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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/2135/2018

ACST/22/2018 du 31.10.2018 ( INIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.12.2018, rendu le 10.12.2018, IRRECEVABLE, 1C_637/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2135/2018-INIT ACST/22/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 31 octobre 2018

 

 

dans la cause

 

COMITÉ DE L'INITIATIVE « GENÈVE ZÉRO PUB - LIBÉRONS NOS RUES DE LA PUBLICITÉ COMMERCIALE ! »
représenté par Me David Metzger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1.             Le 6 juillet 2017, le mandataire d’un comité d’initiative constitué pour le lancement d’une initiative municipale en Ville de Genève (ci-après : la Ville), intitulée « Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! » (ci-après : l’initiative), a informé le maire de la Ville de la décision dudit comité de lancer cette initiative et a soumis au service des votations et élections (ci-après : SVE) le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures.

2.             L’initiative prévoit que les autorités de la Ville doivent mettre en œuvre - dans les plus brefs délais possibles compte tenu des contraintes légales et des engagements contractuels en vigueur à la date d’adoption de l’initiative – une « politique cohérente de gestion de l’affichage, dans le respect de la législation cantonale, en appliquant les principes suivants :

1.      privilégier la qualité du paysage urbain genevois en libérant l’espace public de la publicité commerciale par voie d’affichage ;

2.      faciliter la mobilité de tou-te-s, en particulier les personnes en situation de handicap, dont les malvoyant-e-s, en supprimant les panneaux qui font obstacle aux déplacements par leur emprise physique sur les espaces piétonniers ;

3.      mettre à disposition des associations et institutions locales des panneaux permettant la communication par voie d’affichage de leurs informations et activités, ainsi que d’évènements artistiques et culturels ;

4.      mettre à disposition des habitant-e-s des panneaux vierges destinés à l’expression libre, citoyenne et artistique ;

5.      conserver un équilibre entre expression libre et publicité associative, caritative, culturelle et événementielle sur l’espace public réservé à cet effet, en facilitant son accessibilité aux organisations à but non lucratif ».

Selon l’exposé des motifs accompagnant l’initiative, la « publicité commerciale :

·         nuit à la qualité du paysage et de l’urbanisme dans l’espace public ;

·         constitue une pollution visuelle ; en effet, elle mobilise notre attention sans notre consentement, sans possibilité de l’éviter ou de l’ignorer ;

·         vise moins à informer qu’à stimuler des désirs de consommation ; elle contribue à la surconsommation, à l’obsolescence programmée et au surendettement ;

·         contribue, par la surconsommation, à aggraver l’impact des activités humaines sur l’environnement, en particulier sur les ressources naturelles et sur le réchauffement climatique ;

·         nuit à la mobilité, notamment des personnes en situation de handicap (personnes malvoyantes, à mobilité réduite, etc.) ;

·         fragilise le tissu économique local, de nombreuses entreprises n’ont pas les moyens d’y recourir. 

 

Les panneaux d’affichage laissés temporairement vierges en janvier-février 2017 ont ouvert un champ d’expérience inédit. Ils ont libéré un espace répondant à un besoin d’expression citoyenne et artistique, stimulant des interactions sociales spontanées et contribuant au renforcement de la cohésion sociale. 1300 municipalités dans le monde, telles Grenoble, Bergen, Sao Paulo, ont déjà choisi de se libérer de la publicité. Des États états-uniens comme le Vermont, le Maine, Hawaii et l’Alaska en ont fait de même. D’autres collectivités publiques restreignent sévèrement l’affichage ou sont en train de préparer des politiques plus restrictives à ce propos ».

3.             Le SVE a approuvé le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures le 7 juillet 2017, et, le même jour, le lancement de l’initiative a été publié, avec le texte de cette dernière, dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), avec l’indication que le délai de récolte des signatures arriverait à échéance le 7 novembre 2017.

4.             Le comité d’initiative a déposé les listes de signatures auprès du SVE le 7 novembre 2017.

5.             Par arrêté du 24 janvier 2018, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’initiative et en a fixé les délais de traitement.

6.             Par courrier du 31 janvier 2018, A______ a indiqué au Conseil d’État qu’il lui apparaissait assez clairement que cette initiative ne portait pas sur des sujets susceptibles de faire l’objet d’une initiative communale.

7.             Le 12 mars 2018, dans le cadre de l’examen de la validité de l’initiative, le Conseil d’État, par l’intermédiaire de la chancelière d’État, a invité le comité d’initiative à se déterminer notamment sur la manière dont les différents points traités par l’initiative s’inscriraient dans le cadre légal des matières soumises au droit d’initiative communal et pourraient faire l’objet d’une délibération du conseil municipal, ainsi que sur la conformité au droit supérieur (en particulier à la loi sur les procédés de réclame du 9 juin 2000 - LPR - F 3 20) et sur le respect de l’unité de la matière.

8.             Le même jour, la chancellerie d’État a invité le conseil administratif de la Ville à lui faire part de ses éventuelles observations sur la validité de l’initiative.

9.             Par courrier du 26 mars 2018 adressé à la chancellerie d’État, le comité d’initiative a défendu le point de vue que l’initiative était pleinement valide.

L’initiative portait sur des objets correspondant, cumulativement ou alternativement, à ceux visés par l’art. 36 de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05), à savoir l’affectation et la démolition d’immeubles communaux (soit des supports d’affiches), les études d’aménagement du territoire communal (la déconstruction de supports de réclame commerciale et la mise à disposition de panneaux destinés à la société civile devant constituer des composantes essentielles du concept directeur des procédés de réclame à établir pour le territoire de la Ville), et les activités sociales, culturelles, sportives et récréatives, ainsi que leurs aménagements et installations.

Les points traités par l’initiative pouvaient faire l’objet d’une délibération du conseil municipal au sens de l’art. 30 LAC, en tant que l’établissement du nouveau concept directeur en matière d’affichage voulu par l’initiative nécessiterait l’octroi d’un crédit adopté sous forme de délibération (art. 30 al. 1 let. d et e LAC). La suppression de panneaux d’affichage était déjà intervenue dans d’autres communes genevoises à la suite d’une délibération du conseil municipal.

L’initiative était également conforme à la LPR, qui attribuait aux communes la compétence de délivrer les autorisations et concessions en matière de procédés de réclame, de même que d’établir un concept directeur des procédés de réclame sur les domaines tant public que privé, de prendre des mesures en cas de violation de la LPR et de ses règlements d’application, et de déterminer l’emplacement des supports destinés aux procédés de réclame et à l’affichage sans but lucratif. L’initiative ne visait ni les vitrines de commerces, ni les tramways, ni les gares. Elle tendait aussi à faire respecter la liberté constitutionnelle de recevoir librement des informations (art. 16 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

L’unité de la matière était respectée, tous les points de l’initiative s’inscrivant dans le cadre de la politique municipale en matière d’affichage sur le domaine public, à établir par le biais d’un concept directeur nécessitant l’octroi d’un crédit par une délibération du conseil municipal.

10.         Le 28 mars 2018, le conseil administratif de la Ville a indiqué à la chancellerie d’État qu’à première vue l’initiative ne lui paraissait pas poser de problème de légalité.

11.         Par courrier du 11 mai 2018, A______, représenté par un avocat, a indiqué au Conseil d’État que l’initiative soulevait plusieurs problèmes juridiques importants.

L’initiative était contraire à la liberté économique, à savoir au droit que celle-ci comporte de faire de la publicité commerciale au moyen de l’affichage public, en tant qu’elle interdirait totalement la publicité commerciale par la voie de l’affichage public sur le domaine public de la Ville.

Elle ne répondait pas à un intérêt public. Une limitation de la pression qu’exerce la publicité commerciale sur les citoyens n’était pas justifiée au regard de la faible proportion du nombre d’affiches par habitants en Ville (2,3 affiches pour 1000 habitants), d’autant plus que nombre de panneaux d’affichage étaient utilisés non pour de la publicité commerciale mais pour de la publicité pour des spectacles culturels ainsi que des communications des collectivités et des associations. La mobilité des personnes en situation de handicap ne serait guère favorisée, dès lors que les panneaux actuels seraient utilisés pour la communication culturelle, artistique et politique et pour la libre expression citoyenne et artistique. L’initiative ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Une limitation très importante de la publicité commerciale était déjà effective sur le domaine public de la Ville en raison des concessions accordées par la Ville, moyen moins incisif mais efficace permettant de restreindre la publicité commerciale dans la mesure admissible.

L’initiative créerait de graves inégalités de traitement entre les concurrents, dès lors que, ne visant que la publicité commerciale sur le domaine public, elle fausserait la concurrence entre les commerçants disposant d’une vitrine dans une rue passante du centre-ville par rapport à ceux n’en disposant que dans une rue peu passante, de même qu’entre les commerçants disposant d’une vitrine et ceux n’en disposant pas. Elle mettrait une barrière à l’entrée du marché pour les nouveaux commerçants non encore installés, n’ayant pas encore de magasins avec une vitrine. Elle serait source d’inégalité de traitement aussi entre les commerçants de la même branche disposant d’une enseigne respectivement en Ville de Genève ou dans une autre commune du canton et même de Suisse.

L’initiative ne respectait pas l’unité de la matière. Elle poursuivait des buts différents sans liens entre eux, à savoir supprimer la publicité commerciale par voie d’affichage, favoriser la mobilité des personnes en situation de handicap, mettre à disposition des panneaux pour les associations concernant des activités artistiques et culturelles et favoriser la libre expression citoyenne et culturelle.

L’initiative devait être déclarée entièrement non valide.

12.         Le 17 mai 2018, invitée par la chancellerie d’État à se déterminer sur la prise de position spontanée de A______, le comité d’initiative a estimé que les objections soulevées par cette dernière relevaient du débat de fond sur l’initiative. L’initiative ne supprimait pas la possibilité de faire de la publicité commerciale par d’autres moyens que l’affichage sur le domaine public, et elle mettrait au même niveau tous les acteurs voulant faire de la publicité commerciale par voie d’affichage en Ville, en supprimant les atteintes à la liberté économique résultant des régulations actuelles. Elle promouvait la liberté constitutionnelle de recevoir librement des informations, l’emportant sur la liberté économique. Elle poursuivait des intérêts publics, dont le choix de refuser la publicité commerciale, l’esthétique du paysage urbain, la protection de l’intégrité et l’encouragement au développement des enfants, ainsi que la protection des ressources naturelles contre la surconsommation. Elle assurait l’égalité entre concurrents, alors qu’une diminution du nombre de panneaux d’affichage creuserait encore davantage les inégalités d’accès à la publicité commerciale générées par le système de concession actuellement pratiqué, dans lequel les commerces de proximité n’avaient quasiment jamais recours aux panneaux réservés à la publicité commerciale en Ville (soit 1502 surfaces, en plus de 1412 surfaces culturelles ou politiques). L’initiative respectait l’unité de la matière, puisqu’elle avait pour objet principal, à titre d’action claire, univoque et explicite, de libérer le domaine public de la Ville de la publicité commerciale par voie d’affichage.

13.         Par arrêté du 23 mai 2018, publié dans la FAO du 25 mai 2018, le Conseil d’État a déclaré l’initiative partiellement valide. Il en a invalidé le ch. 1 (privilégier la qualité du paysage urbain genevois en libérant l’espace public de la publicité commerciale par voie d’affichage) et le ch. 2 (faciliter la mobilité de tou-te-s, en particulier les personnes en situation de handicap, dont les malvoyant-e-s, en supprimant les panneaux qui font obstacle aux déplacements par leur emprise physique sur les espaces piétonniers) ; ces points n’entraient pas dans les objets soumis au droit d’initiative communale à teneur de l’art. 36 LAC, contrairement aux ch. 3 à 5 de l’initiative.

Les panneaux d’affichage ne constituaient pas des biens-fonds au sens de l’art. 36 al. 1 let. a LAC. L’initiative ne prévoyait pas la réalisation de travaux au sens de l’art. 36 al. 1 let. c LAC, pas même à son ch. 2 en tant que celui-ci prévoyait une mesure de gestion de l’espace de la commune et non des travaux de génie civil. Une favorisation de la qualité du paysage urbain par la libération de l’espace public de la publicité commerciale n’entrait pas dans la notion d’aménagement du territoire communal prévue par l’art. 36 al. 1 let. d LAC, même au titre d’études non prévues par le droit cantonal. Il en allait de même de la facilitation de la mobilité des personnes en situation de handicap par la suppression des panneaux faisant obstacle aux déplacements par leur emprise physique sur les espaces piétonniers, car il s’agissait de la gestion de l’espace de la commune (comprenant le choix de l’emplacement du mobilier urbain), relevant de la compétence de l’exécutif communal, et non d’une planification directrice pouvant être adoptée par voie de délibération.

Les ch. 1 et 2 de l’initiative devaient être invalidés. Le Conseil d’État poursuivait l’examen de la validité de l’initiative uniquement sur les ch. 3 à 5.

La mise à disposition des associations et institutions locales ainsi que des habitants de panneaux pour l’affichage de communications sur leurs activités, respectivement l’expression citoyenne et artistique était couverte par la notion d’activités sociales et culturelles ainsi que leurs aménagements et installations au sens large de l’art. 36 al. 1 let. f LAC, et elle pouvait être concrétisée par le biais d’un crédit et/ou d’un règlement adoptés par voie de délibération.

Les propositions objets des ch. 3 à 5, devant être lues ensemble, ne mêlaient pas des propositions de nature ou de but différents, mais avaient entre elles un rapport intrinsèque. Avec la phrase introductive (prévoyant la mise en œuvre d’une politique cohérente de gestion de l’affichage dans le respect de la législation cantonale) et la phrase conclusive (précisant les délais de mise en œuvre de l’initiative), elles formaient un tout cohérent, correspondant à la volonté des initiants. Le principe de l’unité de la matière était respecté (avec l’initiative expurgée de ses ch. 1 et 2, ses ch. 3 à 5 en devenant les ch. 1 à 3).

L’exigence de clarté était respectée, étant rappelé qu’une initiative communale ne pouvait être rédigée qu’en termes généraux en vue d’une délibération du conseil municipal la concrétisant le moment venu et qu’en conséquence la notion d’« autorités de la Ville de Genève » qu’évoquait l’initiative devait être comprise comme faisant référence au conseil municipal.

Expurgée de ses ch. 1 et 2, l’initiative était conforme au droit supérieur. Elle n’était contraire ni aux dispositions de la législation fédérale sur la circulation routière portant sur les signaux, marques et réclames sur les routes et leurs abords, ni à celles de la LPR et de son règlement d’application, ni à la liberté économique. La question de la conformité du ch. 1 de l’initiative (dans sa teneur proposée) à la liberté économique aurait pu se poser, mais il n’y avait pas besoin de l’examiner dès lors que ce chiffre était invalidé. L’initiative pourrait être mise en œuvre par le biais d’un règlement adopté par voie de délibération (art. 30 LAC), qui préciserait les principes qu’elle énonçait comme devant s’appliquer à la politique de gestion de l’affichage à mettre en œuvre. Il ne s’agirait pas d’établir un concept directeur des procédés de réclame.

L’initiative était susceptible d’être exécutée.

14.         Par acte du 22 juin 2018, le comité d’initiative a recouru contre cet arrêté de validation partielle de l’initiative par-devant la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), en concluant à ce qu’il soit dit que les ch. 1 et 2 de l’initiative entraient dans les objets sur lesquels peut s’exercer le droit d’initiative communale et qu’ainsi l’initiative est pleinement valide, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Conseil d’État pour nouvelle décision au sens des considérants, et à ce qu’une indemnité de procédure de CHF 4'000.- lui soit allouée, à la charge de l’État.

Le droit d’initiative communale s’exerçait, dans les limites des lois fédérales et cantonales, sur les objets énumérés exhaustivement à l’art. 36 LAC, à interpréter de façon large, car ils entraient dans le cadre des compétences délibératives du conseil municipal, énumérées à l’art. 30 LAC, et non des compétences de l’exécutif communal, dont un nécessaire concours lors de l’exécution ou de la concrétisation de l’initiative ne suffisait pas à ne pas tenir l’initiative pour valide.

Les ch. 1 et 2 invalidés avaient pour but la suppression physique des panneaux d’affichage fixes, que ceux-ci soient définis comme des immeubles pouvant être démolis au sens large des art. 36 al. 1 let. a et 30 al. 1 let. m LAC, ou comme des objets mobiliers pouvant faire l’objet de travaux d’utilité publique au sens des art. 36 al. 1 let. c et 30 al. 1 let. m LAC. La démolition d’ouvrages sur le domaine public communal, tels que des panneaux d’affichage, pouvait donc être demandée par le biais d’une initiative populaire communale. Le Conseil d’État avait interprété trop restrictivement les notions de construction, de bien-fonds et de travaux, alors qu’une acception large de ces notions était conforme à la volonté du législateur et à l’exigence d’une interprétation favorable aux initiants.

Les deux chiffres considérés auraient aussi pu être interprétés comme portant sur des objets relevant de l’ouverture ou la suppression (incluant la modification) de rues ou de chemins communaux au sens de l’art. 36 al. 1 let. b LAC, en tant qu’ils avaient pour finalité une meilleure circulation piétonnière sur les voies publiques communales, en particulier sur les trottoirs (comme elle pouvait être proposée par exemple par la pose de bacs à plantes), et ils étaient susceptibles d’être concrétisés par une délibération au sens de l’art. 30 al. 1 let. m LAC.

Ils prévoyaient l’établissement, conformément à l’art. 24 al. 1 LPR, d’un nouveau concept directeur des procédés de réclame sur le territoire communal qui impliquait la réalisation d’une étude d’aménagement du territoire communal au sens de l’art. 36 al. 1 let. d LAC, étude qui prévoirait la suppression (déconstruction) de panneaux d’affichage faisant partie intégrante de l’aménagement urbain communal. Si cette étude n’était certes pas prévue par l’art. 30 LAC et ne donnerait pas directement lieu à une délibération, elle aurait forcément un coût devant être couvert par un crédit adopté sous la forme d’une délibération au sens de l’art. 30 al. 1 let. d ou e LAC. Elle pouvait être proposée par voie d’initiative communale, à l’instar d’un concept directeur de la circulation. Il ne s’agissait pas, par le biais du concept considéré, de décider au cas par cas de l’emplacement spécifique de chaque panneau d’affichage, mais d’en prévoir la suppression d’une proportion conséquente par ladite étude d’aménagement du territoire communal. Dans plusieurs communes genevoises, l’exécutif avait décidé de supprimer l’affichage à but commercial sur le domaine public, de lui-même (comme à Presinge) ou suite à une résolution du conseil municipal (comme à Puplinge). Même si l’étude d’aménagement considérée était du ressort de l’exécutif communal, l’initiative ne serait pas irrecevable parce que ce dernier serait obligé de concourir à sa concrétisation en agissant dans des domaines de sa seule compétence.

Interprétés extensivement, les ch. 1 et 2 de l’initiative pouvaient aussi être compris comme portant sur des activités sociales et culturelles ainsi que leurs aménagements et installations au sens de l’art. 36 al. 1 let. f LAC, dont la concrétisation impliquait l’octroi d’un crédit par voie de délibération au sens de l’art. 30 al. 1 let. d et e LAC.

C’était donc à tort que l’arrêté attaqué avait invalidé les ch. 1 et 2 de l’initiative. Le Conseil d’État n’ayant pas examiné leur conformité au droit supérieur, il n’y avait « normalement » pas lieu d’aborder ce sujet ; les initiants indiquaient néanmoins les considérer comme conformes au droit supérieur, notamment à la LPR et à la liberté économique. Les cinq points de l’initiative formaient un tout cohérent, si bien que cette dernière respectait l’unité de la matière. La chambre constitutionnelle pouvait déclarer l’initiative entièrement valide ; subsidiairement, il lui faudrait renvoyer la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision sur l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur.

15.         Invité à présenter sa réponse au recours, le Conseil d’État, le 20 juillet 2018, a indiqué à la chambre constitutionnelle n’avoir pas d’observations à formuler et se référer aux considérants de l’arrêté attaqué.

16.         Le 2 août 2018, le comité d’initiative a informé la chambre constitutionnelle n’avoir pas d’observations supplémentaires à formuler et lui a transmis une copie de la note d’honoraires intermédiaire du même jour de son conseil en vue de détermination de l’indemnité de procédure qui lui serait allouée.

17.         Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître de recours interjetés, comme en l’espèce, contre un arrêté du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative populaire (art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00 ; art. 130B al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/18/2018 du 30 juillet 2018 consid. 1a ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 2 ; ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 1).

b. Le recours a été interjeté en temps utile, le délai légal ordinaire de trente jours (art. 62 al. 1 let. a et d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) s’appliquant en la matière nonobstant le silence de la loi (ACST/17/2015 précité consid. 3a). Il respecte les conditions de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

c. La qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle (comme d’ailleurs devant les autres juridictions administratives genevoises) est comprise de façon substantiellement similaire à celle qui prévaut devant le Tribunal fédéral pour le recours en matière de droit public, compte tenu du fait que les juridictions cantonales ne sauraient adopter, en matière de qualité pour recourir comme d’ailleurs de griefs invocables, des définitions plus restrictives que celles que retiennent la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et la jurisprudence du Tribunal fédéral (art. 89 al. 3 et art. 111 al. 1 et 3 LTF ; ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; ACST/1/2018 du 2 mars 2018 consid. 2). Elle présente dès lors des nuances selon les actes attaqués, bien que l’art. 60 LPA ne le prévoie pas.

Le recours contre une décision relative à la validité d’une initiative communale concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les votations et élections au sens de l’art. 82 let. c LTF, matière dans laquelle toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause est recevable à interjeter un tel recours, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise, comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum (ATF 139 I 195 consid. 1.4 ; 134 I 172 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_305/2012 du 26 février 2016 consid. 1.2 ; 1C_357/2009 du 8 avril 2010 consid. 1.2 ; ACST/1/2018 précité consid. 2b ; ACST/14/2017 précité consid. 1b ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 58 ad art. 89 LTF ; Stéphane GRODECKI, L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, n. 1489). En l’espèce, le recours est interjeté par le comité ayant lancé l’initiative considérée ; ce dernier a donc qualité pour recourir.

d. Le recours doit être déclaré recevable.

2.             Dans le canton de Genève, comme c’était déjà le cas sous l’empire de l’ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (aCst-GE ; MGC 1992 V 5047 ; ACE du 15 décembre 1999 consid. 6a, Perret), une initiative populaire municipale est toujours rédigée en termes généraux, même si elle peut comporter des vœux précis (thèse 202.81.a, adoptée par l’Assemblée constituante [BOAC tome V p.  2491 s., 2586 s.]). En cas d’acceptation – par le conseil municipal (art. 73 al. 2 et 3 Cst-GE ; art. 36C ss LAC) ou le corps électoral (art. 75 Cst-GE ; art. 94 al. 2 et 3 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05 et art. 36G LAC) –, elle doit être concrétisée (art. 73 al. 2 et 76 Cst-GE ; thèse 202.81b adoptée par l’Assemblée constituante [BOAC tome V p. 2492 et 2587] ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_49/2010 et 1C_51/2010 du 8 juillet 2010 consid. 4 ; SJ 2001 I 253 consid. 2a ; ACST/14/2017 précité consid. 9 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 340 ss).

Le sens des propositions qu’énonce une initiative populaire communale se détermine néanmoins d’après les méthodes habituelles d’interprétation des normes. Il s’agit donc d’appliquer les méthodes d’interprétation dites littérale, historique, systématique et téléologique, dans toute la mesure où le permettent d’une part leur rédaction en termes généraux et d’autre part leur texte, qui est déterminant bien qu’une prise en compte des explications l’accompagnant le cas échéant puisse intervenir. Viennent en renfort les règles dites de l’interprétation la plus favorable aux initiants et de l’interprétation conforme au droit supérieur (ACST/1/2018 précité consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, 2018, vol. II, n. 5176 ss ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. I, n. 872 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 988 ss).

3.             a. En l’espèce, ainsi que l’exprime déjà la phrase introductive du texte de l’initiative, voulant que soit mise en œuvre une « politique cohérente de gestion de l’affichage », et que cela ressort des principes que ledit concept directeur devrait appliquer, énumérés sous les ch. 1 à 5, l’objectif central poursuivi est que la Ville fasse usage de la faculté que l’art. 24 al. 1 LPR reconnaît aux communes d’établir un concept directeur des procédés de réclame. C’est bien ce que le comité d’initiative a expliqué dans sa détermination du 26 mars 2018 sur la validité de son initiative, de même que dans son recours. Ce n’est guère qu’au regard des seuls principes énoncés sous les ch. 3 à 5 de l’initiative que peut éventuellement se comprendre l’indication contraire figurant au ch. 43 de la partie En droit de l’arrêté attaqué. Or, il faut prendre en considération aussi les ch. 1 et 2 de l’initiative pour déterminer comment comprendre cette dernière et statuer sur le recours, dirigé précisément contre l’invalidation de ces deux chiffres.

b. Au nombre des principes dont l’initiative prévoit l’application, la « libération » de l’espace public de la publicité commerciale occupe une place prépondérante, dès lors que cette visée est intégrée dans l’intitulé même de l’initiative (« Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! »), est reprise explicitement à son ch. 1 et sous-tend ses ch. 3 à 5 par la seule mention, sous ces chiffres-ci, d’autres types de publicité que la publicité commerciale. Quant à la facilitation de la mobilité piétonnière voulue par le ch. 2 de l’initiative, elle constitue un objectif supplémentaire à réaliser par le biais de l’établissement d’un concept directeur des procédés de réclame ; elle pourrait impliquer la démolition (ou, quelquefois, le déplacement) de supports publicitaires.

c. Le comité d’initiative n’a pas précisé que la « politique cohérente de gestion de l’affichage » à mettre en œuvre à teneur de l’initiative concernerait non seulement le domaine public, mais aussi le domaine privé visible depuis le domaine public ; dans ses écritures, il a fait mention plusieurs fois du domaine public. L’intimé n’a pas abordé cette question, pourtant importante pour déterminer la portée à donner à l’initiative et, en conséquence, juger de sa validité.

Le domaine public de la Ville est assurément compris dans l’« espace public » et les « espaces piétonniers » mentionnés aux ch. 1, 2 et 5 de l’initiative. C’est le lieu de rappeler qu’en Ville de Genève – comme le recourant l’indique à juste titre en faisant référence à la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) et à la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) – les voies publiques relèvent toutes du domaine public communal (ACST/6/2017 du 19 mai 2017 consid. 8/bb). La portée de l’initiative ne saurait cependant se limiter à ce qui constitue, quelque étendu qu’il soit, le seul domaine public de la Ville. Le propre même de la LPR et l’une des raisons principales de son adoption sont de viser « les procédés de réclame, perceptibles depuis le domaine public, qu’ils soient situés sur le domaine public ou privé » (art. 3 al. 1 LPR), et le concept directeur des procédés de réclame que les communes peuvent établir vise explicitement « tant le domaine public que le domaine privé » (art. 24 al. 1 LPR ; MGC 1999 VI 4908, 4910, 2000 I 815, II 1358, V 4773). Il ne résulte en outre nullement du texte de l’initiative que les initiants entendraient, au demeurant artificiellement et inefficacement au regard du but poursuivi, que le « paysage urbain » à privilégier par un bannissement de la publicité commerciale (ch. 1) n’inclue pas le domaine privé visible depuis le domaine public. Les nuisances dont ladite publicité est la source à leurs yeux ne sont le cas échéant pas moindres parce que les publicités considérées sont apposées ou projetées sur des espaces relevant du domaine privé visible depuis le domaine public plutôt que sur des supports faisant partie du domaine public ; cela vaudrait en particulier pour l’impact sur le paysage et l’urbanisme, la pollution visuelle de surcroît imposée, la surconsommation, les atteintes à l’environnement.

d. Ainsi, l’initiative tend fondamentalement à l’établissement et la mise en œuvre, à Genève, d’un concept directeur des procédés de réclame qui bannisse la publicité commerciale du domaine public et du domaine privé perceptible depuis le domaine public et qui y promeuve, dans les limites dictées par une facilitation de la circulation piétonnière et un souci d’équilibre, l’affichage concernant les informations et activités des institutions et associations locales et celui des expressions citoyennes et artistiques des habitants.

4.             De la Cst-GE résulte qu’une initiative populaire communale doit relever d’une matière définie par la loi comme matière possible d’exercice du droit d’initiative communale (art. 71 al. 2 Cst-GE), aboutir à une délibération du conseil municipal (art. 71 al. 1 Cst-GE), respecter l’unité de la matière (art. 72 al. 2 Cst-GE) et être conforme au droit supérieur (art. 72 al. 3 Cst-GE). À ces exigences s’ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE, celles de clarté du texte de l’initiative et d’exécutabilité de l’initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2012 du 24 septembre 2013 consid. 5.1 ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 5159 ss ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. I, 2014, n. 145 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 885 ss ; Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 280 ss et 308 ss).

Il incombe au Conseil d’État d’examiner la validité des initiatives populaires communales (art. 72 al. 1 Cst-GE ; art. 92B LEDP ; art. 36C al. 1 LAC). En l’espèce, il a nié que deux des cinq chiffres de l’initiative – soit deux des principes que devrait respecter la politique de gestion de l’affichage à mettre en œuvre en Ville de Genève – relèvent d’une matière possible d’exercice du droit d’initiative.

5.             a. En exécution de l’art. 71 al. 2 Cst-GE (repris de l’art. 68A al. 1 aCst-GE), voulant que la loi définisse les matières dans lesquelles le droit d’initiative peut s’exercer, le législateur a prévu, à l’art. 36 al. 1 LAC, que le droit d’initiative populaire communal s’exerce, dans les limites des lois fédérales et cantonales, sur la construction, la démolition et l’acquisition d’immeubles communaux (let. a), l’ouverture ou la suppression de rues ou de chemins communaux (let. b), les travaux d’utilité publique communaux (let. c), les études d’aménagement du territoire communal (let. d), la constitution de fondations d’intérêt communal de droit public ou privé (let. e) et les activités sociales, culturelles, sportives et récréatives, ainsi que leurs aménagements et installations (let. f).

Cette énumération est exhaustive, ainsi que cela découle de l’art. 71 al. 2 Cst-GE précité, de la jurisprudence des juridictions cantonales appelées antérieurement à statuer sur les recours relatifs à la validité de telles initiatives – à savoir le Conseil d’État (ACE du 13 février 1985 consid. 5, Ville de Genève, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral P.191/85 du 20 novembre 1985), puis le Tribunal administratif (ATA/591/2002 du 8 octobre 2002 consid. 4a) – et de la doctrine (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 629 ss et auteurs cités).

Assez généraux voire imprécis, les termes qu’emploie cet art. 36 al. 1 LAC ne doivent pas être interprétés restrictivement, mais plutôt extensivement, sans dénaturer l’idée sous-jacente aux six objets précités (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 632 ss et auteurs cités), d’autant plus – selon cet auteur (op. cit., n. 634) – que la règle de l’interprétation la plus favorable aux initiants (qu’exprime l’adage in dubio pro populo) s’applique non seulement pour déterminer le sens des propositions formulées par une initiative, mais aussi pour contribuer à dégager le sens de normes délimitant le droit d’initiative qui se prêteraient à plusieurs interprétations.

b. De l’art. 71 al. 1 in initio Cst-GE (repris de l’art. 68A al. 2 aCst-GE), prévoyant que les initiants demandent au conseil municipal de « délibérer » sur un des objets déterminés définis par la loi, résulte l’exigence supplémentaire qu’une initiative populaire communale doit aboutir à une délibération du conseil municipal, autrement dit impliquer, pour sa concrétisation, l’exercice par le conseil municipal d’une de ses fonctions délibératives, telles que les énumère l’art. 30 LAC, et non simplement consultatives, visées par l’art. 30A LAC (ACST/14/2017 précité consid. 5b ; ATA/591/2002 précité consid. 4 ; ACE du 26 juillet 2000 consid. 2, Chambre genevoise immobilière et Muller ; ACE du 15 décembre 1999 consid. 6d, Perret ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 637-665). La délibération de concrétisation d’une initiative populaire communale peut consister tant en la mise en œuvre d’une des compétences spécifiques énumérées par l’art. 30 al. 1 LAC qu’en l’adoption, en application de l’art. 30 al. 2 LAC, de règlements ou d’arrêtés de portée générale régissant les domaines relevant de la compétence des communes.

Une initiative populaire communale ne saurait être valide si, quoique susceptible d’être rattachée à un des objets énumérés à l’art. 36 al. 1 LAC, elle concerne directement et essentiellement l’exercice d’attributions réservées à l’exécutif communal ; elle doit en effet respecter la répartition des compétences entre les autorités communales (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 666 ss ; Thierry TANQUEREL, Avis de droit du 21 août 1998 relatif à la validité de l’initiative populaire municipale « Sauvons nos parcs », cité in MCM/GE 1998 [156] 2095, p. 15 s. ; Andreas AUER, Problèmes et perspectives du droit d’initiative à Genève, 1987, n. 43). La nécessité d’un concours de l’exécutif communal à la concrétisation et mise en œuvre des propositions faisant l’objet d’une initiative populaire communale ne suffit toutefois pas à soustraire celles-ci à la possibilité d’être imposées par voie d’initiative (Thierry TANQUEREL, Avis de droit non publié du 14 février 1997 relatif à la validité de l’initiative populaire municipale dite le « Bisou de 7 tonnes », cité et approuvé par Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 668 s.).

La question est discutée de savoir si et dans quelle mesure l’octroi d’un crédit par voie de délibération au sens de l’art. 30 al. 1 let. d ou e LAC peut suffire à remplir l’exigence d’une délibération de concrétisation pour que les propositions formulées puissent être l’objet d’une initiative populaire communale. Ce moyen ne doit pas permettre de contourner l’interdiction qu’une initiative populaire communale vise directement des compétences réservées de l’exécutif communal (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 669 s. ; Thierry TANQUEREL, Avis de droit non publié du 5 juin 1998 relatif à la validité de l’initiative populaire municipale « Pour la sauvegarde de quartiers verdoyants à Lancy », cité par Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 670).

6.             Alors que pour le recourant, les ch. 1 et 2 de l’initiative trouvent appui, alternativement ou cumulativement, sur plusieurs des dispositions de l’art. 36 LAC (à savoir ses let. a, b, c, d et f), l’intimé estime que ce n’est le cas pour aucune d’elles.

Plutôt que de prendre ces dispositions dans l’ordre de leur énoncé dans ladite disposition légale, il apparaît préférable, au regard de la finalité foncière précitée de l’initiative, d’examiner en premier lieu si l’initiative, y compris en particulier les deux propositions invalidées par le Conseil d’État, ne porte pas sur une étude d’aménagement du territoire communal au sens de l’art. 36 al. 1 let. d LAC.

7.             a. La plupart des objets évoqués à l’art. 36 al. 1 LAC comme objets possibles d’une initiative populaire communale trouvent un pendant terminologique dans les objets sur lesquels le conseil municipal détient une compétence délibérative à teneur de l’art. 30 al. 1 LAC. Ce n’est pas le cas de la notion d’études d’aménagement du territoire communal figurant à l’art. 36 al. 1 let. d LAC ; elle ne se retrouve pas comme telle à l’art. 30 al. 1 LAC, ni dans un autre texte normatif de la législation genevoise. Il ne s’ensuit pas que, dans le domaine spécifique de l’aménagement du territoire, le législateur aurait renoncé à l’exigence, au demeurant constitutionnelle, qu’une initiative populaire communale doive être concrétisée par la voie d’une délibération du conseil municipal pour qu’une telle initiative soit valide.

b. L’initiative populaire municipale n’a été introduite dans le canton de Genève qu’en 1981, par une loi constitutionnelle du 18 décembre 1980 (MGC 1980 IV 4604, 4617 ss), acceptée le 10 mai 1981 par le corps électoral (ROLG 1981 p. 158) et entrée en vigueur le 30 mai 1981 (ROLG 1981 p. 170 ss), après plusieurs tentatives ayant échoué devant le corps électoral ou le Grand Conseil (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 233 ss). Lorsque, par une loi du 4 juin 1981 (ROLG 1981 p. 285 ss), le législateur a aussitôt indiqué dans la loi d’alors sur l'administration des communes – soit celle du 3 juillet 1954 (aLAC ; ROLG 1954 p. 141 ss), à laquelle a succédé l’actuelle LAC dès le 1er janvier 1985 (ROLG 1984 p. 233 ss) – les objets sur lesquels une initiative populaire communale pouvait porter, il a utilisé, à l’art. 28A let. d aLAC, les mots d’études d’aménagement du territoire communal, sans expliquer la notion qu’ils recouvraient. À propos de l’art. 28A aLAC pris toutefois dans son ensemble, il a indiqué simplement qu’il avait été estimé préférable de dresser une liste, « conçue fort largement », des objets sur lesquels le droit d’initiative communal pourrait s’exercer, « plutôt que d’adopter une clause générale » (MGC 1980 I 156). L’art. 28A aLAC a été repris textuellement à l’art. 36 LAC, quelque trois ans plus tard, sans que la notion d’études d’aménagement du territoire communal soit commentée (MGC 1984 I 1408, 1426, II 1670).

c. Interprétée littéralement, cette notion évoque des travaux à mener dans une phase préparatoire de mesures d’aménagement du territoire.

En 1981, les compétences délibératives du conseil municipal en matière d’aménagement du territoire portaient sur les préavis à donner d’une part sur les plans d’aménagement et leurs règlements et d’autre part sur les modifications du régime des zones de construction, introduites respectivement en 1974 (ROLG 1974 p. 350) et en 1979 (ROLG 1979 p. 347), attributions jusqu’alors réservées à l’exécutif communal. Lorsque la commune était appelée à émettre un tel préavis, les mesures d’aménagement du territoire considérées se trouvaient bien dans une phase préparatoire. Les droits politiques devaient pouvoir s’exercer désormais à leur propos, sur le plan communal, non seulement « ré-activement » par le biais d’un référendum, mais aussi « pro-activement » par le lancement d’une initiative. Il paraît logique d’admettre que l’art. 28A al. 1 let. d aLAC visait à tout le moins ces deux types de mesures d’aménagement du territoire, réunis par le biais d’une formulation raccourcie (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 811, 816 et 835, citant et approuvant sur ce point des avis de droit non publiés de Thierry TANQUEREL et de Blaise KNAPP, respectivement du 5 juin 1998 et du 1er décembre 1998, concernant l’initiative populaire municipale « Pour la sauvegarde de quartiers verdoyants à Lancy »).

Depuis lors, la liste des fonctions délibératives du conseil municipal s’est allongée dans le domaine de l’aménagement du territoire, notamment, en 1983, pour l’adoption des plans d’utilisation du sol (art. 27 let. j aLAC ; ROLG 1983 p. 356), en 1990, pour le préavis concernant des projets de plans localisés de quartier et de plans de site (art. 30 al. 1 let. r LAC ; ROLG 1990 p. 393), en 2000, pour le préavis concernant les plans d’extraction (art. 30 al. 1 let. r LAC ; ROLG 1999 p. 1050). La technique législative suivie de faire mention, à l’art. 36 al. 1 let. d LAC (comme précédemment à l’art. 28A al. 1 let. d aLAC), des études d’aménagement du territoire communal a permis, sans modification de cette disposition-ci, d’élargir parallèlement les objets possibles d’initiatives populaires municipales, dès lors que ladite disposition devait se voir reconnaître au moins le sens de réunir, sous une appellation générique, les diverses compétences délibératives du conseil municipal en matière d’aménagement du territoire (ATA du 8 octobre 2002 consid. 4f, Banderet ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 812 et 816 ss).

d. Ce n’est toutefois que dans les limites dans lesquelles une compétence en matière d’aménagement du territoire appartenait déjà ou était nouvellement attribuée à la commune qu’un tel effet extensif a pu se produire pour l’exercice du droit d’initiative populaire communale.

S’agissant des plans d’utilisation du sol, du ressort des communes (art. 15A ss de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 - LExt - L 1 40), il a été possible qu’une initiative populaire communale propose d’en étudier l’adoption, dès lors que celle-ci a été réservée au conseil municipal (art. 15D let. b LExt) se prononçant à ce propos par voie de délibération (art. 30 al. 1 let. p LAC) et qu’elle doit être précédée d’une étude d’aménagement du territoire communal (art. 15D LExt ; ACE du 26 juillet 2000 consid. 3, Chambre genevoise immobilière et Muller ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 824 ss ; Thierry TANQUEREL, La participation de la population à l’aménagement du territoire, 1988, p. 259).

Lorsque la compétence communale consistait à émettre un préavis sur un projet de mesure d’aménagement du territoire, la possibilité de lancer une initiative populaire municipale ne devenait possible, du fait de l’attribution en la matière d’une fonction délibérative au conseil municipal, que dans la perspective du préavis que celui-ci devrait donner le moment venu sur de tels projets, et non pour imposer que des études d’aménagement du territoire soient entreprises en vue de l’adoption de mesures d’aménagement échappant à la compétence communale. La possibilité de proposer, par la voie d’une initiative populaire communale, d’initier une modification de la planification cantonale s’est en revanche ouverte dès lors que – à titre de contre-projet à une initiative cantonale « Pour une autonomie des communes en matière d’aménagement de leur territoire » (IN 29), lancée à la mi-septembre 1990 (ROLG 1991 p. 453 s.), finalement retirée le 22 mars 1993 (ROLG 1993 p. 188 s.) – la compétence a été donnée aux communes, le 29 avril 1993 (ROLG 1993 p. 366 s., 368 ss, 371 ss, 374, 375 s. et 377), de solliciter du Grand Conseil la modification des limites de zones concernant leur territoire (art. 15A al. 3 et 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30), et du Conseil d’État l’adoption ou la modification d’un plan localisé de quartier (art. 1 al. 2 et 3 LExt ; art. 5A al. 1 et 2 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35), d’un règlement spécial (art. 10 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05) ou d’un plan de site (art. 39 al. 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05). Il faut préciser qu’il a été attribué aux conseils municipaux de rendre des préavis pour ces mesures d’aménagement au cours de la procédure d’adoption de ces dernières, certes dans un premier temps par le biais d’une résolution dans le cadre de l’exercice d’une fonction consultative (art. 30A al. 1 let. a à e LAC), mais ensuite, à un stade ultérieur de la procédure, par le truchement d’une délibération (art. 30 al. 1 let. q et r LAC). Celle-ci vaut le cas échéant délibération de concrétisation d’une initiative populaire communale qui proposerait d’initier une modification de la planification cantonale (ACST/14/2017 précité consid. 5b ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 660, 809 et 849 ss).

e. Ni la lettre ni l’esprit de l’art. 36 al. 1 let. d LAC ne limitent cependant la notion d’études d’aménagement du territoire figurant dans cette disposition à la détention par le conseil municipal d’une des compétences délibératives visées, dans le domaine considéré, exclusivement par l’alinéa premier de l’art. 30 LAC, soit par l’une ou l’autre des lettres rattachées à cet alinéa. Dans la mesure où, dans le domaine de l’aménagement du territoire, le conseil municipal disposerait d’une compétence délibérative fondée sur une autre disposition que cet art. 30 al. 1 (not. let. p, q et r) LAC, en particulier une compétence réglementaire fondée sur l’art. 30 al. 2 LAC, il faudrait en tirer la conclusion que la voie de l’initiative populaire municipale serait ouverte pour demander que la mesure d’aménagement en question soit étudiée si elle peut se traduire par l’adoption d’un règlement.

L’idée sous-tendant l’ouverture de la voie de l’initiative populaire communale était, comme sur le plan cantonal, d’établir un parallélisme entre les deux instruments de la démocratie que sont le référendum et l’initiative (Victor MONNIER, L’influence des idées et des institutions politiques de la révolution française sur les institutions politiques de la Suisse de 1798 à 1848, in Le droit et les institutions en révolution : XVIII-XIXsiècles, 2005, p. 233 ss, 244 s. ; Andreas AUER, La démocratie directe dans le contexte européen : origine, conditions, pratique, in Démocratie directe et Union européenne, 1997, p. 14 ; Alfred KÖLZ, Die Bedeutung des Französischen Revolution, in Les origines de la démocratie directe en Suisse, éd. par Andreas AUER, 1996, p. 105 ss, 114). L’initiative étant le pendant du référendum, l’objectif du constituant a été d’introduire une initiative portant en principe sur les mêmes domaines que le droit de référendum (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 264 s. et 823, citant et approuvant sur ce point, concernant spécifiquement l’initiative populaire municipale, des avis de droit non publiés notamment de Jaques VERNET du 26 janvier 1999 relatif à l’initiative communale « Pour le maintien de la parcelle n° 10225 de la commune de Troinex à la Grand-Cour en zone constructible 4B protégée », de Thierry TANQUEREL du 5 juin 1998 relatif à la validité de l’initiative populaire municipale « Pour la sauvegarde de quartiers verdoyants à Lancy », et de Pierre-Louis MANFRINI de 1996 sur la validité et les effets de l’initiative populaire municipale « Pour sauvegarder les parcs de Carouge »).

f. En conclusion, la notion d’études d’aménagement du territoire communal figurant à l’art. 36 al. 1 let. d LAC doit être comprise largement. Elle n’en est pas moins délimitée par les exigences que l’initiative populaire municipale doit porter sur la phase préparatoire de mesures cantonales ou communales d’aménagement du territoire, avoir trait à un acte d’aménagement qui concerne le territoire communal, et, par l’interaction de l’art. 30 LAC, pouvoir sinon devoir être concrétisée, à une étape quelconque de la procédure, au moyen d’une délibération du conseil municipal (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 820).

g. En tant que l’initiative tend en l’espèce fondamentalement à l’établissement et la mise en œuvre, à Genève, d’un concept directeur de l’affichage au sens de l’art. 24 al. 1 LPR, la question se pose de savoir si un tel concept met en œuvre une compétence communale, s’inscrit dans le contexte de l’aménagement du territoire et requiert ou à tout le moins permet l’adoption d’une délibération du conseil municipal.

8.             Il n’est pas contesté que la LPR a attribué aux communes genevoises d’importantes compétences pour régler l’emploi des procédés de réclames sur leur territoire, dont celles d’autoriser l’apposition, l’installation, l’utilisation ou la modification de procédés de réclame (art. 4 s. LPR) et, précisément, d’établir un concept directeur des procédés de réclame (art. 24 al. 1 LPR ; MGC 1999 VI 4908 s., 4913, 2000 I 788 s.).

9.             a. L’aménagement du territoire englobe la réglementation de l’utilisation du sol, la planification de l’affectation du sol, ainsi que la coordination des mesures et activités ayant une incidence sur l’organisation du territoire (FF 1997 I 1 ss, 249 ; David BOULAZ, La protection du paysage, 2017, p. 383 ss ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 802 ; Jean-François AUBERT / Pascal MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, p. 600 ; Piermarco ZEN-RUFFINEN / Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 19 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 22). Il s’agit d’une notion large, intégrant la sauvegarde du patrimoine et du paysage urbain, de même que la planification et la réglementation des voies publiques et plus largement du domaine public, sans que celles de l’utilisation du domaine privé perceptible depuis le domaine public ne se trouvent exclues. Ce n’est pas parce qu’une mesure ne serait pas énumérée explicitement par la LaLAT, en particulier au titre des plans de zones et autres plans d’affectation (art. 11 ss LaLAT), qu’elle ne saurait être appréhendée par l’art. 36 al. 1 let. d LAC comme relevant de l’aménagement du territoire, au titre des objets possibles d’une initiative populaire communale.

Dans ce contexte, un auteur (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 861) relève qu’il ne lui paraît pas interdit qu’une commune entreprenne des études d’aménagement du territoire qui ne sont pas prévues par le droit cantonal, citant à ce titre un « concept directeur de la circulation et d’aménagement [d’une] agglomération villageoise », valant document de référence fixant les lignes directrices de la politique municipale en matière de circulation, sans effet contraignant. Tel avait été l’objet d’un recours interjeté auprès du Conseil d’État, qui, dans son arrêté statuant sur ce recours, n’a toutefois pas eu à aborder la question de savoir si l’adoption d’un tel concept directeur pouvait être demandée par la voie d’une initiative populaire communale portant sur une étude d’aménagement du territoire communal au sens de l’art. 36 al. 1 let. d LAC, mais celle – résolue par la négative – de savoir si elle devait faire l’objet d’une délibération du conseil municipal, et non d’une résolution, ainsi qu’elle l’avait été (ACE du 14 octobre 1987, Robert et Section de Veyrier du parti socialiste).

b. S’agissant du concept directeur des procédés de réclame visé par l’art. 24 al. 1 LPR, il a certes été dit, au cours des travaux préparatoires, qu’il s’agissait non d’un plan directeur, mais d’un instrument plus léger, soit d’une ligne directrice non contraignante rendant compte des intentions à court, moyen et long termes des autorités municipales (MGC 2000 I 793), qu’il ne constituait pas un plan d’affectation au sens de la législation sur l’aménagement du territoire, n’avait pas force obligatoire pour les administrés et les autorités, mais était avant tout un outil d’aide à la décision (MGC 2000 V 4772). Il n’en a pas moins été évoqué qu’un tel concept directeur mentionnerait où les affiches pourraient être placées, quel type d’affichage pourrait être posé, quelle serait leur taille (MGC 2000 II 1359), qu’il permettrait de préserver le paysage urbain et villageois, ainsi que le cadre de vie (MGC 2000 V 4773), qu’il servirait à maîtriser la dimension architecturale et urbanistique de l’affichage (MGC 2000 V 4774) et qu’il participerait à une meilleure préservation des sites (MGC 2000 V 4777). D’ailleurs, deux des quatre finalités que la LPR vise à réaliser, à teneur de son art. 1, sont d’assurer la protection des sites et l’esthétique des lieux (en plus de la sécurité routière et l’ordre public). Fondé lui aussi sur la considération qu’un concept directeur des procédés de réclame constitue un instrument intégrant des préoccupations propres à celles de l’aménagement du territoire, l’art. 5 du règlement d'application de la loi sur les procédés de réclame du 11 octobre 2000 (RPR - F 3 20.01) énonce qu’il « vise en particulier à assurer une cohérence et une harmonie des procédés de réclame sur tout ou partie du territoire communal, à définir les critères esthétiques et techniques permettant à la commune de statuer sur l’implantation de supports publicitaires, à définir la densité et les types de procédés de réclame admis en fonction de zones particulières, à permettre l’intégration des procédés de réclame dans le paysage urbain et leur coordination avec le mobilier urbain, ainsi qu’à préserver les sites ».

Il se justifie dès lors de retenir qu’un concept directeur des procédés de réclame se rattache à la notion large d’aménagement du territoire visée par l’art. 36 al. 1 let. d LAC, et donc que son étude peut être demandée par la voie d’une initiative populaire communale, pour autant – s’impose-t-il encore d’examiner – qu’une délibération du conseil municipal doive ou puisse intervenir à un stade ultérieur de la procédure pour en concrétiser l’adoption. Cette troisième condition, qui procède d’un rejaillissement de l’exigence d’une concrétisation par voie de délibération, renvoie aux fonctions délibératives du conseil municipal, énumérées à l’art. 30 LAC.

10.         a. Lorsque, par l’adoption de la LPR, il a attribué aux communes la compétence d’établir un concept directeur des procédés de réclame, le législateur n’a pas attribué de compétence en la matière au conseil municipal, ni délibérative ni consultative. Cela ne saurait être considéré comme une lacune (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 823 concernant les plans directeurs localisés). S’il avait entendu que le conseil municipal soit associé à l’établissement d’un tel concept, que ce soit pour l’adopter ou émettre un préavis au cours de la procédure menant à son adoption, il aurait dû et n’aurait pas manqué d’attribuer en la matière une compétence au conseil municipal, de surcroît une compétence délibérative s’il souhaitait que le corps électoral puisse aussi se prononcer à ce sujet, ne pouvant ignorer que cela ouvrirait, de façon réactive, la voie référendaire et, corollairement, de manière « proactive », celle de l’initiative populaire communale.

S’il n’a pas prévu en la matière de procédure spécifique soumise aux droits populaires, le législateur n’en doit pas moins être considéré comme s’en être remis au partage ordinaire des compétences prévalant entre les exécutifs communaux et les conseils municipaux.

b. La question est dès lors de savoir si la concrétisation de l’initiative pourrait, sinon devrait passer par l’adoption d’un règlement par le conseil municipal, sous forme de délibération.

b/aa. Historiquement, les conseils municipaux genevois n’avaient pas la nature d’organes législatifs (ACE du 14 octobre 1987 consid. 9b, Robert et Section de Veyrier du parti socialiste ; Christian M. REISER, Autonomie et démocratie dans les communes genevoises, 1998, p. 134 ss). Ainsi, dans sa teneur d’origine (ROLG 1984 p. 233 ss), la LAC chargeait l’exécutif communal d’« édicter les règlements municipaux sauf si les lois donnent cette compétence au conseil municipal » (art. 48 let. v). Elle a fait sur ce point l’objet d’une importante modification, par une loi du 22 mars 2001 (ROLG 2001 p. 336), entrée en vigueur le 19 mai 2001. Depuis lors, le conseil municipal peut adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines relevant de la compétence des communes (art. 30 al. 2 LAC), et les compétences normatives de l’exécutif communal ont été adaptées en conséquence, pour comprendre désormais celle d’édicter d’une part les règlements municipaux dans les domaines où le conseil municipal n’a pas fait usage de la prérogative que lui accorde l’art. 30 al. 2 LAC à l’exclusion des domaines où les lois donnent cette compétence au conseil municipal (art. 48 let. v LAC) et d’autre part les dispositions d’application des règlements municipaux adoptés par le conseil municipal (art. 48 let. w LAC).

Par la mention de règlements ou arrêtés « de portée générale », le législateur a entendu préciser que, dans les domaines relevant de la compétence des communes, les conseils municipaux n’en viennent pas, sous le couvert de tels actes, à rendre en réalité des décisions, soit des mesures individuelles et concrètes (art. 4 LPA), mais s’en tiennent aux « objets d'importance générale », aux « questions d’intérêt général » (MGC 2001 II 1874).

Cette attribution au conseil municipal de la compétence d’édicter de tels règlements dans tous les domaines relevant de la compétence des communes a eu pour effet non seulement de renforcer le rôle des conseils municipaux au sein des communes et de valoriser celui des élus municipaux, mais aussi d’élargir doublement le champ des droits politiques. Les règlements qui pouvaient désormais être adoptés devaient l’être sous forme de délibération, donc étaient exposés au référendum, ainsi que cela a été relevé au cours des travaux préparatoires (MGC 2001 II 1853 s., 1866, 1867) ; par ailleurs, dans les limites tracées par l’art. 36 LAC, des possibilités supplémentaires de lancer des initiatives populaires communales s’ouvraient, certes sans que cela ne soit explicitement relevé, sauf que la remarque a tout de même été faite dans ce contexte que « l'usage du référendum, comme de l'initiative, au niveau communal est plutôt une richesse pour la démocratie locale que le contraire » (MGC 2001 II 1867).

b/bb. L’intimé lui-même a admis, aux ch. 15 et 43 de la partie En droit de sa décision, que l’initiative, expurgée de ses ch. 1 et 2, pourrait être mise en œuvre par un règlement, qui préciserait les principes énoncés dans ses ch. 3 à 5, en particulier prévoirait, par des règles générales et abstraites, l’existence de panneaux vierges destinés à la libre expression et à la publicité des habitants et associations ou institutions locales et l’équilibre à maintenir entre ces deux aspects.

Cela est vrai aussi pour les ch. 1 et 2 de l’initiative. Cette dernière pourrait en effet être concrétisée, aussi sur des points essentiels visés par ces deux dispositions, par le biais d’un règlement, dont une disposition fondamentale consisterait – à suivre les initiants – à bannir la publicité commerciale, en exécution du ch. 1, et une autre à poser des règles sur la densité, le genre et les conditions d’installation de panneaux d’affichage sur les voies publiques de façon à faciliter la mobilité des personnes en situation de handicap, en exécution du ch. 2. D’autres règles générales et abstraites entreraient en considération pour que les procédés de réclame soient autorisés, en Ville de Genève, de manière à assurer la protection des sites et l’esthétique des lieux, une bonne intégration dans le paysage urbain, le respect de critères techniques, de façon possiblement nuancée selon des périmètres à définir le cas échéant. De telles règles guideraient l’exécutif communal et son administration pour délivrer les autorisations, fixer les conditions et charges ainsi que prendre les mesures prévues par la LPR, actes qui continueraient à être de leur ressort.

b/cc. L’initiative serait donc susceptible d’être concrétisée par une délibération du conseil municipal.

c. L’établissement d’un concept directeur des procédés de réclame a un coût, même important pour une commune de l’envergure de la Ville. D’après son président, entendu par la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de LPR, la Société Générale d’Affichage a payé un million de francs pour les études en urbanisme qu’elle a fait faire pour réaliser un tel concept pour la Ville (MGC 2000 V 4749). Aussi la mise en œuvre de l’initiative requerrait-elle sans doute le vote d’un crédit par le conseil municipal, sous forme de délibération (cf. art. 30 al. 1 let. d et e LAC).

L’intimé a admis, au ch. 15 de la partie En droit de sa décision, que l’initiative, amputée de ses ch. 1 et 2, pourrait être concrétisée au travers d’un crédit adopté sous forme de délibération. Compte tenu de la possibilité de concrétiser l’initiative par un règlement adopté par le conseil municipal sous forme de délibération, qui doit conduire à l’admission du recours au sens des considérants, il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir si, à défaut, une délibération octroyant un crédit pour l’établissement du concept directeur des procédés de réclame demandé par l’initiative suffirait à remplir la condition que cette dernière doive être concrétisée par une délibération pour que cette demande puisse constituer l’objet d’une initiative populaire communale.

11.         a. Il s’avère, en conclusion, que l’initiative, non amputée des principes en formant les ch. 1 et 2, porte sur une étude d’aménagement du territoire communal au sens de l’art. 36 al. 1 let. d LAC et est susceptible d’être concrétisée par le biais d’une délibération du conseil municipal, à savoir d’un règlement, en application de l’art. 30 al. 2 LAC. Aussi est-ce à tort que l’intimé a invalidé les deux chiffres considérés de l’initiative pour les motifs retenus à l’appui de sa décision.

b. Il n’y a pas lieu d’examiner si le maintien de l’intitulé intégral de l’initiative « Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! » était compatible avec l’invalidation du ch. 1 de l’initiative (arrêt du Tribunal fédéral 1P.338/2006 et 1P.582/2006 du 12 février 2007 consid. 3.6, 3.7, 4 et 5, ZBl 2007 p. 313, et du 2 décembre 1988 consid. 2, SJ 1989 p. 90 ss ; ACST/15/2015 du 27 août 2015 consid. 6b ; RDAF 1993 p. 45).

c. L’intimé ne s’est pas prononcé sur le point de savoir si, considérée dans son ensemble (donc y compris ses ch. 1 et 2), l’initiative respecte les conditions de validité que sont notamment l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur. D’après A______, qui est intervenue spontanément auprès du Conseil d’État avant que celui-ci ne rende la décision attaquée, l’initiative ne respecterait pas ces deux conditions. L’intimé lui-même a indiqué, au ch. 43 in fine de la partie En droit de sa décision, que la question de la conformité au droit supérieur, plus précisément à la liberté économique (art. 27 Cst.), se serait posée s’agissant du bannissement de la publicité commerciale que prévoit le ch. 1 de l’initiative (renforcé par l’intitulé de cette dernière) si ce ch. 1 n’était pas invalidé.

La décision rendue délimite l’objet de la contestation ayant pu être déférée en justice par voie de recours (ATF 119 Ib 33 consid. 1b) ; il faut par ailleurs respecter l’exigence d’un degré de juridiction sur le plan cantonal, supposant qu’une décision ait préalablement été rendue en procédure non contentieuse.

Selon l’art. 72 al. 1 Cst-GE, c’est au Conseil d’État qu’il revient d’examiner la validité des initiatives populaires communales, ainsi que le confirment les art. 92B LEDP et 36C al. 1 LAC, autrement dit de rendre à ce propos une décision portant sur les différentes conditions de validité des initiatives. Si, comme cela est concevable, il ne se prononce que sur certaines de ces conditions parce que son appréciation le conduit à invalider totalement ou partiellement l’initiative, et que l’examen des autres conditions devient de ce fait sans objet, la compétence que détient la chambre constitutionnelle de statuer sur recours en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ) ne transfère pas à cette dernière celle d’examiner à sa place la validité des conditions restées non examinées si elle ne partage pas cette appréciation et qu’un examen de ces autres conditions redevient ainsi d’actualité. Il s’impose alors d’annuler intégralement l’arrêté attaqué et de renvoyer la cause au Conseil d’État pour un nouvel examen de la validité de l’initiative, considérée dans son ensemble ou dans toute la mesure où elle n’est pas invalidée.

d. En l’espèce, il s’impose d’admettre le recours partiellement, d’annuler l’arrêté attaqué et de renvoyer la cause au Conseil d’État, au sens des considérants.

12.         Vu l’issue donnée au recours, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, sera allouée au comité d’initiative, à la charge de l’État de Genève, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires d’un mandataire (art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2018 par le comité de l’initiative populaire communale « Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! » contre l’arrêté du Conseil d’État du 23 mai 2018 invalidant partiellement ladite initiative, en en supprimant les chiffres 1 et 2 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule l’arrêté du Conseil d’État du 23 mai 2018 relatif à la validité de l’initiative populaire communale en Ville de Genève intitulée « Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! » ;

renvoie la cause au Conseil d’État, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue au comité de l’initiative « Genève Zéro Pub – Libérons nos rues de la publicité commerciale ! » une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Metzger, avocat du comité d’initiative, et au Conseil d’État, ainsi que, pour information, à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Verniory, président, Mme Cramer, MM. Pagan et Martin, et Mme Tapponnier, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :