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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2673/2013

ATA/137/2015 du 03.02.2015 sur JTAPI/654/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU ET LE BÉNÉFICE ; VENTE ; IMMEUBLE ; GAIN IMMOBILIER ; VENTE COMMERCIALE ; REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; BÉNÉFICE(DROIT FISCAL) ; GAIN EN CAPITAL
Normes : LIFD.16.al3 ; LIFD.18.al2 ; aLIPP-IV.3 ; aLIPP-IV.10.ali
Résumé : Recours contre le jugement de TAPI confirmant que la plus-value réalisée par la recourante lors de deux ventes immobilières en 2008 devait être qualifiée de bénéfice commercial en capital. Rappel des principes applicables pour distinguer le bénéfice commercial, imposable, et le gain en capital privé, non soumis à l'impôt sur le revenu. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2673/2013-ICCIFD ATA/137/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 février 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Berney & Associés SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2014 (JTAPI/654/2014)


EN FAIT

1) Selon le registre du commerce et sa déclaration fiscale 2008, Madame A______, graphiste, est employée à 100 % et administratrice de la société B______ SA (ci-après : B______), dont le but correspond à la recherche et l'accomplissement de tous mandats d'architecte, à l'exécution, la direction et la coordination des activités et autres opérations se rapportant au mandat d'architecte ainsi qu'aux participations. Elle est également administratrice de la société C______ (ci-après : C______), qui a pour but le commerce, l'exploitation et la construction d'immeubles.

2) Le 31 juillet 2008, l'intéressée a vendu un appartement se trouvant sur la parcelle n1______ de la commune de Genève Petit-Saconnex, au 2______, rue du D______, à un prix de CHF 2'100'000.-.

3) Le 18 septembre 2008, elle a vendu un second appartement sis sur la même parcelle et à la même adresse, pour un montant de CHF 1'975'000.-.

4) Entre le 5 février et le 9 décembre 2009, elle a vendu cinq bien immobiliers - dont trois acquis en 2005 et trois en 2006 - à des prix respectifs de CHF 861'000.-, CHF 846'600.-, CHF 733'758.-, CHF 1'000'000.- et CHF 840'000.-.

5) Le 4 septembre 2009, Mme A______ a rempli sa déclaration d'impôts pour l'année fiscale 2008.

Sous la rubrique « immeubles occupés par le propriétaire », elle a indiqué cinq immeubles, parmi lesquels les deux immeubles du 2______, rue du D______, à Genève, occupés depuis le 13 avril 2006 et vendus durant l'année 2008, les trois autres étant occupés depuis le 31 décembre 2003, le 9 octobre 2006 et le 31 décembre 2006. Dans la section « immeubles locatifs ou loués », elle a inscrit onze immeubles, parmi lesquels deux avaient été construits ou rénovés pour la dernière fois en 2004, deux en 2005 et sept en 2006. Conformément au récapitulatif 2008 de la fortune, sa fortune brute immobilière s'élevait à CHF 12'505'227.-. Dans la section « intérêts et dettes », elle a déclaré un total de dettes et intérêts chirographaires et hypothécaires à hauteur de respectivement CHF 14'026'494.- et CHF 525'689.-, comprenant douze dettes à l'égard de E______ (ci-après : E______) pour un montant de CHF 11'924'895.- et intérêts de CHF 454'089.-. Selon l'état des titres, elle était actionnaire d'B______, la valeur imposable des actions détenues s'élevant à CHF 10'358'100.-, et d'C______, la valeur imposable des actions se montant à CHF 100'000.-, détenait une créance de CHF 482'317.- envers un particulier et CHF 415'107.- d'avoirs bancaires et postaux. Sa fortune brute mobilière s'élevait au total à CHF 11'262'409.-. À teneur du récapitulatif 2008 du revenu, le revenu brut déclaré correspondait à CHF 566'768.- pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et CHF 576'170.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

6) Entre le 20 et le 27 mai 2010, l'intéressée a vendu cinq biens immobiliers acquis en 2005, le prix de vente s'élevant respectivement à CHF 271'115.-, CHF 208'623.-, CHF 281'636.-, CHF 287'720.- et CHF 311'291.-.

7) Les 3 et 13 octobre 2011, elle a effectué quatre ventes d'immeubles - parmi lesquels trois avaient été achetés en 2006 -, pour des montants de CHF 459'339.-, CHF 458'834.-, CHF 447'159.- et CHF 2'449'340.-.

8) Par bordereaux de taxation du 6 février 2012, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l'ICC et l'IFD dus par la contribuable pour l'année fiscale 2008.

Selon l'avis de taxation de l'activité indépendante ICC et IFD du même jour, l'AFC-GE avait retenu un bénéfice net de CHF 1'119'139.- comme produit d'exploitation, correspondant au bénéfice sur les ventes immobilières professionnelles des 31 juillet et 18 septembre 2008, tant pour l'ICC que l'IFD. Elle avait remboursé directement sur le compte d'impôt de l'intéressée les montants versés au titre d'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.

Conformément aux avis de taxation du même jour, les intérêts de dettes avaient été limités à CHF 420'708.- pour l'ICC et à CHF 427'243.- pour l'IFD.

9) Par courrier du 7 mars 2012, la contribuable a élevé réclamation contre cette décision, contestant un point qui n'est plus litigieux aujourd'hui et demandant l'annulation de la prise en compte du bénéfice suite à la vente des deux appartements de la commune de Genève Petit-Saconnex, parcelle no 1______.

Elle avait acquis ces derniers en 2006 pour les louer, sur les conseils d'un « associé fictif » et suite à la promotion faite par C______, en contractant des dettes hypothécaires importantes à titre personnel. S'agissant de deux appartements de « standing », elle souhaitait pouvoir les louer à un prix élevé et pensait pouvoir amortir ses dettes grâce aux produits des locations en une quinzaine d'années environ. Elle avait toutefois eu de la peine à trouver des locataires fiables. La banque faisant de plus en plus pression, elle avait dû se résoudre à les vendre. Elle avait donc procédé à leur vente non pas dans un but spéculatif mais par obligation, en raison de leur coût trop élevé, de la mise en péril de ses autres activités et de la pression de la banque. Elle était salariée d'B______ et n'avait jamais exercé d'activité indépendante. Les appartements avaient été achetés à titre privé.

10) Par courrier du 26 mars 2013, l'AFC-GE a expliqué avoir considéré la vente immobilière comme commerciale en raison de l'utilisation de ses connaissances professionnelles par la contribuable, administratrice et actionnaire d'C______, du fait que l'achat des biens avait été effectué en 2006 à C______, que le contrat d'entreprise général avait été réalisé par le biais d'C______ et que les honoraires d'architecte avaient été facturés par B______, dont l'intéressée était administratrice et actionnaire.

11) Par courrier du 15 mai 2013, la contribuable a maintenu sa réclamation.

Elle n'avait pas vendu les deux biens immobiliers à titre spéculatif. Lors de leur acquisition en 2006, suite à la finalisation d'une promotion d'C______, elle pensait pouvoir les garder à long terme, les ayant acquis à titre de prévoyance professionnelle complémentaire, ne possédant pas de troisième pilier lié. Elle avait toutefois été contrainte de les vendre en 2008, afin de rembourser une partie de ses crédits, rassurant ainsi les banquiers et son ex-associé, qui la harcelait. Suite à ces ventes, elle n'avait pas racheté d'autres biens à titre personnel pour les revendre avec de grosses plus-values, ce qui démontrait qu'elle n'avait pas procédé aux ventes pour gagner de l'argent à réinvestir. Les ventes faites en 2009, toujours sous la pression des banques, n'avaient pas dégagé de gains. Compte tenu de la durée de possession des biens vendus, de moins de deux ans, et du montant important de l'impôt sur les gains immobiliers, il était évident que ce n'était pas pour gagner facilement de l'argent qu'elle avait vendu ses biens en 2008. Si elle était au bénéfice de connaissances professionnelles, en tant qu'actionnaire, administratrice et employée d'B______ et d'administratrice et actionnaire d'C______, cela ne devait pas automatiquement conduire à la considérer comme professionnelle de l'immobilier pour toute vente d'un bien lui appartement. Son activité lucrative correspondait à son travail à plein temps pour B______ et non à la vente de biens immobiliers pour son propre compte.

12) Par décisions sur réclamation et bordereaux et avis de taxation rectificatifs du 15 juillet 2013, l'AFC-GE a persisté à considérer la vente de biens immobiliers de la parcelle no 1______ comme professionnelle, tant pour l'ICC que pour l'IFD de l'année fiscale 2008.

Elle a repris les éléments figurant dans son courrier du 26 mars 2013 et a noté que la contribuable avait précisé avoir acquis les biens suite à la finalisation d'une promotion d'C______, admis les avoir possédés pour une durée inférieure à deux ans et reconnu avoir la connaissance professionnelle de la branche de l'immobilier du fait de son activité lucrative.

13) Par acte du 16 août 2013, l'intéressée a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à l'annulation des bordereaux ICC et IFD 2008, à la confirmation de l'absence de qualification commerciale de la vente immobilière et à l'émission de nouveaux bordereaux considérant cette dernière comme un gain en capital privé exonéré de l'impôt sur le revenu.

Elle a repris et complété l'argumentation développée précédemment.

Elle avait acquis les biens immobiliers en son nom propre, avait l'intention de les garder à long terme, pour rembourser les emprunts les quinze premières années puis à titre de prévoyance, et n'avait pas l'intention de les vendre et réaliser une plus-value. Sa banque lui avait demandé de réduire ses engagements compte tenu de son patrimoine peu liquide. Dans la mesure où elle n'avait pas d'autre fortune lui permettant de répondre à cette demande et dans l'impossibilité de louer les appartements, elle avait été contrainte de les vendre, pour sa pérennité financière. La vente n'avait aucun lien avec sa position d'administrateur et d'actionnaire d'C______.

14) Par courrier du 28 août 2013, la contribuable a versé à la procédure un courrier du 21 août 2013 du E______, dans lequel ce dernier confirmait que, lors de différents entretiens dans le courant de l'année 2008, elle avait signalé à sa cliente l'endettement hypothécaire trop important et lui avait suggéré la réduction de ses engagements afin de garantir la pérennité de sa situation financière personnelle.

15) Par réponse du 13 décembre 2013, l'AFC-GE a conclu à la rectification de la taxation en relation avec la déduction des intérêts passifs et au rejet du recours pour le surplus.

Il s'agissait de deux ventes liées en 2008, suivies de cinq autres ventes en 2009, cinq en 2010 et quatre en 2011, pour un total de seize ventes entre 2008 et 2011. Le nombre important d'immeubles locatifs ou loués appartenant à la contribuable indiquait également qu'elle n'agissait pas uniquement dans le cadre d'une simple gestion de sa fortune privée. Il y avait donc un caractère planifié et systématique, malgré l'absence de bénéfices dégagés par plusieurs des ventes. Le caractère professionnel des opérations de 2008 ressortait également du fait qu'elles avaient lieu par l'intermédiaire d'B______ et d'C______, actives dans le domaine de l'immobilier, et de la courte durée de possession. L'absence d'intention initiale de revente dans un délai aussi court n'était pas déterminante. La demande de réduction des engagements de la banque ne constituait pas un critère décisif pour conclure à une opération de gestion de la fortune privée. L'importance des engagements correspondait au contraire à un indice de plus d'une activité professionnelle. Si l'endettement était important, la situation financière et la solvabilité de l'intéressée ne semblaient pas menacées en 2008, vu l'importante fortune immobilière de CHF 13'077'615.- déclarée. Elle avait agi dans le cadre d'une activité commerciale.

Dans la mesure où la contribuable avait agi à titre professionnel, la déduction des intérêts passifs ne devait pas être limitée à CHF 420'708.- pour l'ICC et CHF 427'243.- pour l'IFD, leur totalité, soit CHF 525'689.-, devant être déduite.

16) Par courrier du 4 mars 2014, la contribuable a maintenu son recours.

17) Par réplique du 25 avril 2014, elle a persisté dans l'intégralité de ses conclusions.

Elle a repris et précisé l'argumentation formulée précédemment.

Les biens avaient été acquis par l'intermédiaire d'C______, mais sans but de les revendre à court terme. La part véritablement liquide de sa fortune mobilière était de CHF 285'000.- au 31 décembre 2007 et CHF 415'000.- au 31 décembre 2008, le solde des liquidités étant composé d'actions pour environ CHF 10'450'000.- - leur valeur étant surévaluée -, d'une créance de CHF 382'317.- - qui faisait l'objet d'un acte de défaut de biens et ne serait pas remboursée -, de valeurs de rachat d'assurances-vie et de fonds de rénovation. Ces liquidités ne lui permettaient pas le remboursement de plus de CHF 2'000'000.- de dettes hypothécaires effectué durant l'année 2008. La courte durée de possession était la conséquence de facteurs indépendants de sa volonté et ne pouvait donc être considérée comme un critère pertinent. La location de ses propres immeubles relevait de l'administration ordinaire de sa fortune privée. Elle avait vendu uniquement treize biens entre 2008 et 2011, soit deux en 2008, cinq en 2009, cinq en 2010 et un en 2011, les biens vendus en 2011 faisant suite à l'achat d'un seul immeuble, réparti en cinq biens. Le financement de fonds étrangers en matière immobilière n'était pas inhabituel.

18) Par courrier du 14 mai 2014, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

19) Par jugement du 16 juin 2014, expédié pour notification le 18 juin 2014, le TAPI a rejeté le recours et donné acte à l'AFC-GE de ce qu'elle s'était engagée à corriger les taxations en admettant une déduction de CHF 525'689.- à titre des intérêts passifs, renvoyant le dossier à cette dernière pour nouvelles décisions de taxation ICC et IFD 2008 en ce sens.

Entre 2003 et 2011, la contribuable avait effectué de nombreuses opérations d'acquisition et de revente, à des prix ayant régulièrement dépassé plusieurs millions de francs. Elle avait eu recours à d'importants fonds étrangers afin d'acquérir et gérer ses immeubles. Au vu du faible montant des intérêts hypothécaires en 2008, par rapport au prix de vente des deux appartements en cause, c'était en vain que l'intéressée expliquait avoir dû les vendre pour s'acquitter des intérêts dus à sa banque. Il n'y avait aucun doute qu'elle entretenait d'étroites relations professionnelles, en tout cas concernant les deux appartements, avec B______ et C______, actives dans le domaine de l'immobilier. Le type de transaction et la manière de procéder témoignaient d'une organisation et de connaissances qui n'étaient pas l'apanage d'un simple particulier. Elle avait géré les opérations comme une entreprise, impliquant un important investissement personnel et générant un chiffre d'affaires élevé, avec une mise de fonds importante et une grande prise de risque. Au vu de l'ampleur et de la complexité des opérations effectuées sur une courte période, de la courte durée de possession des biens et de l'engagement de fonds étrangers importants, la contribuable avait agi comme une professionnelle de l'immobilier dans l'intention de tirer un revenu. Le bénéfice immobilier réalisé sur la vente des deux appartements en 2008 constituait un revenu soumis à l'impôt sur le revenu et non à l'impôt sur le gain immobilier.

20) Par acte du 18 juillet 2014, posté le même jour, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à l'annulation des bordereaux ICC et IFD 2008, à la confirmation de l'absence de qualification de vente commerciale et à l'injonction à l'AFC-GE d'émettre de nouveaux bordereaux considérant la vente immobilière comme gain en capital privé exonéré de l'impôt sur le revenu.

Elle a repris et complété son argumentation précédente.

Les montant de CHF 14'026'494.- et intérêts de CHF 525'689.- ne correspondaient pas uniquement aux dettes hypothécaires mais incluait CHF 4'931'664.- de dettes chirographaires, soit des dettes envers B______ et des tiers. Vu la prédominance de sa fortune immobilière et le montant de ses revenus annuels, bien inférieurs aux intérêts hypothécaires, elle ne pouvait plus en supporter les coûts.

21) Le 5 août 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

22) Par réponse du 29 août 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle a repris l'argumentation formulée auparavant, relevant que l'intéressée ne faisait pas valoir d'éléments nouveaux pertinents justifiant de s'écarter de la solution confirmée par le TAPI.

23) En l'absence de requêtes complémentaires dans le délai au 12 septembre 2014 imparti par le juge délégué, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 140 al. 1 par analogie et 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 2 let. e de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La question litigieuse consiste à déterminer si la plus-value réalisée lors des ventes des deux appartements du Petit-Saconnex les 31 juillet et 18 septembre 2008 doit être qualifiée, dans le cadre de la taxation pour l'ICC et l'IFD 2008, de gain en capital résultant de l'aliénation d'éléments de la fortune privée, non soumis à l'impôt sur le revenu, ou de bénéfice provenant de l'aliénation d'éléments de la fortune commerciale, imposable.

La notion d'activité indépendante étant identique en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 8 et les références citées), le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 et 2C_60/2013 du 14 août 2013 consid. 1 ; ATA/204/2014 du 1er avril 2014 consid. 3).

3) Il convient préalablement d'examiner le droit matériel applicable.

a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 consid. 10a ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 consid. 13a ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004 consid. 3).

b. En ce qui concerne l'IFD 2008, la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est applicable, dans son état lors de la période fiscale en cause.

c. Les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques ont été abrogées avec l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08 ; art. 69 al. 1 LIPP). La LIPP s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la LIPP (art. 72 al. 1 LIPP).

Le recours portant sur l'ICC 2008, l'ancien droit est applicable, en particulier la loi sur l'imposition des personnes physiques - impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14), entrée en vigueur le 1er janvier 2001 (art. 11 aLIPP-IV).

4) a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 7 al. 1 de la loi sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 1 aLIPP-IV). Sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 7 al. 1 LHID ; art. 3 al. 1 aLIPP-IV). Sont également considérées comme une activité lucrative indépendante, les opérations portant sur des éléments de la fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune (art. 3 al. 1 aLIPP-IV). Tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 LIFD ; art. 8 al. 1 et 2 LHID ; art. 3 al. 2 et 3 aLIPP-IV).

b. Les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée ne sont pas imposables (art. 16 al. 3 LIFD ; art. 7 al. 4 let. b LHID ; art. 10 let. i aLIPP-IV), les règles sur l'imposition des gains immobiliers étant réservées en droit cantonal (art. 10 let. 1 in fine aLIPP-IV).

5) a. La délimitation entre gestion de la fortune privée et transaction professionnelle a fait l'objet d'une abondante jurisprudence tant du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1255/2012 du 26 juin 2013 consid. 7 ; 2C_511/2012 du 15 janvier 2013 consid. 9.2 ; 2C_819/2011 du 20 avril 2012 consid. 3.2 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 5.1 et les nombreux arrêts cités) que de la chambre administrative (ATA/55/2014 du 4 février 2014 consid. 6c ; ATA/671/2013 du 8 octobre 2013 consid. 11 ; ATA/466/2013 du 30 juillet 2013 consid. 3b ; ATA/331/2013 du 28 mai 2013 consid. 5 ; ATA/93/2013 du 19 février 2013 consid. 6 ; ATA/543/2012 du 21 août 2012 consid. 4 et les arrêts cités).

b. Selon cette jurisprudence, la distinction entre un gain privé en capital - non imposable sur le revenu - et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante - imposable sur le revenu -, dépend des circonstances concrètes du cas d'espèce au moment de l'aliénation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_349/2009 du 16 novembre 2009 consid. 4.1.2 ; 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2). La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète toutefois largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés d'impôt ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si l'activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_455/2011 précité consid. 5.1 et les références citées).

c. C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital et les bénéfices (commerciaux) en capital. Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants : le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur (re)vente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. On peut aussi mentionner l'utilisation effective du bien et le motif de son aliénation. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire isolément selon les circonstances, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (ATF 125 II 113 consid. 5b, 5d, 5e et 6a p. 120 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2012 du 28 juin 2012 consid. 4.2 ; 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 6.1 ; 2C_819/2011 précité consid. 3.2 ; 2C_455/2011 précité consid. 5.1 ; 2A.105/2007 du 3 septembre 2007 consid. 3.2 ; ATA/726/2013 du 29 octobre 2013 consid. 11 ; ATA/632/2012 du 18 septembre 2012 consid. 14 ; ATA/422/2012 du 3 juillet 2012 consid. 5 ; ATA/541/2011 du 30 août 2011 consid. 3).

d. Les opérations immobilières d'un contribuable doivent être considérées d'emblée comme commerciales lorsqu'elles sont en relation avec sa profession. Cette relation est directe lorsque l'opération a pour but de procurer du travail au contribuable ou à son entreprise ou que celui-ci utilise les connaissances qu'il a acquises dans sa profession principale. Ainsi en va-t-il pour les personnes exerçant l'un des métiers du bâtiment, tels que les entrepreneurs et les architectes, peu importe que l'immeuble ait uniquement procuré du travail au contribuable ou qu'il l'ait revendu sans transformation (ATA/726/2013 précité consid. 11c et les références citées).

e. La qualification de la nature commerciale ou privée d'un élément de la fortune doit résulter d'une analyse d'ensemble de ces critères et doit être opérée sur chaque immeuble pris individuellement (ATF 122 II 446 consid. 3b p. 449 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2 ; ATA/726/2013 précité consid. 10e).

6) En matière fiscale, l'administration supporte le fardeau de la preuve et doit démontrer l'existence d'éléments imposables, tandis qu'il incombe à celui qui prétend à l'existence d'un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.4 et 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.3). En présence d'indices concluants permettant d'établir l'existence de faits justifiant une imposition, il revient alors au contribuable de remettre en cause le point de vue de l'administration. Il en va de même lorsque la présentation des faits par l'autorité est vraisemblable selon l'expérience de la vie. Dans ces situations, le fardeau de la preuve des allégations contraires à celles de l'administration repose alors sur le contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_818/2012 du 21 mars 2012 consid. 6.2 et la jurisprudence citée ; RDAF 1998 II 24).

7) En l'espèce, l'AFC-GE a relevé un ensemble d'indices indiquant que la plus-value dégagée par les ventes des deux appartements opérées par la recourante en 2008 constituait un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante.

Ainsi, l'AFC-GE a souligné plusieurs éléments dans ses décisions sur réclamation du 15 juillet 2013. En premier lieu, la recourante, en sa qualité d'administratrice et d'actionnaire d'C______, avait des connaissances professionnelles et spécifiques de la branche de l'immobilier, connaissances qu'elle reconnaissait expressément détenir du fait de son activité lucrative. L'achat des appartements en 2006 avait en outre été effectué à C______, ce qu'elle admettait également en expliquant les avoir acquis suite à la finalisation d'une promotion d'C______. Par ailleurs, le contrat d'entreprise général avait été réalisé par le biais d'C______ et les honoraires d'architectes avaient été facturés par B______, dont elle était également l'administratrice et l'actionnaire. Finalement, la durée de possession des appartements vendus, courte, était inférieure à deux ans, ce que la recourante avait elle-même constaté.

Au cours de la procédure, l'autorité intimée a également constaté que seize ventes avaient été effectuées entre 2008 et 2011 - deux en 2008, cinq en 2009, cinq en 2010 et quatre en 2011 - et que la contribuable avait recouru à d'importants fonds étrangers - la contribuable ayant déclaré CHF 11'924'895.- et CHF 454'089.- de dettes et intérêts hypothécaires.

Le TAPI a par ailleurs relevé l'importance des opérations d'acquisition et de revente intervenues entre 2003 et 2011 - seize immeubles ayant été achetés et revendus - et des montants en jeu - le total des ventes s'élevant à CHF 4'075'000.- en 2008, CHF 4'281'358.- en 2009, CHF 1'360'385.- en 2010 et CHF 3'814'672.- en 2011 - ainsi que les étroites relations professionnelles, en relation avec les deux appartements en cause, existant avec B______ et C______, toutes deux actives dans le domaine de l'immobilier. Il a en outre constaté que la recourante s'était investie personnellement de manière importante et avait généré un chiffre d'affaires élevé, gérant les opérations comme une entreprise, le type de transaction et la manière de procéder témoignant d'une organisation et de connaissances professionnelles.

Au vu de ce qui précède, à l'image du TAPI, il convient de constater que le cumul de ces indices - soit la fréquence des opérations, la courte durée de possession des appartements, la relation étroite avec l'activité professionnelle et d'administratrice de la recourante pour deux sociétés actives dans le domaine de l'immobilier, dont l'une spécifiquement dans le commerce, l'exploitation et la construction d'immeubles, l'utilisation de ses connaissances professionnelles et l'engagement de fonds étrangers - indique que la plus-value dégagée par les ventes des appartements en 2008 a été réalisée dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante de la contribuable. Il revenait dès lors à cette dernière de remettre en cause l'existence d'un bénéfice commercial imposable et démontrer l'existence d'un gain en capital sur la fortune privée.

8) La recourante met en avant plusieurs éléments pour réfuter avoir réalisé une opération commerciale.

En substance, elle affirme avoir eu pour intention de garder les deux appartements en cause à long terme, en les louant, afin, dans un premier temps, de rembourser les hypothèques, puis en tant que prévoyance, n'ayant pas de troisième pilier lié. Elle aurait été cependant contrainte de les revendre plus tôt que prévu car elle n'aurait pas trouvé de locataire et aurait subi la pression de sa banque, qui aurait souhaité qu'elle réduise ses engagements.

Toutefois, cette argumentation, reposant sur une unique pièce, soit l'attestation du E______, ne permet pas de contredire la conclusion à laquelle conduit la convergence des indices susmentionnés. En effet, l'intention de la recourante de garder à long terme les biens immobiliers en cause ne ressort pas des circonstances concrètes du cas d'espèce, qui dénotent au contraire une possession de courte durée. En outre, si le motif d'aliénation doit être pris en compte, le but de réduction des engagements bancaires n'indique pas qu'il s'agirait plutôt d'une opération privée, l'existence d'hypothèques importantes tendant au contraire à démontrer l'existence d'une activité lucrative indépendante.

La recourante a par ailleurs contesté, au cours de la procédure administrative, avoir acheté et revendu seize biens entre 2003 et 2011, ceux vendus en 2011 faisant suite à l'achat d'un seul bien. Contrairement à ce que semble estimer la recourante, ceci constitue cependant un indice de plus d'une activité s'apparentant à celle d'un professionnel, achetant un bien et le morcelant aux fins de le revendre. Elle soutient de plus que la vente n'avait aucun lien avec son activité pour C______. Elle a cependant clairement admis avoir acheté les deux appartements suite à la finalisation de la promotion d'C______.

Par conséquent, les éléments soulignés par la recourante ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un gain en capital sur la fortune privée. Il ressort au contraire du dossier qu'elle a agi dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante en vendant les deux appartements en cause en 2008. L'autorité intimée a ainsi à bon droit considéré être en présence d'un bénéfice commercial en capital imposable.

9) Dans ces circonstances, le jugement du TAPI est conforme au droit et le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA ; art. 144 al. 1 par analogie et 145 al. 2 LIFD). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; art. 144 al. 4 p. a. 145 al. 2 LIFD et 64 al. 1 PA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2014 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, représentée par Berney & Associés SA, mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeante :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :