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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/661/2006

ATA/648/2006 du 05.12.2006 ( DCTI ) , ADMIS

Parties : AVVANZINO Nadia / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATIQUE, COMMUNE DE SATIGNY, CHANEY John
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/661/2006-DCTI ATA/648/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 décembre 2006

dans la cause

 

 

Madame Nadia AVVANZINO
représentée par Me Gérard Brutsch, avocat

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

 

et

 

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

 

 

et

 

 

COMMUNE DE SATIGNY

 

et

 

 

Monsieur John CHANEY, appelé en cause

représenté par Me Bruno Mégevand, avocat


 


1. La parcelle 10’510 feuille 41 de la commune de Satigny à l’adresse 56, route de la Gare de Satigny est située en zone de développement 4B protégée. A l'origine elle comportait deux bâtiments, soit un bâtiment de logement et un garage, d’une surface au sol respectivement de 71 m2 et 10 m2.

2. Par requête enregistrée le 16 juillet 2002 sous DD 97’953-6, Madame Nadia Avvanzino (ci-après : l'intéressée ou la recourante) a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire portant sur la transformation et l’agrandissement de la maison de village susmentionnée ainsi que de son annexe. Le projet prévoyait la transformation du bâtiment existant avec création d'une véranda sur la façade sud-ouest, de lucarnes et d'un escalier extérieur à l'arrière du bâtiment. L'annexe, dont la surface au sol était portée à 25 m2, constituerait un studio relié au bâtiment principal par un passage enserré dans une sorte de véranda munie de vitrages fixes et translucides donnant sur l'arrière du bâtiment.

3. Le département de l’aménagement de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département ou le DCTI), a accordé l’autorisation de construire sollicitée par décision du 7 novembre 2003, publiée dans la feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du 12 novembre 2003.

L'autorisation de construire tenait compte du préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 18 mars 2003. L'agrandissement de l'annexe reliée au bâtiment principal avait été admis ainsi que la véranda. En revanche elle avait refusé que l'escalier soit construit en saillie.

Dans ledit préavis, la CMNS avait indiqué que le bâtiment recensé en valeur 4+ était dans un état de délabrement avancé ; en dehors des vestiges d'une cheminée, il ne restait plus d'éléments dignes de conservation. Par ailleurs, l'environnement était composé de bâtiments récents sans grand intérêt architectural.

4. Par requête enregistrée le 7 mai 2004 sous APA 23’219-6, l'intéressée a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire portant sur des modifications de l'aménagement intérieur et des façades du projet de construction en voie de réalisation, plus particulièrement de l'annexe au bâtiment principal. Celles-ci comprenaient notamment la création d’un escalier en saillie occulté par des vitres fixes et translucides sur la façade nord-est de l'annexe, transformée en studio, de même que la pose de vitrages sur la façade nord-ouest du même bâtiment, au niveau du sous-sol. Un vitrage au niveau du rez ainsi qu'un au niveau du premier étage étaient prévus sur la façade nord-ouest du bâtiment principal.

5. Le 27 mai 2004, la commune de Satigny (ci-après : la commune) a émis un préavis défavorable, considérant que les jours du studio et de la salle de bains devaient être fixes et translucides, pour autant qu’ils soient autorisables eu égard à la distance aux limites de la propriété voisine.

Elle observait par ailleurs que les jours existaient déjà à l’état brut malgré le fait qu’ils n’apparaissent pas dans la demande initiale. Ils paraissaient d’ailleurs plus grands que ceux mentionnés dans la demande d’autorisation.

6. La CMNS a également émis le 8 juin 2004 un préavis défavorable et demandé un complément, rappelant qu’elle avait déjà eu l’occasion de se prononcer, dans le cadre de l’autorisation précédente, sur le procédé de l’escalier saillant en façade et qu’elle l’avait refusé sur la maison principale. Elle considérait que les ouvertures de l’annexe devaient êtres également réalisées dans le plan de la façade.

7. Suite à ces préavis défavorables, la recourante a déposé le 5 juillet 2004 un projet modifié, comprenant notamment une modification de la saillie en façade : au lieu d’une saillie en forme de triangle, le projet modifié prévoyait une saillie en forme de rectangle. Le nouveau projet comportait dorénavant des jours fixes et translucides sur la façade nord-ouest du studio (annexe) et de la salle de bains.

8. Le 13 juillet 2004, la CMNS a de nouveau émis un préavis défavorable, demandant que l’escalier soit dans le plan de la façade et non en saillie.

9. Se référant aux préavis défavorables de la commune et de la CMNS le département a refusé, par décision du 21 septembre 2004, l’autorisation sollicitée. Il a considéré que les modifications envisagées étaient de nature à porter atteinte au caractère du quartier. Par ailleurs, la distance minimale entre les interventions en façade et la limite de propriété n’était pas respectée.

10. Par acte daté du 25 octobre 2004, la recourante a interjeté recours contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC).

11. Entre temps par courrier du 21 octobre 2004, le département a informé l’architecte qu’il avait été constaté, lors d’un contrôle effectué par un inspecteur de la police des constructions, que les travaux en cours à l’adresse en cause n’étaient pas conformes à l’autorisation de construire DD 97’953. En fait, ces travaux correspondaient davantage au dossier qui avait été refusé par décision du 21 septembre 2004. En outre, il ressortait également du constat que les sous-sols avaient été agrandis sous la partie jardin d’hiver.

Le département a indiqué que cette situation constituait une infraction à l’article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Par conséquent, en application des articles 129 et suivants LCI, il ordonnait à l’architecte d’interrompre immédiatement le chantier et de rétablir la configuration autorisée. Il enjoignait également de requérir, dans un délai de 30 jours une autorisation de construire complémentaire portant sur l’extension du sous-sol.

12. Dans sa réponse du 26 octobre 2004, le mandataire a indiqué que le chantier était terminé, sauf en ce qui concernait l’ouverture de deux fenêtres dans la paroi nord-ouest de l’annexe et la cage d’escalier sur la façade nord-est de la même annexe, toutes deux faisant l’objet de la demande d’autorisation APA 123’219 refusée au mois de septembre.

13. Le 17 novembre 2004, la commune est intervenue dans la procédure de recours.

14. Au cours de l’audience de comparution personnelle du 21 janvier 2005, le maire de la commune a précisé que celle-ci n’avait pas préavisé un projet comprenant des jours fixes et translucides. Elle s’était opposée à un projet précédent qui prévoyait des ouvertures. Il convenait dès lors qu’elle se prononce sur l’ultime projet qui comportait des jours fixes et translucides. Le maire a ajouté encore qu’il faudrait l’accord des autres copropriétaires. La représentante du DCTI a relevé que la CMNS ne s'était prononcée de manière défavorable que sur l’escalier. La recourante a constaté à cette occasion que l’escalier litigieux était déjà construit.

Le mandataire de la recourante a déposé les photos d'un bâtiment existant sur le territoire de la commune. Elles représentaient un immeuble d'un étage sur rez avec combles habitables sis entre la route d'Aire-la-Ville et le chemin des Grandes-Vignes, à l'adresse route d'Aire-la-Ville, n° 211. Ce bâtiment, sis en zone 4B protégée, se caractérisait par deux escaliers en saillie protégés par un verre opaque de forme rectangulaire, fixés sur les façades latérales.

15. Par ordonnance préparatoire du 1er mars 2005, la CCRMC a invité la commune à délivrer un nouveau préavis relatif au projet modifié qui prévoyait des jours fixes et translucides.

16. Le 22 mars 2005, la commune a préavisé favorablement le projet modifié.

17. Au cours du transport sur place du 29 avril 2005, le DCTI a persisté dans son refus concernant la construction de l’escalier en saillie. En revanche, il a admis que pour les nouvelles fenêtres translucides la question pouvait être étudiée à nouveau, compte tenu du préavis désormais favorable de la commune. La CCRMC a rappelé que la zone était une zone 3 de développement. Toutefois, selon un arrêté du Conseil d’Etat du 29 octobre 2003, les conditions de la zone 4B protégée étaient applicables.

En ce qui concernait l’intégration de la saillie de l’escalier, la CCRMC s'est rendue compte que lorsqu’on se trouvait en face de l’entrée du bâtiment concerné côté sud la saillie n’était pas visible.

Elle a constaté également l’existence d’une saillie côté nord-ouest du bâtiment principal. Cette saillie n’existait pas sur les plans visés "ne varietur" dans le cadre de l’autorisation DD 97’953.

La commission de recours a invité la CMNS à déposer un préavis motivé après examen sur place à propos de la saillie sur l’annexe et à propos de la saillie du bâtiment principal.

18. Dans son préavis du 6 octobre 2005, la CMNS a émis les remarques suivantes :

a. Jardin d’hiver :

Concernant les ouvertures en sous-sol, la commission se déclarait favorable aux interventions proposées.

b. Escalier en saillie sur le bâtiment principal et sur l’annexe :

Elle a indiqué s’en tenir aux différents préavis déjà délivrés et a confirmé après visite sur place que "ces éléments saillants découpaient de façon incongrue des façades au caractère traditionnel parfaitement marqué. Atypiques sur des constructions anciennes ou des adjonctions récentes exprimées avec une architecture traditionnelle, traitées sur deux niveaux comme de véritable saignées verticales, ces protubérances à 45° participaient de nuire à la cohérence d’un bâtiment dont les qualités patrimoniales évidentes ont été soulignées dans le cadre du recensement architectural cantonal (valeur 4+)".

En conséquence, la CMNS s’est déclarée absolument défavorable au traitement saillant de ces escaliers, tant sur la maison principale que sur son annexe.

c. Panneaux solaires :

La CMNS a relevé d’emblée que les panneaux solaires exécutés dépassaient de part et d’autres des deux lucarnes et que de ce fait, ils n’étaient pas conformes à ceux dessinés sur les élévations. Elle soulignait toutefois la sobriété et la qualité du détail d’exécution et à titre tout à fait exceptionnel elle se déclarait donc favorable à la présence de ces panneaux solaires.

19. Par décision du 20 décembre 2005, communiquée par pli recommandé du 20 janvier 2006, la CCRMC a rejeté le recours à l’exception du refus concernant la construction des vitrages fixes et translucides du sous-sol ainsi que les deux vitrages fixes et translucides du premier niveau côté nord-ouest.

La CCRMC a constaté que le département avait suivi le préavis défavorable de la CMNS si bien que la décision de refus concernant la construction de l’escalier en saillie de l’annexe ne consacrait aucune violation de la loi ou abus du pouvoir d’appréciation, les motifs de préavis étant fondés. Elle rappelait par ailleurs que la construction de l’escalier en saillie du bâtiment principal, côté sud (errata : en réalité côté nord-ouest), ne faisait pas l’objet de la procédure mais que la CMNS avait déjà émis un avis négatif pour cette nouvelle atteinte qui était d’ailleurs visible immédiatement.

20. Par acte daté du 22 février 2006, Mme Avvanzino a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif.

La CCRMC s'était bornée à suivre le préavis de la CMNS alors qu’elle aurait dû s’en écarter.

Le bâtiment concerné était un nouveau bâtiment, de sorte que les considérations de la CMNS relatives à la sauvegarde du caractère traditionnel des façades ne pouvaient s’appliquer. En outre, la construction de jardins d’hiver était un procédé architectural déjà connu et appliqué au 19ème siècle, soit bien avant la construction de la maison litigieuse.

Enfin, la recourante s’est plainte de la violation du principe de l’égalité de traitement.

21. Dans sa réponse du 31 mars 2006, le département a rappelé que la parcelle considérée se situait en zone de développement 4B protégée et qu’en conséquence le préavis de la CMNS était obligatoire. En se référant à la jurisprudence constante du Tribunal administratif, elle a souligné que dans cette hypothèse le préavis de la commission avait un poids certain dans l’appréciation qu’était amenée à effectuer l’autorité de recours. Par ailleurs, celle-ci devait de manière générale observer une certaine retenue chaque fois que l’autorité administrative suivait les préavis des commissions consultatives.

Le fait que le projet litigieux portait sur l’annexe construite récemment n'était pas pertinent, dans la mesure où il s’agissait certes d’une construction nouvelle mais exprimée avec une architecture traditionnelle, ce qu’avait souligné la CMNS dans son préavis.

Le grief de violation du principe d’égalité de traitement, n’était pas fondé puisque la recourante ne démontrait pas que les exemples qu’elle citait étaient semblables au cas qui faisait l'objet de la présente procédure. En conséquence, le recours devait être rejeté.

22. Par pli du 3 mars 2006, la commune a maintenu son préavis défavorable du 27 mai 2004 par rapport au dossier APA 23’219 - 6 et a confirmé en revanche son préavis favorable par rapport à l'installation de vitrages fixes et translucides. Elle n’avait plus aucune remarque à formuler sur ce dossier.

23. Le 12 mai 2006, le Tribunal administratif a effectué un transport sur place. Le juge délégué a pris des photos de l’escalier en saillie qui se trouve sur la façade de l’annexe, derrière les vitrages fixes et translucides ainsi que des bâtiments environnants. Les photos ont été jointes au dossier.

24. Par pli du 5 juillet 2006 adressé au tribunal de céans, Monsieur John Chaney, copropriétaire de la parcelle 10352 sise à l'adresse 52-54 route de la Gare de Satigny, voisin de la recourante, a demandé à être appelé en cause. Il s'est opposé au recours en faisant valoir que la construction incriminée se trouvait à moins de 1,80 mètre du bâtiment cadastré sous le n° 266 dont il avait la jouissance et par conséquent occasionnait une perte de luminosité de cet édifice qu'il utilisait comme bureau. Elle altérait le caractère villageois des maisons environnantes et ne respectait pas la distance minimale à la limite de propriété. Il invoquait également l'appui de la Régie du Rhône et de la copropriété Agrion dans le cadre de son opposition.

Il joignait copie des courriers en ce sens qu'il avait déjà envoyés au département et à la CCRMC en date des 4 juin et 3 décembre 2004 ainsi que des 24 et 28 octobre 2005.

25. Par pli du 28 juillet 2006, la commune a indiqué qu'elle n'entendait pas se déterminer sur la demande d'appel en cause.

Dans un premier temps la recourante a sollicité une prolongation du délai imparti par le tribunal pour se prononcer sur la question. Quant au département, il a communiqué au tribunal par courrier du 3 août 2006 qu'il ne s'opposait pas à l'appel en cause de M. Chaney.

26. La recourante s'en est rapportée à justice sur la recevabilité de la demande d'appel en cause formée par M. Chaney par courrier du 15 août 2006, tout en soulignant que celui-ci n'avait pas la faculté et les qualités pour représenter la copropriété Agrion et la Régie du Rhône, sa demande d'appel en cause devant être déclarée irrecevable en tant qu'elle concernait ces deux entités. Sur le fond, elle a conclu au rejet des conclusions de celui-ci.

27. Le 17 août 2006 le Tribunal administratif a formellement appelé en cause M. Chaney (ci-après : l'appelé en cause) et lui a fixé un délai au 15 septembre pour produire ses observations. Dans le délai imparti, l'appelé en cause a persisté dans ses conclusions tendant au rejet du recours et a repris les arguments déjà développés précédemment qui seront évoqués ci-après en tant que de besoin. Il agissait à titre personnel uniquement, aucune référence n'étant faite ni à la Régie du Rhône ni à la copropriété Agrion.

28. Le 28 septembre 2006 la recourante s'est déterminée sur les observations de M. Chaney.

Le bâtiment n° 266, dont celui-ci avait la jouissance, avait été érigé illégalement en limite de propriété. Son avant-toit, un saut-de-loup ainsi qu'une descente et un sac d'eau pluviale empiétaient sur sa parcelle. Des vitrages transparents et une porte d'accès avaient été percés en limite de propriété. Cette construction était destinée à être utilisée comme garage ou couvert à vélos. C'était donc de manière parfaitement abusive que l'appelé en cause s'en servait comme bureau.

L'agrandissement de sa maison ainsi que de son annexe avait fait l'objet d'une autorisation de construire délivrée le 7 novembre 2003. L'APA 23219-6 ne portait que sur la réalisation de vitrages et de l'escalier en saillie. Or, aucune ouverture n'avait été percée dans le mur faisant face au bâtiment n° 266 et l'escalier en saillie étant situé sur la façade nord-est ne pouvait occasionner une interférence avec le soleil.

29. Par pli du 29 septembre 2006 le tribunal de céans a octroyé aux parties un délai au 13 octobre pour qu'elles se déterminent sur les photos prises par le juge délégué lors du transport sur place du 12 mai 2006. Celles-ci ayant renoncé à se prononcer sur lesdites photos, la cause a été gardée à juger.

30. Il résulte de ces photos qu'à l'arrière de la maison de la recourante, sur la parcelle 10304 à l'adresse 58 à 68 route de la gare de Satigny, ont été édifiés plusieurs immeubles de deux étages et combles habitables sur rez qui constituent le complexe "Les vignes dorées".

Ces immeubles sont construits dans une architecture particulière avec, au niveau du toit, des frontons triangulaires soutenus par des colonnes de la hauteur de deux étages. Les balcons sis au premier étage sont également soutenus par des colonnes. Les escaliers extérieurs ainsi que les balcons sont entourés de grillages. Un bouquet composé de trois tuyaux couleur lilas, qui constituent les cheminées, est accolé au mur d'un des immeubles et dépasse le faîte du toit. Certains immeubles présentent sur le côté, au rez-de-chaussée, des vérandas résolument modernes tandis qu'au premier étage des fenêtres en saillie, de forme triangulaire, ont reçu en substance le même traitement que celui que la recourante a réservé à son escalier. Ce dernier détail est particulièrement visible sur les photos produites sous pièces 17 et 18 jointes par la recourante au recours déposé devant la CCRMC.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Par pli du 17 août 2006, le Tribunal administratif a admis l'appel en cause de M. Chaney en vertu de l'article 71 LPA. Dans ses écritures du 14 septembre 2006, celui-ci a clairement pris des conclusions titre personnel, en qualité de copropriétaire de la parcelle n° 10352 qui jouxte la parcelle de la recourante, aucune référence n'étant faite à la Régie du Rhône ou à la copropriété Agrion. C'est donc uniquement à titre personnel que lui sera reconnue la qualité de partie.

3. L'agrandissement et la transformation de la maison de la recourante ainsi que de son annexe ont fait l'objet d'une autorisation de construire du 7 novembre 2003, publiée dans la FAO du 12 novembre 2003. Celle-ci étant entrée en force, tout grief portant sur l'agrandissement de ces deux bâtiments doit être rejeté.

4. En cours de procédure, tant la CCRMC que les parties en cause ont admis la pose de vitrages fixes et translucides.

Il s'ensuit que le seul élément litigieux reste l'escalier en saillie élevé sur la façade nord-est de l'annexe.

5. La 4ème zone rurale (4ème zone B) est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements, situées dans des villages et des hameaux (art. 19 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). Lorsque la zone est en outre protégée, comme en l'espèce, l'aménagement et le caractère architectural du quartier ou de la localité considéré doivent être préservés (art. 12 al. 5 LALAT).

6. Dans les villages situés en zone protégée, telle cette portion de celui de Satigny, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant. Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriété et les vues droites (art. 106 al. 1 LCI).

7. L'article 106 LCI renferme une clause d'esthétique particulière, plus précise que l'article 15 de la même loi, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce. Cette notion juridique indéterminée laisse un certain pouvoir d'appréciation à l'administration, celle-ci n'étant limitée que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/109/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/37/2005 du 25 janvier 2005 ; ATA/505/2004 du 8 juin 2004 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 332-333 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1991, p. 34-36).

8. Pour l'application de l'article 106 LCI, le département doit recueillir les préavis de la CMNS et de la commune.

a. De jurisprudence constante, les préavis n'ont qu'un caractère consultatif. Un préavis est en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative; s'il va de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi, l'autorité de décision reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (ATA/1142/2004 du 5 avril 2005 ; RDAF 1983, p. 344).

b. La loi ne prévoit aucune hiérarchie entre les différents préavis requis. Néanmoins, dans le cadre de l’application de l’article 106 alinéa 1 LCI où la commune et la CMNS doivent être consultées, le tribunal de céans a toujours jugé qu'en cas de préavis divergents, une prééminence était reconnue à celui de la CMNS puisqu'elle est composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine. Lorsque sa consultation est imposée par la loi, son préavis, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un caractère prépondérant (ATA/178/2005 du 5 avril 2005 ; ATA/505/2004 du 8 juin 2004 ; ATA/130/1999 du 2 mars 1999 ; ATA/482/1995 du 26 septembre 1995).

9. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/100/2005 du 1er mars 2005 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201). Le Tribunal administratif exerce alors un contrôle plus restreint que celui de la commission de recours de première instance, qui est composée pour une bonne part de spécialistes (SJ 1988 p. 503).

Lorsque la commission s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable.

Le Tribunal administratif se considère libre d’exercer son propre pouvoir d’examen lorsqu’il est confronté à des préavis divergents et ce d'autant plus qu'il a procédé lui-même à des mesures d'instruction (ATA/37/2005 du 25 janvier 2005 ; ATA/826/2004 du 26 octobre 2004 et les références citées).

Tant la commune que la CMNS, se sont opposées à la construction d'un escalier en saillie. En effet cette construction nuirait d'une part à l'harmonie du quartier et d'autre part à la cohérence d'un bâtiment aux "qualités patrimoniales évidentes" (sic).

C'est le lieu de rappeler que dans le préavis rendu dans le cadre de la première demande d'autorisation de construire en 2003, la CMNS admettait que le bâtiment de la recourante ne présentait plus d'éléments dignes de conservation. Le Tribunal administratif relève dès lors une contradiction entre le préavis rendu en 2003 et celui du mois d'octobre 2005.

De même, toujours dans le même document la CMNS reconnaissait que les édifices environnants ne présentaient pas un grand intérêt architectural. Les photos versées à la procédure permettent de constater que les immeubles sis à l'arrière de la maison de la recourante ne présentent aucun caractère villageois. De plus ces documents montrent que la technique des vitrages en saillie a été utilisée tant dans les bâtiments précités que dans d'autres immeubles sis sur le terrain de la commune. Certes ces réalisations sont contemporaines dans leur intégralité alors qu'il est précisément reproché à la recourante d'avoir fait des adjonctions modernes sur un bâtiment ancien. Cependant, de l'aveu même de la CMNS cette villa ne présente aucun élément digne de conservation. De plus, elle avait déjà approuvé la construction d'une véranda moderne sur la façade principale de la villa.

En conséquence, les autorités administratives ont abusé de leur pouvoir d'appréciation en suivant le préavis de la CMNS. Partant, le grief de la recourante doit être admis.

10. L'appelé en cause fait essentiellement valoir que la construction de l'escalier en saillie sur le mur nord-est de l'annexe cause une perte d'ensoleillement au bâtiment cadastré sous n° 266 dont il a la jouissance.

Selon la jurisprudence, la perte d'ensoleillement peut constituer d'après les circonstances une atteinte à la propriété. La législation genevoise étant muette sur ce point, on doit admettre, sur la base des règles adoptées dans d'autres cantons, qu'une telle atteinte est réalisée lorsque les nouvelles constructions occasionnent sur celles existantes une absence d'ensoleillement supplémentaire de deux heures, cette mesure étant prise par rapport à la date des équinoxes. Une perte plus importante est néanmoins admissible en fonction de l'intérêt public lié à la nouvelle construction (ATA/789/2002 du 10 décembre 2002). Il convient de noter que cette jurisprudence ne permet de tenir compte des ombres portées que sur les constructions déjà existantes, et non sur les bien-fonds sur lesquels elles se trouvent (ATA/474/2006 du 31 août 2006 ; ATA/684/2002 du 12 novembre 2002).

En l'occurrence M. Chaney n'allègue pas avec précision quelle perte d'ensoleillement lui occasionnerait la construction d'une fenêtre en saillie. De plus selon l'expérience normale une telle protubérance sise sur une façade orientée au nord-est n'occasionne qu'une perte d'ensoleillement minime. En conséquence, le grief de l'appelé en cause sera rejeté.

11. Le recours sera admis et le dossier renvoyé au DCTI pour qu'il accorde l'autorisation dans le sens des considérants.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du département et de M. Chaney à concurrence de CHF 1'000.- pour le département et CHF 500.- pour M. Chaney. Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante à charge de l'Etat de Genève et de M. Chaney pris conjointement et solidairement (art.87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2006 par Madame Nadia Avvanzino contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 20 décembre 2005 ;

au fond :

l'admet ;

renvoie le dossier au DCTI pour qu'il délivre une autorisation dans le sens des considérants ;

met à la charge du département des constructions et des technologies de l’information un émolument de CHF 1'000.- ;

met à la charge de M. Chaney un émolument de CHF 500.- ;

alloue à la recourante une indemnité de CHF 1'000.- à charge de l'Etat de Genève et de M. Chaney pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat de la recourante, à Me Bruno Mégevand, avocat de l'appelé en cause, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, à la commune de Satigny ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l’information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :