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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/356/2011

ATA/274/2011 du 03.05.2011 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/356/2011-FORMA ATA/274/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur E______

contre

faculté des sciences économiques et sociales

 

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE


EN FAIT

1. Monsieur E______, né le ______ 1979, ressortissant du Mali, a déposé le 21 février 2008 une demande d’immatriculation à l’Université de Genève (ci-après : l’université) afin de suivre au sein de la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté) une maîtrise universitaire en gestion d’entreprise, « orientation international management » (ci-après : MGE), lors de la rentrée académique 2008-2009.

2. Le 13 mai 2008, le doyen de la faculté a informé l’intéressé que, sous réserve de son immatriculation à l’université, il pouvait suivre le programme de la MGE lors de la rentrée académique 2008-2009. Les programmes des maîtrises dispensés par la faculté supposaient un investissement à temps complet, de sorte qu’une double inscription n’était pas admise. Les modalités d’obtention de la MGE étaient précisées dans le règlement d’études de la faculté ainsi que dans les plans d’études que l’étudiant pouvait obtenir au secrétariat de la faculté.

Si l’étudiant renonçait à son inscription au programme de la MGE pour l’année académique 2008-2009, il devait en informer l’université. Il pourrait réactualiser sa candidature dans les délais prescrits en vue d’une année académique ultérieure.

3. Le 6 octobre 2008, M. E______ a écrit à la faculté. Il avait suivi tous les cours depuis la rentrée. L’office cantonal de la population avait refusé de l’autoriser à poursuivre des études. Comme il était venu à Genève avec un visa pour suivre une conférence en mai 2008 et qu’il était resté en Suisse, cette autorité exigeait qu’il retourne au Mali pour les formalités d’obtention d’un visa d’études. Il demandait ainsi le report du début de ses études à la rentrée académique 2009.

4. Le 4 février 2009, la direction administrative et sociale des étudiants de l’université a informé la faculté que M. E______ avait renouvelé sa candidature à la MGE pour la rentrée de septembre 2009.

5. Le 26 mai 2009, la faculté a écrit à l’intéressé. Il pourrait suivre le programme de la MGE dès le début de l’année académique 2009-2010. Son attention était attirée sur le fait, qu’à partir de ladite rentrée, les cours de maîtrise seraient majoritairement donnés en anglais. Les modalités de la maîtrise universitaire étaient précisées dans le règlement d’études de la faculté ainsi que dans le règlement d’application de la MGE. Ces documents seraient disponibles au moment de la rentrée académique.

6. M. E______ a commencé à suivre les enseignements dès l’automne 2009. En janvier 2010, il s’est inscrit et a présenté dix examens de la session du semestre d’automne. Il a obtenu quinze crédits dans cinq branches et une note insuffisante dans les cinq autres. Parmi ces dernières figurait l’examen de « change management » qui constituait, selon le plan d’études de la MGE, une branche d’enseignement obligatoire, pour lequel il a obtenu la note de 2,5.

7. A la session d’été, l’étudiant s’est inscrit et a présenté huit examens des enseignements du semestre d’été. Il en a réussi sept, totalisant cinquante-sept crédits ECTS.

8. Il s’est inscrit à la session de rattrapage d’août-septembre 2010 et s’est présenté à sept examens, dont l’examen de « change management ».

9. Le 17 septembre 2010, la faculté a transmis à M. E______ son relevé de notation. Il avait à nouveau obtenu une note de 2,5 à l’examen de « change management ». Il était éliminé de la faculté en vertu de l’art. 22 ch. 1 let. e du règlement, ayant subi un échec dans un enseignement obligatoire.

10. Le 4 octobre 2010, M. E______ a formé opposition auprès du doyen de la faculté. Il désirait remplacer la branche « change management » par le séminaire sur la prise de parole ou reprendre la même matière en septembre 2011. Le professeur en charge de cet enseignement, Monsieur Gilbert Probst, avait accepté cette dérogation. Son employeur, l’ONG « B______ » à Bamako (Mali) exigeait qu’il obtienne ce master pour retrouver son poste lorsqu’il serait de retour du Mali, afin de pouvoir devenir contrôleur régional. Sa famille était très conservatrice. Il appartenait à un peuple nomade du Mali qui exigeait que ses enfants reviennent au pays après un séjour à l’étranger. Cette dernière n’accepterait pas qu’il parte pour une nouvelle destination, même s’il était âgé de 30 ans. La deuxième année d’études était consacrée à la rédaction du mémoire, dont il avait déjà écrit trente pages. Il espérait obtenir l’autorisation de continuer ses études.

11. Le 8 décembre 2010, le doyen de la faculté a avisé l’intéressé que son dossier était transmis à la commission chargée d’instruire l’opposition.

12. Le 18 janvier 2011, le doyen a écrit à l’étudiant. Sur préavis de la commission instaurée par le règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’Université de Genève du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE), il rejetait l’opposition. L’élimination de la MGE était justifiée en fait et en droit. M. E______ n’avait fourni aucun élément de faits ni aucun grief juridique permettant de lever l’élimination. Il s’était borné à proposer une modalité de poursuite de ses études contraire au règlement applicable.

13. Le 3 février 2011, M. E______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce qu’il lui soit donné la possibilité de passer à nouveau l’examen dans la branche obligatoire dans laquelle il avait été éliminé ou de pouvoir remplacer cette matière par un travail écrit ou d’une autre façon. La note obtenue dans la branche en question était la seule note éliminatoire. Lorsqu’il s’était inscrit pour la première fois à la MGE pour l’année universitaire 2008-2009, la maîtrise de l’anglais n’était pas nécessaire, contrairement à ce qui était exigé pour les mêmes études durant l’année universitaire suivante.

14. L’université a répondu au recours le 23 mars 2011, concluant à son rejet. L’étudiant était soumis au règlement d’études de la maîtrise universitaire de la faculté entré en vigueur le 1er septembre 2009 (ci-après : RE MA SES) relatif à la formation pour l’année universitaire 2009-2010. Il s’agissait d’un règlement « cadre » pour toutes les maîtrises délivrées par la faculté. Il était complété par le plan d’études 2009-2010 de la MGE. Pour obtenir le diplôme, il y avait lieu d’obtenir nonante crédits en une année et demi d’études. L’inscription aux enseignements valait automatiquement comme inscription à la session d’examens qui suivait immédiatement la fin de l’enseignement. En cas d’échec, l’étudiant était automatiquement réinscrit à la session de rattrapage. Les notes inférieures à 3,0 étaient éliminatoires. En sus de cela, en cas d’échec à la session extraordinaire à un enseignement obligatoire, l’étudiant était éliminé.

Par décision d’élimination du 17 septembre 2010, l’étudiant n’avait pas été éliminé de la faculté, comme indiqué par erreur dans le dispositif de ladite décision, mais de la MGE. Cette inadvertance avait été corrigée à teneur de la décision sur opposition du 18 janvier 2011.

Les difficultés que l’étudiant avait rencontrées en raison de la condition supplémentaire de la maîtrise de l’anglais pour pouvoir suivre les enseignements de la MGE ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 33 al. 4 RTU qui trouvait application en cas de circonstance extraordinaire. Il en allait de même des motifs invoqués par l’intéressé, en rapport avec sa situation familiale ou aux exigences de son employeur.

15. Le 24 mars 2011, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

1. La chambre administrative est l’instance de recours compétente contre les décisions sur opposition des instances de l’université (art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), art. 132 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2. Déposé en la forme prescrite le 3 février 2011 contre la décision sur opposition du doyen de la faculté du 18 janvier 2011, le recours est recevable (art. 62 al. 2 et 65 LPA).

3. Portant sur une décision d’élimination prise dans le cadre d’un programme de formation organisé par la faculté en vue d’obtenir une maîtrise universitaire, le contentieux doit être réglé au regard des dispositions de la loi sur l’université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), du RIO-UNIGE, du RE MA SES ainsi que du plan d’études 2009-2010 de la MGE.

En revanche, la présente cause n’est plus soumise au règlement transitoire de l’université (ci-après : RTU) entré en vigueur le 17 mars 2009 simultanément à la LU. En effet, celui-ci est devenu caduc le 17 novembre 2010, ainsi que le prévoyait expressément l’art. 46 LU.

4. Le recourant demande l’annulation de la décision du doyen confirmant son élimination de la MGE, dès lors qu’entre 2008, époque où il a été admis à l’immatriculation, et 2009, où il a pu commencer à suivre l’enseignement, la maîtrise de l’anglais est devenue une exigence nouvelle.

A teneur de l’art. 26 al. 2 RE MA SES, ce texte s’applique à tous les étudiants dès son entrée en vigueur, sauf pour les évaluations de résultats obtenus par les étudiants à l’issue de la session d’examens d’août-septembre 2009 qui restaient soumis au règlement de l’année universitaire 2008-2009. A teneur de l’art. 6 al. 6 RE MA SES, l’admission dans une maîtrise universitaire spécialisée peut être subordonnée à la maîtrise du français et/ou d’une autre langue. Cette disposition était, au demeurant, déjà en vigueur durant l’année universitaire 2008-2009 (à teneur du règlement d’études de la maîtrise universitaire du 1er septembre 2008 consultable sur le site www.unige.ch/ses/telecharger/reglements.html, selon consultation de ce jour). Soumis au RE MA SES, entré en vigueur le 1er septembre 2009, le recourant qui avait demandé lui-même à pouvoir retarder d’une année le début de ses études et qui avait été averti par le doyen de la faculté le 26 mai 2009 de ce que certains cours se dérouleraient en anglais, ne peut se prévaloir d’avoir été pris au dépourvu par le fait que certains des enseignements étaient donnés dans cette langue.

5. Les conditions d’évaluation des enseignements du programme de la MGE sont réglées aux art. 13, 14 et 18 RE MA SES. Un examen pour lequel l’étudiant obtient une note égale ou supérieure à 4,0 est un examen réussi, donnant droit aux crédits rattachés à l’enseignement correspondant (art. 14 al. 3 RE MA SES). Une note inférieure à 4,0 est considérée comme insuffisante et l’examen doit être répété, à moins que l’étudiant ne décide de la conserver, lorsqu’elle est inférieure à 4,0 mais supérieure à 3,0. En cas d’obtention d’une note insuffisante, l’étudiant est autorisé à se présenter à nouveau à l’examen lors de la session extraordinaire (art. 14 al. 3 RE MA SES). Un échec à la session extraordinaire est définitif. En cas d’échec lors de cette session à un enseignement obligatoire, l’étudiant ne peut pas se réinscrire à l’enseignement concerné et il est éliminé de la MGE (art. 18 al. 3 et 22 al. 1 let. e RE MA SES). En l’occurrence, selon le plan d’études du MGE, l’enseignement de « change management » fait partie des enseignements obligatoires de la MGE. Le recourant ayant obtenu à deux reprises une note insuffisante cet enseignement, c’est à juste titre que son élimination du programme de MGE a été prononcée par le doyen de la faculté.

6. La LU est muette sur la question de savoir si, en cas de situation d’élimination, une dérogation peut être accordée par le doyen de la faculté concernée pour justes motifs. Quant au RE MA SES, il ne prévoit pas davantage qu’au moment du prononcé d’une décision d’élimination le doyen doive tenir compte de situations exceptionnelles. Une telle latitude était précédemment reconnue au doyen de la faculté intimée, notamment par l’art. 33 al. 4 RTU. Or, le RTU est caduc depuis le 17 novembre 2010.

En l’espèce, la chambre administrative estime que le recourant n’a pas à pâtir de la caducité du RTU. Pour palier ce vide juridique, qui n’est que la conséquence de l’inaction des autorités compétentes en la matière, il convient d’appliquer par analogie l’art. 33 al. 4 RTU (ATA/136/2011 du 1er mars 2011), en vertu duquel, au moment du prononcé d’une décision d’élimination, respectivement d’exclusion, le doyen doit tenir compte des situations exceptionnelles (ATA/700/2010 du 12 octobre 2010 et les références citées). Ce mode de procéder s’impose d’autant plus qu’il est le seul à respecter l’égalité de traitement entre les étudiants. En effet, certains règlements de faculté réservent, en cas d’élimination, l’examen de situations exceptionnelles et/ou de justes motifs, alors que d’autres - à l’instar de celui de la faculté intimée - sont muets sur cette question.

Selon la jurisprudence rendue par la commission de recours de l’université à propos de l’art. 22 al. 3 aRU, lequel avait été remplacé par l’art. 33 al. 4 RTU, et qui peut être repris par la chambre de céans dans la présente cause, l’existence d’une situation exceptionnelle ne peut être admise qu’avec restriction (ATA/45/2011 du 25 janvier 2011). Ainsi, une situation peut être qualifiée de telle lorsqu’elle est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, d’un point subjectif et objectif (ATA/884/2010 14 décembre 2010 et les références citées). Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l’abus (ACOM/118/2008 du 18 décembre 2008).

7. Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche (ACOM/69/2006 du 31 juillet 2006 ; ACOM/51/2002 du 22 mai 2002), de graves problèmes de santé ou encore l’éclatement d’une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l’étudiant, à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ATA/327/2009 du 30 juin 2009 et les références citées).

En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, des difficultés financières, économiques ou familiales, ainsi que l’obligation d’exercer une activité lucrative en sus des études, ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte (ATA/357/2009 du 28 juillet 2009 ; ACOM/20/2005 du 7 mars 2005 et les références citées). Ces difficultés sont certes regrettables mais font partie d’une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/176/2010 du 16 mars 2010 ; ATA/161/2009 du 31 mars 2009 ; ACOM/87/2008 du 26 août 2008).

En l’espèce, les difficultés de maîtrise de l’anglais du recourant, de même que les exigences de son employeur au Mali, voire les difficultés que le recourant risque de rencontrer dans le cadre familial, ne constituent pas des circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation qui autorise l’étudiant à présenter à nouveau l’examen auquel il a échoué. La décision sur opposition du 18 janvier 2011, maintenant la décision d’élimination du 17 septembre 2010, sera confirmée.

8. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, dès lors qu’il n’est pas exempté du paiement des taxes universitaires (art. 10 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2011 par Monsieur E______ contre la décision du 18 janvier 2011 de l’Université de Genève ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur E______ un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur E______, à la faculté des sciences économiques et sociales ainsi qu’à l’Université de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :