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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4529/2017

ATA/668/2018 du 26.06.2018 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4529/2017-EXPLOI ATA/668/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me François Bellanger, avocat



EN FAIT

1) La parcelle n° 1______ du cadastre de la commune de B______ (ci-après : la commune), à l’adresse ______, chemin C______ à B______, est située en zone de développement industriel et artisanal. Un atelier y est édifié. Ce bien immobilier est, selon le registre foncier, propriété de Monsieur D______.

Son petit-fils, Monsieur A______, y organise depuis 2016, des soirées de musique électronique, ce lieu ayant dans ce cadre le nom de «  E______ » (ci-après : E______).

Pour ce faire, il a obtenu des autorisations, pour chaque soirée, délivrées par la sécurité municipale de la commune (ci-après : la sécurité municipale).

2) a. Le 21 avril 2017, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de manifestation afin de pouvoir organiser une fête musicale le _______ 2017 dans E______. Une buvette temporaire était prévue ; de la musique électronique devait être diffusée de 12h à 23h59, de même qu’une soirée dansante, pendant la même période. La manifestation pouvait recevoir jusqu’à mille cinq cents personnes, le pic d’affluence étant évalué à mille cents personnes.

b. Le 24 juillet 2017, la commune a délivré l’autorisation sollicitée. De la musique pouvait être diffusée jusqu’à 23h30, de la musique d’ambiance de 23h30 à 24h. La buvette pouvait être exploitée jusqu’à 23h30.

3) Après l’organisation de la soirée, la sécurité municipale a organisé une séance de « débriefing », le 2 octobre 2017.

Selon le procès-verbal de cette séance, daté du 11 octobre 2017, le responsable de la sécurité municipale, le sergent « proximité » de la police municipale et M. A______ y avaient participé.

Ce procès-verbal se terminait par les termes suivants :

« Vu ce qui précède, et après avoir référé au Conseil administratif, nous vous informons qu’aucune nouvelle autorisation dans ce lieu, pour ce type d’événement, ne sera délivrée par notre administration. 

En vous priant de prendre bonne note de notre décision, nous vous prions d’agréer, Monsieur, nos salutations distinguées ».

Ce document était signé par le responsable de la sécurité municipale de la commune de B______.

4) Par acte mis à la poste le 10 novembre 2017 et reçu le 15 du même mois par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre «  la décision rendue le 11 octobre 2017 », concluant principalement à ce que l’intéressé soit autorisé à présenter des nouvelles demandes d’autorisation de soirées dans E______ et de se voir délivrer des autorisations aux mêmes conditions que celles fixées dans l’autorisation du 24 juillet 2017, subsidiairement à ce que cette décision soit annulée et à ce que le dossier soit renvoyé à la commune pour une nouvelle décision au sens des considérants.

L’acte du 11 octobre 2017 était une mesure individuelle et concrète qui constituait une décision finale, attaquable devant la chambre administrative.

Le droit d’être entendu de M. A______ n’avait pas été respecté. L’auteur de la décision n’avait pas la compétence de prononcer une telle mesure, cette compétence appartenant au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN). Les faits avaient été constatés d’une manière inexacte. Le principe de la proportionnalité n’était pas respecté.

5) Le 19 décembre 2017, la commune a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Le courrier du 11 octobre 2017 ne constituait pas une décision. Il s’agissait d’une information indiquant une pratique administrative, fondée sur la volonté de la commune de ne plus organiser de soirées dans ce local, ce dernier n’étant pas en mesure de les accueillir. La commune avait désiré en informer M. A______.

Il s’agissait d’une communication, et non d’une décision.

L’intéressé conservait le droit de déposer une nouvelle demande d’autorisation pour l’organisation d’évènements dans E______.

La commune n’aurait pas été compétente pour prononcer une telle interdiction, cette compétence appartenant au PCTN.

L’utilisation erronée du mot « décision », qu’elle regrettait, ne modifiait pas l’analyse et le constat faits.

6) Le 25 janvier 2018, M. A______ a exercé son droit à la réplique. Le courrier litigieux constituait une décision au sens matériel, et non une simple déclaration d’intention : la commune indiquait qu’elle n’entendait plus autoriser les soirées que M. A______ pourrait organiser dans ce local. La nullité de la décision, du fait de l’incompétence du responsable de la sécurité municipale, devait être déclarée.

7) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité, dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

b. Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/509/2016 du 14 juin 2016 consid. 4c ; ATA/15/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2a).

c. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; ATA/209/2016 du 8 mars 2016 consid. 2b et les références citées). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu'elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l'adoption d'une mesure plus restrictive à l'égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement ne possède pas un tel caractère, il n'est pas sujet à recours (ATA/646/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.1.2.1 p. 180 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungs-rechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, p. 310).

3) En l’espèce, la note figurant au bas du procès-verbal, quelles qu’en soit la terminologie utilisée et la maladresse de sa rédaction, ne peut être qualifiée de décision.

La conclusion principale du recourant, qui vise à être autorisé à présenter de nouvelles demandes d’autorisation de soirées dans sa halle, rejoint la position de la commune, qui indique précisément que M. A______ est en droit de déposer de telles requêtes. L’intéressé pourra cas échéant recourir contre la décision qui lui sera notifiée si elle devait être négative ou assortie de conditions qu’il considérerait comme inadmissibles.

De plus, les parties admettent toutes deux que les derniers paragraphes du procès-verbal litigieux ne peuvent constituer une sanction, ni même un avertissement anticipant le prononcé d’une sanction, dès lors que la commune n’a aucune compétence dans le domaine (art. 60 et ss de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 - LRDBHD - I 2 21).

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, l’acte visé ne constituant pas une décision.

Malgré cette issue, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. A______, à la charge de la commune (art. 87 al. 2 LPA). En effet, la rédaction ambiguë du procès-verbal du 11 octobre 2017 pouvait légitimement susciter des doutes, que le prononcé du présent arrêt aura levés. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA)

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 10 novembre 2017 par Monsieur A______  contre les derniers paragraphes du procès-verbal de séance de la commune de B______ du 11 octobre 2017 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de la commune de B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la commune de B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :