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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4724/2006

ATA/359/2011 du 07.06.2011 sur DCCR/773/2009 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4724/2006-ICCIFD ATA/359/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2011

2ème section

dans la cause

 

P______ S.A.
représentée par Me Jean Donnet, avocat

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 28 juillet 2009 (DCCR/773/2009)


EN FAIT

1. La présente cause concerne la taxation de la société P______ S.A. (ci-après : la société ou la contribuable) pour les exercices fiscaux 1999 à 2003. A la date du dépôt du recours déposé dans la présente cause le 5 septembre 2009 auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le contentieux ne portait que, pour les exercices fiscaux 1999 à 2003, sur la déductibilité au plan fiscal de charges comptabilisées par la société, certaines dépenses de « loyer », de « frais de voyage et représentation », ainsi que de « frais de véhicule ». Pour l’exercice 2003, s’y ajoutait un litige relatif à la déductibilité de « frais forfaitaires » payés aux deux administrateurs de la société. Ce dernier point n’est plus litigieux, la recourante s’étant ralliée, dans ses dernières conclusions, à la position de l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) sur ce point.

Par souci de clarté, ne seront rappelés ci-après que les éléments de fait en rapport avec les points encore litigieux.

2. Fondée en 1983, la société P______ S.A., de siège à Genève, a pour but social la gérance de fortune et les activités fiduciaires.

Pendant la période considérée, Monsieur B______ a présidé son conseil d’administration, auquel Monsieur S______ a également participé.

3. La contribuable a adressé ses déclarations fiscales, avec leurs annexes, à l’AFC-GE comme suit :

Le 30 mars 1999 pour l’exercice 1999 ;

Le 5 mars 2001 pour l’exercice 2000 ;

Le 31 mai 2002 pour l’exercice 2001 ;

Le 21 mars 2003 pour l’exercice 2002.

Impôt de la société pour l’ICC et l’IFD 1999 à 2002

4. Sur la base des déclarations fiscales des exercices 1999 à 2002 que la contribuable a remis à l’AFC-GE, celle-ci lui a adressé des bordereaux pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), ainsi que pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) selon le tableau suivant :

Année fiscale

1999

2000

2001

2002

Bénéfice net déclaré

34’139.-

3’017.-

0

0

Bénéfice imposé en ICC

34’139.-

3’017.-

0

0

Bénéfice imposé en IFD

34’000.-

3’000.-

0

0

Capital imposé

893’352.-

896’369.-

762’787.-

639’090.-

ICC dû

11’827,70

4’463,95

3’546,75

2’947,75

IFD dû

11’827,70

4’463,95

3’546,75

2’947,75

Date du bordereau ICC

31.05.2000

22.05.2001

04.11.2002

28.04.2004

Date du bordereau IFD

02.06.2000

25.05.2001

-

-

Procédure de taxation pour l’ICC et l’IFD 2002

5. Le 2 avril 2003, au cours de l’instruction de la taxation 2002, l’AFC-GE a adressé à la société une demande de renseignements au sens des art. 31 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 126 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). Cette dernière devait fournir sous huit jours les comptes 2002 acceptés par l’assemblée générale. Rappel était fait de la nécessité pour tout contribuable astreint à la tenue d’une comptabilité de dresser chaque année des états financiers conformes aux dispositions de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220). De même, les comptes en question devaient être approuvés par l’assemblée générale pour être probants au plan fiscal. Des états financiers provisoires ne remplissaient pas ces conditions. La contribuable devait également renvoyer chaque année, dûment complétés, les formulaires relatifs à l’état des dettes, des titres et des participations en capitaux, ainsi que les questionnaires contenant les renseignements complémentaires relatifs aux comptes annuels.

6. La contribuable s’est exécutée par courrier du 30 avril 2003. Suite à cela, l’AFC-GE lui a demandé, par courrier du 12 mai 2003, le détail et la justification du poste comptable relatif aux salaires, indemnités et charges sociales, ce qu’elle a fait le 22 mai 2003.

7. Le 12 février 2004, l’AFC-GE a écrit à la société pour lui demander des renseignements complémentaires. Elle devait notamment donner le détail et la justification du poste « frais de voyage et représentation », dont le montant s’était élevé en 2002 à CHF 199’626.-.

8. Le 30 mai 2004, la contribuable a donné suite à cette requête sous la forme d’un relevé fournissant le détail du compte précité, soit le détail du montant composant ce poste comptable. Y figurait le nom des bénéficiaires du paiement sans autre indication relative au motif de celui-ci ou au client en rapport avec lequel il était fait.

Procédure de taxation pour l’ICC et l’IFD 2003

9. Le 16 juin 2004, la contribuable a déposé sa déclaration fiscale 2003, de laquelle il ressortait une perte nette de l’exercice de CHF 115’223.-. Le capital propre imposable s’élevait à CHF 523’867.-.

Dans le compte de pertes et profits de l’exercice 2002/2003, lequel se clôturait le 30 septembre 2003, la contribuable avait notamment passé en charges de « loyer » et charges locatives pour CHF 156’792.-, des « frais de voyage et représentation » pour CHF 188’948.- et des honoraires pour CHF  104’460.-. Au 31 décembre 2003, elle avait versé des « frais de voyage et représentation » à ses deux administrateurs, CHF 510’620.- de salaire brut AVS, dont CHF 347’973.- à M. B______. Elle leur avait, en sus de cela, versé CHF 90’109.- de « frais forfaitaires », dont CHF 61’407.- à ce dernier.

10. Le 7 juillet 2004, l’AFC-GE a informé la contribuable qu’elle procéderait à un contrôle de sa comptabilité et lui a demandé la mise à disposition de tous ses documents comptables et pièces justificatives. Celui-ci a eu lieu dans les locaux de la contribuable les 11 et 12 août 2004.

Procédure en rappel d’impôt sur les périodes 1999 à 2002

11. Le 2 novembre 2004, par deux plis séparés, l’AFC-GE a informé la contribuable de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt au sens des art. 59, 69 ss et 74 de la LPFisc, et en soustraction fiscale au sens des art. 151, 175 ss et 181, de la LIFD. La procédure porterait sur les périodes fiscales 1999 à 2002. La société était priée de transmettre à l’AFC-GE, pour les exercices 1999 à 2001, une copie du grand-livre relatif aux rubriques comptables No______ « frais forfaitaires », No______ « indemnités forfaitaires », No______ « loyer », No______ « frais de véhicule », No______ « frais de voyage et représentation ». Pour l’année 2002, seule une copie d’extraits du grand-livre relatifs aux rubriques « loyer » et « frais de véhicule » était requise.

12. Le 13 décembre 2004, l’AFC-GE a informé la contribuable que la procédure de rappel d’impôt portant sur l’exercice fiscal relatif à l’ICC 1999 était terminée. Elle lui a remis un bordereau de rappel d’impôt ICC, dont il résultait un supplément d’impôt de CHF 62’621,05, plus CHF 10’276,80 d’intérêts de retard. Elle se réservait d’infliger une amende, portant également sur cette période, lorsque l’ensemble de la procédure de redressement fiscal serait terminé.

Elle avait effectué des reprises pour un montant total de CHF 267’726.- sur les différents postes comptables, dont elle avait demandé la production des détails du grand-livre, savoir :

- compte No______ « frais forfaitaires » : CHF 72’043 pour double emploi avec les frais effectifs ;

- compte No______ « indemnités forfaitaires » : CHF 38’074.- pour double emploi avec les frais effectifs ;

- compte No______ « loyer » : CHF 14’364.-, correspondant au montant du loyer annuel d’un appartement situé dans le même immeuble de celui de M. B______, que l’AFC-GE refusait de considérer comme « à usage commercial ».

- compte No______ « frais de véhicule » : CHF 8’089.-, en rapport avec la comptabilisation d’amendes liées à l’utilisation de véhicules (CHF 3’540.-), de « frais de véhicule » privés (CHF 750.-) et d’une facture adressée à une autre société partageant les locaux avec P______ S.A. (CHF 3’799.-).

- compte No______ « frais de voyage et représentation »: CHF 135’156.-, représentant les 2/5 de la part privée de « frais de voyage et représentation » comptabilisés en CHF 337’891.-.

Avec le courrier précité, l’AFC-GE a également transmis un avis de modification au sens des art. 36 LPFisc et 131 LIFD reprenant les montants précités.

13. Le 13 janvier 2005, la société a réclamé auprès de l’AFC-GE contre le bordereau précité. Les dépenses comptabilisées étaient nécessaires à la bonne marche des affaires et les reprises effectuées étaient infondées. L’appartement privé de M. B______ n’était pas suffisamment vaste pour qu’il puisse y installer un espace de travail. C’était la raison pour laquelle il avait loué un petit appartement qui jouxtait celui-là. Tous les « frais de véhicule » comptabilisés, amendes incluses, étaient incontournables et liés à l’activité de la société. Il en allait de même des « frais de voyage et représentation ». Il fallait à ce sujet tenir compte de la composition de la clientèle de la contribuable, qui nécessitait d’importants efforts pour être maintenue et développée. S’il y avait quelques montants de caractère privé qui auraient pu ne pas être comptabilisés, cela ne justifiait pas la reprise forfaitaire de 2/5 effectuée linéairement par l’AFC-GE.

14. Cette réclamation a fait l’objet d’une instruction sous la forme de trois entretiens entre M. B______, son conseil et les représentants de l’AFC-GE qui se sont déroulés les 25 avril, 22 juin et 28 septembre 2005. Le premier et le troisième ont fait l’objet de notes, versées au dossier de l’AFC-GE.

Selon celle établie à la suite de l’entretien du 22 juin 2005, la contribuable avait présenté, pour justifier le poste « voyages et représentation », les relevés du compte No______ en identifiant chaque écriture par une lettre telle que P pour « client potentiel », C pour « client », A pour « apporteur d’affaire », E pour « séminaire ». Les numéros attribués à ces écritures correspondaient aux différents clients. De son côté, l’AFC-GE avait refusé d’admettre la déduction du loyer de l’appartement loué par la contribuable dans l’immeuble du domicile de M. B______ car il s’agissait d’une location de convenance personnelle.

Selon celle établie suite à l’entretien du 28 septembre 2005, si, s’agissant des « frais de voyage et représentation », la contribuable avait justifié les frais généraux et le fait qu’elle avait défalqué chaque année de ceux-ci un montant qu’elle avait remboursé à titre de « frais privés », la contrôleuse avait de la difficulté à reconstituer le montant des « frais de voyage et représentation ».

Par la suite, l’instruction de la procédure de réclamation précitée a été regroupée avec celles relatives aux procédures de réclamations formées par la contribuable contre les décisions de taxation des exercices ultérieurs, soit pour les années 2000 à 2002 (cf. ch. 19 infra).

15. Le 16 décembre 2005, l’AFC-GE a notifié à la contribuable un bordereau de rappel d’impôt ICC 2000. Le supplément s’élevait à CHF 56’839,55 et les intérêts de retard à CHF 9’184,30.-. Le compte No______ « loyer » faisait l’objet d’une reprise de CHF 14’364.- pour les mêmes motifs que la reprise effectuée pour l’exercice 1999. Le compte No______ « frais de véhicule » d’une reprise de CHF 1’700.- pour les amendes comptabilisées. Le compte No______ « voyages et représentation » d’une reprise de CHF 94’183,90, soit les 2/5 des « frais de voyage et représentation » comptabilisés en CHF 235’459,75. Le montant total des reprises était de CHF 241’972,80.

16. Le 18 janvier 2006, la société a réclamé contre le bordereau de rappel d’impôt 2000 du 16 décembre 2005, reçu le 19 décembre 2005. Elle reprenait l’argumentation qu’elle avait développée dans sa réclamation relative à l’exercice 1999.

Procédure en rappel d’impôt relative à l’ICC 2001 et 2002

17. a. Le 4 avril 2006, l’AFC-GE a informé la contribuable que les procédures de rappel d’impôt pour les années 2001 et 2002 et de soustractions d’impôt pour toutes les années litigieuses étaient terminées.

b. Pour l’ICC 2001, le montant des reprises s’élevait à CHF 110’701,60. Celles-ci portaient sur le compte No______ « loyer » en CHF 14’364.-, le compte No______ « frais de véhicule » en CHF 3’710.- et le compte No______ « voyages et représentation » en CHF 92’467,60, plus CHF 160.-. Il n’en résultait toutefois aucun bordereau de rappel d’impôt car ces reprises n’avaient eu d’influence que sur le montant des pertes reportables 2001 sur l’année de taxation 2002.

c. Pour l’ICC 2002, le total des reprises s’élevait à CHF 97’754.-. Celles-ci portaient sur le compte No______ « loyer » en CHF 14’364.-, le compte No______ « frais de véhicule » en CHF 3’540.- et le compte No______ « voyages et représentation » en CHF 79’850,55. Pour l’ICC 2002, le rappel d’impôt s’élevait à CHF 10’973,15, plus intérêts de retard en CHF 1’070,65.

Les reprises étaient fondées sur les mêmes motifs que celles relatives aux années 1999 et 2000.

Amende fiscale suite au rappel d’impôt ICC 1999 à 2002

18. Par le bordereau du 4 avril 2006 également, l’AFC-GE a infligé à la contribuable une amende de CHF 72’249.-, dont CHF 35’378.- concernaient l’exercice ICC 1999 et CHF 25’897.- l’exercice ICC 2000. Celle-ci avait comptabilisé un « loyer » privé, des « amendes d’ordre » ainsi que des « frais privés » dans les comptes. La société n’avait ainsi pas été imposée sur sa réelle capacité contributive. Il en résultait une soustraction d’impôt intentionnelle de sa part. L’AFC-GE avait tenu compte de la bonne collaboration de la contribuable mais également de la répétition de l’infraction. Une pénalité d’une fois le montant de l’impôt éludé était calculée. Le montant de l’amende tenait compte des suppléments ICC pour les années 1999 et 2000 recalculés, le montant des reprises n’étant plus que de CHF 151’255.75 pour l’année 1999 et de CHF 110’247,90 pour l’année 2000.

Procédure en rappel d’impôt relative à l’IFD 1999 à 2002

19. Le 4 avril 2006 également, l’AFC-GE a avisé la contribuable que les procédures en soustraction d’impôt fondées sur la LIFD pour les périodes fiscales considérées étaient terminées. Elle lui a remis trois bordereaux de rappel d’impôt, dont il résultait pour la période fiscale 1999 un supplément d’impôt de CHF 12’860,50, plus intérêts de retard en CHF 2’878,25, pour la période fiscale 2000 un supplément d’impôt de CHF 9’367.-, plus intérêts de retard en CHF 1’706,10, et pour la période 2002 un supplément d’impôt de CHF 4’071,50, plus intérêts de retard en CHF 274,70. Ces suppléments d’impôt avaient été calculés sur la base des mêmes reprises sur les postes « loyer », « frais de véhicule » et « frais de voyage et représentation ».

Amende fiscale relative à l’IFD 1999 à 2002

20. Le même jour, l’AFC-GE a notifié à la société un bordereau « amende intentionnelle » de CHF 26’299.-, basé sur les art. 175 al. 2 et 181 LIFD. Elle reprenait les mêmes motifs que pour l’amende infligée dans le cadre de l’ICC.

Réclamation contre les décisions de rappel d’impôt relatives aux bordereaux ICC 2001 et 2002, pour l’IFD 1999 à 2002, ainsi que contre les amendes infligées à la suite des rappels d’impôt ICC et IFD 1999 à 2002

21. Le 5 mai 2006, la contribuable a formé une réclamation auprès de l’AFC-GE contre le bordereau de rappel d’impôt ICC 2002, le bordereau d’amende ICC, et l’avis de modification ICC 2001 et 2002.

22. Le même jour, elle a adressé une réclamation contre les bordereaux de rappel d’impôt IFD 1999, 2000 et 2002, le bordereau d’amende IFD 2002, et l’avis de modification IFD 1999 et 2000. Les reprises sur les comptes « loyer », « frais de véhicule » et « frais de voyage et représentation » étaient injustifiées, incluses celles effectuées pour l’année 2001 même si celles-ci, enregistrant une perte, n’avaient pas eu d’incidence sur l’imposition de cette année-là. Concernant les amendes, la contribuable n’avait jamais eu l’intention d’éluder l’impôt. Concernant l’IFD, la réclamation était de même teneur. La contribuable se plaignait toutefois de ne pas avoir reçu d’avis de modifications pour l’IFD 1999 et 2000, ce qui ne lui permettait pas de comprendre la raison des reprises.

23. Dans le cadre de l’instruction de ces réclamations, l’AFC-GE a convoqué la recourante au service de contrôle pour un entretien qui a eu lieu le 13 juin 2006. Au sujet de la location d’un appartement au 6ème étage de son immeuble, alors que M B______ habitait au 7ème étage, celui-ci a expliqué qu’il utilisait ces locaux pour travailler le matin ou le soir avant de se rendre à son bureau. Concernant les « frais de voyage et représentation », il estimait avoir produit tous les justificatifs tandis que l’AFC-GE considérait que ceux présentés concernaient les « frais privés » qu’il avait remboursés à sa société mais qu’il n’avait pas présenté les justificatifs de ceux payés par celle-ci avec l’indication de la relation d’affaires. Concernant l’amende, M. B______ la contestait. A la fin de l’entretien, ce dernier a autorisé les contrôleurs de l’AFC-GE à se rendre dans l’appartement qu’il louait au 6ème étage. Celui-ci était constitué d’un séjour, d’une cuisine avec coin repas, d’une chambre à coucher et d’une salle-de-bains. Le salon était meublé d’un grand poste de télévision, d’un ou deux fauteuils, d’une table haute de salon sur laquelle était posé un ordinateur portatif. Il n’y avait pas de meubles de bureau (armoire à classeurs, documentation financière, journaux, notes manuscrites ou autres). Le lit de la chambre à coucher était équipé d’une literie. M. B______ avait refusé d’ouvrir une penderie, motif pris qu’elle contenait les dossiers confidentiels de clients. L’AFC-GE a constaté qu’il n’y avait aucune mention de la société sur la porte d’entrée de l’appartement ni sur la boîte aux lettres dans le hall du rez-de-chaussée.

24. Le 20 juin 2006, l’AFC-GE a demandé à la société de produire tous les justificatifs pour toutes les charges qu’elle entendait faire valoir pour les années 1999 à 2003, ainsi que les attestations fournies à l’AVS pour les salaires payés de 1999 à 2002. L’AFC-GE désirait également rencontrer le comptable de la société.

25. La contribuable a répondu le 31 juillet 2006. Elle allait transmettre les pièces justificatives, y compris celles relatives aux attestations de salaires, bien qu’il s’agisse d’une nouvelle demande de L’AFC. Concernant l’audition du comptable, c’était une fiduciaire externe qui intervenait. Elle considérait avoir fourni toutes les pièces et informations sollicitées de la part de l’AFC-GE. Cela avait déjà généré des frais de comptabilité largement supérieurs au budget convenu. Dès lors, la mise à disposition de collaborateurs de la fiduciaire pour un rendez-vous avec l’AFC-GE n’était pas justifiée. Elle demandait à ce que soit finalisée cette affaire sur la base des éléments déjà fournis.

26. Le 15 août 2006, la contribuable a fait parvenir les pièces justificatives sollicitées, notamment huit classeurs contenant les justificatifs des « frais de voyage et représentation » de la société.

Décision sur réclamation ICC 1999 à 2002

27. Le 9 novembre 2006, l’AFC-GE a notifié deux décisions sur réclamation. L’une concernait l’ICC 1999 à 2002, amende incluse, et l’autre l’IFD 1999 à 2002, amende incluse.

Concernant l’ICC, l’AFC-GE dégrevait partiellement les bordereaux ICC 1999 et 2000 et maintenait les bordereaux de rappel d’impôt ICC 2001 et ICC 2002, tels qu’ils avaient été établis, ainsi que l’amende ICC 1999 à 2002. Compte tenu des éléments mentionnés dans les réclamations de la contribuable, elle avait renoncé à reprendre les « frais forfaitaires », les « indemnités forfaitaires », ainsi que les « frais de véhicule » à l’exception des « amendes d’ordre ». De ce fait, elle remettait en annexe deux bordereaux de rappel d’impôt ICC 1999 et 2000 qui annulaient et remplaçaient ceux du 14 décembre 2004 et du 19 décembre 2005 et qui tenaient compte de la déduction des éléments précités.

Concernant l’IFD, les bordereaux de rappel d’impôt IFD 1999 à 2002 étaient maintenus, de même que l’amende infligée pour cette période. Conformément à ceux qu’elle avait déjà retenus pour la taxation IFD 1999 et 2000, le montant des reprises pour l’année 1999 s’élevait à CHF 151’255,75 et à CHF 110’247,90 pour l’année 2000.

Les deux décisions sur réclamation comportaient une motivation similaire. Le « loyer » privé de l’appartement du 6ème étage rue Y______ ne pouvait être pris en compte fiscalement, dès lors que la société possédait des locaux commerciaux d’une surface suffisante. Cet appartement était utilisé par convenance personnelle par le salarié actionnaire principal de la société et ne pouvait pas, au vu des constatations faites, être considéré comme utilisé professionnellement. Les vérifications sur les pièces justificatives relatives aux « frais de voyage et représentation » mettaient en évidence que de nombreuses factures faisaient partie des dépenses d’entretien de M. B______ et ne pouvaient être considérées comme des frais d’acquisition du revenu de la société. Les pièces justificatives produites n’indiquaient pas la relation d’affaires liée à la dépense, si bien que l’AFC-GE était en droit de remettre en cause celles-là. De très nombreux « frais privés » figuraient dans les comptes de la société, notamment des frais d’hôtels et de chauffeur de Madame B______, épouse de l’administrateur, ainsi que des frais pour toute la famille de celui-ci. Au surplus, il n’était pas établi que ces frais aient été remboursés par ce dernier. Concernant les « frais de véhicule », la pratique constante de l’administration était de ne pas admettre que les « amendes d’ordre » soient déductibles fiscalement. Quant aux amendes infligées par l’AFC-GE, elles correspondaient à une fois le montant de l’impôt soustrait, tenant compte des circonstances atténuantes et aggravantes rappelées dans la décision.

Taxation définitive pour l’ICC et l’IFD 2003

28. Le 5 mai 2006, l’AFC-GE a notifié à la contribuable un bordereau rectificatif ICC 2003 (remplaçant le bordereau provisoire du 23 décembre 2004). Au résultat net de l’exercice 2003, indiqué par la contribuable dans ses comptes, elle avait ajouté CHF 14’364.- pour le « loyer » de l’appartement susmentionné, de CHF 75’579.- pour les « frais de voyage et représentation » non justifiés et CHF 8’290.- d’amendes privées. Au surplus, elle avait additionné un montant de CHF 90’110.- pour des « frais forfaitaires ». Le bénéfice imposable s’élevait ainsi à CHF 73’120.- et l’impôt dû à CHF 19’409,05.

29. Le même jour, l’AFC-GE a notifié à la contribuable un bordereau d’impôt IFD 2003. Après avoir effectué les mêmes reprises, elle avait arrêté le bénéfice imposable à CHF 73’100.- et l’impôt dû à CHF 6’213,50.

Procédure de réclamation contre la taxation ICC et IFD 2003

30. Le 26 mai 2006, la contribuable a réclamé contre le bordereau ICC 2003.

31. Le 6 juin 2006, elle a réclamé également contre le bordereau IFD 2003.

32. Le 27 novembre 2006, l’AFC-GE, par deux décisions séparées, l’une concernant l’ICC l’autre concernant l’IFD, a maintenu les reprises effectuées sur les postes « loyer » privé, « frais de voyage et représentation » ainsi que pour les « amendes d’ordre ». Elle admettait la réclamation concernant les « frais forfaitaires », reconnaissant qu’un cadre avec statut de fondé de procuration avait le droit de déduire 5 % de « frais forfaitaires » sur sa rémunération brute. Elle a donc admis CHF 25’531.- en déduction.

Pour l’ICC, le bénéfice imposable s’élevait à CHF 43,589.- et l’impôt dû à CHF 12’400,40. Pour l’IFD, il était de CHF 43’100 et l’impôt dû de CHF 3’697,50.-.

33. Le 22 décembre 2006, la contribuable a adressé une réclamation auprès de l’AFC-GE contre les bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2003. C’était bel et bien CHF 90’110.- et non CHF 25’531.- qui devaient être admis en déduction, à titre de remboursement de « frais forfaitaires » en faveur du cadre de la société. Le système de remboursement pour lequel la contribuable avait opté était fondé sur la pratique de l’AFC-GE. Il n’y avait pas de double emploi avec les frais effectifs. Durant la période précédente, la société avait bénéficié du système qui lui avait permis une déduction forfaitaire conforme au système « brokers », ainsi qu’elle l’établissait.

Procédures de recours

34. a. Le 11 décembre 2006, par deux actes de recours séparés, la contribuable a saisi la commission cantonale de recours en matière en matière d’impôt (ci-après : la commission), remplacée le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le Tribunal administratif de première instance le 1er janvier 2011 (ci-après : TAPI), contre les deux décisions de l’AFC-GE du 9 novembre 2006, statuant sur les réclamations qu’elle avait formées contre les bordereaux d’impôt ICC et IFD 1999, 2000, 2001 et 2002, ainsi que contre les bordereaux amendes pour ces mêmes périodes. A ce stade de la procédure, seuls restaient litigieux les « frais de véhicule » s’agissant des « amendes d’ordre » payées, du « loyer » de l’appartement du 6ème étage de l’immeuble sis rue Y______, ainsi que de la part de « frais de voyage et représentation » non-pris en considération par l’AFC-GE. C’était à tort que celle-ci n’avait pas retenu que la société puisse déduire de son bénéfice les montants en rapport avec ses charges, car elles étaient justifiées par l’usage commercial. La contribuable reprenait ses explications et son argumentation antérieures. Concernant l’amende qui lui avait été infligée par l’AFC-GE, il n’y avait pas eu soustraction d’impôt. En effet, elle n’avait jamais eu intention de diminuer frauduleusement le bénéfice imposable. Tout au plus y avait-il eu une erreur de jugement de sa part mais pas une volonté manifeste de soustraire des éléments de revenus à toute imposition.

b. Les recours de la contribuable concernant l’ICC 1999 à 2002 et 2003 ont été traités par la commission cantonale de recours en matière d’impôt cantonal et communal (ci-après : la CCRICC ; sous les causes A/4724/2006 et A/4855/2006). Ceux concernant l’IFD 1999 à 2002 et 2003 ont été inscrits au rôle de la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct (ci-après : CCRIFD ; cause A/4725/2006 et A/4856/2006).

35. Le 22 décembre 2006, la contribuable réclamé auprès de l’AFC-GE et recouru auprès de la CCRICC contre la décision de l’AFC-GE du 27 novembre 2006 concernant la taxation ICC et IFD 2003. Dans ses deux actes, elle concluait à l’annulation de ladite décision en tant qu’elle maintenait les reprises effectuées sous les postes « loyer » privé et « frais de voyage et représentation » et à l’annulation du bordereau rectificatif ICC 2003 du 5 mai 2006 (A/4855/2006). Le même jour, elle a saisi la CCRIFD d’un recours contre la décision de l’AFC-GE du 27 novembre 2006 sur réclamation contre le bordereau IFD 2003 (A/4856/2006).

36. Le 19 janvier 2007, l’AFC-GE a répondu à la contribuable. Sa « réclamation » du 22 décembre 2006 devait être considérée comme un recours. Elle serait donc transmise à l’autorité de recours. Ce courrier a été joint aux causes A/4855/2006 et A/4856/2006.

37. Le 30 novembre 2007, l’AFC-GE a conclu au rejet des recours dans les causes A/4724/2006 et A/4725/2006, par une même argumentation. La procédure en rappel d’impôt était justifiée. Les reprises effectuées par l’AFC-GE l’étaient tout autant. Concernant le loyer de l’appartement en question, la contribuable disposait de locaux commerciaux et n’avait pas justifié la nécessité de la location de locaux supplémentaires. Le fardeau de la preuve de la nécessité des dépenses professionnelles lui incombait. L’appartement considéré était loué pour des raisons de convenance personnelle. De jurisprudence constante, la comptabilisation comme charges d’« amendes d’ordre » payées pour les « frais de véhicule » n’était pas admise. Il ressortait de l’examen des pièces justificatives relatives aux « frais de voyage et représentation » que de très nombreuses factures constituaient des dépenses d’entretien de M. B______ et de sa famille, assimilables à des dépenses de nature privée qui ne pouvaient être considérées comme des frais d’acquisition du revenu. Il y avait ainsi un mélange entre dépenses privées et dépenses professionnelles et, dans un tel cas, la possibilité d’opérer des reprises forfaitaires. Concernant l’amende infligée à la contribuable, la preuve d’une soustraction fiscale avait été rapportée selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, dès lors qu’il devait être retenu que la contribuable donnait des informations incorrectes ou incomplètes.

38. Le 21 décembre 2007, l’AFC-GE a répondu aux recours de la contribuable du 22 décembre 2006, dans les causes A/4855/2006 et A/4856/2006. Elle a conclu au rejet des recours, qui devraient être examinés conformément à ceux formés dans les causes A/4724/2006 et A/4725/2006.

La réclamation contre le bordereau rectificatif du 27 novembre 2006 devait être considérée comme un complément de recours.

Concernant les « frais forfaitaires », il incombait à la société de prouver que ces charges étaient justifiées par l’usage commercial. En l’occurrence, elle avait comptabilisé des « frais forfaitaires » d’un montant de CHF 90’110.- pour ses deux actionnaires, soit MM. B______ et S______, auxquels avaient été attribuées des prestations pour un total de CHF 510’620,55 (soit CHF 347’973,55 pour M. B______ et CHF 162’747.- pour M. S______). Cette déduction forfaitaire équivalait donc à environ 18 % du revenu brut des administrateurs, lesquels avaient bénéficié de la prise en compte effective de « frais de voyage et représentation » pour un montant de CHF 188’949.-, comptabilisés dans les charges de la société. Pour 2003, contrairement aux années précédentes, la recourante n’était pas au bénéfice d’un forfait particulier négocié avec l’AFC-GE. De ce fait, celle-ci admettait, conformément à sa pratique, un montant de 5 % du salaire brut au titre de « frais forfaitaires » de représentation, valable pour les cadres dont le salaire annuel était égal ou supérieur à CHF 80’000.- et lorsqu’il s’agissait de sociétés employant moins de cent cinquante personnes. En l’occurrence, c’était à juste titre que l’administration n’avait admis une déduction de « frais forfaitaires » qu’à concurrence de CHF 25’331.-. De ce fait, sur le montant de CHF 90’110.- déclaré par la contribuable, le solde devait être réintégré dans le bénéfice imposable.

39. Le 16 avril 2009, l’AFC-GE a donné suite à la requête de la CCRA lui demandant de se déterminer sur la faute personnelle des organes de la société, compte tenu d’un arrêt du Tribunal fédéral du 4 février 2009 (ATF 2C_164/2008). Selon elle, M. B______, qui avait toujours été administrateur de la société et qui avait signé les déclarations fiscales et les comptes des périodes fiscales concernées, ne pouvait pas ignorer que les déclarations d’impôt qu’il avait signées comportaient des inexactitudes concernant les charges, objets du litige. Il devait donc être retenu qu’il avait intentionnellement commis une soustraction d’impôt.

40. Le 28 juillet 2009, la CCRA a joint les causes A/4724/2006, A/4855/2006, A/4725/2006 et A/4856/2006 sous un seul numéro de cause et admis partiellement les recours.

En rappel d’impôt, les dispositions concernant les principes généraux de procédures et les procédures de taxation et de recours s’appliquaient de manière analogue selon le droit fiscal cantonal et le droit fiscal fédéral.

Les reprises effectuées sur la rubrique comptable « loyer » étaient justifiées, la contribuable n’ayant pas fourni les preuves suffisantes d’une utilisation à titre professionnel de l’appartement loué dans l’immeuble de son actionnaire. Cette location relevait de la convenance personnelle de ce dernier.

En revanche, c’était à tort que l’AFC-GE avait effectué une reprise sur les « frais de voyage et représentation » en admettant une part forfaitaire correspondant aux 2/5 de leur totalité dès lors que la contribuable ne pouvait pas les justifier intégralement. Ce mode de faire n’était autorisé qu’en matière de « frais de véhicule » ou de téléphones portables. Les « frais de voyage et représentation » ne pouvaient être admis que s’ils étaient justifiés par pièces et que leur lien de causalité et de rapport de nécessité avec le bénéfice taxé était prouvé. La recourante ne faisait pas partie d’un groupe professionnel pour lequel des déductions forfaitaires avaient été négociées avec l’administration. La charge de la preuve du caractère professionnel des frais lui incombait. Il ne suffisait pas de les comptabiliser ou de produire des factures correspondantes, il fallait également préciser quels avaient été les clients et relations d’affaires qui avaient bénéficié des invitations. En temps ordinaire, l’admission de ce motif impliquerait le renvoi du dossier à l’AFC-GE pour qu’elle détermine l’ampleur des charges non justifiées par pièces ou par leur lien de nécessité avec l’activité de la recourante, et n’effectue des reprises qu’en conséquence. Si cette solution était adoptée, se poserait alors la question d’une réformation in pejus. Comme il n’était pas certain qu’un renvoi à l’AFC-GE entraînerait une augmentation substantielle de la dette fiscale, la CCRA, usant de son pouvoir d’appréciation, renonçait à y procéder et rejetait le recours en maintenant la taxation également sur ce point.

La reprise sur les « frais forfaitaires » accordés aux deux administrateurs effectuée dans le cas de la taxation 2003 devait en revanche être réglée autrement. Il était admis que les « frais de voyage et représentation » effectifs, engagés par des employés qui exerçaient un fort devoir de représentation pouvaient être pris en charge de manière forfaitaire par l’entreprise qui les employait. Dans de tels cas, par souci de simplification, une allocation forfaitaire pouvait ne pas faire partie du revenu imposable pour autant qu’elle ne dépasse pas 5 % du salaire brut total, lorsque celui-ci n’excédait pas CHF 250’000.- par année et 10 % pour la tranche de salaire brut total excédant CHF 250’000.- par année, l’allocation forfaitaire plafonnant à CHF 100’000.- par année. En l’occurrence, compte tenu des salaires servis aux deux administrateurs (CHF 347’953, 55 et CHF 162’647.-), la déduction accordée à la recourante aurait dû s’élever au moins à CHF 42’929.- (CHF 34’797.- plus CHF 8’132.-). La différence entre ce montant et celui de CHF 90’110.-, soit CHF 47’180.-, n’était pas déductible du bénéfice de la société à titre de charges. En effet, la contribuable n’avait pas démontré qu’il s’agissait de frais nécessaires à l’acquisition du bénéfice, ne fournissant aucune pièce à ce sujet.

Quant à l’amende, elle était proportionnée à la gravité de la fraude commise, étant limitée à une fois l’impôt éludé. Aucune autre circonstance atténuante que la bonne collaboration des représentants de la société ne pouvait être retenue. Les sommes reprises n’étaient pas négligeables et les faits s’étaient répétés durant plusieurs années.

41. Par pli posté le 9 septembre 2009, la société a recouru auprès du Tribunal administratif, contre la décision précitée, reçue le 10 août 2009. Elle a conclu à son annulation.

La CCRA n’avait pas pris en compte les faits de manière complète. Le 25 avril 2005, lors de l’entretien entre les représentants de la contribuable et ceux de l’AFC-GE, il avait été convenu que la société procèderait à la classification des « frais de voyage et représentation » en fonction de leurs destinations par cote spécifique. C’est ainsi qu’étaient apparues sur les extraits du grand-livre produit des catégories de clients classifiées clients potentiels (P), ou clients (C), apporteurs d’affaires (A) et E (études et séminaires) avec des numéros correspondant aux différents clients auxquels se rapportaient ces frais. Il s’agissait d’une méthode appliquée d’entente avec le service du contrôle. Les contrôleurs de l’AFC-GE avaient fait savoir qu’ils n’iraient pas jusqu’à demander le nom des clients de la société. Les extraits du grand-livre avec les précisions et commentaires convenus avaient été adressés à l’AFC-GE par la contribuable le 1er juin 2005. Une année après, les contrôleurs de l’AFC-GE avaient modifié leur demande, en demandant les justificatifs de toutes les charges que la société entendait faire valoir pour les années 1999 à 2003. La contribuable s’était exécutée et avait transmis huit classeurs fédéraux, contenant l’intégralité des justificatifs des « frais de voyage et représentation ». A ce stade de la procédure, le litige restait ouvert sur les postes « loyer » du bureau d’appoint, « frais de voyage et représentation » et « amendes d’ordre ». Pour la période fiscale 2003, s’y ajoutaient les « frais forfaitaires » accordés aux deux administrateurs de la société. En outre, était encore litigieuse l’amende pour soustraction d’impôt qui avait été infligée à la contribuable.

Sur ces différents points, la société reprenait son argumentation antérieure.

42. Le 26 novembre 2009, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. La reprise relative au loyer de l’appartement était fondée, la contribuable n’ayant en rien démontré que ces locaux étaient utilisés exclusivement à des fins commerciales. Il s’agissait d’une dépense de pure convenance personnelle de l’actionnaire. Concernant les « frais de voyage et représentation », la contribuable n’avait pas été en mesure de justifier qu’ils étaient liés à l’acquisition du bénéfice. La reprise totale sur ce poste aurait pu être plus élevée. Toutefois, la solution retenue par la CCRA de confirmer une reprise réduite aux 2/5 était équitable et même favorable à la recourante. Elle devait en tous les cas être confirmée. Concernant les « frais forfaitaires » accordés aux deux administrateurs dans le cas de la taxation 2003, l’AFC-GE admettait les calculs de la CCRA et l’augmentation à CHF 42’929.- de ladite déduction forfaitaire. Le montant de l’amende devait être confirmé.

43. Le 27 novembre 2009, l’administration fédérale des contributions a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la CCRA.

44. Le 25 juin 2010, les parties ont comparu devant le juge délégué. Selon M. B______, le litige outre l’amende ne portait plus que sur la reprise effectuée par l’AFC-GE, tant pour l’ICC que pour l’IFD, sur le « loyer » et les « frais de voyage et représentation » pour tous les exercices fiscaux de 1999 à 2003. La décision de la CCRA relative à la reprise sur « frais forfaitaires » était admise. Pendant la période fiscale 1999 à 2003, la société employait quatre gérants de fortune, dont lui-même. Elle avait des activités de gestion externes. Elle disposait de locaux de 200 m2 à l’avenue Jules-Crosnier et employait trois ou quatre personnes au back-office. S’il avait loué un petit appartement en dessous du sien, c’était pour pouvoir y travailler hors des heures de bureau. En tant que gérant de fortune, il suivait les marchés financiers 24h sur 24h. Il avait été brooker aux Etats-Unis et avait pris cette habitude. Il avait besoin de s’isoler. Même dans les locaux de la société, il était toujours dérangé. Son appartement privé était de cinq pièces avec deux chambres à coucher, dont une pour sa fille. Il ne logeait pas dans l’appartement loué par la société. De temps à autre, celui-ci était occupé par des apporteurs d’affaires ou des clients amis, car le standing de l’appartement n’était pas suffisant.

De son côté, le représentant de l’administration fiscale a maintenu que la location de cet appartement était de convenance personnelle et ne devait pas faire partie des « frais commerciaux ».

Concernant les « frais de voyage et représentation », selon le représentant de l’AFC-GE, les chiffres retenus par celle-ci tenaient compte des huit classeurs de pièces remis par la recourante. Certaines d’entre elles avaient été photocopiées et figuraient dans les pièces de la procédure. Parmi ces dépenses, plusieurs ne pouvaient être qualifiées de « frais commerciaux ». Les pièces 40 à 44 représentaient l’ensemble du compte « voyages et représentation » année par année, avec la photocopie des pièces justificatives. Dans la mesure où il y avait un mélange entre les « frais privés » et les « frais commerciaux », l’AFC-GE avait décidé de procéder à une reprise forfaitaire de 2/5 sur le montant des « frais de voyage et représentation » comptabilisés dans chaque exercice comptable. C’était conforme à la pratique de la CCRA, qui avait un peu évolué par la suite.

Selon M. B______, les mouvements du compte No______ permettaient de constater que chaque année il avait remboursé une partie des frais comptabilisés pour tenir compte du fait qu’il s’agissait de « frais privés », à savoir CHF 70’000.- en 1999, CHF 75’000.- en 2000, CHF 63’000.- en 2001, CHF 48’000.- en 2002 et CHF 33’000.- en 2003. Cela étant, un gérant de fortune comme lui devait vivre avec ses clients, ce qui impliquait qu’il doive passer des week-ends avec eux. C’était la raison de la comptabilisation de certaines factures.

Concernant l’amende, M. B______ a contesté avoir voulu soustraire intentionnellement des montants au fisc. A la demande de l’AFC-GE, il avait fait faire par son comptable un travail de réconciliation pour établir le lien entre les frais comptabilisés et les activités de la société.

A la fin de l’audience, l’AFC-GE a été priée de verser à la procédure les huit classeurs de pièces fournies le 15 août 2006.

45. L’AFC-GE s’est exécutée le 29 juin 2010 et les parties ont été avisées que les pièces étaient à disposition pour consultation.

46. Le 30 août 2010, la recourante a présenté ses observations après enquête, persistant intégralement dans les termes et conclusions de son mémoire de recours du 5 septembre 2009. Les pièces remises à l’AFC-GE permettaient de constater que tous les frais comptabilisés dans le compte « frais de voyage et représentation » étaient justifiés. En outre, les documents produits permettaient de constater que la recourante avait, de son propre chef, procédé à un retraitement des différents « frais de voyage et représentation » comptabilisés, le montant de ceux-ci correspondant à celui obtenu à posteriori par l’AFC-GE ensuite de ses reprises. Il en résultait ainsi que plusieurs des factures contestées par l’AFC-GE avaient déjà été reprises par la recourante. En définitive, l’AFC-GE n’avait pas utilisé, pour déterminer le montant des reprises, le travail de contrôle qu’elle avait fait, mais effectué une reprise forfaitaire de 2/5 sur la totalité des montants comptabilisés. Ce pourcentage n’était pas justifié, dès lors que la reprise s’effectuait sur les soldes du compte « frais de voyage et représentation » alors que la contribuable en avait déjà déduit la part qu’elle considérait être des « frais privés ».

47. Le 30 septembre 2010, l’AFC-GE a formulé ses observations. Elle persistait également dans ses conclusions du 26 novembre 2009. Concernant les « frais de voyage et représentation », l’argumentation relative à la double reprise sur ce poste comptable ne pouvait être retenue. S’il était exact que la recourante avait elle-même reconnu le caractère privé de certains frais il apparaissait qu’une partie des frais restés comptabilisés dans les charges de la société avait un caractère privé. Il y avait en fait un mélange constant effectué par la contribuable et une impossibilité de distinguer de façon claire et systématique les dépenses privées de la famille par rapport aux frais de la société justifiés commercialement. De ce fait, par simplification, une reprise forfaitaire de 2/5 sur la totalité des ces frais avait été décidée. Si la quotité de cette reprise forfaitaire pouvait être discutée, l’administration persistait à conclure que le principe de celle-ci étaient justifiés et devaient être confirmés.

48. Le 21 mars 2011, le TAPI a transmis son dossier. Celui-ci ne comportait aucune pièce utile n’ayant pas déjà été versée, la cause a été gardée à juger ainsi que les parties en avaient été informées le 5 octobre 2010.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ - E 2 05 et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans leur teneur au 31 décembre 2010).

3. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure les reprises sur charge décidées et réintégrées par l’AFC-GE au bénéfice net de la société sont justifiées. A ce stade de la procédure, le litige ne porte plus que sur les postes de charges 2001 à 2003 relatifs au « loyer », aux « frais de voyage et représentation » et aux « frais de véhicule », accordés aux deux administrateurs de la société, M. B______ s’étant rallié à la décision prise par la CCRA au sujet des déductions pour les frais forfaitaires accordés aux deux administrateurs de la société lors de l’audience de comparution personnelle du 25 juin 2010.

4. En matière d’IFD, sont applicables les dispositions de la LIFD. S’agissant de l’ICC, ce sont les règles de la loi sur l’imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994 (LIPM - RS D 3 15), de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) et, depuis le 1er janvier 2002, de la LPFisc, qui s’appliquent.

5. Tant pour l’IDF que pour l’ICC, l’impôt sur le bénéfice des personnes morales porte sur le bénéfice net (art. 57 LIFD et 11 LIPM). Au plan fiscal, sont réintégrés au solde du compte de résultat, diminué ou augmenté du solde reporté de l’exercice précédent, tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial, notamment ceux qui ne peuvent pas être considérés comme des charges liées à l’exploitation (art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. d LIPM). De même, peuvent être réintégrés au bénéfice net les allocations volontaires à des tiers et les prestations fournissant contrepartie à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. h LIPM).

6. Les charges sont justifiées commercialement lorsque les dépenses sont en relation avec l’activité professionnelle. Elles doivent être nécessitées par la marche de la société et ne pas trouver leur contrepartie dans un nouveau poste à l’actif du bilan (ATA F. du 21 mai 1996).

Les frais professionnels ne sont admis en déduction que s’ils sont justifiés par pièces et que la preuve du lien de causalité avec le bénéfice taxé et le rapport de nécessité est apportée.

7. Selon un principe général, il incombe au fisc de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve (ATF 121 II p. 257, consid. 4 c/aa, p. 266 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.262/2006 du 6 novembre 2006, RDAF 2006 chiffre II p. 430 et ss ; Revues fiscales 60/2005 p. 618 consid. 4.1). En outre, les comptes annuels doivent observer le principe de la justification (documentation) corollaire du principe de sincérité. L’exactitude de la saisie et le traitement doit en tout temps permettre un contrôle ultérieur de la comptabilité (Chambre fiduciaire, chambre suisse des experts-comptables, fiduciaires et fiscaux, Manuel suisse d’audit 1998, tome I, ch. 2. 124, p. 17 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.461.2001, consid. 2.3). C’est donc à la société qu’il incombe d’établir que ces charges sont justifiées par l’usage commercial (ATA/272/2008 du 27 mai 2008).

8. Reprise sur le compte « loyer »

Lors de l’audience de comparution personnelle du 25 septembre 2010, M. B______ a maintenu louer l’appartement privé situé dans le même immeuble que celui où il loge avec sa famille pour pouvoir y travailler hors des heures de bureau, dès lors qu’il suivait tard le soir ou tôt le matin l’évolution des marchés financiers et avait besoin de pouvoir s’isoler à cette fin. Il a en revanche renoncé à expliquer qu’il y logeait des clients, si ce n’était des amis ou quelques apporteurs d’affaires. Il ressort cependant des constatations faites par les fonctionnaires de l’administration fiscale qui se sont rendus dans l’appartement en question que celui-ci était agencé comme un logement et n’avait pas le caractère d’un local utilisé comme bureau, susceptible d’être considéré comme une annexe à ceux de la société. Force est dès lors de retenir qu’il s’agit d’un local loué par l’actionnaire de la société pour des raisons de convenance personnelle. Si celui-ci l’utilise comme lieu travail, il peut également être utilisé comme pièce supplémentaire à disposition de sa famille puisque, comme M. B______ l’explique, son appartement principal ne comporte que cinq pièces. Cet appartement n’apparaît pas être utilisé par les autres administrateurs ou collaborateurs de la société. Sa location ne peut donc être considérée comme étant à usage professionnel ni son « loyer » comme une charge au sens des art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. d LIPM. Une reprise sur ce poste du compte d’exploitation de la société en CHF 14’364.- pour les années fiscale 2001 et 2002 était donc justifiée, tant pour l’ICC que pour LIFD.

9. « Frais de véhicule »

Il en va de même s’agissant des sommes comptabilisées dans la rubrique « frais de déplacement », justifiées par le paiement d’« amendes d’ordre ». De jurisprudence constante, la déduction d’amendes infligées à des conducteurs de véhicules appartenant à un contribuable ne sont pas déductibles fiscalement (par exemple ATA/657/2009 du 15 décembre 2009). A fortiori, les mêmes principes s’appliquent au paiement d’« amendes d’ordre » infligée à l’actionnaire d’une société anonyme.

10. « Frais de voyage et représentation »

Pour chacun des exercices fiscaux considérés, la rubrique comptable relative aux « frais de voyage et représentation » représente un poste important puisque ce poste atteint un montant brut de CHF 408’054,10 pour l’exercice 1999, de CHF 294’621,55 pour l’exercice 2000, de CHF 247’753.- pour l’exercice 2001 et de CHF 221’948,40 pour l’exercice 2002, selon les pièces que la contribuable a produites. Chaque année, elle a déduit de ce montant brut une somme imputée à l’actionnaire ou à d’autres sociétés. De ce fait, le solde débiteur du compte représente la somme à porter comme charge dans le compte d’exploitation. Le grand-livre produit par la recourante donne le détail du poste. Chaque ligne d’écriture est documentée par une pièce comptable, la plupart du temps par une facture. Les frais comptabilisés dans cette rubrique se rapportent à des frais de taxi, d’avion, d’hôtel mais surtout de repas. Au gré des factures, le nom de M. B______ ou de l’un de ses collègues de la société apparaît, ainsi que le nom de l’épouse de celui-là. Toutefois, la plupart des factures sont anonymes et aucune d’entre elles ne documente la relation d’affaires en rapport avec laquelle la dépense a été engagée. La contribuable, dans le cas de l’instruction de la réclamation, a transmis le 15 août 2006 les relevés du compte numéro ______ dans lequel figurait au regard de chaque écriture une lettre en majuscules, permettait de déterminer si le montant en question correspondait à des frais engagés en faveur d’un client potentiel (P) d’un client (C), d’un apporteur d’affaires (A), ou de frais d’études et séminaires (E). Ces précisions ne sont cependant pas suffisantes pour établir à satisfaction de droit que ces dépenses sont liées à l’acquisition d’un revenu pour la société. C’est d’autant plus vrai qu’au regard de certaines écritures figurent plusieurs des lettres majuscules précitées sans que puisse concrètement être déterminé que ces montants concernent un client précis, ou démontre que tel ou tel voyage, à l’étranger ou en Suisse, était lié aux activités de la société et ne représentait pas en réalité des « frais privés », que l’actionnaire a mis à charge de sa société.

La contribuable n’ayant pas apporté la preuve du lien existant entre ces dépenses et l’acquisition de son chiffre d’affaires, c’est à juste titre que la AFC-GE n’est pas entrée en matière sur une déduction de la totalité de ce montant. En revanche, conformément à ce que la CCRA a relevé, du moment où il appartenait à la contribuable de présenter une comptabilité justifiant précisément que ces dépenses constituaient des dépenses professionnelles, il n’appartenait pas à l’AFC-GE de justifier des déductions forfaitaires pour ce type de charges, en relevant qu’elle n’arrivait pas à mettre en relation les montants remboursés avec les charges comptabilisées dans le poste comptable 54060. En particulier, la recourante n’est pas au bénéfice d’un secret professionnel derrière lequel elle pourrait se retrancher pour éviter d’avoir à indiquer précisément à quel client se rapportent les dépenses qu’elle a engagées lorsqu’elle les a comptabilisées dans ses charges.

11. La solution retenue par la CCRA de ne pas procéder par la voie d’une reformatio in pejus parce qu’elle ne serait pas susceptible de conduire à une solution différente, doit être confirmée pour les motifs qu’elle a retenus.

12. Il résulte de ce qui précède que, pour l’ensemble des points restant en litige à ce jour se rapportant à la taxation de la contribuable tant pour l’ICC que pour l’IFD, la décision de l’AFC-GE est conforme au droit et c’est à juste titre que la commission l’a confirmée. Le recours sera rejeté sur ces aspects.

Procédures en soustraction d’impôt

13. L’art. 175 al. 1 1ère phrase LIFD prévoit que le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète, est puni de l’amende. En règle générale, l’amende est égale au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD). La même règle s’applique lorsque le contribuable est une personne morale (art. 184 al. 1 LIFD).

14. Dans ce domaine, le droit genevois a été modifié le 1er janvier 2002. Auparavant, l’art. 341 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (aLCP - D 3 05) prévoyait que le contribuable qui, dans l’intention de frauder le fisc, le trompe ou cherche à le tromper relativement à des éléments d’imposition, soit en faisant des déclarations volontairement inexactes, soit en produisant des pièces non-conformes à la réalité, soit en dissimulant des pièces qui déterminent pour lui l’obligation de payer l’impôt, est frappé d’une amende pouvant s’élever jusqu’à dix fois le montant de l’impôt éludé. En cas de négligence, l’amende fiscale ne dépassait pas le double du montant de l’impôt éludé (art. 340 al. 1 et 3 aLCP). A la date précitée, ces dispositions légales ont été remplacées par l’art. 69 al. 1 LPFisc, à la teneur duquel le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait notamment en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, est puni de l’amende. Celle-ci est fixée au montant de l’impôt soustrait, mais peut être augmentée au triple de celui-ci si la faute est grave ou être réduite au tiers si la faute est légère (art. 69 al. 2 LPFisc).

15 a. La procédure en soustraction d’impôt est fondée sur la culpabilité de l’auteur. Celui-ci doit avoir agi intentionnellement ou par négligence. Ces notions sont identiques à celles de l’art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

b. En matière de soustraction intentionnelle, la preuve d’un comportement intentionnel doit être considérée comme rapportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations qu’il a données étaient incorrectes ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou du moins qu’il a agi par dol éventuel afin d’obtenir une taxation moins élevée ; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir à l’autorité fiscale des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.607/2006 du 24 avril 2007  ; 2A.351/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

c. Commet en revanche une infraction par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits et obligations il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l’autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

d. La condamnation d’une personne morale pour soustraction fiscale n’est possible que s’il peut être admis que l’un de ses organes a agi avec intention ou négligence (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; Arrêt du tribunal fédéral 2C_188/2009 du 7 juillet 2009, consid. 2.5).

En l’occurrence, la contribuable a déclaré durant les années considérées un bénéfice dont le montant avait été diminué par la comptabilisation de charges non justifiées commercialement (principalement : « loyer » privé, « frais de voyage et représentation » non justifiés commercialement, « indemnités forfaitaires » versées aux administrateurs). Dès lors que ces opérations se sont produites au sein d’une petite société contrôlée par son administrateur principal et actionnaire unique, qui les a de surcroît initiées et dont il était l’un des principaux bénéficiaires, ce dernier ne pouvait ignorer que le recours à ces procédés conduisait à une diminution de l’imposition de la société.

Il y a donc eu soustraction fiscale intentionnelle de la part de société, ce qui a pour conséquence que l’administration doit prononcer une amende, en vertu tant de la LIFD que du droit fiscal cantonal.

 

Amende selon la LIFD

Conformément à l’art. 175 al. 2 LIFD, l’amende maximale peut atteindre le triple du montant de l’impôt soustrait en cas de faute grave, la règle générale prévoyant une amende correspondant au montant de l’impôt soustrait. L’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et fixer son montant. La chambre de céans ne la censure qu’en cas d’excès (ATA/565/2010 du 31 août 2010 ; ATA/410/2007 du 28 août 2007 ; ATA/317/2007 du 12 juin 2007). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/518/2004 du 8 juin 2004).

Le délai de la poursuite pénale en cas de soustraction intentionnelle est de dix ans, pouvant être porté à quinze ans lorsque des actes interruptifs de prescription sont accomplis. En l’espèce, ce délai qui a commencé à courir le 30 mars 1999 pour le dépôt de la déclaration fiscale 1999 est respecté, compte tenu des actes de procédure intervenus.

En l’occurrence, l’AFC-GE a fixé l’amende à une fois le montant éludé. Ce faisant, elle a tenu compte de la gravité de la faute, compte tenu de la répétition des faits sur plusieurs exercices fiscaux mais également du niveau de collaboration des organes de la contribuable dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal. L’amende infligée en application de la disposition précitée sera donc confirmée dans sa quotité.

Amende selon le droit cantonal

La soustraction fiscale commise en matière d’ICC constitue une infraction à l’art. 341 aLCP s’agissant des exercices 1999, 2000 et 2001 et une infraction à l’art. 69 al. 1 LPFisc pour l’exercice 2002.

A teneur de l’art. 84 de la LPFisc, les sanctions pénales afférant à des infractions réalisées avant l’entrée en vigueur de ladite loi sont prononcées conformément à l’ancien droit, dans la mesure où le nouveau droit n’est pas plus favorable. En l’espèce, la question du droit applicable se pose puisqu’une partie des faits concerne une période couverte par l’ancien droit. Elle se pose non seulement au regard de la question de la quotité de la sanction a infligé, mais encore de celle de la prescription de l’action pénale, question que les juridictions de recours doivent connaître d’office.

16. a. L’amende réprimant la soustraction fiscale constitue une sanction de caractère pénal qui est, à ce titre, soumise aux délais de prescription applicables en la matière, se soulève d’office. Selon le droit en vigueur à l’époque des faits (art. 341A aLCP), la prescription de l’infraction est de cinq ans, non comprise l’année courante, la prescription absolue se calculant, à teneur de la jurisprudence, par dix ans dès la commission de l’infraction (ATA/346/2006 consid. 4a ; ATA/440/2005 du 21 juin 2005 consid. 3e ; ATA/547/2001 du 28 août 2001 consid. 8c ; ATA R. du 25 août 1992, in SJ 1993, p. 569).

b. Conformément au principe de la lex mitior, si la loi pénale en vigueur au moment de la commission de l’infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé d’un jugement définitif sont différentes, le juge doit appliquer celles dont les dispositions sont les plus favorables au prévenu (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_620/2009 du 7 mai 2010 consid. 4.3.2).

En l’occurrence, le nouveau droit de la prescription n’est pas plus favorable au recourant, les art. 59 et suivants LPFisc prévoyant un délai de prescription absolue de quinze ans (ATA/265/2007 du 22 mai 2007 consid. 3 ; ATA/440/2005 du 21 juin 2005 consid. 3 ; ATA/547/2001 du 28 août 2001 consid. 8 et les références citées). Il sera donc fait application d’une prescription relative de cinq ans et absolue de dix ans, ces délais commençant à courir dès la commission de l’infraction (ATA/267/2008 du 27 mai 2008 consid. 9 ; ATA/440/2005 du 21 juin 2005 consid. 3e ; ATA/265/2007 du 22 mai 2007 consid. 3 et les références citées).

Si le délai quinquennal prévu par l’art. 341A aLCP a été interrompu par les différents actes intervenus au cours de la procédure, ce n’est pas le cas du délai décennal, lequel est arrivé à son terme le 30 mars 2009 pour l’amende relative à la taxation ICC 1999 et le 5 mars 2011 pour la taxation ICC 2000, calculé à partir de la date de dépôt des déclarations fiscales.

17. Concernant la soustraction intentionnelle commise en rapport avec l’exercice fiscal 2001, le nouveau droit est en revanche plus favorable que l’ancien droit, dès lors qu’il prévoit une amende maximale correspondant au triple de l’impôt soustrait (art. 69 al. 2 LPFisc) alors que l’ancien droit permettait un maximum de dix fois l’impôt soustrait (art. 341 al. 1 aLCP).

C’est donc au regard du premier que la quotité de l’amende infligée pour cet exercice fiscal sera examinée. Sur ce point, comme en matière d’IFD, la chambre administrative considère que l’AFC a fait une juste application du droit en infligeant une amende dont la quotité équivalait au montant de l’impôt éludé.

18 Le recours sera admis concernant l’amende infligée en rapport avec le rappel d’impôt ICC 1999 et 2000, qui sera réduite en conséquence. Le bordereau d’amende du 4 avril 2006 sera ramené à CHF 10’972,95 (CHF 72’249.- ./. 35378,75 ./. 25’897.30) plus intérêts légaux. La décision de la CCRA sera confirmée pour le surplus.

19. Un émolument réduit de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe pour l’essentiel (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, faute de conclusions en ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2009 par P______ S.A. contre la décision du 28 juillet 2009 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l’admet partiellement ;

dit que l’amende est prescrite s’agissant de l’ICC 1999 et 2000 ;

réduit à CHF 10’972,35 le montant du bordereau de l’amende ICC du 4 avril 2006 ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de P______ S.A. ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean Donnet, avocat de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :