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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4702/2017

ATA/549/2018 du 05.06.2018 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 28.06.2018, rendu le 11.10.2018, REJETE, 1C_317/2018
Parties : GERVASONI Carlo, DE CICCO Luigi, CAMPORINI Claudine, DE CICCO Giuseppina, BOCION Guy, WEIDMANN Daniel, PONGRATZ Marcel, KOUKIS Efthalia, BERTOLA Roland et autres, BOCION Laura Rosa, BARRAS CAVE Mélina, SQUARATTI Gérald, POURRAT Aurélien, KOUKIS Georgios / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4702/2017-AMENAG ATA/549/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 juin 2018

 

dans la cause

 

Madame Melina BARRAS CAVE
Monsieur Roland BERTOLA
Madame Laure et Monsieur Guy BOCION
Madame Claudine CAMPORINI
Monsieur Carlo GERVASONI
Madame Joséphine et Monsieur Luigi DE CICCO
Monsieur Marcel PONGRATZ
Monsieur Aurélien POURRAT
Monsieur Gérald SQUARATTI
Monsieur Daniel WEIDMANN
Madame Efthalia et Monsieur Georgios KOUKIS
représentés par Mes Thomas Barth et Serge Patek, avocats

contre

CONSEIL D’ÉTAT

 



EN FAIT

1) Par arrêt ACST/14/2017 du 30 août 2017, la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) a déclaré recevable le recours interjeté le 30 janvier 2017, par le comité d’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » ainsi que ses membres individuellement, contre la délibération du conseil municipal de Veyrier du 24 janvier 2017, en tant qu’elle visait à mettre en œuvre l’initiative populaire municipale « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts ». Elle l’a partiellement admis, annulant la délibération précitée, dans la mesure où celle-ci comportait le refus de concrétiser l’initiative acceptée, par le biais d’un seul plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), englobant les pièces urbaines « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs ». La commune de Veyrier
(ci-après : la commune) était invitée à s’atteler à l’élaboration d’un seul projet de PLQ pour ledit périmètre, au sens des considérants.

2) Par demande du 13 septembre 2017, Mesdames Claudine CAMPORINI et Melina BARRAS CAVE, Messieurs Roland BERTOLA, Gérald SQUARATTI, Carlo GERVASONI, Daniel WEIDMANN, Aurélien POURRAT et Marcel PONGRATZ, Madame et Monsieur Laure et Guy BOCION, Madame et Monsieur Joséphine et Luigi DE CICCO et Madame et Monsieur Efthalia et Georgios KOUKIS ont formellement demandé au Conseil d’État de rendre une décision prononçant la suspension de la procédure d’adoption du PLQ n° 30008-542 « Ferme » et de la procédure d’opposition du PLQ n° 30038-542
« Beaux-Champs », ce jusqu’à la mise en œuvre effective, par la commune et l’État de Genève, de l’arrêt de la chambre constitutionnelle précité.

3) Par écrit du 18 septembre 2017, les mêmes justiciables ont formé opposition contre le projet de PLQ n° 30038-542 « Beaux-Champs ».

4) Par écriture du 24 octobre 2017 faisant suite à une lettre du Conseil d’État du 18 octobre précédent, ils ont rectifié leur demande du 13 septembre 2017 en ce sens que la procédure d’adoption – et non d’opposition – du PLQ n° 30038-542 « Beaux-Champs » devait être suspendue, ce jusqu’à la mise en œuvre effective, par la commune et l’État de Genève, de l’arrêt de la chambre constitutionnelle.

5) Par décision du 15 novembre 2017, le Conseil d’État a rejeté la demande de suspension de la procédure d’adoption du projet de PLQ n° 30038-542 situé aux Grands-Esserts, secteur « Beaux-Champs ».

L’arrêt de la chambre constitutionnelle du 30 août 2017 sur lequel se fondait la demande de suspension avait trait à une délibération du conseil municipal de Veyrier, prise dans l’exercice d’une compétence communale à la suite d’une initiative populaire communale qui ne liait pas le Conseil d’État, autorité seule compétente pour l’adoption d’un PLQ. Partant, la procédure d’adoption du PLQ n° 30038-542 n’était aucunement dépendante du sort d’une procédure pendante.

6) Par acte déposé le 27 novembre 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mmes CAMPORINI et BARRAS CAVE, MM. BERTOLA, SQUARATTI, GERVASONI, WEIDMANN, POURRAT et PONGRATZ, Mme et M. BOCION, Mme et M. DE CICCO et Mme et M. KOUKIS (ci-après : les recourants) ont interjeté recours contre la décision précitée du Conseil d’État du 15 novembre 2017, concluant, « sur effet suspensif, à titre superprovisionnel déjà », à ce qu’il soit fait interdiction au Conseil d’État d’adopter le PLQ n° 30038-542 « Beaux-Champs » jusqu’à droit connu sur le recours, à titre principal, à l’annulation de la décision attaquée et, cela fait, à ce qu’il soit ordonné la suspension de la procédure d’adoption du PLQ. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

La commune avait finalement, à la suite de l’arrêt précité de la chambre constitutionnelle, entrepris de mettre en œuvre l’initiative populaire municipale « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts ». En effet, lors de sa séance du 10 octobre 2017, le conseil municipal avait notamment décidé d’engager toutes les démarches utiles afin de présenter un PLQ unique pour les pièces urbaines « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » du périmètre des Grands-Esserts dans la mesure du possible en liaison avec le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE) et en concertation avec les investisseurs institutionnels intéressés à développer ledit périmètre.

7) Dans ses observations du 11 décembre 2017, l’intimé a conclu, à la forme, à l’irrecevabilité du recours formé par les recourants contre sa décision du
15 novembre 2017, préalablement, au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif, au fond, au déboutement des recourants de toutes leurs conclusions. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

8) Par réplique du 16 mars 2018 faisant suite à une prolongation de délai, les recourants ont persisté dans les conclusions de leur recours.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

10) Il sied de préciser que, par arrêt du 9 janvier 2018 (ATA/12/2018), la chambre administrative a déclaré irrecevable un recours interjeté le 30 octobre 2017 par les recourants contre la décision du Conseil d’État du 18 octobre 2017 rejetant leur demande de suspension de la procédure d’adoption du projet de PLQ n° 30008-542 situé aux Grands-Esserts, secteur « Ferme ».

Cet arrêt a fait l’objet d’un recours en matière de droit public formé par le recourants devant le Tribunal fédéral (cause 1C_88/2018). Par ordonnance du
15 mars 2018 statuant sur la requête d’effet suspensif assortie au recours, celui-ci a admis la requête des recourants en tant qu’elle permettait de maintenir l’état de fait jusqu’à droit jugé sur le recours.

11) Parallèlement, par arrêt du 20 mars 2018 (ATA/251/2018), la chambre administrative a rejeté, en tant qu’ils étaient recevables, les recours interjetés le
30 mai 2016 par les recourants contre les arrêtés du Conseil d’État du 27 avril 2016 approuvant le PLQ « Maison de Vessy », accompagné de son concept énergétique territorial, de son règlement de quartier et de son rapport explicatif, auquel étaient annexés la notice d’impact sur l’environnement (ci-après : NIE) et le rapport mobilité, et rejetant les oppositions formées contre ce PLQ.

Des recours en matière de droit public ont été formés le 8 mai 2018 contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral (causes 1C_228/2018 et 1C_229/2018).

12) Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Constitue une décision finale au sens de l’art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et de l’art. 57 let. a LPA, celle qui met un point final à la procédure, qu’il s’agisse d’une décision sur le fond ou d’une décision qui clôt l’affaire en raison d’un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 256 n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu’une étape vers la décision finale (ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_567/2016 et 2C_568/2016 du 10 août 2017 consid. 1.3).

b. En l’espèce, la décision entreprise ne met pas fin à la procédure d’adoption du PLQ et doit par conséquent être qualifiée de décision incidente.

3) Sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

4) L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a LTF (ATA/12/2018 précité consid. 4).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/12/2018 précité consid. 4). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du
22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

5) Dans un premier temps se pose la question de l’existence d’un préjudice irréparable, première hypothèse de l’art. 57 let. c LPA.

En l’espèce, le refus de suspendre la procédure d’adoption du projet de PLQ concernant le secteur « Beaux-Champs », qui a atteint le stade de la procédure d’opposition, ne préjuge pas de l’issue de celle-ci. En effet, les recourants conservent leur droit de recours et par là même l’occasion de faire valoir leurs griefs au fond, et même le cas échéant de solliciter d’éventuelles mesures provisionnelles ou d’effet suspensif, contre la décision finale qui doit encore être prise par le Conseil d’État.

L’aboutissement de l’élaboration par la commune d’un seul projet de PLQ pour les pièces urbaines « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » ne ferait, le cas échéant, qu’initier une nouvelle procédure d’adoption de PLQ dont l’issue n’est pas connue (ATA/12/2018 précité consid. 5).

À cet égard, le 20 mars 2018, la chambre de céans a notamment considéré que l’initiative populaire communale susmentionnée ne pouvait avoir d’effet direct sur l’adoption du PLQ « Maison de Vessy », qu’elle ne bloquait pas, et qu’elle contraignait uniquement la commune à initier une procédure pour l’adoption d’un nouveau PLQ ; si un tel PLQ pourrait certes, selon l’analyse de la chambre constitutionnelle, impliquer une modification ou une abrogation du PLQ litigieux, il s’agissait d’une procédure administrative distincte, relevant de la compétence non pas d’une autre mais de la même autorité d’adoption – soit le Conseil d’État –, qui n’était pas encore même pendante devant cette dernière autorité et dont l’issue dépendait des différentes étapes applicables en cas d’élaboration d’un PLQ par une commune ; cette question n’étant en conséquence pas préjudicielle au sens de l’art. 14 LPA, il ne se justifiait pas de suspendre la procédure afférente au PLQ « Maison de Vessy » dans l’attente de l’avancement de la procédure initiée par le conseil municipal de la commune par délibération du 10 octobre 2017 (ATA/251/2018 précité consid. 4 à 6). Il n’y a aucun motif pour qu’il en aille différemment pour la procédure relative au PLQ « Beaux-Champs », qui se trouve à un stade bien moins avancé que celle concernant le PLQ « Maison de Vessy ». Il sied pour le reste de relever que les griefs des recourants émis dans le cadre de la présente procédure autres que ceux liés à la suspension en tant que telle, à savoir les violations du principe de coordination et de l’obligation d’effectuer une étude d’impact sur l’environnement (EIE) au vu du tout que formeraient les pièces urbaines « Maison de Vessy », « Beaux-Champs » et « Ferme », ont été traités et tranchés par l’ATA/251/2018 précité.

Dans ces circonstances, l’existence d’un préjudice irréparable n’est pas établie.

6) Reste à examiner la seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA, à savoir si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

En l’espèce, le Conseil d’État devra statuer sur les oppositions formées et prendre une décision finale quant au projet de PLQ élaboré par le département compétent.

La présente procédure de recours n’étant dès lors pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine ; ATA/12/2018 précité consid. 6), la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas réalisée.

7) Les conditions de l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies, le recours sera déclaré irrecevable.

Cette issue rend sans objet la requête d’octroi d’effet suspensif.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants, conjointement et solidairement entre eux (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’intimé, qui dispose de ses propres services juridiques (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 27 novembre 2017 par Madame Melina BARRAS CAVE, Monsieur Roland BERTOLA, Madame Laure et Monsieur Guy BOCION, Madame Claudine CAMPORINI, Monsieur Carlo GERVASONI, Madame Joséphine et Monsieur Luigi DE CICCO, Monsieur Marcel PONGRATZ, Monsieur Aurélien POURRAT, Monsieur Gérald SQUARATTI, Monsieur Daniel WEIDMANN, Madame Efthalia et Monsieur Georgios KOUKIS contre la décision du Conseil d’État du 15 novembre 2017 ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Thomas Barth et Serge Patek, avocats des recourants, au Conseil d’État, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :