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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4260/2008

ATA/201/2010 du 23.03.2010 ( DI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4260/2008-DI ATA/201/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 mars 2010

1ère section

dans la cause

 

I______Sàrl
Madame B______
Madame P______
Monsieur  Q______

représentés par Me David Aubert, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POLICE ET DE L'ENVIRONNEMENT


EN FAIT

1. Par courrier du 3 octobre 2006, Monsieur Q______, médecin, et Monsieur J______, directeur général de la société N______ sélection et services (ci-après : N______), ont interpellé le département des institutions, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : le département). N______ plaçait du personnel depuis plus de vingt ans et était régulièrement interpellée pour louer les services de personnel auxiliaire affecté à des missions de surveillance.

Afin de respecter les exigences légales, ils se proposaient d’établir un partenariat avec une tierce personne, titulaire d’une carte de chef de succursale ou de responsable d’entreprise de sécurité.

2. Le 1er décembre 2006, le département a répondu à N______ qu’après consultation du secrétariat de la commission concordataire concernant les entreprises de sécurité, le projet impliquait la création d’une entreprise de sécurité à laquelle il appartiendrait de solliciter une autorisation d’exploiter conformément à l’art. 8 du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14).

3. M. Q______ a déposé, le 15 janvier 2007, une formule de demande d’autorisation concordataire pour être le responsable d’une entreprise de sécurité en cours de création.

4. Le 20 février 2007, le département s’est déterminé. M. Q______ exerçait la profession de médecin chez S______ et était domicilié à Annecy. La loi n’interdisait pas au chef d’une entreprise de sécurité d’occuper parallèlement un emploi salarié, même à plein-temps. Cependant, l’autorisation d’exploiter était strictement personnelle et intransmissible, subordonnée à des conditions de capacités, de moralité et de solvabilité précises et impliquait que l’exploitant soit en situation de pouvoir réellement exercer ses responsabilités et respecter les obligations légales.

M. Q______ devait donner plus de précisions au département sur la manière dont il entendait gérer son temps de travail, étant précisé qu’une situation de prête-nom ne pouvait en aucun cas être tolérée.

5. Le 28 février 2007, M. Q______ a indiqué que son activité chez S______ ne représentait que le 20% d'un plein-temps. Il disposait donc du temps nécessaire pour sa nouvelle activité de chef d'entreprise de sécurité. Une société, dont il serait le gérant ou le directeur, serait constituée dans le but de recruter du personnel et d'avoir aussi un réservoir d'agents munis d'une carte de légitimation pour répondre aux besoins d'autres entreprises de sécurité. La sélection et le recrutement des candidats se feraient en partenariat avec N______.

6. Par arrêté du 20 février 2007, le département a accordé à M. Q______ l'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité.

7. Le 30 mars 2007, M. Q______ a sollicité une autorisation concordataire de responsable d'entreprise, pour I______ Sàrl (ci-après : I______ Sécurité), créée le 30 mars 2007, dont il était associé gérant.

8. Par arrêté du 12 avril 2007, le département a accordé à M. Q______ l'autorisation d'exploiter I______ Sécurité.

9. Le 17 septembre 2008, un inspecteur du service des armes, explosifs et autorisations de la police cantonale a dressé un rapport à l'intention du département. Selon des informations obtenues au cours du mois de juillet 2008, I______ n'était pas réellement exploitée par M. Q______. Madame B______, conseillère en personnel auprès de cette société, avait été entendue le 10 juillet 2008. Elle avait indiqué que M. Q______ ne passait à l'agence qu'une fois par semaine, uniquement pour signer les requêtes en vue de l'engagement du personnel. Sa collègue, Madame P______ et elle-même s'occupaient de l'ensemble des dossiers en vue de l'accréditation et des entretiens d'embauche, ainsi que du versement des salaires et de l'engagement des agents pour des missions.

Les trois agents de sécurité d’I______ avaient été entendus. Deux d'entre eux indiquaient ne pas connaître M. Q______ et le troisième l'avait peut-être rencontré le premier jour de sa formation, mais ne l'avait plus jamais croisé depuis lors.

Le 10 septembre 2008, M. Q______ avait expliqué qu'il habitait en France et qu'il était médecin dans un cabinet médical à La Clusaz, ce qui représentait 50 % de son temps de travail. Il effectuait des gardes pour S______ pour 20 % de son temps de travail. Il ne passait à la société de sécurité qu'une fois par semaine, le cas échéant tous les dix jours.

10. Le 26 septembre 2008, le département a indiqué à M. Q______ - avec copie à I______ - qu'il envisageait de lui retirer l'autorisation d'exploiter l'entreprise de sécurité, de lui infliger un avertissement ainsi que, conjointement avec cette entreprise, une amende administrative. Un délai au 15 octobre 2008 lui était accordé pour se déterminer.

Parallèlement, le département a écrit à Mmes B______ et P______ ainsi qu’à I______ Sécurité. Il envisageait d'ordonner à cette entreprise de cesser toute activité si un nouvel exploitant répondant aux conditions requises n’était pas formellement désigné d'ici le 15 octobre 2008 et de leur infliger une amende administrative, conjointement et solidairement. Un délai échéant le 15 octobre 2008 leur était aussi accordé pour se déterminer.

11. Le 9 octobre 2008, Mmes P______ et B______ ont présenté leurs observations. N______ mettait à disposition d'I______ un bureau, mais n'intervenait pas dans sa gestion, ne traitait pas ses courriers et n'avait pas de regard sur la comptabilité. L'activité de la société représentait 7% de l'activité globale de l'agence. Les 93% de leur travail étaient consacrés aux clients ne ressortant pas de la sécurité. Deux des agents entendus par la police avaient suivi des cours de formation dispensés par M. Q______, alors que le troisième avait été convoqué, mais n'y avait pas participé.

12. Le 13 octobre 2008, M. Q______ s'est déterminé. Les faits mentionnés dans le courrier du 28 septembre 2008 étaient conformes à la réalité. Il avait agi de bonne foi dans la mission qu'il s'était engagé à respecter, mais son activité n'était pas suffisante alors qu'il avait dispensé la formation initiale à tous les agents. A l'avenir, il s'engageait à modifier la prise en charge du personnel et des recrutements, pour mieux honorer ses obligations légales. Il disposerait de plus de temps libre dans son emploi du temps pour faire face aux obligations de la société.

13. Le 23 octobre 2008, le département a rendu deux décisions.

La première, adressée à M. Q______, prononçait le retrait de l'autorisation d'exploiter l'entreprise de sécurité I______ et ordonnait la cessation de l'exploitation si un nouvel exploitant ou répondant n'était pas nommé avant le 21 novembre 2008 et autorisé avant le 22 décembre 2008. Un avertissement était infligé à M. Q______ ainsi qu'une amende de CHF 3'000.-, solidairement avec l'entreprise.

M. Q______ n'avait pas informé le département du développement de son activité de médecin et n'était plus en situation d'assurer personnellement la gestion de son entreprise. Il avait accepté de servir de prête-nom à Mmes B______ et P______.

La deuxième était adressée à Mmes P______ et B______. Elle ordonnait la cessation de l'entreprise de sécurité et leur infligeait solidairement avec la société une amende de CHF 2'000.-.

Il était reproché à Mmes P______ et B______ d'avoir dirigé l'entreprise de sécurité I______ pendant plusieurs mois sous le couvert du prête-nom de M. Q______ alors qu'elles n'étaient pas bénéficiaires d'une autorisation d'exploiter, ni titulaires d'une carte de légitimation de chef d'entreprise.

14. Le 24 novembre 2008, M. Q______ et la société I______ ont interjeté recours contre la décision les concernant (cause A/4260/2008). M. Q______ s'était occupé de nombreuses tâches au sein de la société et avait dispensé les formations aux agents recrutés. Les sociétés de sécurité qui avaient utilisé le personnel de l'entreprise en étaient satisfaites. Suite à la décision litigieuse, des changements avaient été effectués dans la gestion afin de mieux répondre aux exigences de la loi.

La décision litigieuse ne respectait pas le principe de la proportionnalité ni celui de la base légale puisque le concordat prévoyait le retrait d'utilisation en cas de contraventions graves et réitérées. D’autres sociétés déléguaient leurs tâches administratives à des employés ou même à des sociétés tierces.

De plus, le principe de la bonne foi était violé puisque l'ensemble du projet avait été soumis au département, et que ce dernier avait accepté que certaines tâches administratives soient effectuées par N______.

Les recourants concluaient à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à l'annulation de la décision du 23 octobre 2008, subsidiairement à ce qu'un délai raisonnable soit imparti à M. Q______ et à l'entreprise pour présenter un projet de modification de l'organisation tenant compte des reproches retenus.

15. Le même jour, Mmes B______ et P______ ainsi qu’I______ ont aussi interjeté recours contre la décision les concernant, développant une motivation similaire et des conclusions identiques à celles de M. Q______ (cause A/4263/2008).

16. Toujours le 24 novembre, les recourants ont demandé au département de reconsidérer ses décisions, ce qu'il a refusé par courrier du 27 novembre 2008.

17. Le 19 décembre 2008, le département a conclu au rejet des recours, reprenant et développant l'argumentation figurant dans les décisions litigieuses.

18. Par décision présidentielle du 22 décembre 2008, les deux procédures ont été jointes sous le n° A/4260/2008. La présidente du Tribunal administratif a constaté que les recours avaient effet suspensif en ce qui concernait le prononcé de l'avertissement et des amendes. Le délai accordé aux parties pour désigner un nouvel exploitant était prolongé au 31 janvier 2009 et celui pour obtenir une autorisation au 27 février 2009. Au surplus, la présidente du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles et de restitution de l'effet suspensif.

19. Le 30 mars 2009, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

M. Q______ a expliqué que le cabinet médical de La Clusaz avait une activité saisonnière et employait cinq médecins. Une personne et demie travaillait pendant l'entre-saison et trois au plus fort de l'hiver, soit au mois de février. Dans son cas, il n'avait dû travailler que quinze jours à ce cabinet pendant le mois de mars. Les plannings étaient prévus une année à l'avance.

En ce qui concernait S______, le planning était aussi fait une année à l'avance et il travaillait pour cette société surtout pendant l'entre-saison.

L'activité qu'il avait déployée pour I______ ressortait de l'agenda qu'il produisait. Le chiffre d'affaires annuel de l'entreprise était faible, soit environ CHF 15'000.-.

Mme P______ a contesté avoir reçu des éventuels employés de l'entreprise, sous réserve des faits qu'elle travaillait pour N______, qui partageait ses locaux avec I______ Sécurité. Certains employés de sécurité avaient aussi eu des missions dans le bâtiment. Lorsque M. Q______ n'était pas là, elle remplissait les dossiers et posait les questions aux employés, puis les transmettait à l'intéressé.

Mme B______ a indiqué qu'elle travaillait sur instructions de M. Q______. Il lui était arrivé d'effectuer des pré-entretiens d'embauche, puis de transmettre le dossier à ce dernier. En cas d'appel téléphonique, elle transmettait le message.

20. Le 9 avril 2009, M. Q______ a transmis divers documents :

son planning du cabinet médical de La Clusaz pour les années 2008 et 2009 ;

le planning de S______ pour les neuf premiers mois de l'année 2009 ;

un tableau récapitulatif des jours où il avait travaillé dans l’entreprise.

En tant que de besoin, le détail de ces documents sera repris dans la partie en droit.

21. Le 30 avril 2009, le département s'est déterminé. Même si I______ avait enregistré peu d'activités en 2008, M. Q______ avait délégué l'essentiel de ses prérogatives à Mmes B______ et P______. Un certain nombre de pièces concernaient la période postérieure à la décision et n'étaient pas pertinentes.

Le département persistait dans ses conclusions.

Au surplus, Mme B______ avait réussi les examens et avait été autorisée à exploiter l'entreprise depuis le 27 avril 2009, en lieu et place de M. Q______. Ce dernier n'avait plus d'intérêt actuel à obtenir l'annulation du retrait de l'autorisation dont il était titulaire.

22. Le 14 mai 2009, les recourants ont développé et maintenu leurs conclusions antérieures.

M. Q______ avait un intérêt évident, direct et personnel, concret, actuel et immédiat à ce qu'il soit constaté que la mesure qui lui avait été signifiée n'était pas justifiée, même si un nouvel exploitant avait été nommé.

23. Ainsi que cela avait été décidé lors de l’audience de comparution personnelle, le dossier a été gardé à juger suite à cette dernière écriture.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon la jurisprudence, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée. L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours. S’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATA/100/2010 du 16 février 2010 ainsi que les références citées).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours. Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATA/365/2009 du 28 juillet 2009, et les références citées).

En l’espèce, les parties ont partiellement exécuté la décision, puisque M. Q______ a cessé d’exploiter I______ et qu’une nouvelle exploitante, en la personne de Mme B______, a été nommée.

Sur ces points, les recours sont devenus sans objet et seront déclarés irrecevables. Les éléments avancés par les recourants pour que le Tribunal administratif tranche ces aspects du litige en l’absence d’intérêt actuel ne sont pas pertinents. Dans l’hypothèse où la société désirerait que son exploitation soit confiée à M. Q______, il appartiendrait en tout état à ce dernier de déposer une nouvelle demande d’autorisation et la décision que le département devrait rendre serait sujette à recours.

3. a. Selon l’art. 7 al. 1 let. a CES, une autorisation est nécessaire pour exploiter une entreprise de sécurité et engager du personnel à cet effet. L’entreprise constituée en personne morale doit désigner un responsable auquel elle confère les pouvoirs de la représenter et l’engager auprès des tiers. Celui-ci doit être en situation de pouvoir exercer ses responsabilités (art. 7 al. 3 CES).

Les conditions qui doivent être remplies pour obtenir l’autorisation d’exploiter et l’autorisation d’engager du personnel sont énumérées respectivement aux art. 8 et 9 CES.

b. L'autorité qui a accordé l'autorisation doit la retirer lorsque les conditions nécessaires à sa délivrance ne sont plus remplies ou lorsque son titulaire contrevient gravement, ou à de réitérées reprises, aux dispositions du présent concordat ou de la législation cantonale d'application. Elle peut également prononcer un avertissement ou une suspension de l'autorisation de un à six mois (art. 13 al. 1 et al. 3 CES).

c. La jurisprudence a admis qu'une personne autorisée à exploiter une entreprise de sécurité pouvait se voir retirer l'autorisation et infliger une amende lorsqu'elle n'est pas en situation de pouvoir exercer ses responsabilités, notamment parce qu'elle ne maîtrise pas les questions liées au statut administratif du personnel, parce qu'elle n'est pas consultée lors de leur engagement et parce qu'elle n'a pas accès aux archives administratives de l'entreprise (ATA/115/2006 du 7 mars 2006). De même, le tribunal de céans a confirmé le principe de l'amende infligée à une personne expérimentée dans la branche économique de la sécurité privée qui avait engagé un chef d'agence, autorisé à exploiter l'entreprise au sens du CES sans lui permettre d'en exercer les responsabilités (ATA/124/2008 du 18 mars 2008).

4. L’art. 4 al. 1 let. a de la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 2 décembre 1999 (LCES - I 2 14.0) autorise le département à infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à celui qui pratique l’une des activités soumises à autorisation pour le CES et à celui qui contrevient à diverses obligations issues du concordat, notamment celle consistant à annoncer tout fait pouvant justifier le retrait d’une autorisation

De plus, si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale répond solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 4 al. 2 CES).

a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/601/2006 du 14 novembre 2006 ; ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5, p. 139s).

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fut-ce sous la forme d’une simple négligence (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zurich-Bâle-Genève 2006, p. 252, n. 1179). Selon des principes qui n’ont pas été remis en cause, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi (ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/451/2006 du 31 août 2006 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648) et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/415/2006 du 26 juillet 2006 et arrêts précités). La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès (ATA/281/2006 du 23 mai 2006). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/234/2006 du 2 mai 2006).

5. a. En l'espèce, il ressort de l'enquête faite par la police que, durant l'été 2008, M. Q______ avait laissé Mmes B______ et P______ gérer seules I______ Sécurité. Les déclarations recueillies à l'époque ne sont pas équivoques et l'intéressé a reconnu ses carences. Il n'exerçait qu’une supervision très distante, se limitant à passer une fois par semaine, ou tous les dix jours dans les locaux de l’entreprise à Genève, pour contresigner des documents. Ses interventions pour la formation des employés n'ont pas été fréquentes puisque deux de ces derniers ont indiqué ne pas le connaître et le troisième l'avoir vu à une reprise, précisément pour la formation, puis ne plus l'avoir rencontré.

Certes, les pièces produites et la procédure devant le tribunal de céans ont montré que, depuis la notification de la décision, des efforts certains avaient été faits pour reprendre la situation en mains, ce qui n'efface pas les carences du passé.

Il ressort des éléments qui précédent que c’est à juste titre que le département a retenu que M. Q______ avait servi de prête-nom à Mmes B______ et P______, durant l’été 2008. Celles-ci ont donc pratiqué une activité soumise à autorisation par le CES sans y être autorisées et M. Q______ n’a pas personnellement géré la société dont il était exploitant, contrevenant au même texte.

b. Quant à la quotité des amendes, le Tribunal administratif relèvera qu’elle respecte les exigences jurisprudentielles. Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que la durée de l’infraction a été limitée dans le temps et que les recourants, une fois mis au courant des reproches faits par le département, ont pris les mesures nécessaires afin qu’il soit mis fin à la situation illicite. Au vu de ces éléments, le Tribunal administratif diminuera de CHF 3'000.- à CHF 2'000.- l’amende infligée à M. Q______ et de CHF 2'000.- à CHF 1'300.- celle ordonnée à Mmes B______ et P______.

c. Enfin, l’avertissement adressé à M. Q______, soit la sanction la plus faible de celles prévues à l’art. 13 al. 3 CES, sera confirmé, l'intéressé n'ayant pas géré personnellement la société qu'il avait été autorisé à exploiter.

6. Au vu de ce qui précède, les recours seront partiellement admis. Un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, conjointement et solidairement. Dès lors que les motifs ayant entraîné l’admission partielle des recours sont postérieurs au prononcé des décisions litigieuses, aucun émolument ne sera mis à la charge du département. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants, pour les mêmes motifs (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare irrecevable les recours interjetés le 24 novembre 2008 par I______ Sàrl, Mesdames B______, P______ et Monsieur Q______ contre les décisions du département des institutions du 23 octobre 2008, en ce qu'ils concernent le retrait de l’autorisation d’exploiter I______ Sàrl et la cessation d’exploitation de cette dernière ;

les déclare recevables au surplus ;

au fond :

les admet partiellement ;

fixe l’amende infligée à M. Q______, pris conjointement et solidairement avec I______ Sàrl, à CHF 2'000.- ;

fixe l’amende infligée à Mmes B______ et P______, conjointement et solidairement avec I______ Sàrl, à CHF 1'300.- ;

rejette les recours au surplus ;

met à la charge des recourants un émolument de CHF 1'000.-, conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Aubert, avocat des recourants, ainsi qu'au département des institutions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :