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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2389/2020

ATA/1095/2020 du 03.11.2020 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2389/2020-PRISON ATA/1095/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Anna Sergueeva, avocate

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le ______ 2020.

2) Le 13 juillet 2020, M. A______ s'est adressé par écrit à la direction de la prison pour se plaindre de l'attitude d'un gardien.

Un gardien-chef s'est rendu dans sa cellule le 16 juillet 2020 pour en en discuter. Il a rappelé au détenu les droits et les devoirs des personnes détenues et du personnel.

3) a. Par décision datée du 20 juillet 2020, signée du directeur de la prison, M. A______ a été sanctionné de trois jours de cellule forte à compter du même jour à 9h15 pour trouble à l'ordre de l'établissement et attitude incorrecte envers le personnel.

b. Il ressort du rapport établi par les agents de détention que, le 20 juillet 2020, à 7h10, pendant son contrôle de vie de la cellule 129, le gardien avait fait le décompte des détenus et s'était rendu compte qu'il en manquait un. Il avait frappé à la porte des douches et demandé s'il y avait quelqu'un afin de s'assurer de la présence du détenu manquant. M. A______ lui avait dit « Hey, tu n'as pas de respect pour les gens ou quoi ? Tu ne vois pas qu'il est dans les toilettes ? Je t'ai déjà dit qu'il était dans les toilettes et toi tu continues à demander s'il y a quelqu'un ». Le gardien lui avait demandé de se taire et de le laisser travailler en sa qualité d'agent. M. A______ lui avait répondu « Non, tu n'es pas un agent, mais un stagiaire en formation et de toute façon [nom caviardé] m'a dit de ne jamais me taire face à un agent ». À 7h16, le détenu qui se trouvait dans les toilettes avait répondu à l'agent, lequel avait refermé la cellule sous les invectives de M. A______. Le gardien chef adjoint s'était rendu sur place et avait décidé de la mise en cellule forte de M. A______.

c. M. A______ a été entendu, le 20 juillet 2020 à 10h10. Selon les observations écrites de l'agent, lors de son audition, le détenu avait contesté l'intégralité des faits et avait détourné les propos et le contenu de l'entretien de la semaine précédente avec le gardien chef. L'échange avait été compliqué par l'attitude de M. A______, qui coupait la parole, contredisait et se contredisait. Il s'agissait de la cinquième sanction pour menaces et attitude incorrecte envers le personnel depuis fin 2019, au vu de ses précédentes incarcérations.

4) Par acte reçu le 12 août 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de sanction précitée. Il a conclu au constat de la violation de son droit d'être entendu et du caractère illicite de son placement en cellule forte. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- devait lui être allouée ainsi qu'une somme de CHF 1'000.- à titre de réparation pour tort moral. Préalablement, il convenait d'identifier et d'auditionner les quatre personnes présentes dans la cellule 129 le matin du 20 juillet 2020 et d'évaluer la situation sanitaire de la cellule forte dans laquelle il avait été placé du 20 au 23 juillet 2020.

Il partageait la cellule 129 avec quatre autres personnes. Vers 7h du matin, un surveillant en formation était venu effectuer l'appel des détenus en cellule. L'un d'entre eux se trouvait alors aux toilettes. L'agent pénitentiaire avait tambouriné à plusieurs reprises sur la porte des WC. Sans quitter sa couchette, M. A______ lui avait indiqué que la personne ne répondait pas puisqu'elle était aux toilettes. Il n'avait toutefois jamais été grossier, hautain, méprisant ni violent d'une quelconque manière. L'agent de détention lui avait toutefois répondu sèchement « Taisez-vous ou je vous envoie au cachot ». Pour des raisons incompréhensibles, le surveillant avait mis sa menace à exécution. Arrivé en cellule forte, il y avait constaté des conditions d'hygiène déplorables. Les murs de la cellule étaient couverts de moisissures et le sol était sale au point qu'il n'était pas possible d'y effectuer des exercices de gymnastique ou de s'y promener à pieds nus. Hormis un fin matelas usé, la cellule ne possédait aucun mobilier et l'accès à la lumière naturelle était quasi inexistant. Enfin, il ne disposait d'aucun accès à des effets personnels, même pas un livre. Mis en isolement, il avait commencé à ressentir des douleurs au coeur et des angoisses.

Son droit d'être entendu avait été réduit à une parodie par des autorités pénitentiaires qui lui avaient donné, montre en main, cinq minutes pour s'exprimer sur les faits qui lui étaient reprochés. À la fin du temps imparti, il avait été coupé net dans ses explications pour être immédiatement envoyé en cellule forte. Compte tenu de la situation particulièrement stressante et du peu de temps imparti, il n'avait pas pu faire valoir ses arguments et ses codétenus n'avaient pas été entendus alors qu'ils étaient témoins. Il convenait de les identifier et de les auditionner.

Selon l'art. 60 ch. 5 des règles pénitentiaires européennes, la mise à l'isolement ne pouvait être imposée à titre de sanction que dans des cas exceptionnels et pour une période définie, et aussi courte que possible. Il pouvait être démontré par les témoins qu'il n'avait eu aucun geste ou attitude violent, agressif, irrespectueux ou impoli. Ainsi, d'une part, son comportement ne remplissait pas les conditions d'une attitude incorrecte envers le personnel ou un trouble à l'ordre de l'établissement, mais l'agent en question s'était lui-même montré irrespectueux envers les détenus en leur imposant une obéissance servile et aveugle. En tout état, la sanction ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Il s'agissait de la première. Un audit des conditions d'hygiène de la cellule forte ainsi qu'une description de ladite cellule étaient nécessaires.

5) La prison de Champ-Dollon a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait fait plusieurs séjours au sein de la prison, le dernier du 16 septembre 2019 au 27 février 2020. Lors de ce séjour, il avait fait l'objet de cinq sanctions disciplinaires :

- le 14 octobre 2019, trois jours forte pour menaces envers le personnel, trouble à l'ordre de l'établissement, refus d'obtempérer ;

- le 3 décembre 2019, sept jours de suppression des promenades collectives pour attitude incorrecte envers le personnel ;

- le 9 janvier 2020, trois jours de cellule forte pour attitude incorrecte envers le personnel, refus d'obtempérer ;

- le 23 janvier 2020, cinq jours de suppression des promenades collectives pour attitude incorrecte envers le personnel ;

- le 22 février 2020, trois jours de cellule forte pour attitude incorrecte envers le personnel, trouble à l'ordre de l'établissement, refus d'obtempérer.

Depuis son incarcération le 3 juillet 2020, M. A______ avait fait l'objet de deux sanctions, dont celle faisant l'objet de la présente procédure.

Les contrôles de vie avaient lieu tous les matins. Le recourant connaissait la marche à suivre et la nécessité de s'assurer que les détenus soient bien, peu importe s'ils se trouvaient aux toilettes. L'agent de détention n'attendait du détenu manquant qu'une simple réponse. Les propos tenus par le recourant étaient irrespectueux et mettaient en doute la légitimité de l'agent de détention en formation.

Le recourant ne s'était pas plaint de l'état de la cellule auprès du personnel pénitentiaire. Par ailleurs, lors de son précédent séjour au sein de la prison, l'intéressé avait déjà été placé en cellule forte. Il en connaissait en conséquence les modalités, que la prison détaillait. Les conditions matérielles de la détention allaient au-delà de l'objet de la décision attaquée. Partant, la conclusion et les griefs sur les conditions de détention devaient être déclarés irrecevables.

Le droit d'être entendu du détenu avait été respecté. La discussion avec lui avait été difficile. Il n'avait à aucun moment sollicité l'audition de ses codétenus, laquelle ne s'avérerait de toute façon pas nécessaire, l'établissement détenant tous les éléments nécessaires pour rendre sa décision. Par son comportement, le détenu avait empêché et rendu difficile l'exécution d'une tâche usuelle. Son comportement était constitutif d'une infraction réglementaire. La quotité de la peine était proportionnée. Il avait empêché l'agent de détention d'effectuer le contrôle de vie, avait mis en doute sa légitimité avant de déformer et utiliser les propos du gardien chef pour justifier ses actes. Lors de son audition, il avait continué dans son attitude protestataire en coupant la parole et en étant agité.

6) Dans sa réplique, le recourant a contesté avoir tutoyé le surveillant en question ou l'avoir dénigré d'une quelconque manière. Il maintenait sa demande d'audition de ses codétenus. Il ne pouvait pas être tenu compte des sanctions disciplinaires encourues lors de détentions précédentes, au demeurant sans aucun rapport avec les faits litigieux. Un tel raisonnement reviendrait à admettre que tout détenu ayant fait l'objet d'une incarcération précédente avec une sanction disciplinaire pourrait immédiatement être placé en cellule forte en raison de ses antécédents sans égard à la gravité de sa faute.

7) Les parties ont été informées le 8 octobre 2020 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la sanction de trois jours de cellule forte ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que sa peine aurait pris fin et qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire (ATA/774/2020 du 18 août 2020 consid. 3b ; ATA/637/2020 du 30 juin 2020 consid. 1).

2) Il convient de circonscrire l'objet du litige.

a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la contestation, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. (ATF 142 I 455 consid. 4.4.2 et les références citées).

b. En l'espèce, l'acte contesté est la sanction de trois jours de cellule forte prononcée à l'encontre du recourant. La chambre de céans ne peut ainsi que revoir le bien-fondé de celle-ci et ne peut examiner les conditions de détention en cellule forte. Les conclusions y relatives sont en conséquence irrecevables.

3) Le recourant sollicite préalablement l'audition de ses codétenus.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit de faire administrer des preuves. Ceci n'empêche toutefois pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018).

b. En l'espèce, le recourant indique que les témoignages devraient démontrer qu'il n'avait eu aucun geste ou attitude violent, agressif, irrespectueux ou impoli dans la mesure où il s'était contenté de rester sur sa couchette et d'indiquer à l'agent pénitentiaire que le détenu était occupé. Or, l'autorité intimée n'allègue pas que le recourant aurait été violent par sa gestuelle ou qu'il aurait quitté sa couchette. Seuls les termes employés par celui-ci sont litigieux. Le choix de
ceux-ci n'est toutefois pas déterminant compte tenu des considérants qui suivent L'offre de preuve ne porte pas non plus sur un fait allégué par le demandeur, à savoir que l'agent en formation aurait été irrespectueux envers le détenu. Enfin, l'audition devrait porter sur les modalités d'un contrôle effectué quotidiennement. Celles-ci ne sont toutefois pas contestées.

Leur audition n'apparaît en conséquence pas utile à l'issue du litige. De surcroît, la version ressortant du rapport est celle de l'agent en formation, contresignée par un référent assermenté. Elle a, de surcroît, été rédigée immédiatement après les faits.

Pour le surplus, le recourant a pu s'exprimer tant dans son recours que dans sa réplique et produire toute pièce utile. Le dossier est complet. La requête d'audition de témoins sera en conséquence rejetée.

4) Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, évoquant une « parodie ».

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

b. En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité intimée de ne lui avoir laissé que cinq minutes pour s'exprimer. Il ne conteste en conséquence pas avoir pu s'exprimer, mais déplore le temps mis à sa disposition. Toutefois, cinq minutes pour expliquer les circonstances de l'évènement du 20 juillet 2020 et faire valoir son point de vue apparaissent adéquates, les faits étant sans complexité. Pour le surplus, le recourant n'indique pas quels éléments il aurait été empêché de faire valoir.

Ce grief sera écarté.

5) L'intéressé reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir entendu ses codétenus.

En l'espèce, le recourant n'a sollicité l'audition de témoins qu'au stade du recours. Il ne peut en conséquence pas être fait grief à l'autorité intimée d'avoir violé le droit d'être entendu du détenu en ne procédant pas à une mesure d'instruction non demandée et non nécessaire.

6) Le recourant conteste le bien-fondé de la sanction.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer la suppression de visite pour quinze jours au plus (let. a), la suppression des promenades collectives (let. b), la suppression des activités sportives (let. c), la suppression d'achat pour quinze jours au plus (let. d), la suppression de l'usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus (let. e), la privation de travail (let. f), le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

Le placement d'une personne détenue en cellule forte pour une durée supérieure à cinq jours est impérativement prononcé par le directeur ou, en son absence, par son suppléant ou un membre du conseil de direction chargé de la permanence (art. 47 al. 8 RRIP).

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

g. Dans sa casuistique, la chambre de céans a retenu que la sanction de trois jours de cellule forte pour avoir notamment menacé les gardiens par ces termes : « je vais trouver toutes vos adresses et je vais vous retrouver dehors » était justifiée (ATA/670/2015 du 23 juin 2015). Il en allait de même d'une sanction de deux jours de cellule forte fondée sur la menace faite à un employé « fais attention à ta femme et tes enfants, quand je sortirai je m'en occuperai » (ATA/13/2015 du 6 janvier 2015).

Dans un autre arrêt, les propos suivants : « Il fait trop le bonhomme, il ne sait pas qui je suis », suivis de : « Tu verras, tu me connais pas et tu ne sais pas de quoi je suis capable » ont été considérés comme étant à la limite de la punissabilité au vu de leur contenu (ATA/156/2018 du 20 février 2018).

La chambre administrative a retenu que l'expression : « Genève, c'est petit » ne constituait pas, d'un point de vue objectif, une menace grave au sens de l'art. 180 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; ATA/1242/2018 précité consid. 9).

7) a. En l'espèce, la sanction a été décidée et signée par le directeur de l'établissement. Elle a en conséquence été prise par l'autorité compétente.

b. Le recourant conteste le déroulement des faits. Toutefois, seule est litigieuse la teneur de ses propos. L'autorité intimée lui reproche d'avoir dit « Hey, tu n'as pas de respect pour les gens ou quoi ? Tu ne vois pas qu'il est dans les toilettes ? Je t'ai déjà dit qu'il était dans les toilettes et toi tu continues à demander s'il y a quelqu'un ». À la demande du gardien de se taire, le détenu avait répondu « Non, tu n'es pas un agent, mais un stagiaire en formation et de toute façon [nom caviardé] m'a dit de ne jamais me taire face à un agent ».

Le détenu conteste avoir été « grossier, hautain, méprisant ou violent d'une quelconque manière ». L'agent de détention lui avait toutefois répondu sèchement « Taisez-vous ou je vous envoie au cachot ».

L'existence d'un dialogue est établie, à l'instar du fait qu'il a duré six minutes selon le rapport, l'incident ayant commencé à 7h10 et le détenu manquant car aux toilettes ayant répondu à 7h16. Le recourant conteste la teneur des propos rapportés par les agents de détention. Toutefois conformément à la jurisprudence, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés. Aucun élément ne permet de s'en éloigner. Ceux-ci ont été protocolés immédiatement par l'agent, ce qui rend vraisemblable leur exactitude. En tant que tels, les propos ne sont ni injurieux ni grossiers. Ils témoignent toutefois d'une remise en question de l'autorité de l'agent de détention en formation, ce qui ne saurait être toléré. À ce titre, le détenu n'a pas observé une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, en violation de l'art. 44 RRIP. Par ailleurs, en interpellant l'agent, à plusieurs reprises, en critiquant sa façon de faire alors même qu'il procédait à un contrôle usuel et nécessaire, dans l'intérêt des détenus, le recourant a troublé l'ordre et la tranquillité de l'établissement, en violation de l'art. 45 let. h RRIP.

Le principe d'une sanction est donc fondé.

c. Reste à examiner si celle consistant en trois jours de cellule forte est proportionnée.

Le placement en cellule forte est la sanction la plus sévère parmi le catalogue des sept sanctions mentionnées par l'art. 47 RRIP. Elle peut être prononcée pour dix jours au plus (art. 47 al. 3 let. g RRIP). En l'occurrence, la durée de la mise en cellule forte demeure dans la fourchette autorisée, plus précisément dans le premier tiers de celle-ci.

Le contenu des propos bien que non grossier ou injurieux remet en cause l'intégrité de l'agent de détention, à qui le recourant a reproché de manquer de respect aux détenus. Il a critiqué la bienfacture du travail de celui-ci et l'a dénigré dans son statut d'agent en formation. Le recourant a renouvelé cette attitude en déformant les propos tenus par le gardien-chef lors de l'entretien du 16 juillet 2020, ce que l'autorité intimée a relevé à l'issue de l'audition du détenu le 20 juillet 2020 et dans ses écritures ultérieures et dont elle indique avoir tenu compte dans la fixation de la sanction. Cette attitude est d'une gravité moyenne qui à elle seule ne justifierait pas, d'emblée, la sanction la plus sévère de l'art. 47 al. 3 RRIP au vu du choix des mesures à disposition de l'établissement pénitentiaire.

Le recourant conteste que l'autorité intimée puisse prendre en compte des sanctions décidées lors de précédents séjours à la prison. Or, celles-ci font partie intégrante du dossier de l'intéressé et témoignent des difficultés du recourant à respecter le règlement applicable à l'établissement. Aucune disposition légale impose de les écarter. La sanction doit permettre de garantir le bon fonctionnement de l'établissement et le respect par l'intéressé de son personnel, notamment en formation. En outre, les sanctions en cause ont été prononcées dans un passé récent, soit entre le 16 septembre 2019 et le 27 fvrier 2020.

Au vu des antécédents du recourant, une sanction d'une certaine sévérité s'imposait, l'intéressé persistant à violer le RRIP, principalement en adoptant une attitude incorrecte avec le personnel, ce qui a été sanctionné les 14 octobre 2019, 3 décembre 2019, 9 janvier 2020, 23 janvier 2020 et 22 février 2020. Dans ces conditions, tant le choix d'une mise en cellule forte que la durée de trois jours respectent le principe de la proportionnalité, étant de surcroît rappelé que l'autorité intimée jouit d'un large pouvoir d'appréciation que la chambre de céans ne revoit qu'avec retenue.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité sera rejeté, la sanction étant par ailleurs nécessaire au respect du RRIP et apte à atteindre le but précité.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 11 août 2020 par Monsieur  A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 20 juillet 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anna Sergueeva, avocate du recourant, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :