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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3939/2017

ATA/1210/2018 du 13.11.2018 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION ; DÉCISION INCIDENTE ; DOMMAGE IRRÉPARABLE ; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION ; REFUS DE STATUER
Normes : LPA.4.al1; LPA.57.letc; LPA.4.al4; LPA.62.al6; Cst.29.al1
Résumé : Recours contre le refus de donner suite aux demandes d'instruction complémentaire de la recourante et pour déni de justice. Le refus de donner suite aux demandes d'instruction complémentaire est une décision incidente, contre laquelle le recours est irrecevable, faute de réalisation des hypothèses de l'art. 57 let. c LPA. La recourante n'a pas mis l'autorité intimée en demeure de rendre une décision au fond et le recours pour déni de justice est également irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3939/2017-FPUBL ATA/1210/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 novembre 2018

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Nils De Dardel, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

M. B______

représenté par Monsieur Philippe Eigenheer, avocat


EN FAIT

1) Engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) à compter du ______ 1997, Mme A______ a occupé, dès le ______ 2009, un poste de médiatrice culturelle à la C______(ci-après : C______), sous la responsabilité directe du directeur de cette dernière, soit, à partir d’octobre 2012, M. B______.

2) a. Le 1er mai 2014, Mme A______ a déposé une plainte en matière d’atteinte à la personnalité auprès de la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) en raison de plusieurs comportements de M. B______, qualifiés de harcèlement moral, concluant au constat des atteintes à sa personnalité et à l’ouverture d’une enquête.

b. Le 20 août 2014, suite au préavis négatif de la directrice de la DRH du 3 juillet 2014, le Conseil administratif a refusé l’ouverture d’une enquête à l’encontre de M. B______ pour atteinte à la personnalité.

Mme A______ a recouru le 19 septembre 2014 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision (cause A/2856/2014). Le Conseil administratif a révoqué ladite décision le 6 octobre 2014 et ordonné l’ouverture d’une enquête pour atteinte à la personnalité. Le recours étant devenu sans objet, la chambre administrative a rayé la cause du rôle par décision du 8 octobre 2014.

c. Dans son rapport du 10 février 2015, l’enquêteur a conclu à l’absence d’atteinte à la personnalité de Mme A______ de la part de M. B______, après avoir examiné trois comportements de ce dernier. Il avait assuré aux six témoins qu’il avait entendus que ni la partie plaignante, ni la partie mise en cause, ni la ville ne recevraient copie des procès-verbaux contenant leurs déclarations.

d. Le 3 mars 2015, le Conseil administratif a transmis le rapport d’enquête à Mme A______ et lui a fixé un délai au 13 mars 2015 pour lui faire parvenir ses observations et lui indiquer si elle sollicitait une audition par une délégation du Conseil administratif. Il n’entendait pas donner suite à sa plainte.

e. Par courriers des 12 et 13 mars 2015, Mme A______ a formulé ses observations au sujet du rapport d’enquête. Elle a sollicité des mesures d’instruction complémentaires (audition de deux témoins, examen du caractère avantageux ou non pour la ville du contrat de publication entre une université canadienne et la C______, ré-audition d’un témoin entendu par l’enquêteur) et son audition par une délégation du Conseil administratif.

f. Par décision du 15 avril 2015, le Conseil administratif a déclaré l’enquête close, renoncé à auditionner la plaignante, fait siennes les conclusions du rapport d’enquête et retenu que les faits dénoncés par Mme A______ à l’encontre de M. B______ n’étaient pas constitutifs d’une atteinte à la personnalité.

Mme A______ a recouru le 15 mai 2015 auprès de la chambre administrative contre cette décision (cause A/1586/2015).

3) Le 17 août 2015, l’intéressée a présenté sa démission, demandant qu’elle soit acceptée pour le 30 septembre 2015.

4) Par arrêt du 6 septembre 2016 (ATA/747/2016), la chambre administrative a constaté la nullité de la décision du 15 avril 2015, déclaré irrecevable le recours de Mme A______ et renvoyé la cause à la ville pour nouvelle décision dans le respect du droit d’être entendu des parties.

La ville avait violé le droit d’être entendue de Mme A______ en refusant son audition par le Conseil administratif, cette dernière n’ayant de plus pas eu accès aux procès-verbaux d’audition des témoins par l’enquêteur ni bénéficié d’une communication du contenu essentiel de ces derniers. Le renvoi de la cause à la ville ne constituait pas une vaine formalité, ni un allongement inutile de la procédure, vu la large liberté d’appréciation du Conseil administratif pour trouver une issue acceptable pour toutes les parties impliquées. Le fait que l’intéressée n’était plus membre du personnel de la ville était un facteur susceptible de limiter le choix des mesures de résolution du désaccord, mais n’empêchait pas les parties de discuter et de rechercher une issue au litige, autre que celle de la confrontation devant une autorité judiciaire.

5) a. Le 2 novembre 2016, la ville a transmis à Mme A______ et M. B______ les procès-verbaux d’audition des témoins par l’enquêteur.

b. Le 18 novembre 2016, M. B______ a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

c. Le 15 décembre 2016, Mme A______ a formulé ses observations sur les procès-verbaux et le rapport d’enquête. Elle a persisté dans ses conclusions du 13 mars 2015 et sollicité un complément d’enquête (audition de sept témoins, examen du caractère avantageux ou non pour la ville du contrat de publication entre l’université canadienne et la C______, réaudition d’un témoin entendu par l’enquêteur), la désignation d’un nouvel enquêteur et son audition orale par le Conseil administratif. Elle était à disposition pour une discussion en vue de la recherche d’une solution amiable.

d. Le 22 février 2017, Mme A______ a été reçue par une délégation du Conseil administratif, soit le maire, accompagné du directeur général adjoint de la ville, afin de faire valoir son droit d’être entendue.

e. Le 23 août 2017, Mme A______ a constaté que la procédure était restée inactive depuis son audition par le maire, lors de laquelle ce dernier n’avait pas voulu engager la discussion d’une solution amiable. Elle a demandé à ce qu’une suite positive soit donnée à son courrier du 15 décembre 2016 et à ses demandes de complément d’enquête et de désignation d’un nouvel enquêteur.

f. Le 6 septembre 2017, la ville a répondu qu’« au regard de la démission [ ], du 17 août 2015, soit il y a[vait] plus de deux ans, le Conseil n’entend[ait] pas entrer en matière sur les demandes formulées », soit donner une suite positive au courrier du 15 décembre 2016 et aux demandes de complément d’enquête et de désignation d’un nouvel enquêteur.

6) Par acte du 25 septembre 2017, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative pour déni de justice contre ce courrier, concluant à son annulation, à la constatation de son caractère illicite, au renvoi de la cause au Conseil administratif pour qu’il donne suite à ses demandes d’administration de preuves du 15 décembre 2016 et à l’allocation d’une indemnité à titre de « dépens ».

En refusant d’entrer en matière sur ses demandes en matière d’administration des preuves sans argument valable, la ville avait violé son droit d’être entendue et le droit à la preuve. Le motif de refus invoqué impliquait logiquement que le Conseil administratif n’était pas non plus disposé à entrer en matière sur le fond, soit sur la constatation des atteintes à la personnalité, au mépris de l’arrêt du 6 septembre 2016. Le courrier attaqué consacrait un déni de justice formel en tant qu’il lui déniait la qualité pour agir parce qu’elle n’était plus membre du personnel de la ville.

7) Par réponse du 30 octobre 2017, M. B______ a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, ainsi qu’à la condamnation de Mme A______ aux frais et « dépens ».

Le courrier attaqué constituait tout au plus une décision incidente. L’intéressée n’alléguait aucun préjudice irréparable. Dans la mesure où elle requérait précisément des mesures probatoires, l’évitement d’une procédure probatoire longue et coûteuse n’entrait pas en considération.

8) Le 24 novembre 2017, la chambre administrative a prononcé la suspension de la procédure, à la suite de la demande de la ville en ce sens du 3 novembre 2017, afin de permettre aux parties de négocier une solution transactionnelle, requête acceptée par Mme A______ et à laquelle M. B______ ne s’est pas opposé. La chambre administrative a prononcé la reprise de la procédure le
6 avril 2018, après que la ville l’avait informée le 29 mars 2018 qu’aucune solution amiable n’avait pu être dégagée.

9) Par réponse du 22 juin 2018, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation de Mme A______ en tous les frais et « dépens ».

La ville n’avait pas d’obligation de rendre une décision sur les demandes d’instruction complémentaire de l’intéressée, car les offres de preuves n’étaient pas pertinentes et cette dernière ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à ce qu’il y soit donné suite. Le recours pour déni de justice était irrecevable. La ville n’avait pas violé le droit d’être entendue de l’intéressée. Elle avait scrupuleusement respecté l’arrêt du 6 septembre 2016, qui avait par ailleurs implicitement rejeté les offres de preuves formulées par Mme A______, non pertinentes. Les griefs formulés à l’encontre de l’enquêteur n’étaient pas fondés. Le refus des mesures d’instruction pouvait parfaitement être motivé par le fait que l’intéressée n’était plus employée de la ville. Il n’y avait pas eu d’atteinte quelconque à sa personnalité.

10) Le 20 août 2018, M. B______ a maintenu sa position et appuyé les conclusions de la ville.

11) Par réplique du 28 septembre 2018, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, demandant en outre préalablement l’apport des dossiers A/2856/2014 et A/1586/2015 et à ce qu’il lui soit donné acte qu’elle acceptait de déposer à nouveau les pièces produites dans ces causes précédentes.

Le courrier du 6 septembre 2017 équivalait à mettre fin à la procédure de constatation d’atteintes à la personnalité sans mesures d’instruction supplémentaire et sans décision sur le fond. La ville n’avait en rien respecté l’arrêt du 6 septembre 2016. La suspension de la procédure s’était en réalité révélée une manœuvre supplémentaire du Conseil administratif pour gagner du temps. L’écoulement de quatre ans et sept mois depuis le signalement initial du 19 février 2014 constituait un retard déraisonnable dans le traitement de celle-ci.

12) Le 1er octobre 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours est dirigé contre le courrier de l’autorité intimée du 6 septembre 2017, ceci sous deux angles, soit, d’une part, le refus de donner suite aux demandes de mesures d’instruction complémentaire formulées par la recourante le 15 décembre 2016 et, d’autre part, le déni de justice qu’il consacrerait en tant qu’il emporterait refus implicite de rendre une décision au fond quant aux atteintes à la personnalité alléguées par l’intéressée.

2) a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Elle examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), elle statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA (art. 132 al. 2 LOJ).

3) Il convient préalablement d’examiner la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre le refus de donner suite aux demandes de mesures d’instruction complémentaire et à la nomination d’un nouvel enquêteur.

a. Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/668/2018 du 26 juin 2018 consid. 2b).

b. Constitue une décision finale au sens de l’art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et de l’art. 57 let. a LPA, celle qui met un point final à la procédure, qu’il s’agisse d’une décision sur le fond ou d’une décision qui clôt l’affaire en raison d’un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 256 n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu’une étape vers la décision finale (ATA/549/2018 du 5 juin 2018 consid. 2a) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_567/2016 et 2C_568/2016 du 10 août 2017 consid. 1.3).

c. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 1ère phr. LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

d. En l’espèce, en tant qu’il refuse de donner suite aux requêtes d’instruction complémentaire et de désignation d’un nouvel enquêteur, le courrier litigieux touche aux droits de la recourante et constitue à ce titre une décision. Peu importe à cet égard qu’il ne soit pas désigné comme tel et ne comporte pas les voies de recours, puisque c’est bien son contenu qui est déterminant pour le qualifier de décision. Le courrier attaqué ne tranche cependant pas expressément le fond du litige, soit l’existence ou non d’atteintes à la personnalité de la recourante, mais porte sur une question de procédure, soit le fait de mener ou non des mesures d’instruction complémentaires, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une décision finale, mais d’une décision incidente.

4) a. En vertu de l’art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 422 n. 1265 ; Bernard CORBOZ, Le recours immédiat contre une décision incidente, SJ 1991 p. 628). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 s. ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

c. Pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s’écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2014 consid. 2 et les références citées). Tel peut être le cas lorsqu’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins, ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/1018/2018 du
2 octobre 2018 consid. 10d et les références citées).

d. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid. 3c). Cette interprétation est critiquée par certains auteurs, qui l’estiment trop restrictive (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 659 ss ad art. 57 LPA ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss). Le Tribunal fédéral a cependant confirmé que les juges genevois pouvaient, sans arbitraire, interpréter l’art. 57 let. c LPA selon les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet de l’art. 93 LTF (arrêts du Tribunal fédéral 1C_317/2018  du 11 octobre 2018  consid. 2.2 ; 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3).

e. Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/663/2018 précité consid. 3d ; ATA/351/2018 du 17 avril 2018 consid. 2c).

f. En l’espèce, la recourante n’explique pas en quoi elle serait exposée à un préjudice irréparable si elle devait attendre la décision finale pour contester le refus de mener les mesures d’instruction complémentaire sollicitées et il n’est pas évident que tel soit le cas. La recourante n’a ainsi pas démontré que les conditions de recevabilité seraient remplies sous l’angle du préjudice irréparable.

Par ailleurs, s’agissant de la seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA, elle ne rentre pas non plus en considération, puisque les demandes et le recours de l’intéressée visent à effectuer des mesures d’instruction complémentaire, de sorte qu’une éventuelle admission du recours conduirait à poursuivre la procédure probatoire et non à l’éviter.

Par conséquent, aucune des deux hypothèses de l’art. 57 let. c LPA n’est réalisée et le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision de refus de mesures d’instruction complémentaire, sera déclaré irrecevable.

5) Reste à examiner la recevabilité du recours pour déni de justice.

a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 135 I 6 ; 134 I 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer. En effet, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (art. 69 al. 4 LPA ; ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 5c).

b. L’art. 100 du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (ci-après : le statut ; LC 21 151) règle la procédure de la plainte en matière d’atteinte à la personnalité. Le Conseil administratif rend une décision, après enquête, au sujet d’une telle plainte. Cette décision peut faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 100 al. 8 statut).

Les membres du personnel ont droit à la protection de leur personnalité (art. 77 al. 1 statut). L’employeur veille au respect effectif de ce droit (art. 77 al. 2 in fine statut) et met en place des mesures de prévention et d’information (art. 77 al. 5 statut). Chaque membre du personnel a droit à un traitement correct et respectueux de la part de ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues et des usagers, dans le cadre de son activité professionnelle, permettant de garantir le respect et l’intégrité de sa personnalité (art. 91 al. 1 du règlement d’application du statut du 14 octobre 2009 - REGAP - LC 21 152.0).

c. En l’espèce, l’autorité intimée a été saisie d’une plainte en matière d’atteinte à la personnalité le 1er mai 2014 et a prononcé une décision finale constatant l’absence d’atteinte à la personnalité le 15 avril 2015. La nullité de cette décision a cependant été constatée par la chambre de céans par arrêt du 6 septembre 2016. La chambre administrative a ainsi renvoyé le dossier à l’autorité intimée, après avoir constaté que, même si la recourante avait entretemps démissionné, le renvoi ne constituait pas une vaine formalité ni un allongement inutile de la procédure, vu la large liberté d’appréciation dont bénéficiait le Conseil administratif pour trouver une issue acceptable pour toutes les parties impliquées. Ainsi, du fait de la constatation de la nullité de la décision et du renvoi de la cause à l’autorité intimée, la procédure pour atteintes à la personnalité a repris son cours devant l’autorité intimée, devant laquelle elle est pendante et qui a donc l’obligation de trouver une solution à ce litige, soit par le biais d’un accord transactionnel, soit par le biais d’une décision sujette à recours.

La recourante a donc droit à une décision finale du Conseil administratif au sujet de sa plainte pour atteintes à la personnalité, en l’absence de solution amiable.

Toutefois, il ne ressort pas du dossier que la recourante ait mis en demeure l’autorité intimée de rendre une décision au sujet de sa plainte pour atteinte à la personnalité. En effet, s’il ressort implicitement mais clairement de son écriture du 15 décembre 2016 – comme d’ailleurs de ses observations du 13 mars 2015 dans lesquelles elle indiquait alors persister – que la recourante maintient ses conclusions au fond, cette écriture contient uniquement des demandes de complément d’enquête et ne comporte pas de mise en demeure de rendre une décision finale sur les atteintes à la personnalité dénoncées, indiquant simplement qu’elle était disposée à entamer des discussions en vue d’une solution amiable. Par ailleurs, après avoir été entendue par une délégation du Conseil administratif le 22 février 2017, dans son courrier du 23 août 2017, la recourante a constaté qu’il n’y avait pas eu de volonté d’engager une discussion amiable lors de cette audition et a uniquement demandé à ce que la procédure soit reprise et qu’il soit donné une suite positive à ses demandes du 15 décembre 2016, et donc à ses requêtes de complément d’enquête. Ce courrier non plus ne contient ainsi aucune mise en demeure de l’autorité intimée de rendre une décision au fond. L’intéressée n’a par conséquent jamais mis en demeure l’autorité intimée de rendre une décision sur le fond de sa plainte pour atteinte à la personnalité.

Au surplus, il sera constaté que contrairement à ce qu’affirme la recourante, le courrier attaqué ne peut pas être interprété comme un refus implicite de rendre une décision au fond. Ce courrier donne en effet suite à son écriture du
15 décembre 2016 et à son courrier du 23 août 2017, et donc aux demandes d’instruction complémentaire qui y sont formulées puis réitérées, et ne peut être interprété comme portant sur le fond de l’affaire. La suspension en vue des discussions transactionnelles survenue devant la chambre administrative confirme au surplus ce qui précède, même si lesdites discussions ont échoué.

Au vu de ce qui précède, si, au vu de l’arrêt du 6 septembre 2016, la recourante a droit à ce que l’autorité intimée statue sur sa plainte pour atteintes à la personnalité, même si elle n’est plus membre du personnel de la ville, elle n’a pas mis cette dernière en demeure de le faire, de sorte que le recours pour déni de justice est irrecevable.

6) Dans ces circonstances, le recours sera déclaré irrecevable, tant en tant qu’il est dirigé contre le courrier du 6 septembre 2017 qu’en tant que recours pour déni de justice.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à M. B______, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la ville, collectivité publique de plus de dix mille habitants à même de disposer de son propre service juridique (ATA/984/2018 du 25 septembre 2018 consid. 7).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 25 septembre 2017 par Mme A______ contre la décision incidente du 6 septembre 2017 et pour déni de justice ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Mme A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à M. B______, à la charge de Mme A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nils De Dardel, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu’à Me Philippe Eigenheer, avocat de M. B______.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Junod,
MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :