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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2363/2009

ATA/39/2011 du 25.01.2011 sur DCCR/1324/2009 ( LCI ) , REJETE

Parties : EDARAF RAYMOND Sylvianne, GAUDET RAYMOND Mireille, HOIRIE RAYMOND, RAYMOND Dea, RAYMOND Robert / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, FONDATION DE LA COMMUNE DE JUSSY POUR LE LOGEMENT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2363/2009-LCI ATA/39/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 25 janvier 2011

1ère section

dans la cause

Hoirie de feu Monsieur Lucien RAYMOND, soit pour elle
Madame Dea RAYMOND
Madame Sylvianne EDARAF RAYMOND
Madame Mireille GAUDET RAYMOND
Monsieur Robert RAYMOND

contre

FONDATION DE LA COMMUNE DE JUSSY POUR LE LOGEMENT
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

et

département des constructions et des technologies de l'information

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 2 décembre 2009 (DCCR/1324/2009)


EN FAIT

1. La Fondation de la commune de Jussy pour le logement (ci-après : la fondation) est propriétaire de la parcelle n° 856, feuille 25, d'une surface de 9'240 m2, colloquée en zone 4B protégée et située entre la route de Jussy et le chemin des Pré-Seigneur. Sur la partie ouest de ce bien-fonds sont édifiés un immeuble d'habitation de dix logements ainsi qu'un parking souterrain, la partie est étant libre de toute construction. Sur la parcelle adjacente, n° 857, également propriété de la fondation, est érigé un immeuble de quatorze logements dont le parking souterrain est relié à celui construit sur la parcelle n° 856.

2. Le 13 novembre 2008, la fondation a déposé une demande définitive d'autorisation de construire auprès du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département) portant sur l'édification d'un ensemble de vingt-quatre logements répartis sur trois étages, de locaux communs et d'un parking en sous-sol sur la parcelle n° 856.

La requête a été publiée le 28 novembre 2008 dans la Feuille d'avis officielle (FAO).

3. a. Madame Dea Raymond ainsi que Mesdames Sylvianne Edaraf Raymond, Mireille Gaudet Raymond, ses filles et Monsieur Robert Raymond, son fils forment l'hoirie de feu Monsieur Lucien Raymond (ci-après : l'hoirie), propriétaire de la parcelle n° 81, feuille 25 de la commune de Jussy. Ce terrain, colloqué en zone agricole, d'une surface de 12'395 m2 est situé de l'autre côté de la route de Jussy, au nord de la parcelle concernée par la demande d'autorisation de construire.

Par courrier daté du 11 décembre 2008, l'hoirie a formé opposition à ladite demande. Il était souhaitable, avant d'autoriser ce projet de construction, de connaître les intentions de la commune de Jussy, via son plan directeur, ainsi que "les extensions des zones à bâtir dans un futur proche et l'établissement d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) afin de garder un cachet et une harmonie de construction équilibrée de part et d'autre de la route de Jussy".

b. Le 9 janvier 2009, la fondation a répondu à l'hoirie en précisant que les parcelles situées au nord et à l'est de la zone 4B protégée, de part et d'autre de la roue de Jussy, étaient colloquées en zone agricole. Le plan directeur communal (ci-après : PDCom), validé par la commission ad hoc du Conseil municipal avait été transmis par la commune à l'Etat de Genève le 21 décembre 2007 pour enquête technique, procédure qui était toujours en cours. Le PDCom ne prévoyait pas d'extension de la zone à bâtir aux abords de la parcelle n° 856 et de ce fait, l'élaboration d'un PLQ n'avait pas lieu d'être.

4. Lors de l'instruction de la demande d'autorisation définitive de construire, tous les préavis recueillis par le département s'étaient avérés favorables ou favorables sous conditions.

Notamment, le 12 décembre 2008, la direction générale de la mobilité (ci-après : DGM) avait préavisé favorablement le projet à la condition que des places de stationnement pour les vélos soient prévues à l'extérieur.

Le 6 janvier 2009, la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s'était prononcée après avoir demandé un reportage photographique du site et procédé à une visite des lieux. Son préavis était favorable au projet, sous réserve du traitement des espaces extérieurs en espaces collectifs aménagés de façon homogène. Compte tenu du fort impact visuel depuis la zone agricole, une teinte de façade discrète et des matériaux en adéquation avec la zone villageoise, devait être prévue. Le projet proposait "un langage architectural atypique dans une zone villageoise". Ainsi, un soin tout particulier devait être apporté aux détails d'exécution afin que la réalisation future conserve les qualités du projet. Le gabarit était en adéquation avec l'échelle des bâtiments environnants et, en raison du type d'habitat proposé, de la volumétrie générale et des qualités architecturales, le projet était bien intégré dans le site.

5. Le 18 mai 2009, le département a accordé l'autorisation de construire à la fondation. La décision a été publiée dans la FAO du 22 mai 2009.

6. a. Par courrier daté du 20 juin 2009, reçu le 23 juin 2009 par le département, l'hoirie a formé recours. Elle reprenait les termes exacts de ses observations du 11 décembre 2008 en ajoutant que "les bâtiments projetés n'avaient pas un caractère s'intégrant dans le contexte situé dans ce secteur".

b. Le 29 juin 2009, le département a transmis pour raison de compétence le courrier de l'hoirie à la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue depuis le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance.

7. Le 28 juillet 2009, la fondation a déposé ses observations en concluant au rejet du recours.

Tel que cela résultait de son inscription au registre du commerce, elle avait pour but de mettre à disposition de la population de Jussy en priorité des logements confortables à un loyer correspondant aux besoins de la population, notamment au bénéfice de la législation cantonale et fédéral en matière de logement à but social, ainsi que des locaux professionnels, commerciaux, artisanaux et d'intérêt général.

Afin de réaliser ses buts, elle avait mis en œuvre un concours d'architecture visant à l'édification d'un nouvel immeuble d'habitation sur la partie libre de constructions de sa parcelle. Le projet ayant remporté le premier prix avait donné lieu à la demande d'autorisation de construire litigieuse.

Le PDCom mentionné par l'hoirie était en phase d'étude et ne pouvait pas avoir d'effet sur l'autorisation de construire.

L'adoption d'un PLQ n'était pas nécessaire. La conformité du projet aux dispositions applicables en zone 4B protégée et son intégration dans le développement naturel du village avaient conduit à juste titre le département à ne pas juger utile l'adoption préalable d'un tel plan.

S'agissant de l'esthétique de la construction, le département avait suivi les préavis favorables, dont celui de la CMNS et n'avait ni excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

8. Le 7 septembre 2009, le département a persisté dans les termes de sa décision du 18 mai 2009 en soulignant que tous les préavis sur lesquels il s'était fondé pour rendre sa décision étaient favorables, notamment ceux de la direction générale de l'aménagement du territoire du 19 novembre 2008 et celui de la CMNS.

9. Le 2 décembre 2009, les parties ont été entendues en audience par la CCRA.

M. Raymond a exposé que les bâtiments projetés seraient "assez prenants" ayant l'aspect d'un "grand boyau" alors qu'à côté il y avait deux autres bâtiments "ordinaires". Le déséquilibre se trouvait dans le fait que les nouveaux bâtiments seraient édifiés au milieu de petits bâtiments et seraient pourvus d'un toit plat.

La fondation a précisé que les bâtiments projetés avaient le même gabarit que les deux bâtiments existants et que les toits étaient à deux pans et "terrassants". Une dérogation fondée sur l'art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) qui concernait les jours croisés entre les constructions elles-mêmes avait été octroyée. La direction de l'aménagement du territoire avait relevé dans son préavis que la construction projetée était en adéquation avec la zone.

10. Le 2 décembre 2009, la CCRA a rejeté le recours de l'hoirie.

Le recours ne satisfaisait guère aux exigences formelles, mais sa recevabilité pouvait demeurer indécise dans la mesure où il était mal fondé.

S'agissant des questions de gabarit, d'esthétique et d'intégration du projet par rapport à son environnement dans la zone considérée, la SCA, composée de spécialistes en matières d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine, avait préavisé favorablement le projet. Le département, suivant les préavis, n'avait ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

Quant au PDCom, il était irrelevant.

11. Par envoi mis à la poste le 25 février 2010, l'hoirie a recouru auprès du Tribunal administratif devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la CCRA, reçue le 26 janvier 2010.

L'hoirie exposait reprendre les bases de son recours auprès de la CCRA mais souhaitait le compléter sur divers points dont elle avait eu connaissance lors de l'audience de comparution personnelle du 2 décembre 2009.

Selon ce que la commune avait déclaré, les parcelles faisant face à celles appartenant à la fondation devaient rester en zone agricole, d'après le projet de PDCom. Le projet litigieux prévoyait un parking avec trente-six places, soit 1,5 place par logement. Or, il était évident que les personnes s'installant à la campagne avaient en général deux véhicules. De ce fait, les futurs locataires et les visiteurs devraient parquer leur véhicule en débordant sur la zone agricole, comme c'était déjà le cas actuellement. L'exemple des deux immeubles voisins, propriété de la fondation, le démontrait. Il existait bien un parking le long de la route cantonale mais il était occupé par des voitures de frontaliers pendulaires. Il semblait inévitable qu'un prolongement de parcage sauvage s'étende le long de la route de Jussy. L'accès aux terres agricoles deviendrait difficile et celles-ci n'étaient pas prévues pour supporter les problèmes des véhicules des habitants.

La seule solution était de créer de part et d'autre de la route de Jussy une zone 4B protégée. Une discussion avec les autorités de la commune devait avoir lieu afin d'élaborer le PDCom dans ce sens. En cas contraire, elle n'avait aucun intérêt à ce que le projet de la fondation voie le jour et cela justifiait son recours.

12. Le 1er mars 2010, la CCRA a transmis son dossier.

13. Le 15 mars 2010, la fondation a déposé ses observations en concluant au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

La recevabilité du recours était douteuse car il ne contenait ni conclusions formulées ni motivation.

S'agissant des places de stationnement prévues, elles étaient de quarante en sous-sol et de quinze à l'extérieur, dont cinq réservées aux visiteurs. Ces chiffres étaient supérieurs au minimum prévu par le règlement concernant la circulation et le stationnement des véhicules sur les terrains privés (RCSV - H 1 10.03).

Concernant le trafic et les problèmes de stationnement qu'entraîneraient, selon l'hoirie, les futures habitations, la DGM avait émis un préavis favorable sous réserve de l'implantation de places de stationnement pour vélos à l'extérieur. Le trafic supplémentaire qui serait engendré par les nouveaux habitants était propre à la destination de la zone. Les problèmes liés au transit des véhicules dans la commune de Jussy et plus particulièrement sur les chemins agricoles ne relevaient aucunement de l'autorisation de construire litigieuse mais de mesures de circulation sortant du cadre de la présente procédure.

En proposant de modifier les zones de part et d'autre de la route de Jussy, l'hoirie dévoilait la seule et unique motivation de son recours, à savoir le déclassement de sa parcelle. Ce motif ne saurait être cautionné. En outre, ce déclassement ne serait pas de nature à remédier aux problèmes, bien au contraire puisqu'il engendrerait de nouvelles constructions.

14. Le 31 mars 2010, le département a déposé ses observations en concluant principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement, à son rejet.

Le recours était insuffisamment motivé et il ne comportait pas de conclusions. En outre, le grief portant sur le problème de pénurie de places de stationnement dans la commune était tardif.

L'autorisation avait été délivrée suite à des préavis unanimement positifs et la CCRA l'avait confirmée à juste titre.

15. Le 29 avril 2010, l'hoirie a encore répliqué que rien ne saurait empêcher quiconque de posséder plus de véhicule que les 1,5 place prévue par appartement. Pour cette raison, le problème de stationnement le long de la route de Jussy et sur les parcelles en zone agricole, envahies de véhicules d'entreprises extérieures à la commune et par les véhicules privés des frontaliers, serait amplifié.

16. Le 7 mai 2010, la fondation a renoncé à déposer des observations complémentaires.

17. Le 21 mai 2010, le département a relevé que l'hoirie ne pouvait opposer à l'autorisation de construire délivrée, les problèmes qu'elle rencontrait actuellement en matière de stationnement, lesquels apparaissaient être essentiellement liés au trafic des frontaliers.

18. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 56A de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (aLOJ, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010) ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010).

2. a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes.

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la recourante (ATA/496/2008 du 23 septembre 2008 ; ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/118/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 et la jurisprudence citée).

b. Quant à l’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA, elle a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/496/2008 du 23 septembre 2008; ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/179/2001 du 13 mars 2001). Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/23/2006 du 17 janvier 2006 ; cf. ég. ATF 130 I 312 rendu à propos de l’ancien art. 108 al. 2 OJ). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu’il appartient au recourant de prendre position par rapport au jugement (ou à la décision) attaqué et d’expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à celui-ci (ATF 131 II 470, consid. 1.3 p. 475 [ég. rendu à propos de l’ancienne LOJ] ; Arrêt du Tribunal fédéral I 134/03 du 24 février 2004 ; ACOM/6/2006 du 15 février 2006). Enfin, la simple allégation que la décision attaquée serait erronée est insuffisante, la motivation devant être en relation avec l’objet du litige.

En l’espèce, bien que l'hoirie n’ait pas pris de conclusions formelles dans son recours, la lecture de celui-ci, fort succinct et renvoyant aux écritures produites en premier instance, permet de comprendre qu’elle conclut à l’annulation de la décision de la CCRA et de l'autorisation de construire délivrée par le département.

Il s’ensuit qu’à cet égard également, le recours est recevable.

3. La recourante allègue que le projet ne s'intégrerait pas au site, en raison de son gabarit et de son style.

Dans les villages situés en zone protégée, tel celui de Jussy, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier, l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manières à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant (art. 106 al. 1 LCI).

L'art. 106 LCI renferme une clause d'esthétique particulière, plus précise que l'art. 15 de la même loi, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce. Cette notion juridique indéterminée laisse un certain pouvoir d'appréciation à l'administration, celui-ci n'étant limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/109/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/37/2005 du 25 janvier 2005 ; ATA/505/2004 du 8 juin 2004 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 332-333 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 4e éd., 1991, p. 34-36).

De jurisprudence constante, les préavis n'ont qu'un caractère consultatif. Un préavis est en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative ; s'il va de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans les conditions prévues par la loi, l'autorité de décision reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (ATA/1352/2005 du 2 mai 2006 ; RDAF 1983, p. 344).

La loi ne prévoit aucune hiérarchie entre les différents préavis requis. Néanmoins, dans le cadre de l'application de l'art. 106 al. 1 LCI où la commune et la CMNS doivent être consultées. La chambre de céans a toujours jugé qu'en cas de préavis divergents, une prééminence était reconnue à celui de la CMNS puisqu'elle était composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine (ATA/263/2007 du 22 mai 2007 ; ATA/676/2006 du 19 décembre 2006 ; ATA/648/2006 du 5 décembre 2006 et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/100/2005 du 1er mars 2005 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201).

En l'espèce, le préavis de la commune était favorable, le projet résultant en outre d'un concours d'architecture initié par celle-ci. La CMNS, après avoir effectué un transport sur place et s'être procurée un dossier photographique, a rendu un préavis favorable sous différentes conditions portant notamment sur l'intégration des constructions au site s'agissant des teintes et matériaux utilisés.

Le département, se fondant sur ces préavis, a délivré l'autorisation requise. En conséquence, en l'absence de motifs pertinents avancés par la recourante, force est de constater qu'il n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en estimant que les constructions prévues répondaient aux critères posés par l'art. 106 LCI en matière d'intégration à l'agglomération et au site.

Partant, le grief sera écarté.

4. La recourante reproche à la commune de ne pas avoir prévu dans le PDCom une extension de la zone constructible, sur ses terres, qui permettrait de juguler les problèmes engendrés par le manque de places de stationnement existantes qui sera amplifié par les nouveaux habitants. Elle soutient qu'en l'absence d'accord sur ce point avec la commune, elle est fondée à s'opposer à la construction litigieuse.

En l'espèce, le recours porte sur une autorisation de construire. Le lien fait par la recourante entre l'incidence de la création de nouveaux logements et le déclassement de ses propres parcelles est fondé sur un raisonnement spécieux et sans lien avec l'objet du litige qui ne concerne pas un changement de zone ou le PDCom lui-même.

5. La recourante relève enfin que la construction projetée engendrerait une aggravation de la situation du stationnement sur ses parcelles en zone agricole et le long de la route de Jussy. Ce grief n'a pas été soulevé devant la CCRA est partant n'est pas recevable car tardif.

Le département peut refuser une autorisation lorsqu'une construction ou une installation serait cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 let. a LCI).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'art. 14 LCI appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. Ainsi, l'accroissement du trafic routier ne crée par une gêne durable au sens de l'art. 14 LCI, s'il est raisonnable eu égard à la zone considérée (ATA/6/2011 du 11 janvier 2011 ; ATA/200/2008 du 29 avril 2008).

En cette matière, la chambre de céans accorde crédit, faute d'éléments permettant de le mettre en doute, à l'avis des services spécialisés de l'administration pour les questions qui les concernent particulièrement (ATA/6/2011 précité ; ATA/200/2008 précité).

En l'espèce, la DGM a délivré un préavis favorable au projet. Les immeubles dont la construction est envisagée comporteront un garage souterrain et de places de stationnement extérieures dans une proportion respectant les exigences légales et plus spécifiquement les ratios du RCSV. Cela est vrai, même si la recourante semble estimer que ces ratios ne sont pas adéquats, cette question étant exorbitante au présent litige.

A cela s'ajoute que les problèmes de stationnement évoqués par la recourante sont préexistants et surtout qu'ils découlent, aux dires de celle-ci, d'une cause indépendante de l'autorisation querellée, à savoir le stationnement des véhicules de travailleurs frontaliers. En conséquence, rien ne permet de considérer que la construction litigieuse serait en elle-même cause d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI. Le grief sera écarté.

6. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des membres de l'hoirie, pris conjointement et solidairement. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la fondation à la charge des membres de l'hoirie, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 février 2010 par l'hoirie de feu Monsieur Lucien Raymond, soit pour elle Mesdames Dea Raymond, Sylvianne Edaraf Raymond, Mireille Gaudet Raymond et Monsieur Robert Raymond contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 2 décembre 2009 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de l'hoirie de feu Monsieur Lucien Raymond, soit pour elle, Mesdames Dea Raymond, Sylvianne Edaraf Raymond, Mireille Gaudet Raymond et Monsieur Robert Raymond, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la Fondation de la commune de Jussy pour le logement, à la charge de l'hoirie de feu Monsieur Lucien Raymond, soit pour elle, Mesdames Dea Raymond, Sylvianne Edaraf Raymond, Mireille Gaudet Raymond et Monsieur Robert Raymond, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'hoirie de feu Monsieur Lucien Raymond, soit pour elle, Mesdames Dea Raymond, Sylvianne Edaraf Raymond, Mireille Gaudet Raymond et Monsieur Robert Raymond, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à Me Michel D'Alessandri, avocat de la Fondation de la commune de Jussy pour le logement ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :