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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/432/2012

ATA/444/2013 du 30.07.2013 sur JTAPI/419/2013 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/432/2012-ICCIFD ATA/444/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2013

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame O______

représentée par Me Raphaël Rey

 

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 avril 2013 (JTAPI/419/2013)


EN FAIT

Madame O______ (ci-après : la contribuable ou la recourante), née le ______1922, est contribuable et domiciliée à Genève.

Par ordonnance du Tribunal tutélaire du 4 décembre 2008, elle a été mise sous curatelle volontaire au sens de l'art. 394 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2012.

Inventoriant les biens de sa pupille, le curateur a constaté que la contribuable n'avait pas déclaré à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le contenu d'un coffre-fort détenu auprès de la Banque cantonale de Genève et un compte bancaire auprès de la Banque postale à Grenoble. Le curateur a mentionné ces biens dans la déclaration fiscale 2008 de la contribuable.

Constatant une augmentation de la fortune, le service des titres de l'AFC-GE a adressé au curateur deux demandes de renseignements supplémentaires, respectivement les 23 juin et 4 août 2009. Le curateur y a donné suite le 4 septembre 2009, par le biais d'une fiduciaire.

Le 25 mars 2011 l'AFC-GE a informé le curateur qu'une procédure en rappel d'impôt et une procédure pénale en soustraction d'impôt étaient ouvertes pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2001-B à 2007. Par courriers ultérieurs, l'AFC-GE a réclamé des documents complémentaires que le curateur a régulièrement transmis.

Par décision du 4 novembre 2011, l'AFC-GE a informé le curateur que les deux procédures étaient terminées. Le supplément d'impôt ainsi que les intérêts de retard tant pour l'ICC que pour l'IFD se décomposaient comme suit :

 

Année fiscale

Suppl. d'impôts

Intérêts de retard

ICC 2001

CHF 1'079,25

CHF 284,00

ICC 2002

CHF 1'031,50

CHF 230,20

ICC 2003

CHF 1'064,65

CHF 195,00

ICC 2004

CHF 1'026,50

CHF 167,50

ICC 2005

CHF 874,30

CHF 116,45

ICC 2006

CHF 1'044,65

CHF 108,80

ICC 2007

CHF 950,55

CHF 70,95

Total ICC

CHF 7'071,40

 

 

 

 

 

Année fiscale

Suppl. d'impôts

Intérêts de retard

IFD 2001

CHF 73,35

CHF 26,00

IFD 2002

CHF 74,40

CHF 23,40

IFD 2003

CHF 69,40

CHF 19,15

IFD 2004

CHF 65,60

CHF 15,80

IFD 2005

CHF 57,05

CHF 11,75

IFD 2006

CHF 61,95

CHF 10,60

IFD 2007

CHF 24,75

CHF 3,35

Total IFD

CHF 426,05

 

 

L'AFC-GE a notifié en sus deux bordereaux d'amendes respectivement de CHF 5'303.- pour l'ICC et CHF 322.- pour l'IFD. Ces amendes étaient fixées au trois quarts du montant des droits éludés pour tenir compte de l'excellente collaboration du curateur. Les bordereaux d'amendes couvraient la période 2001-B à 2007, malgré leur intitulé « amende 2007 ».

La contribuable, agissant par son curateur, a élevé réclamation le 5 décembre 2011 contre les deux bordereaux d'amendes. Elle sollicitait une réduction de l'amende à un cinquième de l'impôt soustrait, en application de l'art. 175 al. 3 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), applicable lorsque le contribuable dénonçait spontanément la soustraction avant que l'autorité fiscale en ait connaissance. La soustraction d'impôt n'était pas contestée.

Par décisions du 16 décembre 2011, l'AFC-GE a maintenu les deux bordereaux d'amendes. Les avoirs non déclarés, mentionnés sans autre remarque dans la déclaration en cours, ne valaient pas dénonciation spontanée.

Le 27 janvier 2012, la contribuable a recouru contre les deux décisions du 16 décembre 2011 de l'AFC-GE. Elle reprenait les arguments développés dans sa réclamation.

L'AFC-GE a maintenu sa position dans sa réponse au recours du 18 mai 2012.

Par jugement du 8 avril 2013, le Tribunal administratif de première instance (ci-après TAPI) a partiellement admis le recours. Le dossier a été renvoyé à l'AFC-GE pour nouveau bordereau d'amende pour la soustraction de l'ICC 2002 à 2007, équivalant aux trois quarts des impôts soustraits. Un émolument de CHF 500.- a été mis à la charge de la recourante.

Le TAPI a considéré que l'amende relative à la soustraction d'impôt pour l'ICC 2001 devait être annulée, l'infraction étant prescrite, et a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour l'établissement d'un nouveau bordereau d'amende, excluant l'année 2001.

Sur le plan de l’ICC, la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) réglait les questions de prescription de l'action pénale dès le 1er janvier 2002. Elle n'était applicable à l'amende relative à l'année fiscale 2001-B, selon le principe de la lex mitior que si elle instituait des délais plus favorables que ceux prévus par l’ancien droit (art. 84 LPFisc ; ATA/317/2007 du 12 juin 2007). Si la loi pénale en vigueur au moment de la commission de l’infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé d’un jugement définitif étaient différentes, le juge devait appliquer celle dont les dispositions étaient les plus favorables au prévenu (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_620/2009 du 7 mai 2010 consid. 4.3.2). Selon le droit en vigueur en 2001, soit l’art. 341A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (aLCP - D 3 05), la prescription relative des infractions visées aux art. 340 et 341 aLCP était de cinq ans, non compris l’année courante. Ce délai commençait à courir dès la commission de l’infraction et était interrompu par tout acte tendant à la poursuite de l’infraction (ATA/267/2008 du 27 mai 2008 consid. 9). S’agissant de la prescription absolue, l'aLCP, n’en prévoyait pas et les travaux préparatoires ne l’évoquaient pas. Le Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de la Cour de justice le 1er janvier 2011 (ci-après : la chambre administrative), avait toujours fait application d’un délai de prescription absolue de dix ans selon un raisonnement analogue à celui fait par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 1P.288/1990 du 26 février 1991 (ATA/265/2007 du 22 mai 2007 et les références citées). Ce délai commençait à courir dès la commission de l’infraction (ATA/346/2006 du 20 juin 2006). Le nouveau droit, soit les art. 59 et ss LPFisc et 60 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), prévoyaient un délai de prescription relative de dix ans et absolue de quinze ans. En l’espèce, le nouveau droit n’étant pas plus favorable, il était fait application d’une prescription relative de cinq ans et absolue de dix ans. La recourante avait déposé sa déclaration incomplète le 16 avril 2002. Depuis cette date, et jusqu'au 25 mars 2011, aucun acte de poursuite pénale n'avait été effectué par l'AFC-GE, de sorte que la prescription relative de l'ICC pour 2001-B était atteinte. Il en allait de même pour la prescription absolue, le délai décennal depuis la commission de l’infraction étant arrivé à son terme depuis le 16 avril 2002. L'infraction qui aurait été, cas échéant, commise en 2001 ne pouvait plus être sanctionnée et l'amende y relative devait donc être annulée.

Pour le surplus, la quotité des amendes aux trois quarts du droit éludé était confirmée, tout comme l'amende au titre de l'IFD 2001 à 2007.

Par acte déposé le 17 mai 2013, l'AFC-GE a recouru contre le jugement du TAPI. Elle a conclu à l'annulation du jugement du 8 avril 2013 en tant qu'il déclarait prescrite l'amende portant sur l'ICC 2001 et à la confirmation de sa propre décision du 16 décembre 2011 pour l'ICC.

Les dispositions appliquées par le TAPI n'étaient pas contestées, tout comme le principe de la lex mitior. Seule était contestée l'articulation entre la LHID et les lois cantonales. Il était fait grief au TAPI de n'avoir pas respecté le principe de la primauté du droit fédéral au sens de l'art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

La LHID était entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Elle était directement applicable pour les cantons dès le 1er janvier 2001 si leur législation fiscale ne lui était pas conforme (art. 72 al. 1 et 2 LHID). Au moment des faits, le délai de prescription des art. 340 et 341 aLCP était de cinq ans, non compris l'année courante (art. 341A aLCP). Comme l'avait mentionné le TAPI, l'aLCP ne prévoyait pas de prescription absolue alors que la LHID instaurait des délais, respectivement de dix ans pour la prescription relative et quinze ans pour l'absolue. La prescription de l'action pénale étant réglée exhaustivement par la LHID, les cantons ne disposaient d'aucune marge dans la concrétisation de ces principes de droit fédéral. La LHID était directement applicable pour l'ICC 2001 selon son art. 72. Ces délais étaient d'ailleurs repris par la LPFisc dès 2002 et étaient ceux de la LIFD. Si une comparaison en vue de l'application de la lex mitior devait être faite, il convenait de comparer la LHID et la LPFisc, en vigueur au moment où l'amende avait été infligée. Le principe de l'harmonisation verticale s'opposait à ce que dans le cadre de l'application de la lex mitior, le TAPI fasse application d'une loi qui n'était harmonisée ni verticalement, ni horizontalement. Si l'aLCP avait été compatible avec la LHID, il aurait pu être fait application de celle-là. Le délai de prescription relative étant de dix ans, il avait été valablement interrompu avant son échéance. La prescription absolue de quinze ans n'étant pas atteinte, l'amende ICC 2001 n'était pas prescrite.

Le TAPI n'a pas formulé d'observations mais a produit son dossier le 7 juin 2013.

Dans sa réponse au recours du 19 juin 2013, la contribuable a relevé que l'objet du recours était la prescription de l'amende concernant l'ICC 2001, soit CHF 757.-. L'AFC-GE invoquait une question de principe, vraisemblablement jamais tranchée. Vu la très faible valeur litigieuse, elle s'en rapportait à justice et demandait qu'aucun émolument de justice ne soit mis à sa charge.

Par courrier du 1er juillet 2013, la chambre administrative a informé les parties qu'elle gardait la cause à juger.

 

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le litige porte sur la question de la prescription de la poursuite pénale de l'amende relative à l'ICC 2001.

Conformément à la jurisprudence, les autorités de recours examinent cette question d'office lorsqu'un particulier est débiteur de l'Etat (ATF 106 Ib 364 ; ATA/363/2013 du 11 juin 2013 et la jurisprudence citée).

La LHID est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Elle désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit. Lorsqu’aucune réglementation particulière n’est prévue, les impôts cantonaux et communaux sont établis en vertu du droit cantonal. Restent en particulier de la compétence des cantons la fixation des barèmes, celle des taux et celle des montants exonérés d’impôt (art. 1 al. 1 et 3 LHID).

Les cantons devaient adapter leur législation aux dispositions des titres deuxième à sixième dans les huit ans qui suivaient l’entrée en vigueur de la LHID. A l’expiration de ce délai, le droit fédéral était directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s’en écartaient. Le gouvernement cantonal édictait les dispositions provisoires nécessaires (art. 72 LHID).

Le titre sixième de la LHID (art. 55 à 61) traite des dispositions pénales. La teneur actuelle de l'art. 58 LHID est identique à celle applicable en 2001. La poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée se prescrit par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle le contribuable n’a pas été taxé ou l'a été de façon incomplète (al. 2). La prescription est interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite de l’infraction introduit à l’encontre du contribuable. Un nouveau délai commence à courir à chaque interruption. La prescription ne peut toutefois être prolongée de plus de la moitié de sa durée initiale (al. 3).

Sur le plan cantonal et jusqu'en 2000, l'ICC a été réglé par l’aLCP. En effet, les dispositions fiscales entrées en vigueur le 1er janvier 2001 ont abrogé la plupart des dispositions de la LCP.

Les dispositions consacrées aux rappels d'impôt et pénalités n'ont été abrogées que le 1er janvier 2002 par l'entrée en vigueur de la LPFisc.

Selon l'art. 341 aLCP, tout contribuable qui, dans l'intention de frauder le fisc, le trompe ou cherche à le tromper relativement à ses éléments d'imposition, soit en faisant des déclarations volontairement inexactes, soit en produisant des pièces non conformes à la réalité, soit en dissimulant des pièces qui déterminent pour lui l'obligation de payer l'impôt, est frappé d'une amende fiscale pouvant s'élever jusqu'à 10 fois le montant de l'impôt éludé.

L'art. 341A aLCP précisait que la prescription des infractions visées aux articles 340 et 341 aLCP était de cinq ans, non compris l'année courante.

Par ailleurs, l'aLCP ne comportait pas de délai de prescription absolu. Toutefois, en raison de son caractère pénal, l'amende pour soustraction d'impôt était soumise à un délai de prescription absolu de dix ans, conformément à la jurisprudence et au droit pénal spécifique applicable à ce type de sanction à l'époque (ATA/18/2013 du 8 janvier 2013; ATA/445/2010 du 29 juin 2010 ; ATA/346/2006 du 20 juin 2006 et les références citées).

S’agissant de l’ICC 2001, il était aussi régi par l'ancienne loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP), divisée en quatre parties (LIPP-I, LIPP-II, LIPP-III et LIPP-IV), entrée en vigueur le 1er janvier 2001 en application de la LHID. L'aLIPP ne contenait aucune disposition sur la prescription de l'action pénale.

Les règles de procédure sont soumises à la LPFisc qui s'applique depuis le 1er janvier 2002, y compris aux causes qui étaient encore pendantes (art. 86 LPFisc).

En application du principe de la lex mitior, la LPFisc prévoit la rétroactivité en matière de sanctions pénales. Elle dispose à son article 84 que les sanctions pénales, afférentes à des infractions réalisées avant son entrée en vigueur, sont prononcées conformément à l'ancien droit, dans la mesure où le nouveau droit n'est pas plus favorable. La LPA est au surplus applicable dans la mesure où la LPFisc n'y déroge pas (art. 2 al. 2 LPFisc).

Selon l'art. 77 al. 1 let. b LPFisc, la poursuite pénale se prescrit, en cas de soustraction d’impôt consommée, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète. L'alinéa 2 précise que la prescription est interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable. Un nouveau délai commence à courir à chaque interruption. La prescription ne peut toutefois être prolongée de plus de la moitié de sa durée initiale (art. 77). Le délai de prescription absolue est donc de quinze ans (ATA/359/2011 du 7 juin 2011 consid. 16 ; ATA/445/2010 du 29 juin 2010 consid. 6b ; ATA/265/2007 du 22 mai 2007 consid. 3 ; ATA/440/2005 du 21 juin 2005 consid. 3 ; ATA/547/2001 du 28 août 2001 consid. 8 et les références citées).

En vertu de la primauté du droit fédéral, les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la réalisation (ATF 127 I 60 consid. 4 p. 68 ; ATF 126 I 76 consid. 1 p. 78; ATF 125 I 474 consid. 2a p. 480 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, de l'esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; ATF 183 consid. 4 p. 185 ; 177 consid. 3 p. 179 ; ATF 128 II 66 ; ATF 125 II 192 consid. 3a p. 196 ; RDAF 1998 II p. 148 consid. 2c p. 151).

Le message du Conseil Fédéral concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que l'impôt fédéral (Message sur l'harmonisation fiscale - FF 1983 III 5) du 25 mai 1983 mentionne qu'en « exécution de l'article 42quinquies Cst., les projets de lois présentés dans le message visent à harmoniser la législation des cantons et ont pour but d'élaborer des principes régissant l'assujettissement à l'impôt, l'objet et le calcul des impôts dans le temps ainsi que la procédure et le droit pénal en matière fiscale. C'est l'objet du projet de loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Cette loi doit permettre de tenir compte de la mobilité toujours plus grande de la population, des imbrications économiques qui dépassent toujours plus les frontières cantonales ainsi que du besoin de rationalisation. En même temps, elle propose des mesures de simplification, aussi bien pour les contribuables que pour les autorités fiscales, répondant ainsi à des demandes exprimées de maintes parts. L'harmonisation de la charge fiscale n'est pas réalisée - conformément au mandat constitutionnel - car la fixation des barèmes, des taux et des montants exonérés d'impôt demeurent du ressort des cantons. (…). La Conférence des Directeurs cantonaux des finances (ci-après : CDCF) recommanda d'utiliser la loi-modèle comme « base de travail pour la poursuite des travaux en vue de l'harmonisation fiscale entre les cantons, pour la révision des lois fiscales cantonales et pour l'adoption d'une loi sur l'impôt fédéral direct ».

L'harmonisation fiscale vise un ajustement réciproque des impôts directs de la Confédération et des cantons, une plus grande transparence du système fiscal suisse et une simplification de la taxation, tout en ménageant le plus possible l'autonomie - en particulier financière - des cantons. Elle ne doit pas conduire à une uniformisation des systèmes fiscaux, mais à leur coordination sur la base du principe de subsidiarité (art. 46 al. 2 Cst.). Toutefois, dans les domaines où il n'existe pas ou plus de besoin de régime cantonal différent, il se justifie d'admettre une harmonisation plus poussée sur la base du droit fédéral, même si cela ne ressort pas clairement de la lettre de la loi. En effet, le champ d'autonomie cantonale doit avoir une fonction claire et déterminée et n'est pas un but en soi (ATF 128 II 65 consid. 6a).

Sur le plan cantonal, lors des travaux préparatoires de la LPFisc la non-conformité de certaines dispositions cantonales à la LHID a été expressément relevée : « Le délai de 8 ans a expiré le 1er janvier 2001. Or, la troisième partie de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, contient de nombreuses dispositions qui ne sont pas compatibles avec la LHID ». Les art. 340 à 341A aLCP étaient donnés en exemple (MGC 2001 28/VI 5110).

L'exposé des motifs relevait que les délais de prescription (relatif et absolu) proposés dans le projet de la LPFisc (art. 79 du projet, et 77 de la loi actuelle) étaient identiques au texte de l'art. 58 LHID (MGC 2001 28/VI 5214).

Entrée en vigueur le 1er janvier 2012, la LPFisc a adopté un délai de prescription de l'action pénale relatif de dix ans et absolu de quinze ans, à l'instar de la LHID.

L'AFC-GE conteste l'application de la lex mitior faite par le TAPI qui a comparé l'aLCP et la LPFisc.

Le TAPI ne pose pas la question de l'application de la LHID à la prescription de l'action pénale de l'amende ICC 2001, en qualifiant la LHID de « nouveau droit », à l'instar de la LPFisc (consid. 12 in fine). Or, la LHID était directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s’en écartaient. dès le 1er janvier 2001 et non dès le 1er janvier 2002.

Lors de son analyse de la prescription de la procédure de rappel d'impôt ICC 2001, le TAPI a admis l'application de la LHID au détriment de l'aLCP, celle-ci n'étant pas conforme à la loi fédérale (JTAPI/419/2013 p. 7 consid. 10). Il précise que la LHID ne trouve application dans le cas d'espèce que pour l'année 2001 (consid. 11).

De jurisprudence constante, la chambre administrative a appliqué à la prescription de l'action pénale relative aux amendes ICC l'aLCP jusqu'à la fin de l'année 2001 (art. 341 et 341A aLCP) et la LPFisc à compter du 1er janvier 2002 (ATA/18/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/359/2011 du 7 juin 2011 ; ATA/445/2010 du 29 juin 2010 consid. 6c).

Il convient de revenir sur cette jurisprudence, et de faire application des art. 58 et 72 LHID.

Il ressort de la lettre de l'art. 58 LHID que les délais de prescription – a contrario, la marge de liberté restant aux cantons en cette matière - y sont réglés exhaustivement.

Le Message précité du Conseil Fédéral de 1983 confirme que l'harmonisation voulue concernait prioritairement notamment le droit pénal en matière fiscale.

Le Mémorial du Grand Conseil genevois relatif à l'adoption de la LPFisc relevait en 2001 l'incompatibilité de l'art. 341A aLCP avec la LHID. Le projet de loi avait précisément pour but d'harmoniser le droit cantonal au droit fédéral dès le 1er janvier 2002.

Le Tribunal Fédéral a déjà eu l'occasion de juger que certaines dispositions cantonales genevoises n'étaient pas conformes à la LHID et de rappeler que celle-ci était directement applicable depuis le 1er janvier 2001 (ATF 128 II 56 ; ATF 128 II 66).

Force est dès lors de constater qu'en 2001, en application de l'art. 72 LHID, la prescription de l'action pénale en matière d'amende ICC était régie directement par l'art. 58 LHID et non par l'art. 341A aLCP.

L'application de la lex mitior pour l'ICC 2001-B doit, par voie de conséquence, se faire entre la LHID, directement applicable en 2001 et la LPFisc.

En l'occurrence, les deux systèmes sont similaires, à savoir un délai de prescription relatif de dix ans et absolu de quinze ans.

La poursuite de la soustraction d’impôt consommée se prescrit par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle le contribuable n’a pas été taxé ou l’a été de manière incomplète (art. 56, al. 2 ab initio). La prescription est interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite de l’infraction introduit à l’encontre du contribuable Un nouveau délai commence à courir à chaque interruption ; la prescription ne peut toutefois être prolongée de plus de la moitié de sa durée initiale (art. 56 al. 3).

La notion d’acte interruptif de la prescription fiscale s’interprète largement. Conformément à la jurisprudence, tous les actes de l’autorité qui sont portés à la connaissance du contribuable dans le processus tendant à déterminer la créance ont pour effet d’interrompre la prescription même s’ils ne continuent pas concrètement la procédure de taxation. Il en va ainsi non seulement des actes de perception de l’impôt proprement dit mais aussi de l’ensemble des autres actes officiels, à l’image de simples lettres ou d’injonctions s’inscrivant dans le suivi de la taxation (ATA/632/2012 du 18 septembre 2012 ; ATA/469/2012 du 31 juillet 2012).

En l'espèce, à compter de 2001, fin de la période fiscale pour laquelle la contribuable a été taxée de manière incomplète, le délai de prescription de l'action pénale de dix ans a été valablement interrompu, par les différents courriers de l'AFC-GE, notamment l'ouverture de la procédure pénale en soustraction d'impôt le 25 mars 2011. Le délai absolu de quinze ans n'étant pas écoulé, l'amende relative à l'ICC 2001 n'est pas prescrite.

Bien fondé, le recours de l'AFC-GE sera admis partiellement, le jugement du TAPI annulé et les décisions sur réclamation du 16 décembre 2011 de même que les bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD et d'amende ICC et IFD 2001-B à 2007 du 4 novembre 2011 rétablis.

Les frais de première instance sont maintenus.

En application de l'art. 87 LPA, il est renoncé à un émolument à charge de l'intimée dans la procédure d'appel. Aucune indemnité de procédure n'est allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2013 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 avril 2013 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 avril 2013 en ce qu'il admet la prescription de l'amende ICC 2001-B ;

le confirme pour le surplus ;

rétablit les décisions sur réclamation du 16 décembre 2011 ainsi que les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2001B à 2007 du 4 novembre 2011 et les deux bordereaux amendes ICC et IFD 2001-B à 2007 ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué aucune indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Raphaël Rey, avocat de Madame O______, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :