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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2905/2012

ATA/272/2013 du 30.04.2013 ( ENERG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2905/2012-ENERG ATA/272/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2013

1ère section

 

dans la cause

 

X______ S.A.
représentée par Me Jean-Charles Sommer, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE



EN FAIT

Le 17 janvier 2012, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont adressé à X______ S.A., propriétaire d'un établissement du même nom situé à la ______ Place C______ à Genève, une facture intitulée « facture de consommation janvier 2012 - période année 2012 » d’un montant total de CHF 1'103,82, au regard desquels il était indiqué : « consommation relevée (détail au verso) total eau ». Au dos figurait la mention :

« Ob Bouches à incendie

Quantité Prix HT Montant en CHF

11 Pièce x 97.9000 = 1'076,90

Soit TTC 1'103,82

dont TVA à 2.5 % sur 1'076,90 26,92 ».

A la ligne, en tous petits caractères, il était mentionné au pied de ce document qu’une réclamation à l’encontre de cette facture pouvait être adressée aux SIG dans les trente jours.

Le 22 mai 2012, un avocat s’est constitué pour X______ S.A. Il a écrit aux SIG en s’étonnant de cette facture, sa mandante n’ayant jamais consommé une goutte d’eau. L’annulation de la facture était sollicitée.

Le 1er juin 2012, les SIG ont répondu que la facture critiquée était exacte. X______ S.A. était équipée de 10 bouches à incendie et de 65 buses automatiques en sous-sol. Le tarif forfaitaire annuel applicable pour ces installations était de CHF 100,35 pour chaque bouche et chaque centaine ou fraction de centaine de buses automatiques. Bien que libellé « facture de consommation » pour des raisons informatiques, ce document n’était pas lié à une consommation d’eau réelle mais à la capacité des installations à fournir de l’eau à grand débit. Etait joint le tarif correspondant applicable dès le 1er janvier 2011 et résultant d’un règlement interne des SIG (A.2.2).

Le 14 juin 2012, X______ S.A., par le biais de son conseil, a relevé que les buses et les bouches à incendie avaient été installées et payées par elle et que les SIG n’effectuaient aucun contrôle de ses installations. De plus, il n’y avait eu aucune consommation d’eau. Enfin, elle requérait une nouvelle fois l’annulation de cette facture.

Le 18 juin 2012, les SIG ont refusé d’annuler cette facture, fondée pour les raisons précitées. Par ailleurs, il était faux de prétendre que les SIG n’effectuaient aucune prestation. Les bouches à incendie étaient alimentées en permanence par un réseau d’eau dimensionné en conséquence, dont ils assuraient l’entretien. Ils veillaient au traitement de l’eau mise à disposition et assuraient également le remplacement des sceaux, brisés dans le cadre des contrôles effectués par le client. Par ailleurs, l’eau utilisée en cas d’incendie via les buses d’aspersion et les bornes extérieures était gratuite. A ce courrier étaient annexés le règlement pour la fourniture de l’eau et le règlement d’application concernant les bouches à incendie du 22 octobre 1992.

Le 20 août 2012, le conseil de X______ S.A. a sollicité le prononcé d’une décision formelle afin qu’il puisse recourir auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). A défaut, il considérerait que sa mandante était victime d’un déni de justice. Cette missive faisait suite à un courrier du 12 juillet 2012 dans lequel ce conseil concluait à la restitution de la totalité des montants facturés durant les dix dernières années, soit CHF 11'038.-.

Le 30 août 2012, les SIG ont considéré que X______ S.A. avait élevé réclamation le 22 mai 2012 à l’encontre de la facture du 17 janvier 2012. Or, cette réclamation était tardive puisqu’elle n’était pas intervenue dans les trente jours, conformément à l’art. 50 al. 1 du règlement des SIG pour la fourniture de l’eau. En conséquence, la réclamation était irrecevable et la facture entrée en force. Un recours à l’encontre de cette décision pouvait être interjeté dans les trente jours également, auprès de la chambre administrative.

Par pli posté le 25 septembre 2012, X______ S.A. a recouru auprès de la chambre administrative, en concluant principalement à l’annulation de la décision des SIG du 30 août 2012, de même qu’à celle de la facture du 17 janvier 2012. Durant toutes les années écoulées, trop confiante et disciplinée, X______ S.A. s’était toujours acquittée de factures similaires, sans examiner les raisons pour lesquelles les SIG lui adressaient des factures de consommation d’eau. Les taxes et redevances facturées par les SIG devaient être qualifiées d’émoluments. Or, selon la doctrine, un émolument constituait une contrepartie financière due par un administré en échange d’une prestation étatique. Le règlement auquel se référaient les SIG pour la fourniture de l’eau ne faisait pas référence à la mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches à incendie et n’évoquait qu’une consommation d’eau. Dès lors, les dispositions réglementaires invoquées pour justifier la facture de consommation du 17 janvier 2012 étaient manifestement illégales. La facturation illégale devait être qualifiée de délit continu. Elle justifiait la restitution des émoluments facturés et payés pendant les dix ans écoulés. Aussi, les SIG devaient être condamnés à restituer à X______ S.A. CHF 11'038.- avec intérêts à 5 % dès le 1er juin 2012, de même qu’au paiement d’une indemnité de procédure.

Le 17 octobre 2012, les SIG ont conclu au rejet du recours. La réclamation était tardive, et partant irrecevable. La décision prise le 30 août 2012 était conforme au droit. Quant au raisonnement de la recourante au sujet de la légalité de la facturation, il était erroné. Il s’agissait d’appliquer l’art. 34 du règlement des SIG pour la fourniture de l’eau, lequel renvoyait expressément au règlement d’application des SIG concernant les bouches à incendie. Le tarif appliqué avait fait l’objet d’une approbation par le Conseil d’Etat, conformément à l’art. 38 let. a de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35).

La mise en cause des factures relatives aux années précédentes n’était pas possible, lesdites factures étant entrées en force d’une part, et aucune demande en reconsidération n’ayant été adressée aux SIG, d’autre part. Enfin, il n’existait pas de motif de révision qui permettrait à la chambre administrative d’examiner les factures en question, antérieures à celle du 17 janvier 2012.

Invitée à déposer d’éventuelles observations au sujet de cette réponse, la recourante s’est déterminée le 6 novembre 2012 en concluant à la nullité de la décision attaquée. Selon la doctrine, de graves vices de procédure, ainsi que l’incompétence qualifiée, fonctionnelle ou matérielle, de l’autorité ayant rendu la décision étaient, d’après la jurisprudence, des motifs de nullité. Or, le conseil d’administration des SIG n’avait aucune compétence pour établir le règlement d’application du 1er novembre 1992 (A.1.11). De plus, le terme de « fourniture » ne correspondait en aucun cas à la notion de mise à disposition et les SIG n’avaient en l’espèce rien fourni. La facturation de mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches à incendie, sur la base d’un règlement d’application, était exorbitante aux compétences pouvant être déléguées par le règlement pour la fourniture de l’eau. Une ordonnance d’exécution devait rester dans les limites de la délégation et la délégation législative n’était admissible qu’à certaines conditions cumulatives, à savoir que :

la Constitution n’exclue pas la délégation ;

la délégation se limite à une matière déterminée ;

la délégation figure dans une loi formelle, soit en général un acte soumis au référendum ;

la délégation indique le contenu essentiel de la réglementation déléguée, dans la mesure où la situation juridique des particuliers était gravement touchée.

Le règlement d’application était manifestement illégal et celui pour la fourniture de l’eau ne permettait pas d’envisager que les SIG puissent taxer la mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches à incendie. Quant à l’émolument, il s’agissait en fait d’un impôt déguisé, prélevé sans base légale et sans délégation claire de compétences. Enfin, X______ S.A. concluait « conformément à son recours du 25 septembre 2012 ».

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties mais non par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA). Selon une jurisprudence constante, les conclusions nouvelles, telles celles qui résultent de la réplique de la recourante du 6 novembre 2012 tendant à la nullité, pour défaut de base légale, de la décision attaquée, sont en principe irrecevables car formulées hors du délai de recours (ATA/144/2013 du 5 mars 2013 ; ATA/50/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/652/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/490/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/133/2012 du 13 mars 2012). Partant, les conclusions résultant de l’écriture du 6 novembre 2012 seront déclarées irrecevables.

Certes, la nullité d’une décision peut être constatée d’office et en tout temps. Il conviendra d’examiner ci-après si de telles conditions sont réalisées.

La nullité d’une décision est la sanction la plus lourde qui frappe les décisions affectées des vices les plus graves. Premièrement, le vice doit être grave, en raison de l’importance de la norme violée, considérée sous l’angle des principes lésés. La violation d’une norme constitutionnelle fondamentale, portant atteinte à la dignité humaine, celle d’une règle d’organisation procédurale essentielle, seront des causes de nullité. En outre, le vice doit être patent et l’admission de la nullité ne doit pas léser gravement la sécurité du droit. La nullité peut être invoquée en tout temps et devant toute autorité, relativisant le principe de l’autorité formelle de chose décidée (ATA/410/2009 du 25 août 2009 ; ATA/181/2009 du 7 avril 2009 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, 2e éd., Berne 2002, p. 306, 307 et 311).

En l’espèce toutefois, la nullité n’est invoquée qu’en raison du fait que la recourante n’a pas élevé réclamation en temps utile non seulement à l’encontre de la facture du 17 janvier 2012, mais également des factures des dix années précédentes au motif - comme elle l’a relevé dans son recours - qu’elle avait jusqu’alors été « trop confiante et disciplinée ».

Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1er, 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/400/2012 du 26 juin 2012 consid. 3a ; ATA/389/2012 du 19 juin 2012 consid. 2b). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/284/2012 du 8 mai 2012 consid. 4 ; ATA/745/2010 du 2 novembre 2010 consid. 5 ; SJ 2000 I 22 consid. 2, p. 24 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 443).

Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1er, 2ème phrase LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/280/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/105/2012 du 21 février 2012).

En l’espèce, les SIG étaient fondés à déclarer irrecevable la réclamation du 22 mai 2012, comme cela résulte de leur décision attaquée du 30 août 2012. De plus, la recourante n’a allégué aucun cas de force majeure qui l’aurait empêchée d’agir en temps utile.

La décision attaquée ne porte donc pas sur le fond du litige. En conséquence, le recours sera rejeté. La décision attaquée ne concernant que la facture du 17 janvier 2012, il est par ailleurs impossible à la chambre de céans de se saisir de la requête de X______ S.A. tendant à la restitution des montants facturés au cours des dix dernières années, dont aucun n’a fait l’objet d’une quelconque réclamation.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, à laquelle aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 25 septembre 2012 par X______ S.A. contre la décision des Services industriels de Genève du 30 août 2012 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Charles Sommer, avocat de la recourante, ainsi qu'aux Services industriels de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :