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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2239/2013

ATA/421/2013 du 11.07.2013 ( ELEVOT ) , IRRECEVABLE

Parties : ROLLE Dominique / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2239/2013-ELEVOT ATA/421/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2013

 

dans la cause

 

Madame Dominique ROLLE

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1. Madame Fatima Kehrli a démissionné de sa fonction de conseillère municipale de la commune de Chêne-Bourg (ci-après : la commune), de sorte que par arrêté du 19 juin 2013, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 21 juin 2013, le Conseil d’Etat a proclamé élue sans scrutin, en remplacement de la précitée, Madame Samia Aouad-Allaoua, première des « viennent-ensuite » sur la liste « MCG - Mouvement Citoyens Genevois ». Au pied de l’arrêté en question, il était précisé que le délai de recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) était de six jours et que ledit délai courait dès le lendemain de cette parution.

2. Par pli recommandé expédié le 4 juillet 2013, Madame Dominique Rolle, députée au Grand Conseil, hors parti, et domiciliée à Veyrier, a adressé à la chambre administrative une opposition formelle à l’élection de Mme Aouad-Allaoua, cette personne ayant fait de sa part l’objet « d’une plainte pénale et civile pour tentation d’agression physique, voie de fait et menace de mort sur élu ». Etait jointe une attestation de dépôt de plainte, datée du 3 juin 2013, dont il résultait que Mme Rolle avait déposé plainte contre Mme Aouad-Allaoua pour menaces de mort, dommage à la propriété et violation de domicile.

3. A réception de cette opposition, le juge délégué a transmis une copie de celle-ci et des annexes au Conseil d’Etat et la cause a été gardée à juger sans que l’autorité intimée ne soit invitée à déposer des observations. Une copie desdits documents a également été adressée, pour information, à la commune.

EN DROIT

1. Se fiant à la voie de droit indiquée dans l'arrêté du Conseil d’Etat du 21 juin 2013, publié le 23 juin 2013, Mme Rolle a adressé à la chambre administrative une « opposition formelle » qui sera traitée comme un recours.

En application de l'art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en effet, ladite chambre est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative et doit siéger dans la composition comportant cinq juges, en matière de votations et d'élections (art. 131 al. 2 let. b LOJ).

2. Le 1er juin 2013 toutefois, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE – A 200) est entrée en vigueur. Or, en son article 124, celle-ci institue une cour constitutionnelle qui notamment :

a) …

b) « traite les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale » ;

c) …

3. Le Titre VII comporte des dispositions transitoires.

4. Si l'art. 225 al. 1 Cst-GE a abrogé l'ancienne constitution, en vigueur jusqu'au 31 mai 2013, les dispositions de l'ancien droit, contraires aux règles directement applicables de la nouvelle constitution, sont abrogées également (art. 225 al. 2 Cst-GE).

D'après le rapport concernant les dispositions finales et transitoires du projet de constitution de Messieurs Thierry Tanquerel et Michel Hottelier, ad art. 230 devenu l'art. 225 al. 2 précité, p. 5, cette dernière disposition « s'inspire de l'article 176 de la constitution vaudoise. Elle précise clairement le sort de l'ancien droit : abrogé s'il est contraire aux règles directement applicables de la nouvelle constitution, maintenu dans l'attente des adaptations législatives et, le cas échéant réglementaires, dans les autres cas. Il s'agit d'un mécanisme absolument classique » (http://www.ge.ch/constituante/doc/Rapport_dispositions_transitoires_version_finale_020312.pdf, consulté le 11 juillet 2013).

Selon la jurisprudence fédérale, une disposition constitutionnelle doit être suffisamment précise pour s'appliquer – y compris aux particuliers – une fois entrée en vigueur sans qu'il y ait besoin d'adopter une législation d'application (ATF 139 I 16 consid. 4.2.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_646/2012 du 22 mai 2013 consid. 8, destiné à la publication et concernant la mise en œuvre de l'initiative Weber). Savoir si tel est le cas se détermine par voie d'interprétation, en tenant compte des particularités de l'espèce sur le terrain constitutionnel, et notamment en se fondant sur la ratio legis de la norme en cause (ibid).

Pour qu'une norme constitutionnelle soit directement applicable, il faut en principe qu'elle concerne les droits et obligations des particuliers (ATF 133 I 286 consid. 3.2 ; 124 III 90 consid. 3a), et qu'elle soit suffisamment précise pour être appliquée directement par un tribunal, ce qui n'est notamment pas le cas lorsque des points importants doivent être réglés dans une législation d'application (ATF 134 I 322 consid. 2.5).

5. En l'espèce, la création d'une nouvelle juridiction, telle la cour constitutionnelle, nécessite des adaptations législatives - qui devront se faire dans le délai de cinq ans institué par l'art. 226 al. 1 Cst-GE. Dans cette attente, vu l'art. 226 al. 2 Cst-GE et la garantie de l'accès au juge, résultant de l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l'ancien droit reste applicable et le contentieux en matière d'élections et de votations reste de la compétence de la chambre administrative en étant régi par les dispositions de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

6. Comme cela résulte de l'arrêté publié dans la FAO du 21 juin 2013, le délai de recours court dès le lendemain de la publication, soit dès le 22 juin 2013, et il est de six jours, par application de l'art. 62 al. l let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Ce délai venait ainsi à expiration le jeudi 27 juin 2013 à minuit.

7. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1er, 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/400/2012 du 26 juin 2012 consid. 3a ; ATA/389/2012 du 19 juin 2012 consid. 2b). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/284/2012 du 8 mai 2012 consid. 4 ; ATA/745/2010 du 2 novembre 2010 consid. 5 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 443 ; SJ 2000 I 22 consid. 2, p. 24).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1er, 2ème phrase LPA). A cet égard, il y a lieu de préciser que tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/280/2012 du 8 mai 2012 consid. 4d ; ATA/105/2012 du 21 février 2012 ; ATA/586/2010 du 31 août 2010 consid. 4 et les références citées).

8. En l'espèce, le recours a été posté le 4 juillet 2013. Mme Rolle n'a invoqué aucun cas de force majeure qui l'aurait empêchée d'agir en temps utile.

Le recours, tardif, sera dès lors déclaré irrecevable, sans instruction préalable, en application de l'art. 72 LPA.

9. Au vu de ce qui précède, la question de la qualité pour agir de Mme Rolle souffrira de rester ouverte.

10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de Mme Rolle. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable l’opposition, traitée comme un recours, interjetée le 4 juillet 2013 par Madame Dominique Rolle contre l’arrêté du Conseil d'Etat du 19 juin 2013 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Dominique Rolle, au Conseil d'Etat, ainsi que, pour information, à la Commune de Chêne-Bourg.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :