immeuble sis rue de ______ n'étaient pas propres à témoigner que le vendeur et Mme A______ étaient en pourparlers avancés ou sur le point de signer un acte d'achat. Il s'agissait du dossier du promoteur usuellement transmis aux acheteurs potentiels intéressés. Aucun autre réinvestissement n'avait par ailleurs été réalisé, que ce soit à Florissant ou à la rue ______. La provision pour remploi fiscal d'un montant de CHF 2'568'029.- devait être refusée dans les taxations 2008 à 2010.

Enfin et s'agissant de la reformatio in pejus portant sur la suppression d'une dette de CHF 550'000.- inscrite à tort dans la taxation 2008 de Mme A______, elle ne l'avait pas contestée.

22) Le 11 avril 2014, le juge délégué a fixé à Mme A______ un délai au 16 mai 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

23) Le 16 mai 2014, Mme A______ a produit un nouveau tableau démontrant l'état de sa fortune au 31 décembre 2008 en partant du solde perçu suite à la vente de l'hôtel.

Encaissement du solde de la vente : 17 novembre 2008 CHF 1'445'625.- ;

Remboursement dépôt loyer « H______ » : - CHF 100'000.- ;

Liquidités dans la « RI » au 31 décembre 2008 : - CHF 883'011.- ;

Différence : CHF 32'614.-

Dès lors, elle ne possédait pas la fortune que lui attribuait l'AFC-GE au 31 décembre 2008.

Le bien qu'elle s'apprêtait à acquérir en 2009 correspondait exactement à son précédent établissement quant à son exploitation commerciale.

L'AFC-GE oubliait sciemment avoir refusé le 18 décembre 2009 la demande de remploi, alors que celle-ci reposait sur un dossier solide. Ce refus empêchait de facto la demande de restitution de l'IBGI. L'entrepreneur du projet sis rue de ______ et son conseil étaient prêts à en témoigner.

Les comptes 2008 ayant été déposés avec la déclaration fiscale en février 2010, le principe de prudence commandait la retenue d'une provision déjà à ce moment, dans la mesure où le débiteur M. E______ n'avait pas respecté le plan de paiement prévu. S'il était exact qu'en juillet 2011 un accord avait été trouvé, rien ne permettait de l'anticiper au moment de l'établissement des comptes. D'ailleurs et à ce jour, il subsistait un litige quant au calcul et au règlement des intérêts, ce qui justifiait qu'une partie de la créance soit toujours provisionnée. C'était en raison de ce risque non calculable qu'elle avait demandé subsidiairement qu'à tout le moins une provision de 5 % de la créance soit admise. L'arrangement de juillet 2011 suffisait à prouver que la mise en demeure effectuée le 9 juillet 2010 avait été suivie d'effet et justifiait la provision.

S'agissant de la reprise d'un montant de CHF 2'500'000.- sur sa fortune, Mme A______ reproduisait son tableau d'ores et déjà produit le 22 février 2014, mais en ajoutant le poste « Remboursement hypothèque G______ :
- CHF 248'675.- », précisant en outre que le solde était bien de CHF 0.-. Comme le décompte reproduisait la situation au 31 décembre 2008, elle ne comprenait pas la remarque de l'AFC-GE concernant l'absence de prise en considération des acomptes versés par M. E______ en juin et en décembre 2009. S'agissant des postes du décompte, de nouvelles pièces attestaient de la réalité de deux postes.

Sur le fond du litige, l'AFC-GE avait mis plus de deux ans à la taxer. Or, la décision de refus de remploi n'étant pas susceptible de recours, il avait fallu obligatoirement attendre cette taxation pour aller de l'avant et contester les taxations 2008 à 2010. À ce moment-là, on se situait évidemment au-delà du délai normal de deux ans pour le remploi.

Mme A______ demandait l'audition du collaborateur de l'AFC-GE ayant conduit l'entretien du 30 septembre 2009 et l'audition de son conseil pour prouver que des documents relatifs à un futur achat avaient été présentés à l'AFC-GE lors de cet entretien.

La vente de son hôtel avait pour but d'éviter sa faillite personnelle, ainsi que celle de H______ tout en réglant la totalité de ses dettes. Le seul moyen consistait en le remploi du produit de vente et l'acquisition d'un autre établissement similaire.

L'acharnement de l'AFC-GE à ne pas reconnaître son erreur et son obstination à vouloir taxer une fortune inexistante était scandaleux.

Mme A______ a produit comme nouvelles pièces son extrait de compte bancaire du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, le bilan et compte de pertes et profits au 31 décembre 2007 et 2008 de H______, ainsi que le Grand-livre des comptes de H______ pour 2008.

24) Le 20 juin 2014, l'AFC-GE a dupliqué, persistant dans ses conclusions et renvoyant, pour l'essentiel, à ses précédentes écritures.

La fortune supplémentaire de CHF 2'500'000.- avait été opérée sur les taxations 2009 et 2010 et non sur celle de 2008, de sorte que les liquidités détenues dans la raison individuelle au 31 décembre 2008 n'étaient pas pertinentes pour vérifier le bien-fondé de l'existence de la fortune au 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010. De plus, les postes « Remboursement dépôt loyer H______ », ainsi que « Versement indemnité rupture de bail H______ » n'étaient pas justifiés.

S'agissant de la provision sur le débiteur M. E______, l'état de recouvrement de la créance existant au moment de la remise de la déclaration fiscale 2008 (février 2010) ne pouvait interférer sur l'existence de la créance au 31 décembre 2008.

Concernant la reprise de CHF 2'500'000.- sur la fortune, le nouveau poste « Remboursement hypothèque G______ : - CHF 248'675.- » permettait au décompte présenté par Mme A______ d'afficher un solde de CHF 0.-. Les acomptes versés par M. E______ devaient être ajoutés à l'encaissement initial de CHF 4'400'000.- puisque ils augmentaient l'état de sa fortune au fur et à mesure qu'elle les recevait. Le premier acompte d'un montant de CHF 60'000.- avait dû être réglé le 30 juin 2009 au vu du courrier de mise en demeure du 9 juillet 2010. De plus, un montant de CHF 30'000.- avait été réglé sur l'acompte de décembre 2009. Ces montants auraient dû figurer dans le décompte de Mme A______.

Enfin et s'agissant du poste « Remboursement I______ », le montant avait été pris en compte dans le calcul pour déterminer l'ajout de fortune de CHF 2'500'000.-.

25) Le 4 juillet 2014, Mme A______ a expliqué que son manque d'organisation administrative expliquait l'absence de justificatifs permettant d'attester de l'état de sa fortune. Son capital avait été entamé petit à petit. Le montant résultant de la vente de l'hôtel avait servi au remboursement de divers emprunts.

S'agissant des postes « Remboursement dépôt loyer H______ », ainsi que « Versement indemnité rupture de bail H______ », l'enregistrement comptable suffisait comme preuve.

L'AFC-GE se cachait derrière l'absence de réinvestissement du bénéfice, alors même que c'était l'administration qui l'avait refusé.

Concernant la reprise de CHF 2'500'000.- sur la fortune, le tableau nouvellement produit le 16 mai 2014 était le même que celui de son recours. Si M. E______ payait effectivement encore le solde de la vente de l'hôtel, les montants reçus par l'intéressée étaient utilisés pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils. Elle n'avait jamais fait un bénéfice de CHF 2'500'000.- et sa fortune ne s'était jamais élevée à ce montant, ce qu'attestaient ses déclarations fiscales.

26) Sur ce, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite l'audition du collaborateur de l'AFC-GE ayant conduit l'entretien du 30 septembre 2009, celle de son mandataire, ainsi que celle de l'entrepreneur chargé du projet relatif à l'immeuble sis rue de ______.

a. La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art.18 LPA).

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1).

c. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

d. En l'espèce, les parties ont procédé à de nombreux échanges d'écritures dans le cadre du présent litige. La recourante a ainsi pu faire valoir ses arguments de manière détaillée.

De plus, le dossier ou certaines pièces du projet sis rue de ______, que l'intéressée allègue avoir soumis au collaborateur de l'AFC-GE à l'entretien du 30 septembre 2009, figurent désormais au dossier, de sorte que la chambre de céans peut procéder à une analyse complète sur la problématique du remploi.

La chambre de céans renoncera dès lors à procéder à d’autres actes d’instruction, dans la mesure où elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause.

3) Il convient préalablement d’examiner le droit matériel applicable.

a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 consid. 10a ; ATA/342/2015 du 14 avril 2015 consid. 5a ; ATA/137/2015 du 3 février 2015 consid. 3a ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 consid. 13a ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004 consid. 3). De même, les prétentions découlant du rappel d'impôt sont régies par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales en cause (arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 consid. 2.1 ; ATA/790/2013 du 3 décembre 2013 consid. 2 ; ATA/505/2008 du 30 septembre 2008 consid. 3 ; ATA/93/2005 du 1er mars 2005 consid. 3d et les références citées).

b. En ce qui concerne l’IFD, la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est applicable, dans son état lors des périodes fiscales en cause (2008 à 2010).

Les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques ont été abrogées avec l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) (art. 69 al. 1 LIPP). La LIPP s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la LIPP (art. 72 al. 1 LIPP).

Le recours portant sur l'ICC 2008 à 2010, il s'ensuit que la présente cause est régie par l'ancien droit s'agissant de l'ICC 2008 et 2009, en particulier la loi sur l’imposition des personnes physiques - impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV), la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V), ainsi que la loi sur l'imposition des personnes physiques - impôt sur la fortune - du 22 septembre 2000 (aLIPP-III). Pour l'ICC 2010, le nouveau droit est applicable.

4) Dans un premier grief, la recourante soutient que l'AFC-GE aurait dû accepter la demande de remploi, de sorte qu'il était correct de provisionner un montant de CHF 2'568'029.- pour les années 2008 à 2010. De plus le remboursement de l'IBGI lui aurait permis d'acquérir un nouveau bien immobilier abritant la même activité que celle exercée par le passé.

a. Dans le chapitre relatif à l'impôt sur le revenu pour l'activité lucrative indépendante, l'art. 30 al. 1 aLIFD prévoit que lorsque des biens immobilisés nécessaires à l’exploitation sont remplacés, les réserves latentes de ces biens peuvent être reportées sur les éléments acquis en remploi qui remplissent la même fonction; le report de réserves latentes sur des éléments de fortune situés hors de Suisse n’est pas admis (art. 30 al. 1 aLIFD, art. 5 aLIPP-IV, art. 21 aLIPP).

Lorsque le remploi n'intervient pas pendant le même exercice, une provision correspondant aux réserves latentes peut être constituée. Cette provision doit être dissoute et utilisée pour l'amortissement de l'élément acquis en remploi ou portée au crédit du compte de résultats dans un délai raisonnable (art. 30 al. 2 LIFD).

Seuls les biens immobilisés qui servent directement à l'exploitation sont considérés comme nécessaires à celle-ci ; n'en font pas partie, notamment, les biens qui ne sont utiles à l'entreprise que par leur valeur de placement ou leur rendement (art. 30 al. 3 LIFD).

Concernant l'impôt sur le bénéfice, l'art. 64 al. 1, 2 et 3 LIFD a la même teneur que l'art. 30 LIFD précité.

b. Selon la doctrine, le remploi désigne l'opération par laquelle une entreprise vend un actif et affecte le produit de cette aliénation à l'acquisition d'un bien de remplacement (Robert DANON in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, ad art. 64 n. 1).

Les règles générales sur le remploi ne visent que les actifs immobilisés qui servent directement à l'exploitation. Le point de savoir si un bien est nécessaire à l'exploitation s'apprécie au regard de la fonction remplie par cet actif au sein de l'entreprise. En d'autres termes, les actifs nécessaires à l'exploitation sont ceux qui sont affectés à la capacité de rendement de l'entreprise et dont la vente réduirait cette capacité. La qualification d'actif immobilisé nécessaire à l'exploitation concerne tant l'objet remplacé que celui acquis en remploi. De même, le réinvestissement de liquidités liées à la vente d'un actif non nécessaire à l'exploitation dans l'achat de biens nécessaires à l'exploitation n'est pas couvert par l'art. 64 LIFD. Par actif immobilisé, on entend notamment les immeubles, les machines ou encore les actifs immatériels tels que les patentes, les licences ou les concessions. Ne sont ainsi pas considérés comme des immobilisations les actifs circulants facilement réalisables (Robert DANON, op. cit., ad. art. 64 n. 9 à 10).

Il n’est pas nécessaire que l’acquisition du nouvel actif ait lieu durant le même exercice. L’art. 64 al. 2 LIFD autorise en effet un remploi ultérieur pour autant toutefois que celui-ci intervienne dans un délai raisonnable. De plus, le traitement comptable est un peu différent, puisque c’est alors la constitution d’une provision qui permet de neutraliser l’imposition des réserves latentes. La condition du délai raisonnable vise en premier lieu à vérifier le caractère nécessaire à l’exploitation des biens faisant l’objet du remploi. En effet, lorsque le remploi n’intervient pas dans un délai raisonnable, l’on peut alors considérer que la vente de l’objet initial ne compromet pas la poursuite de l’activité commerciale et que celui-ci n’était donc pas nécessaire à l’exploitation. La jurisprudence et la pratique administrative retiennent dans la règle un délai de deux ans, lequel commence à courir au moment de la conclusion du contrat de vente, le cas échéant au moment de l’événement qui provoque la destruction du bien. Cela étant, ce qu'il convient d'entendre par « délai raisonnable » dépend des circonstances particulières de chaque cas d'espèce. Le délai de remplacement peut par exemple dépendre de la nature des biens ou encore d'autres circonstances telle que le délai de fabrication ou de livraison (Robert DANON, op. cit., ad. art. 64 n. 22 à 25).

Dans l’hypothèse d’un remploi ultérieur, une provision doit tout d’abord être constituée à charge du compte de profits et pertes durant l’année de la vente (N). Cette provision, correspondant aux réserves latentes afférentes à l’objet aliéné, neutralise ainsi le gain comptable résultant de cette opération. Lorsque le remploi intervient (N + 1), la provision est alors dissoute et le produit de cette dissolution est contrebalancé par l’amortissement de l’objet acquis en remploi (Robert DANON, op. cit., ad. art. 64 n. 26).

c. En l'espèce, la chronologie des faits telle qu'elle résulte des pièces de la procédure permet de répondre à la question juridique soulevée.

La vente de l'hôtel de la recourante est intervenue le 29 septembre 2008. Selon un courrier du 2 septembre 2009 figurant au dossier relatif au projet de l'immeuble sis rue de ______, la recourante a confirmé au mandataire chargé de la vente dudit immeuble sa volonté de l'acquérir, sous réserve du remploi fiscal. Une demande en ce sens a été effectuée le 21 octobre 2009 auprès de l'AFC-GE, qui l'a rejetée le 18 décembre 2009. Cette décision n'a pas fait l'objet d'une réclamation, alors que ce moyen aurait permis à la recourante de démontrer que son projet s'inscrivait dans la continuité de son exploitation passée et qu'il remplissait les autres conditions relatives au remploi.

Malgré cela, il ressort du courriel du 14 mars 2012 que la recourante poursuivait l'idée d'acquérir un établissement public dans le quartier de Florissant.

Or, au moment des taxations, soit plus de trois ans après la vente, force est de constater que la recourante n'avait toujours pas acquis un bien de remplacement avec le produit de l'aliénation de son hôtel intervenue le 29 septembre 2008.

En absence d'un quelconque remploi du produit de la vente de l'hôtel, la provision pour remploi d'un montant de CHF 2'568'029.- figurant dans les déclarations fiscales de la recourante pour les années 2008 à 2010 ne se justifiait dès lors pas.

S'agissant de la problématique du remboursement de l'IBGI, l'ancien art. 86A al. 4 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05), dans sa teneur jusqu'au 1er janvier 2009, puis l'art. 86A al. 4 2ème phrase LCP, prévoient que l’aliénateur peut être dispensé de la consignation de l'IBGI moyennant remise d’une garantie bancaire dont les termes et conditions sont fixés par l'autorité compétente. Or, force est de constater que la recourante n'a entrepris aucune démarche en ce sens. De plus, il ressort du relevé de compte annexé au bordereau de taxation 2008 que la recourante a réglé cet impôt et que l'AFC-GE l'a imputé sur ce que doit l'intéressée au titre de l'ICC 2008.

Le grief sera écarté.

5) La recourante soutient que la provision pour débiteur d'un montant de CHF 550'000.- pour les années 2008 à 2010 était justifiée. Subsidiairement, une provision à hauteur de 5 % de la créance doit être admise.

a. Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD, art. 3 al. 3 aLIPP-V, art. 30 LIPP). Font notamment partie de ces frais les amortissements et les provisions (art. 27 al. 2 let. a LIFD, art. 3 al. 3 let. d et e aLIPP-V, art. 30 let. d et e LIPP).

b. Les provisions sont des déductions portées à la charge du compte de résultat pour tenir compte de dépenses ou de pertes dont le montant exact ou l'ampleur n'est pas encore établi de façon certaine (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 175). La cause de la diminution de valeur ou de la perte doit être survenue pendant l'exercice commercial (RDAF 1975 p. 355). La provision a un caractère provisoire et doit être justifiée par l'usage commercial. Elle doit porter, conformément au principe de périodicité, sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul (arrêt du Tribunal fédéral 2P.184/2003 du 21 juin 2004 ; ATA/907/2014 du 18 novembre 2014 consid. 5a ; ATA/552/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3c ; ATA/66/2009 du 4 février 2009 consid. 5a ; ATA/31/2004 du 13 janvier 2004 consid. 4b ; Xavier OBERSON, op. cit. p. 175). Les provisions ne constituent pas un élément du bénéfice et ne sont, partant, pas imposables (ATA/66/2009 précité consid. 5a).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, deux conditions doivent être réunies pour que les provisions soient admises : les faits qui sont la cause du risque de perte doivent s'être produits au cours de l'exercice clos pendant la période de calcul ; le risque de perte doit être certain ou quasi certain, mais non nécessairement définitif. Par ailleurs, l'appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (ATA/907/2014 précité consid. 5b ; ATA/552/2014 précité consid. 3d ; ATA/66/2009 précité consid. 5b).

c. Suivant l'article 960 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), les créances ne doivent figurer au bilan que pour le montant qui est recouvrable, compte tenu du risque de perte. Ce risque de perte s'apprécie essentiellement au regard de la solvabilité du débiteur. Cette solvabilité sera évaluée sur la base des faits passés ou présents, par exemple en fonction des retards intervenus dans les paiements, de l'évolution antérieure de la situation financière, de l'état des poursuites en cours ou de la qualité des éventuelles garanties. Lorsqu'un risque de perte est constaté, une correction de valeur, c'est-à-dire une provision pour ducroire, doit être enregistrée dans les comptes (Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2008, ad. art. 63, p. 853 n. 30 et les références citées).

En ce qui concerne les débiteurs, une provision forfaitaire (ducroire) de 5 % de la valeur des créances non garanties contre des débiteurs suisses - respectivement de 10 % contre des débiteurs étrangers - est admise en pratique sans autre justification commerciale (Xavier OBERSON, op. cit. p.146 et les références citées ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., p. 853 n. 30-31).

La provision pour débiteurs douteux n’est admise que si le recourant expose avoir entrepris des opérations de recouvrement infructueuses (arrêt du Tribunal fédéral 2P.12/2006 du 6 juin 2006).

Dans une jurisprudence du 4 février 2009 (ATA/66/2009), le Tribunal administratif, dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans, a estimé que la recourante n'avait pas démontré que la provision qu'elle alléguait était justifiée, tout en confirmant le principe de la provision forfaitaire.

d. La maxime d’office est applicable à la détermination de la dette fiscale. L’administration fiscale supporte le fardeau de la preuve de l’existence d’éléments imposables et, selon un principe généralement admis en matière fiscale, il incombe à celui qui prétend à l’existence d’un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (RDAF 1998 II p. 25 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2008 du 1er octobre 2008 consid. 4.4 ; ATA/344/2015 du 14 avril 2015 consid. 4 ; ATA/907/2014 du 18 novembre 2014 consid. 6d ; ATA/484/2013 du 30 juillet 2013 consid. 3).

e. En l'espèce, le contrat de vente du 29 septembre 2008 conclu entre la recourante et M. E______ prévoit que le solde du prix de vente (CHF 600'000.-) doit être acquitté par dix versements de CHF 60'000.- semestriellement, la première fois le 30 juin 2009.

Dans la mesure où le premier versement dû par M. E______, débiteur, est exigible uniquement à compter du 30 juin 2009, la provision figurant dans la déclaration fiscale 2008 ne se justifie pas, au vu de la jurisprudence et de la doctrine précitées.

S'agissant de l'année 2009, il ressort du courrier de mise en demeure de l'avocat de la recourante daté du 9 juillet 2010 adressé à l'avocat de M. E______ que ce dernier était redevable d'un solde de CHF 30'000.- sur l'acompte exigible au 31 décembre 2009. Pour l'année 2010, le courrier précité rappelle que M. E______ n'avait pas réglé le montant prévu pour le 30 juin 2010 (CHF 60'000.-). Selon la convention signée entre la recourante et son débiteur du 1er juillet 2011, M. E______ devait encore régler un montant total de CHF 450'000.-.

Toutefois, ces pièces sont insuffisantes pour démontrer que le degré de solvabilité de M. E______ était tel qu'il ne lui permettait pas de régler les échéances dues, de sorte que la provision litigieuse n'était pas justifiée.

Cela relevé et en application de la doctrine et de la jurisprudence précitée (ATA/66/2009 précité consid. 9), il convient de retenir une provision forfaitaire de 5 % des créances alléguées envers M. E______, de nationalité suisse, pour les années 2009 et 2010. Ainsi, une provision d'un montant de 5 % de CHF 30'000.-, soit CHF 1'500.-, doit être admise pour 2009. Pour l'année 2010, c'est une provision de CHF 3'000.- (5 % de CHF 60'000.-) qui doit être admise.

Il n'est pas possible d'admettre une provision d'un montant de CHF 30'000.- (5 % de CHF 600'000.-) comme le propose la recourante, dans la mesure où une telle provision ne saurait être admise pour un montant supérieur au risque maximum total pesant sur la créance au 31 décembre de ladite année, c'est-à-dire CHF 30'000.- pour 2009 et CHF 60'000.- pour 2010, selon le courrier de mise en demeure du 9 juillet 2010.

Le grief de la recourante sera partiellement admis, étant précisé que la recourante n'a pas remis en cause le fait que le TAPI ait procédé à une reformatio in pejus, dont les conditions sont par ailleurs réunies, en l'espèce.

6) La recourante conteste la reprise, au niveau de sa fortune imposable pour les années 2008 à 2010, d'un montant de CHF 2'500'000.- au titre du solde de la vente d'hôtel.

a. Selon l'art. 1 aLIPP-III, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales. L'art. 46 LIPP a la même teneur. Les art. 2 aLIPP-III et 47 LIPP énoncent les éléments de fortune imposables.

Selon la jurisprudence constante, en matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.4 ; 2C_574/2009 du 21 avril 2010 consid. 4.2 ; ATA/234/2015 du 3 mars 2015 consid. 5 ; ATA/112/2015 du 27 janvier 2015 ; ATA/8/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/483/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/283/2011 du 10 mai 2011). Ces règles s’appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4 ; ATA/112/2015 précité ; ATA/8/2013 précité).

b. En l'espèce et comme le remarque à juste titre l'AFC-GE dans sa duplique du 20 juin 2014, la prise en compte de la fortune supplémentaire d'un montant de CHF 2'500'000.- représentant le solde de de la vente de l'hôtel a été effectuée sur les années 2009 et 2010, de sorte que les critiques de la recourante concernant l'année 2008 ne sont pas pertinentes en l'espèce.

Cela relevé, il ressort des bordereaux et avis de taxations figurant au dossier que les dettes de la recourante ont sensiblement diminué au cours des années 2007 à 2010.

En 2007, elles s'élevaient à CHF 2'539'861.-, étant précisé que, dans la mesure où le bordereau relatif à cette année n'a pas été contesté, c'est ce montant qu'il convient de retenir. En 2008, elles se chiffraient à CHF 473'679.-. En 2009, elles se montaient à CHF 139'852.-. Enfin en 2010, elles s'élevaient à CHF 127'816.-.

Force est de constater que les dettes de la recourante ont diminué entre les années 2007 à 2010 passant de CHF 2'539'861.- à CHF 127'816.-, soit une réduction de CHF 2'412'045.- (CHF 2'539'861.- CHF 127'816.-), alors même que la recourante ne possédait pas de liquidités d'une telle ampleur pendant les années visées. On peut dès lors partir du principe que la recourante a utilisé une partie du produit de la vente de son hôtel en 2008 pour rembourser ses dettes.

Toutefois, à juste titre, l’AFC-GE relève que la recourante ne donne aucune explication convaincante et ne verse au dossier aucune preuve qui permette à la chambre de céans de comprendre quelle utilisation elle aurait fait du solde du produit de la vente. Les listes de dettes qu’elle a fournies ne suffisent pas pour considérer comme établi à satisfaction de droit le fait qu’elle aurait employé la totalité du prix de la vente auxdits remboursements. En conséquence, l’AFC-GE était fondée à déduire du prix de vente le montant des dettes acquittées, soit l’équivalent de CHF 2'412'045.-, total cumulé entre le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2010, et à considérer que le solde, soit une somme supérieure à CHF 2'500'000.- devait être retenue au titre de la fortune, tant en 2009 qu’en 2010. La taxation est correcte dès lors qu’elle retient un montant inférieur à la fortune de la contribuable tant pour 2009 que pour 2010.

Le grief de la recourante sera écarté.

7) Le recours sera très partiellement admis. Aux fins de simplification tant le jugement du TAPI que les bordereaux seront annulés. Le dossier sera renvoyé à l’AFC-GE pour établissement de nouveaux bordereaux, au sens des considérants, comprenant la reformatio in pejus, retenue à juste titre par le TAPI.

8) La recourante succombant dans une très large mesure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée dès lors qu'elle n'y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 février 2014 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 janvier 2014 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 janvier 2014 ;

annule les bordereaux du 30 juillet 2012 relatifs aux années 2008 à 2010, ainsi que les décisions sur réclamations des 10 octobre, 18 octobre et 22 octobre 2012 et les bordereaux rectificatifs joints ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Guggenheim & Associés SA, mandataire de Madame  A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :