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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1643/2005

ATA/109/2006 du 07.03.2006 ( TPE ) , REJETE

Parties : ROSSET François / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFO...
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1643/2005-TPE ATA/109/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 mars 2006

dans la cause

 

Monsieur François ROSSET
représenté par Me Jean-Jacques Hodel, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION


 


1. Monsieur François Rosset est propriétaire de la parcelle n° 128, feuille 103 de la commune de Satigny, à l’adresse 11, route du Crêt-de-Choully. Cette parcelle est sise en zone agricole au sens des articles 16 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et 20 alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

M. Rosset habite à cette adresse, un mas villageois inscrit à l’inventaire.

2. Le 4 mars 2003, M. Rosset a déposé auprès de département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le DCTI ou le département), anciennement département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, une demande d’autorisation de construire par voie de procédure accélérée. Cette demande portait sur la construction d’un jardin d’hiver de quatre mètres sur cinq. Celui-ci viendrait s’appuyer contre la façade nord ouest du mas et serait accolé au mur mitoyen le séparant de la propriété voisine.

3. Dans le cadre de l’instruction de la requête, les préavis usuels ont été requis. Ils ont tous été favorables au projet, avec des réserves ou sans observations, à l’exception de celui de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), daté du 7 mai 2003. Cette dernière a relevé que le jardin d’hiver projeté faisait appel à une volumétrie et à une expression architecturale et matérielle « atypique », inadaptée au caractère d’un lieu villageois de « grande qualité ». Aucun préavis de la commune n’a été versé au dossier.

4. Par décision du 5 juin 2003, le département a refusé l’autorisation de construire sollicitée, se fondant sur le préavis de la CMNS.

5. a. En date du 8 juillet 2003, M. Rosset a recouru à l'encontre de la décision précitée auprès de la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours) et conclut à la délivrance de l’autorisation sollicitée. La véranda projetée ne nuirait pas à l’esthétique du site, dans la mesure où elle ne serait pas visible depuis le village. Elle serait en effet implantée dans un jardin privatif, ceint de murs. De plus, elle serait d’une volumétrie et d’une conception "standard" de telle sorte que l’article 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'était pas applicable pour justifier un refus de la requête.

b. Entendu par la commission de recours le 27 novembre 2003, M. Rosset a indiqué que son voisin direct disposait d’une véranda du même type.

c. Après avoir suspendu la cause d’entente entre les parties le 1er décembre 2003, la commission de recours en a repris l’instruction. L’affaire a ensuite été gardée à juger, les parties ayant campé sur leurs positions lors de l’audience du 10 mars 2005.

6. Par décision du 11 avril 2005, la commission de recours a rejeté le recours. Le département avait fait un usage proportionné de son pouvoir discrétionnaire en matière d’esthétique. Dans un « village protégé » comme en l’espèce, le préavis de la CMNS avait un poids prépondérant.

7. M. Rosset a saisi le Tribunal administratif d’un recours le 17 mai 2005, concluant à l’annulation de la décision de la commission de recours. Il a repris ses arguments développés devant cette dernière. Pour le surplus, il a relevé que deux constructions semblables avaient été autorisées dans le même quartier. Enfin, le département avait écarté les préavis favorables émis par la commune et divers services sans aucune motivation.

8. Dans ses observations du 20 juin 2005, le DCTI conclut au rejet du recours. S’agissant d’une procédure accélérée, aucun préavis communal n’avait été sollicité en application de l’article 3 alinéa 7 LCI. La CMNS avait émis un préavis défavorable, relevant que « la construction projetée dénaturerait un mas villageois ayant valeur d’inscription à l’inventaire ». Même si sa configuration et ses dimensions ne relevaient pas de l’excentricité, il n’en demeurait pas moins qu’elle occuperait pratiquement toute la longueur de la façade nord-ouest du bâtiment. Conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif, le fait que la construction en cause ne soit pas visible depuis la rue n’était pas déterminant. Concernant l’inégalité de traitement invoquée, le département entendait instruire la question de la légalité de la construction de la pergola érigée sur la parcelle voisine n° 2438.

9. Le juge délégué à l’instruction de la cause a procédé à un transport sur place le 5 octobre 2005, auquel ont pris part les parties, de même que l’architecte de M. Rosset.

A cette occasion, il a été constaté que la véranda litigieuse serait construite sur le mur arrière du bâtiment, dans le jardin du recourant. Elle viendrait s’appuyer contre la façade de sa maison et le mur mitoyen, séparant à l’ouest la propriété de ce dernier de celle de son voisin. Elle engloberait la porte-fenêtre à l’est. Au nord, elle avancerait d’environ quatre mètres. Sa surface serait de vingt mètres carrés.

Les participants au transport sur place ont encore constaté qu’au-delà du jardin clôturé du recourant, il y avait un verger, puis des vignes. En outre, ils ont observé la présence d’une véranda sur la parcelle voisine. Le représentant du département a indiqué qu’à première vue, celle-ci avait été construite sans autorisation. Le recourant n’a pas signalé d’autre construction de ce type.

Le juge délégué a accordé au DCTI un délai échéant le 24 octobre 2005 pour se déterminer à ce sujet.

10. En date du 12 octobre 2005, le département a précisé que la véranda située sur la parcelle voisine n° 2438 avait été construite sans autorisation. Un dossier d’infraction avait été ouvert et il avait été ordonné au propriétaire de déposer une demande d’autorisation de construire, toutes autres mesures ou sanctions demeurant réservées.

11. Le 18 novembre 2005, le recourant a persisté dans ses conclusions.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si c'est à bon droit que la demande d'autorisation de construire une véranda sur la parcelle du recourant a été rejetée au motif que le projet porterait atteinte à l'esthétique du site selon le préavis de la CMNS.

Le recourant fait notamment valoir que les préavis favorables à la réalisation de son projet, en particulier celui de la commune ont été écartés sans motivation.

D'emblée, il sera précisé que la commune n'a pas été consultée. En effet, le département avait toute latitude de renoncer à ce préavis dans le cadre d'une procédure accélérée, en application de l’article 3 alinéa 7 LCI.

Cela étant, d'autres instances ont été consultées et il convient d'examiner si c'est à juste titre que la prééminence a été accordée au préavis de la CMNS.

3. L'habitation du recourant est sise en zone agricole (art. 16 LAT et 20 al.1 LaLAT) et est portée à l'inventaire (art. 7 et 4 de la loi sur la protection des monuments et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05).

4. En application de l'article 5 du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), la CMNS a principalement pour mission de donner son préavis sur tout projet de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire (art.  9 de la loi).

5. a. Le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public. La décision du département se fonde sur le préavis de la CMNS qui tient compte, le cas échéant, de ceux émis par la commune et par les services compétents du département (art. 15 al. 1 et 2 LCI).

b. Cette disposition légale renferme une clause d’esthétique, qui constitue une notion juridique indéterminée, laissant un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/59/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/646/1997 du 23 octobre 1997 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 332-333 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 34-36, n° 160-169).

6. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/100/2005 du 1er mars 2005 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201). 5b). En particulier, lorsque la consultation de la CMNS qui est composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine, est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/730/2005 du 2 novembre 2005 ; ATA/37/2005 du 25 janvier 2005).

7. Dans le cadre de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire, la CMNS doit être consultée (art. 5 al. 2 let. c RPMNS précité), son préavis est ainsi obligatoire. Partant, c'est à juste titre que les instances intimées ont accordé la primauté à son préavis dans le cadre de la procédure litigieuse.

En outre, bien que succinct le préavis de la CMNS est toutefois clairement motivé. Lorsque celle-ci déclare que le jardin d’hiver projeté fait appel à une volumétrie et à une expression architecturale et matérielle atypique, inadaptée au caractère d’un lieu villageois de grande qualité, le caractère inesthétique du projet ne fait aucun doute.

Le transport sur place effectué par le Tribunal administratif a permis de confirmer cette appréciation. En effet, les dimensions du projet, sans être exorbitantes, sont toutefois importantes dès lors que la véranda s'appuierait sur pratiquement tout le mur arrière du bâtiment. En outre, les matériaux prévus, tubes d'acier et d'aluminium et vitrages contreviendraient au caractère du bâtiment porté à l'inventaire.

Le tribunal de céans admet que la construction en cause n'est pas visible depuis la rue. Cela étant, cet élément ne saurait être déterminant à lui seul puisque ce jardin d'hiver serait visible en tous les cas depuis le verger ou les vignes alentours (cf. dans ce sens ATA/687/2002du 12 novembre 2002).

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif s'imposant la réserve qui lui incombe en matière d'esthétique des constructions ne peut que constater qu'en refusant l'autorisation litigieuse, le département n'a ni abusé ni excédé son pouvoir d'appréciation. Par conséquent, c’est à juste titre que le DCTI a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée et que la commission de recours a confirmé sa décision.

8. De l’avis du recourant, la décision de la commission de recours viole le principe de l’égalité de traitement, dès lors que la construction d'une véranda aurait été autorisée sur la parcelle voisine.

a. Le principe de l’égalité de traitement déduit de l’article 8 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n’est violé que si des situations essentiellement semblables sont traitées différemment ou si des situations présentant des différences essentielles sont traitées de manière identique (ATF 108 Ia 114).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de la disposition précitée lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 93 ; 113 Ib 313 ; ATA/832/2004 du 26 octobre 2004).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, L’égalité dans la l’illégalité, ZBl 1978 pp. 281ss, 290 ss).

c. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 105 V 192 ; 104 Ib 373 ; 99 Ib 383 ; ATA/832/2004 précité).

Le département a indiqué au tribunal de céans que la véranda voisine n'avait pas été autorisée. En outre, il a annoncé qu'un dossier d'infraction avait été ouvert et que le propriétaire en question avait été sommé de déposer une demande d'autorisation.

Partant, le département n’a pas adopté de pratique illégale en matière de délivrance d’autorisations de construire ou d’admission de situations non conformes au droit. Partant, le principe d’égalité de traitement n’a pas été violé.

9. Enfin, l’autorisation de construire devant être refusée pour les motifs évoqués, il n’est pas nécessaire d’examiner la conformité du projet aux dispositions légales régissant la zone agricole.

10. Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2005 par Monsieur François Rosset contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 11 avril 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Jacques Hodel, avocat du recourant ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département des constructions et des technologies de l’information et à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :