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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/44/2017

ATA/232/2017 du 22.02.2017 ( FPUBL ) , ACCORDE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/44/2017-FPUBL

" ATA/232/2017

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 22 février 2017

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guillaume Fauconnet, avocat

contre

COMMUNE DE B______
représenté par Me Thomas Barth, avocat



EN FAIT

Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______, né en 1962, a été engagé le 1er avril 2004 par la commune de B______ (ci-après : la commune) en qualité d’agent de sécurité municipal (ci-après : APM). Le 1er avril 2007, il a été nommé fonctionnaire communal au sens des articles 5 et 16 des statuts du personnel de la Commune de B______ du 8 février 2001 (LC 13 151) (ci-après : le statut).

2. Le 15 février 2016, M. A______ a demandé à la commune de pouvoir changer d’affectation pour devenir garde auxiliaire communal au sens de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes (L F 1 07 - LAPM). La fonction d’agent de police municipal (ci-après : APM) avait été fortement modifiée depuis 1997, date à laquelle il avait intégré une police municipale dans le canton de Genève. Il critiquait cette évolution et l’organisation nouvelle qui en avait découlé, notamment l’augmentation des prérogatives, mais sans dotation des outils pour répondre à celles-ci. Personnellement, il ne se sentait plus capable d’assumer les tâches de l’agent de police moderne. Sa santé psychique et physique s’était altérée au fil des ans. Il ne pensait pas être en mesure de faire face à plus d’horaires irréguliers, notamment de nuit, qui se traduiraient par une augmentation inévitable des situations de conflits, avec recours à des mesures de contraintes. Il considérait qu’avec la fonction qu’il briguait, il pourrait continuer à exécuter la majorité de ses tâches actuelles au bénéfice de la commune, sans être astreint aux obligations nouvelles découlant de l’évolution législative. À ce courrier, il joignait un certificat médical du 4 février 2016 établi par la Doctoresse C______, psychiatre, attestant qu’il suivait une thérapie et que son état de santé ne lui permettait pas de gérer au mieux les situations de stress, d’agressivité et de violence qu’il pourrait rencontrer avec les nouvelles prérogatives décidées. Sa capacité d’adaptation était limitée.

3. Le 4 mai 2016, la commune a écrit à M. A______. Ce courrier était consécutif à un entretien du 28 avril que M. A______ avait eu avec le Conseil administratif au sujet de sa demande de mutation.

Elle était consciente que les nouvelles prérogatives attribuées aux APM rendraient le travail de ces derniers difficile et qu’il correspondait de moins en moins aux missions d’une police de proximité telle que les autorités communales, comme lui-même, le concevaient. Sa demande, si elle était acceptée, impliquerait cependant une modification fondamentale de la structure de la police municipale et la création de deux nouveaux postes qui n’existaient pas, soit un pour lui-même et un autre pour garantir le travail en binôme qui était imposé par l’autorité cantonale. Le Conseil administratif avait décidé de faire procéder à une expertise externe pour trouver la structure idéale que la police municipale devait avoir en rapport avec ses nouvelles missions.

4. M. A______ s’est trouvé en arrêt maladie à 100 % du 13 mai 2016 au 31 août 2016, puis à 50 % du 1er septembre 2016 au 30 novembre 2016, les derniers certificats mentionnant « soit quatre heures par jour à accomplir « dans des tâches de police de proximité  (pas dans la répression) ».

5. Le 17 novembre 2016, le Conseil administratif a présenté les résultats de l’audit du service de la police municipale aux collaborateurs de ce dernier. Il avait pris la décision de créer un poste supplémentaire de policier municipal et deux postes à 50 % de gardes auxiliaires.

6. Le 28 octobre 2016, M. A______ a indiqué au secrétaire général de la commune qu’il était prêt à réduire son taux d’activité à 80 % dans le cadre de la conversion de son poste si la commune l’estimait nécessaire.

7. Le 24 novembre 2016, s’est déroulé un entretien entre M. A______ et le Conseil administratif, à l’occasion duquel son licenciement lui a été annoncé oralement.

8. Cette décision a été confirmée le lendemain par l’envoi d’un pli recommandé du 25 novembre 2016. Le Conseil administratif avait décidé de mettre un terme au contrat de travail avec effet au 28 février 2017. Selon le courrier du 15 février 2016, M. A______ avait indiqué ne plus se sentir capable d’assumer les tâches d’un APM moderne tel qu’il avait été décidé par l’organe politique du canton de Genève. Cette incapacité était corroborée par l’attestation de son médecin traitant du 4 février 2016 et les certificats médicaux fournis depuis le 1er septembre 2016. La commune n’envisageait pas de lui attribuer un poste de garde auxiliaire, car les missions fixées pour cette fonction impliquaient des actes de répression qu’il ne pourrait manifestement plus assumer. Aucun autre poste disponible au sein de l’administration communale ne pouvant lui être proposé, constat était fait qu’il n’était plus à même d’assurer l’ensemble des missions de son cahier des charges. Il était dispensé de se présenter à son travail dès le 28 novembre jusqu’au terme de son contrat. Ce courrier ne comportait pas de mention expresse de voie de droit, mais une référence à l’art. 96 al. 1 du statut, à teneur duquel un fonctionnaire licencié peut saisir le « Tribunal administratif » (sic), d’un recours sans préciser dans quel délai.

9. Par acte déposé au guichet du greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative le 6 janvier 2017, M. A______ a formé un recours contre la décision du 25 novembre 2016 en concluant à sa nullité et au constat que les rapports de services étaient maintenus.

La procédure de licenciement n’avait pas été respectée. Son droit d’être entendu avait été violé car il n’avait pas pu s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués contre lui et n’avait pas été entendu par le Conseil administratif s’il en faisait la demande. Il n’avait jamais été prévenu du contenu du rendez-vous du 24 novembre 2016 avant celui-ci, en particulier de l’intention du Conseil administratif de mettre un terme à son engagement. Jusqu’au 24 novembre 2016, jamais la commune n’avait évoqué un quelconque projet de licenciement. La décision de licenciement était nulle, subsidiairement elle devait être annulée. En outre, le licenciement n’était pas conforme au droit dans la mesure où il était consécutif à sa demande de changement d’affectation et intervenait sans qu’aucune démarche n’ait été entreprise par la commune pour chercher à le déplacer dans une autre fonction au sein de la commune. Or, un poste d’auxiliaire était disponible qui lui conviendrait. La commune partait du principe qu’un reclassement était impossible en se fondant sur une interprétation exagérée de la portée de ses propos au sujet de ses capacités de travail futures et sur une extrapolation également exagérée de ce que son médecin traitant avait résumé dans le certificat médical. Il considérait être en mesure d’assurer ce poste.

Dans ses conclusions préalables, M. A______ a conclu à ce que la chambre administrative constate que son recours déployait un effet suspensif.

10. Le 9 janvier 2017, le juge délégué a écrit à M. A______ avec copie à la partie intimée à laquelle le recours avait été transmis. La chambre administrative n’entendait pas statuer sur sa demande relative à l’effet suspensif, puisque celui-ci découlait de la loi, la décision attaquée n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours.

11. Le 16 janvier 2017, la commune a constitué un avocat, lequel a demandé un délai au 22 février 2017 pour répondre au recours, ce que le juge délégué a accepté le 17 janvier 2017.

12. Le 30 janvier 2017, par l’intermédiaire de son conseil, la commune a écrit à la chambre administrative. Elle sollicitait le retrait de l’effet suspensif au recours interjeté par M. A______. Ce licenciement concernait un agent public et le statut ne permettrait pas à la chambre administrative d’imposer sa réintégration en cas d’admission du recours. Il y avait dès lors lieu d’appliquer a contrario la jurisprudence de la chambre administrative, qui refusait de restituer l’effet suspensif au recours d’un agent public lorsque les dispositions applicables à son licenciement ne permettaient pas la réintégration. La commune était solvable, aucun intérêt privé prépondérant ne s’opposait à la mesure sollicitée. Au contraire, si l’intéressé voyait la décision confirmée, la commune aurait des difficultés à recouvrer les montants qu’elle aurait dû continuer à lui payer, dans la mesure où il résidait en France.

13. M. A______ s’est déterminé le 10 février sur cette requête en concluant à
son rejet. Dans la mesure où la décision de licenciement était nulle, le maintien de l’effet suspensif, comme son retrait, ne constituaient aucunement une décision préjugeant le jugement à intervenir sur le fond. En outre, il était depuis le 25 novembre 2016 en incapacité totale de travailler. Lorsqu’une telle situation se produisait, la commune bénéficiait d’une assurance perte de gains couvrant son salaire. Il joignait à sa détermination un certificat médical mentionnant une incapacité de travail à 100 % jusqu’au 28 février 2017, ré-évaluable avant cette date. Contrairement à ce que la commune affirmait, elle n’était exposée à aucun dommage. Pour le surplus, la demande de retrait de l’effet suspensif avait été envoyée plus de vingt jours après que le juge délégué ait confirmé le bien-fondé de l’effet suspensif assorti au recours et elle était tardive, s’agissant d’une décision incidente.

14. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

EN DROIT

1. La compétence pour ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles en lien avec un recours appartient au président de la chambre administrative (art. 21 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 ch. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010).

2. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 LPA).

3. Le licenciement, par application de l’art. 23 du statut, ouvre la voie à un recours devant la chambre de céans qui a remplacé, depuis le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif encore cité à l’art. 96 al. 1 dudit statut.

4. Contrairement à la décision au fond, la décision sur effet suspensif n'est revêtue que d'une autorité de la chose jugée limitée et peut être facilement modifiée. La partie concernée par l'effet suspensif peut en effet demander en tout temps, en cas de changement de circonstances, que l'ordonnance d'effet suspensif soit modifiée par l'autorité dont elle émane ou par l'instance de recours (ATF 139 I 189 consid. 3.5).

En l’occurrence, si le juge de la chambre administrative délégué à l’instruction de la cause a fait savoir au recourant qu’il n’entendait pas statuer sur une restitution de l’effet suspensif car celui-ci découlait de la loi, cette communication n’avait pas le caractère d’une décision au sens de l’art. 4 LPA mais d’une information. Dès lors, pour solliciter le retrait de l’effet suspensif, la commune intimée n’avait pas à agir dans le respect d’un délai de recours contre cette communication, en devant invoquer un changement de circonstances. La requête en retrait de l’effet suspensif formée par la commune est donc recevable.

5. Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

6. De jurisprudence également constante, la chambre de céans considère que lorsque le statut applicable à l'agent public ne permet pas d'imposer la réintégration en cas d'admission du recours, elle ne peut faire droit à une demande de restitution de l’effet suspensif, car elle rendrait alors une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/42/2014 du 24 janvier 2014 consid. 6 ; ATA/610/2013 du 16 septembre 2013 consid. 5 ; ATA/182/2012 du 3 avril 2012 consid. 5 ; ATA/107/2012 du 22 février 2012 ; ATA/92/2012 du 17 février 2012 ; ATA/371/2011 du 7 juin 2011 ; ATA/343/2011 du 25 mai 2011 ; ATA/160/2011 du 11 mars 2011 ; ATA/341/2009 du 21 juillet 2009 et les références citées).

7. En l’espèce, dans la mesure où le licenciement concerne un agent public ayant statut de fonctionnaire communal, le statut ne permet pas à la chambre de céans d’imposer sa réintégration en cas d’admission du recours (art. 96 al. 2 du statut), ce qui devrait conduire, à teneur de la jurisprudence précitée, à entrer en matière sur la demande de retrait de l’effet suspensif au recours.

8. La question doit cependant être examinée au regard des conclusions du recourant qui invoque une violation grave de sa violation du droit d’être entendu et conclu au constat de la nullité de la décision de licenciement.

9. L’exercice du droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend en particulier le droit, pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Il s’agit de permettre à celles-ci de mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2016 du 18 novembre 2016 consid. 3.3). En matière de rapport de travail de droit public, l’employé doit connaître l’ensemble des faits qui lui sont reprochés et leurs conséquences probables. Il n’est pas admissible, sous l’angle du droit d’être entendu, de remettre à l’employé une décision de résiliation des rapports de service en se contentant de lui demander de s’exprimer s’il le désire. Sauf cas d’urgence, il doit pouvoir disposer de suffisamment de temps pour préparer ses objections (arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2016 précité consid. 3.3 in fine et jurisprudence citée).

10. Selon l’art. 23 al. 4 du statut, le licenciement ne peut être décidé qu’après que l’intéressé ait pu s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués contre lui et qu’il ait été entendu par le Conseil administratif s’il en a fait la demande. En l’occurrence, il ne ressort pas des pièces versées à la procédure, notamment par l’autorité intimée qui requiert le retrait de l’effet suspensif, qu’une telle procédure ait été respectée. Cette question sera l’un des objets de l’instruction au fond. Par ailleurs, selon l’art. 23 al. 2, la procédure de licenciement implique une phase de reclassement du fonctionnaire communal, à propos de laquelle le dossier ne livre pas d’information. Comme la commune n’a pas, dans sa requête, exposé qu’elle excluait toute proposition de réintégration, il ne peut être d’emblée fait application des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus, en retirant l’effet suspensif au recours.

En outre, sur la base du dossier en possession de la chambre administrative, une violation importante du droit d’être entendu du recourant, est susceptible de s’être produite du fait de l’absence de respect de la procédure prévue à l’art. 23 al. 4 du statut avant la notification de la décision de licenciement. Si cela est finalement avéré, cela est susceptible de conduire au constat de la nullité de la décision attaquée. Une telle éventualité entraîne dans le cas d’espèce de soumettre à une pesée des intérêts la requête en retrait de l’effet suspensif présentée par l’autorité intimée de manière non documentée.

En l’occurrence, l’intérêt privé du recourant à pouvoir bénéficier, au-delà du 28 février 2017, de son salaire ou des prestations pour perte de gain auxquelles il a droit en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie, selon les art. 67 et 69 du statut, est important. Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, notamment de celles dans lesquelles, à teneur de dossier, son licenciement s’est produit, cet intérêt prévaut sur l’intérêt de la commune à ne pas subir un préjudice financier dans l’hypothèse où sa décision venait à être confirmée.

Au vu de ce qui précède, la requête en retrait de l’effet suspensif formée par la commune sera rejetée.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de la commune de B______ en retrait de l’effet suspensif au recours formée par Monsieur A______ contre la décision de licenciement du 25 novembre 2016;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Guillaume Fauconnet, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Thomas Barth, avocat de la commune de B______.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :