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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2832/2006

ACOM/24/2007 du 26.03.2007 ( CRPP ) , REJETE

Résumé : Les devoirs des fonctionnaires de police ne sont pas expressément mentionnés dans la LPol. Il convient donc, pour apprécier une éventuelle faute d'un policier, de se référer d'une part aux ordres de service, et d'autre part à l'éthique professionnelle et à la déontologie des fonctionnaires de police. A cet égard, il y a lieu d'admettre que font partie des principes déontologiques que doivent respecter les fonctionnaires de police, l'obligation de respecter l'intérêt de l'Etat et de s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Sont incompatibles avec les devoirs des policiers: l'annulation d'une amende d'ordre infligée à un tiers et l'apposition par un fonctionnaire de police, d'une fausse amende d'ordre sur son propre véhicule.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/2832/2006-CRPP ACOM/24/2007

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DES

FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DE LA PRISON

du 26 mars 2007

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Serge Fasel, avocat

contre

CONSEIL D'éTAT


EN FAIT

1. Monsieur X______, né en 1957 domicilié à Genève, est entré au corps de police le 1er août 1983. Il a été nommé au grade de sous-brigadier de gendarmerie le 1er janvier 2003.

Affecté à la brigade du trafic (ci-après : BTR ou la brigade) dès le 1er août 1998, il a fait l’objet d’une mutation à la gendarmerie de P______ avec effet au 1er juillet 2004.

2. Le 28 septembre 2004, le commandant de la gendarmerie a demandé au Chef de la police l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. X______ en raison de quatre graves manquements professionnels.

-        1er manquement :

Le 16 octobre 2003, Monsieur B______, automobiliste, ne s’est pas conformé à la signalisation lumineuse installée à l’avenue de Thônex, à la hauteur Bois-des-Arts, et a été pris par le radar.

M. B______ a contacté M. X______ pour l’annulation de cette amende d’ordre. Après avoir établi un fichet selon les directives internes, M. X______ l’a mis à la case prévue à cet effet. M. B______ a néanmoins reçu une amende d’ordre de CHF 250.-. M. X______ a récupéré ce document et a tenté en vain, auprès du Maréchal H______ de faire annuler cette amende. Ce dernier s’y étant opposé, M. X______ s’est rendu au service des contraventions pour procéder à l’annulation de ladite amende. Pour ce faire, il a mentionné sur le document « erreur de plaques » et a apposé sa signature, alors que l’immatriculation relevée était juste.

Interrogé par l’Etat-major de la police le 26 février 2004, M. X______ a reconnu les faits.

-        2ème manquement :

Le 14 janvier 2004, M. X______ s’est rendu au rapport du Chef de la police et a parqué son véhicule malgré la présence de signaux amovibles (places réservées aux véhicules de service) à la rue de Varembé. Pour ne pas être verbalisé par les agents municipaux, il a placé une plaque officielle « POLICE », provenant d’un véhicule de service à la BTR, sur le tableau de bord de son automobile privée.

M. X______ a reconnu les faits lors de son interrogatoire par l’Etat-major de la gendarmerie le 26 février 2004.

 

-        3ème manquement :

Ce même 14 janvier 2004, M. X______ a stationné sa voiture privée sur la case n° 12, réservée au département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, au 3ème sous-sol du parking sis sous l’immeuble de la BTR.

Dans sa déclaration à l’Etat-major de la police du 26 février 2004, M. X______ a reconnu qu’il utilisait cette case à raison d’une fois par mois.

-        4ème manquement :

Le 12 février 2004, M. X______ a stationné sa voiture privée au boulevard Jacques-Dalcroze sur une case réglementée par un horodateur limitée à 90 minutes. Il a établi lui-même une amende d’ordre à 08h00 et l’a placée sur son véhicule.

M. X______ a reconnu ces faits lors de son interrogatoire à l’Etat-major de la gendarmerie le 26 février 2004.

Selon le commandant de la gendarmerie, concernant les manquements 1 et 4, M. X______ avait gravement abusé de sa fonction de gendarme, dans le premier cas, en soustrayant un contrevenant à une poursuite pénale et dans le second cas, en créant un faux. De plus, il avait enfreint des ordres de service.

Les manquements précités - portés à sa connaissance le 30 janvier 2004 par le Maréchal H______ - avaient fait l’objet d’une dénonciation auprès du Parquet du Procureur général (P 11685/2002). Par ordonnance de condamnation du 25 août 2004, le Procureur général avait reconnu M. X______ coupable notamment de faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques (art. 317 chiffre 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et d’abus d’autorité (art. 312 CP) et prononcé une condamnation de deux mois d’emprisonnement et une amende de CHF 500.-.

Les manquements énoncés n’étaient pas compatibles avec la culture d’entreprise. M. X______ avait profondément nui à l’image de marque de la police genevoise, en discréditant notamment le corps de police et plus particulièrement la gendarmerie.

3. Par arrêté du 1er novembre 2004, le département de justice, police et sécurité, devenu depuis lors le département des institutions (ci-après : le département) a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative, commettant à cette fin M. F______, officier de police.

M. X______ a pris connaissance de cet arrêté le 19 novembre 2004.

4. Par arrêté du 3 novembre 2004, le Conseil d’Etat a prononcé la suspension provisoire de ses fonctions avec effet immédiat de M. X______, dite mesure entraînant la suppression du traitement et de toutes autres prestations à charge de l’Etat.

M. X______ a saisi la commission de recours des fonctionnaires de police et de prison (ci-après : la commission) d’un recours contre l’arrêté précité, en sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif au recours (A/2351/2004).

Par décision du 29 novembre 2004, la Présidente de la commission a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif s’agissant de la suspension de fonction mais l’a admise eu égard à la suspension de traitement.

Une audience de comparution personnelle s’est tenue devant la commission le 20 décembre 2004.

Aucune décision de la commission n’est intervenue sur le fond, la cause ayant été déclarée sans objet le 7 août 2006 (ACOM/64/2006).

5. L’enquêteur administratif a rendu son rapport le 30 novembre 2004.

Lors de son audition du 24 novembre 2004, M. X______ avait reconnu les quatre manquements qui lui étaient reprochés.

Concernant M. B______, il a expliqué que celui-ci était un ami de longue date. Il n’avait rien obtenu en retour suite à l’annulation de l’amende d’ordre. Il avait à cœur de rendre service à M. B______, père de deux enfants souffrant de problèmes de santé. M. B______ était une personne de confiance, employé à la Ville de Genève qui n’avait aucun antécédent en matière de circulation.

Concernant l’utilisation d’une plaque officielle « POLICE » le 14 janvier 2004, M. X______ a expliqué qu’il était en uniforme et qu’il trouvait plus simple que sa voiture se trouve stationnée à proximité du lieu de la conférence. Il n’avait jamais procédé de la sorte auparavant. Cela étant, lors des services spéciaux, comme par exemple les salons de l’automobile, la BTR plaçait une plaque « POLICE » sur les véhicules privés selon les directives de la hiérarchie afin de parquer les voitures dans le B12 de Palexpo.

S’agissant du stationnement de son véhicule privé sur une case du DAEL le 14 janvier 2004, M. X______ a précisé qu’il ne l’avait utilisée qu’une seule fois afin d’apporter des chemises d’uniforme à la brigade. Il a relevé que le gérant d’immeuble utilisait également cette place pour ses besoins personnels.

Concernant enfin l’apposition d’une amende d’ordre sur son propre véhicule le 12 février 2004, M. X______ a confirmé qu’il avait procédé de la sorte pour éviter une amende. Il avait repris sa voiture avant midi, de sorte que l’infraction portait sur moins de deux heures car il avait payé les nonante dernières minutes. Il avait détruit l’amende d’ordre en question. C’était la seule fois qu’il avait agi de cette manière.

Sur la base des déclarations de M. X______, l’enquêteur administratif a retenu que le comportement de celui-ci violait le code de déontologie de la police genevoise, en particulier le paragraphe 1 du chapitre 3 concernant les devoirs du policier. M. X______ avait enfreint les ordres de service 5.1.1 1A 1 titrés DISCIPLINE, chiffre 3, 17 et 20 lettre a, f et h ainsi que 5.1.2 1 A 1c titré COMPORTEMENT DES POLICIERS, chiffre 3. M. X______ avait également contrevenu au droit sur la circulation routière, notamment à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). L’enquêteur administratif s’est en outre référé à l’ordonnance de condamnation du 25 août 2004 du Procureur général.

6. Le 3 décembre 2004, le Chef de la police a proposé à la Présidente du département d’entendre M. X______ avant de proposer une sanction.

7. Le 14 décembre 2004, le rapport d’enquête administrative a été communiqué à M. X______.

8. M. X______ a déposé ses observations relatives au rapport précité le 25 février 2005.

L’enquête administrative avait été ouverte sur dénonciation du 30 janvier 2004 du Maréchal H______.

Il ne contestait pas avoir commis divers manquements professionnels, ni mérité une sanction disciplinaire à ce titre. Dits agissements n’étaient cependant pas suffisamment graves pour envisager le prononcé des sanctions les plus sévères, soit la dégradation et la révocation.

S’agissant de l’annulation de l’amende d’ordre, le Maréchal H______ en avait quant à lui accordé de nombreuses notamment une quinzaine dans le courant des années 2002 et 2003 et cela dans l’unique but d’accorder un avantage indu aux sollicitants. Il était malvenu de dénoncer son subordonné pour avoir à une seule reprise suivi son exemple.

Quant aux autres manquements qui lui étaient reprochés, ils étaient bénins.

Ses états de service étaient entièrement satisfaisants. Il avait été sanctionné à sept reprises pour des faits de peu de gravité, telles que l’omission du port de la casquette à une occasion, omission d’annoncer son divorce aux autorités idoines, etc. En revanche, il avait fait l’objet de 19 félicitations et de deux lettres de remerciements.

Il exerçait sa fonction depuis plus de 21 ans. Ce n’était que sur une courte période de cinq mois que s’étaient produits les faits qui lui étaient reprochés étant précisé dans ce contexte que dans le courant de l’année 2003, il avait connu des difficultés familiales qui s’étaient aggravées au fil des mois pour aboutir à une séparation à la fin de l’année 2004.

Il a encore précisé qu’il avait fait opposition à l’ordonnance de condamnation du 25 août 2004 et que la procédure y relative était pendante devant le Tribunal de police.

La sanction qui serait prononcée devait respecter le principe de l’égalité de traitement. A cet égard, il invoquait le cas d’une greffière au Tribunal de première instance qui avait utilisé le papier à en-tête du tribunal, ainsi que le timbre administratif de ce dernier, à des fins personnelles. L’intéressée avait été rétrogradée dans une classe inférieure de traitement (ATA du 27 juin 1990 in SJ 1991, p. 501). En vertu du principe de l’égalité de traitement, le prononcé d’une révocation dans son propre cas ne s’imposait pas.

9. Le 7 mars 2005, le Chef de la police a proposé à la Présidente du département la révocation de M. X______.

10. Par jugement du 27 mai 2005, le Tribunal de police a confirmé l’ordonnance de condamnation du 25 août 2004 en tant qu’elle avait reconnu M. X______ coupable de faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques et abus d’autorité.

11. Le 3 avril 2006, M. X______ a été reçu par le Président du département qui l’a informé que la direction de la police proposait sa révocation. Un délai au 30 avril 2006 a été imparti à M. X______ pour faire valoir par écrit d’éventuelles observations et indiquer s’il demandait à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d’Etat préalablement à une décision de révocation prise à son encontre.

12. M. X______ s’est déterminé le 26 mai 2006.

Les manquements qui lui étaient reprochés et qu’il avait toujours admis, étaient des fautes qui devaient être qualifiées de moyenne. Elles n’avaient affecté l’intérêt public que dans une mesure restreinte. Elles ne sauraient dès lors conduire à sa révocation. Une telle mesure violerait le principe de la proportionnalité ainsi que l’égalité de traitement.

13. Par arrêté du 1er juillet 2006, le Conseil d’Etat a prononcé la révocation de ses fonctions de sous-brigadier de gendarmerie de M. X______ avec effet au 1er juillet 2006.

14. M. X______ a saisi la commission d’un recours contre la décision précitée par acte du 3 août 2006.

L’ouverture de l’enquête administrative remontait au 1er novembre 2004. Il avait donc dû attendre plus de vingt mois pour se voir signifier une décision dépourvue de toute motivation alors que le rapport d’enquête administrative avait été rendu le 30 novembre 2004 déjà. Compte tenu des conséquences d’une révocation et du caractère irrémédiable d’une telle sanction, ce résultat heurtait pour ce premier motif, le sens de l’équité.

La commission n’avait pas statué sur le bien-fondé matériel de son recours déposé le 15 novembre 2004 mais s’était contentée de le renvoyer à la décision du Conseil d’Etat. De ce fait, il avait déjà subi une sanction, à laquelle il convenait encore d’ajouter la mutation dont il avait l’objet en date du 1er juillet 2004. Ces éléments auraient dû conduire l’autorité à faire preuve de davantage de retenue dans le prononcé de la sanction.

Il ressortait du dossier que ses états de service étaient bons et ses compétences professionnelles unanimement reconnues. Dans ce contexte, la révocation apparaissait d’autant plus injustifiée. A cela s’ajoutait que les manquements s’étaient produits dans un contexte familial et professionnel perturbé. Enfin, il entretenait des relations difficiles avec son supérieur le Maréchal H______ dont il devait supporter le harcèlement psychologique.

S’agissant des quatre manquements retenus pour prononcer la révocation, M. X______ a persisté dans ses précédentes explications, notamment sur la qualification des fautes commises qui devaient être considérées comme moyennes.

Il s’est réclamé de l’égalité de traitement avec le cas de la greffière précédemment citée (cf. chiffre 8 i.f. supra).

Il conclut préalablement à la restitution de l’effet suspensif et sur le fond à l’annulation de l’arrêté querellé et au prononcé d’une sanction administrative moins sévère.

15. Invité à se déterminer sur la question de l’effet suspensif, le Conseil d’Etat a constaté que le recours déployait un tel effet ex lege.

16. Par décision du 22 août 2006, la Présidente de la commission a constaté que le recours du 3 août 2006 déployait un effet suspensif ex lege.

17. Le Conseil d’Etat s’est déterminé le 15 septembre 2006 en concluant au rejet du recours.

C’était à tort que le recourant invoquait un défaut de motivation tirant argument du fait que le Conseil d’Etat ne s’était pas prononcé sur ses arguments liés à l’égalité de traitement. En effet, l’autorité n’était pas tenue de se prononcer sur tous les arguments soulevés par les parties. Si la commission l’estimait nécessaire, un second échange d’écritures pourrait être ordonné pour que le Conseil d’Etat complète sa décision. En tout état, le recourant ne saurait se plaindre d’une violation de son droit d’être entendu, dès lors qu’il avait largement pu faire valoir ses arguments tout au long de la procédure administrative.

Les manquements reprochés au recourant étaient d’une gravité extrême de la part d’un gendarme, qui plus est expérimenté. Si la police voulait rester crédible auprès de la population et garantir le fonctionnement des institutions, elle devait commencer par montrer l’exemple. Un sous-brigadier qui se comportait comme l’avait fait le recourant n’avait plus sa place au sein du corps de police, quels que soient ses états de service - ceux du recourants n’étant au demeurant pas aussi brillants qu’il l’affirmait -.

Les difficultés personnelles de M. X______ n’expliquaient pas ni ne justifiaient, son comportement.

Quant au déplacement du recourant dès le 1er juillet 2004 de la BTR à un poste de gendarmerie, cela ne constituait pas une sanction mais une mesure de précaution dans l’attente de sa suspension.

La mesure querellée n’était pas constitutive d’inégalité de traitement.

A l’appui de ses écritures, le Conseil d’Etat a produit la liste des sanctions infligées à M. X______ et qui sont les suivantes :

13.05.1986 : Avertissement pour avoir assurer un service sur la voie publique sans couvre-chef (ordre de service 2-A-1)

09.06.1988 : Avertissement pour accident avec un véhicule de service, n’a pas cédé la priorité à un véhicule arrivant par sa droite (CHF 12'642.- de dégâts)

06.12.1989 : 8 services hors tour pour avoir, suite à un accident de la circulation pour lequel il était totalement responsable établit un fichet fallacieux (indiquant qu’il n’était pas responsable) en lieu et place du rapport habituel à l’attention du Chef de la police

25.11.1991 : 4 services hors tour pour avoir franchi un « stop » sans marquer d’arrêt, provoquant un accident avec un motocycliste et un cycliste.

25.07.1995 : Avertissement pour n’avoir pas annoncé son changement d’état civil à la hiérarchie (soit de marié à divorcé).

05.02.1997 : Observation du commandant pour avoir été vu accompagnant un groupe de jeunes skieurs à Morzine, alors qu’il était en arrêt maladie.

15.09.2000 : Avertissement pour avoir manquer de rigueur professionnelle en adressant deux rapports de renseignement à l’attention du Procureur général à deux dates différentes, traitant de la même infraction. (image de la gendarmerie)

18. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 29 novembre 2006.

M. X______ a confirmé qu’il n’avait pas fait appel contre le jugement du 27 mai 2005 du Tribunal de police.

S’agissant des faits qui lui étaient reprochés, le recourant a confirmé ses déclarations des 26 février, 24 novembre et 20 décembre 2004.

Concernant la pratique relative à l’annulation des amendes, M. X______ a précisé que lorsque le Maréchal H______ était entré en fonction, il avait établi un canevas pour l’annulation des amendes d’ordre ne dépassant pas CHF 250.-, concernant aussi bien les signalisations lumineuses que la vitesse. Il s’agissait des fichets produits sous pièces 16 et suivantes de son chargé du 3 août 2006. Chaque agent concerné remplissait un fichet qu’il mettait ensuite sur le bureau du Maréchal qui donnait son accord mais qui pouvait aussi le refuser. Cette pratique n’était pas propre à M. H______. Il avait travaillé avec des maréchaux avant lui avec lesquels les agents annulaient tout ce qu’ils voulaient. Il n’était pas fréquent que M. H______ refuse l’annulation d’une amende. En résumé comme il l’avait expliqué au Tribunal de police, c’était une affaire de copinage : lorsqu’on était dans les « petits papiers » du Maréchal, on annulait les amendes.

Concernant sa mutation avec effet au 1er juillet 2006, M. X______ a relevé que celle-ci est intervenue alors qu’il était gravement malade. Cette nouvelle fonction n’était pas compatible avec son état de santé, ce qui avait été attesté par le médecin-conseil de l’Etat. Porteur de deux prothèses de hanche, il ne pouvait pas courir, il ne pouvait donc pas exercer une fonction en ville. Il n’avait jamais pris sa fonction au poste de P______.

Il n’était plus en arrêt maladie depuis le 22 novembre 2005. Lorsqu’il avait voulu reprendre son activité professionnelle en novembre 2005, l’Etat-major l’avait informé qu’il était suspendu et qu’il ne devait pas se présenter à son poste de travail.

Le Conseil d’Etat a confirmé n’avoir pas connaissance des pratiques concernant l’annulation des amendes. La mutation de M. X______ s’était faite de manière interne et avait été décidée par le Commandant de la gendarmerie.

19. Suite à l’audience précitée, le Conseil d’Etat a versé aux débats le rapport du 1er juillet 2005 du Lieutenant L______ concernant la mutation de M. X______ au 1er juillet 2005, duquel il résulte que cette mesure est intervenue en application des articles 7 et 30 de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05).

20. Dans son audience du 2 février 2007, la commission a entendu les témoins cités par les deux parties, toutes ces personnes ayant été dûment déliées de leur secret de fonction.

a. Madame R______ sous-brigadière de gendarmerie, a confirmé avoir travaillé avec M. X______ à la BTR. Elle avait régulièrement pratiqué l’annulation d’amende d’ordre dans le cadre de son activité selon la procédure mise au point par le Maréchal H______. Il n’était pas fréquent que les demandes d’annulation soient refusées. Il n’y avait pas de critères précis pour admettre l’annulation. Cette pratique existait déjà lorsqu’elle avait pris ses fonctions soit 29 ans auparavant. L’annulation des amendes d’ordre intervenait par copinage.

Elle n’avait pas eu de problèmes avec M. X______ qui était un collègue gentil mais en revanche elle en avait eu avec M. H______. Depuis que ce dernier était à la brigade, l’ambiance était désastreuse.

b. Monsieur C______, collaborateur de la BTR a confirmé avoir travaillé avec M. X______ pendant une bonne année. Il avait connaissance des fichets d’annulation. Ceux-ci étaient enroulés avec le film radar. Ils émanaient des supérieurs, c’est-à-dire des gendarmes, et le service administratif du BTR y donnait suite sans discuter. Ce système de fichets était toujours en vigueur mais le service administratif du radar ne les voyait plus, sauf exception.

L’annulation d’une amende d’ordre était toujours une question de faveur, elle n’intervenait pas pour des raisons professionnelles. Ainsi, il pourrait demander l’annulation d’une amende d’ordre pour son épouse.

Il y avait eu beaucoup d’ordres et de contre-ordres au sujet de la procédure à suivre pour l’annulation des amendes d’ordre.

c. Monsieur M______, Commandant de la gendarmerie a expliqué que les changements d’affectation étaient motivés soit par les besoins du service, soit par un changement de grade ou encore un désir personnel de changement de poste exprimé par le collaborateur. Ainsi, au 1er février 2007, quatre-vingt trois nouvelles affectations étaient intervenues pour l’année en cours.

La pratique d’annulation des amendes d’ordre avait effectivement existé au sein de la police genevoise qui avait reçu un rappel à l’ordre du Procureur général en 1998. Dans la règle, les demandes d’annulation étaient transmises automatiquement au Procureur général. Celui-ci avait reconnu à la police une certaine sphère de compétences permettant l’annulation des amendes d’ordre, soit par le Maréchal, soit par le Commandant de la gendarmerie, soit par son remplaçant. Les cas les plus fréquents étaient ceux des médecins appelés d’urgence, des personnes privées suivant une ambulance ou tout autre service sanitaire du canton. Il n’avait pas connaissance d’autres cas. L’annulation intervenait sur la base de faits avérés et justifiés par pièce.

Il n’avait pas connaissance des fichets d’annulation tels que ceux figurant dans le dossier.

d. Monsieur D______, Premier Lieutenant de gendarmerie, s’est exprimé au sujet des fichets d’annulation d’amendes d’ordre. Ce document existait effectivement au sein de la BTR dans laquelle travaillait M. X______. Il avait été modifié par M. H______ qui l’avait lui-même hérité de son prédécesseur. A l’origine, la police utilisait un certain nombre de véhicules « neutres ». Ceux-ci pouvaient être amenés à faire l’objet d’un contrôle radar et c’était pour éviter des tracasseries administratives que ce fichet avait été créé. Ce document pouvait également être utilisé pour annuler une amende d’ordre dans des états de nécessité avérés. Actuellement, il lui semblait que ce fichet n’existait plus car les demandes d’annulation d’amendes d’ordre étaient adressées au Commandant de la gendarmerie ou à son remplaçant.

Le Maréchal H______ avait pris ses fonctions en février 2002 et il avait pris des mesures pour limiter l’accessibilité à ces fichets dans l’année qui avait suivi. Il voulait que toute demande d’annulation lui soit soumise car il fallait admettre que l’utilisation de ces fichets s’était trop généralisée.

En 1997, le Procureur général avait établi une première directive sur les conditions devant présider à l’annulation d’une amende d’ordre. Dan une seconde directive, le Procureur général avait donné compétence à tout agent verbalisateur d’annuler une amende d’ordre pour des motifs d’opportunité. Cette procédure était toujours en vigueur. M. X______ pouvait envoyer le fichet au service administratif mais il pouvait également annuler l’amende d’ordre par une manipulation informatique. Lors de son entrée en fonction, le Maréchal H______ avait été averti par son prédécesseur de cas d’annulation douteux effectué par M. X______ notamment. Le Maréchal H______ avait alors interdit à M. X______ de supprimer des amendes d’ordre, comme il l’avait fait d’ailleurs avec plusieurs autres personnes du service. Le Maréchal H______ désirait que le fichet retrouve sa vocation première à savoir, donner une indication sur un véhicule et non pas servir automatiquement à l’annulation. Il avait encore donné comme instruction aux administratifs du service du radar de ne plus prendre en considération des fichets qui ne seraient pas visés par lui-même ou l’un de ses deux adjoints ou encore par Mme N______.

e. Monsieur H______, brigadier de gendarmerie en retraite, a confirmé avoir établi le 30 janvier 2004 une note concernant M. X______ à l’intention du Commandant de la gendarmerie. Il n’en avait pas parlé à M. X______.

Invité à s’exprimer sur les fichets, M. H______ a expliqué qu’il s’agissait d’un document qui devait être transmis au service de visionnement des films radar pour identifier un véhicule flashé à la demande d’un collègue ou d’un autre service. L’on pouvait ainsi identifier un véhicule de la police « neutre » ou un autre véhicule effectuant un service d’urgence. Lorsqu’il était en fonction, ces fichets étaient utilisés. Ils étaient à la disposition de tout le monde. Leur but était d’éviter du travail administratif inutile pour annuler des amendes d’ordre ou pour répondre à une demande de renseignement pouvant émaner de n’importe quel automobiliste.

Selon les directives du Procureur général, une amende d’ordre pouvait être annulée dans les quarante-huit heures par lui-même. Pour éviter des abus, Il avait exigé que chaque fichet lui soit soumis personnellement ou à l’un de ses adjoints. Il avait pris cette mesure car il soupçonnait qu’il y avait des abus dans les services. Il considérait comme abus le fait de faire « sauter une amende par copinage ». Il ne pensait pas avoir constaté lui-même de telles pratiques.

21. Le 21 février 2007, la commission a entendu encore un témoin à savoir Monsieur G______, brigadier de gendarmerie.

Celui-ci avait travaillé à la BTR avec M. X______ qui était un excellent collaborateur, précis et ponctuel.

Les fichets figurant au dossier constituaient des demandes qu’il voyait régulièrement passer dans son service et qui émanait soit du service même, soit du service radar soit encore d’autres services comme celui des aides à domicile, des eaux, des pompiers, etc.

Lorsqu’il était arrivé à la BTR, le Maréchal H______ lui avait donné comme instruction que l’établissement de ces fichets ne devaient concerner que les amendes d’ordre. Si le montant de l’amende excédait celui d’une amende d’ordre, le cas devait lui être soumis. Personnellement, il n’avait pas de retour de la décision qui était prise. Ces fichets étaient également utilisés pour des particuliers qui intervenaient soit pour un problème de radar, soit pour un problème de stationnement.

Il ne pouvait pas répondre de manière précise à la question de savoir si des amendes avaient été enlevées par complaisance mais il ne pouvait pas l’exclure. Personnellement, il entrait en matière lorsqu’après vérification le motif invoqué était fondé. Il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si les demandes d’annulation étaient généralement accordées. Il ignorait ce qu’il en était actuellement de cette pratique.

22. Dans ses observations après comparution personnelle et enquêtes, le Conseil d’Etat a persisté intégralement dans ses conclusions. Les déclarations de différents témoins n’étaient pas propres, ni à expliquer, ni à atténuer la faute commise par M. X______.

23. Le recourant a présenté ses observations finales le 15 mars 2007.

De la motivation des plus succinctes de la décision querellée, l’on pouvait conclure que celle-ci était fondée sur l’annulation d’une amende d’ordre à un tiers et l’apposition d’une amende d’ordre sur son propre véhicule.

Le Conseil d’Etat avait statué à l’emporte-pièce dans l’intention non dissimulée de faire de ce dossier un exemple pour toute l’institution, le recourant devenant le bouc émissaire d’une pratique - celle de l’annulation d’amendes d’ordre - qui était monnaie courante au sein de la police genevoise.

Il ressortait des enquêtes auxquelles avait procédé la commission que l’existence de la pratique d’annulation des amendes d’ordre remontait à de très nombreuses années (témoin R______) et dont les contours étaient mal définis (témoins R______, C______, M______ et G______).

En l’espèce, il admettait qu’à l’époque des faits litigieux, l’accord du Maréchal H______ était requis mais le fait d’avoir outrepassé cet accord constituait une faute pour laquelle il avait été condamné au plan pénal.

Pour fixer la sanction, la commission devait tenir compte du déroulement de la carrière du recourant : actif au sein de la police genevoise depuis plus de vingt-sept ans, ses états de service étaient bons. Il était apprécié de ses collègues (témoins G______ et R______).

Les manquements commis s’étaient produits sur une très courte période. Il ne s’agissait pas de violations répétées des devoirs de fonction mais de fautes isolées, à replacer dans un contexte personnel difficile.

Il avait eu un comportement exemplaire tout au long de la procédure qui durait depuis plus de deux ans. En particulier, il avait toujours reconnu les faits qui lui étaient reprochés et n’avait jamais cherché à fuir ses responsabilités.

Il avait été muté le 1er juillet 2004 au poste de gendarmerie de P______, ce qui démontrait bien que les manquements qui lui étaient reprochés ne justifiaient pas sa révocation, ce d’autant moins que dans ses nouvelles fonctions il avait, en sa qualité de chef de groupe, la responsabilité de plusieurs personnes.

Dans les circonstances du cas d’espèce, la révocation prononcée par le Conseil d’Etat était contraire aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement et devait être annulée.

Subsidiairement, le recourant conclut à ce qu’une sanction administrative moins sévère soit prononcée à son encontre.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la commission compétente, le recours de M. X______, sous-brigadier de gendarmerie, est recevable (art. 6 al. 1 litt g ch. 5 al. 2 LPol).

2. Le 1er janvier 2005, de nouvelles dispositions de la LPol - dont l’article 36 ayant pour objet les peines disciplinaires - sont entrées en vigueur. Or, les faits reprochés au recourant se sont déroulés entre octobre 2003, janvier et février 2004 et la sanction a été prononcée le 1er juillet 2006. Se pose donc la question du droit transitoire.

D’une manière générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (P. MOOR, Droit administratif, 2ème éd., Berne, 1994, vol 1, ch. 2.5.2.3, p. 170). En matière de sanction disciplinaire, on applique toutefois le principe de la lex mitior lorsqu’il appert que le nouveau droit est plus favorable au recourant (P. MOOR, op. cit. p. 171 ; ACOM 119/2006 du 7 décembre 2006 et les références citées).

De jurisprudence constante, sont en revanche d’application directe les dispositions procédurales (ACOM/95/2006 du 31 octobre 2006).

3. Les peines disciplinaires prévues par l’article 36 LPol sont, dans l’ordre de gravité  :

a) l’avertissement ;

b) le blâme ;

c) les services hors tour ;

d) la suspension pour une durée déterminée, sans traitement ;

e) la dégradation ;

f) la révocation.

Ces sanctions sont identiques à celles prévues par l’ancien droit, seule la rétrogradation au rôle matricule ayant été supprimée.

La révocation est ainsi toujours la peine la plus lourde. Comme par le passé, elle est prononcée par le Conseil d’Etat.

4. La procédure prévue par l’article 37 LPol en cas de révocation a été respectée en l’espèce, ce qui n’est pas contesté.

5. Les devoirs des fonctionnaires de police ne sont pas expressément mentionnés dans la LPol. Il convient donc, pour apprécier une éventuelle faute d’un policier, de se référer d’une part aux ordres de service, et d’autre part à l’éthique professionnelle et à la déontologie des fonctionnaires de police.

A cet égard, il y a lieu d’admettre que font partie des principes déontologiques que doivent respecter les fonctionnaires de police, l’obligation de respecter l’intérêt de l’Etat et de s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice, consacrée pour les autres fonctionnaires du canton de Genève à l’article 20 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (B 5 05.01).

6. Selon une jurisprudence constante, le juge administratif ne peut s’écarter du jugement pénal que s’il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou que celui-ci n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livrée le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 119 Ib 163 et ss consid. 3 ; ATA/333/2006 du 14 juin 2006 ; ACOM/1/2002 du 10 janvier 2002 ; ACOM/133/2000 du 31 août 2000).

En l’espèce, les autorités pénales ont considéré qu’en annulant une amende d’ordre infligée à un tiers, d’une part, et en apposant une fausse amende d’ordre sur son véhicule d’autre part, le recourant s’était rendu coupable de faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques (article 317 chiffre 2 CP) et d’abus d’autorité (article 312 CP) (OC du 25 août 2004 et jugement du Tribunal de police (ci-après : TP) du 27 mai 2005).

Le recourant n’a pas fait appel contre le jugement du TP précité, de sorte que la commission n’a aucune raison de s’écarter de l’appréciation faite par le juge pénal s’agissant de la qualification de ces deux infractions.

Quant aux deux autres manquements à savoir, le fait d’avoir apposé une plaque officielle « POLICE » sur son véhicule d’une part et d’avoir stationné son véhicule sur une place réservée au DAEL d’autre part, ils n’ont pas donné lieu à des condamnations pénales.

En revanche, tous ces manquements sont incompatibles avec les devoirs des policiers tels que décrits dans le code de déontologie de la police genevoise au chiffre 3 qui prescrit en préambule « en qualité de serviteur des lois et de l’Etat, le policier se doit d’avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens. L’usage des pouvoirs conférés par la loi s’effectue toujours avec modération et mesure, de manière opportune et adaptée aux circonstances ( ) ».

L’annulation de l’amende d’ordre à un tiers constitue au surplus une infraction à la discipline que doit observer tout membre de la gendarmerie genevoise. L’ordre de service titré « DISCIPLINE » précise « le respect mutuel et l’esprit de discipline font la force de la gendarmerie. Le subordonné doit respecter son chef et lui obéir. L’indiscipline, sous toutes ses formes, ne doit pas être tolérée ». Le chiffre 17 prévoit que tout manquement à la discipline sera puni conformément à la LPol (article 36 et suivants) sans préjudice de poursuite pénale en cas d’infraction. Selon l’article 20, sont notamment des fautes de discipline, le fait de ne pas se conformer aux prescriptions et ordres de service (lettre a), le défaut d’obéissance à l’ordre d’un supérieur ou le manque de respect à son égard (lettre b), de manquer au devoir de discrétion ou d’incorruptibilité (lettre f).

Certes, il résulte de l’instruction de la cause par la commission que la procédure d’annulation des amendes d’ordre a toujours été entourée d’un flou certain et cela, en dépit aussi bien des recommandations du Procureur général de l’époque que des directives mises en place par le Maréchal H______. Reste que ce dernier a exigé que chaque fichet lui soit soumis personnellement, voire en son absence à l’un de ses adjoints (témoins H______, D______, G______ et R______).

En agissant de la manière ci-avant décrite, - soit en agissant seul sans soumettre le cas au Maréchal H______ - le recourant a démontré qu’il n’hésitait pas à faire un usage abusif de sa fonction soit dans l’intérêt d’un tiers, soit dans son propre intérêt, et qu’il faisait peu cas de son obligation de discipline face à sa hiérarchie. Les faits reprochés au recourant constituent une violation flagrante des devoirs généraux de la fonction qui était la sienne.

7. Le recourant se plaint de la disproportion de la sanction, les infractions commises constituant « des actes isolés dans une carrière longue de vingt-cinq ans, exempte de reproches ».

Selon lui, la révocation est arbitraire et doit être annulée.

8. Aux termes de l’article 61 alinéa 2 LPA, le pouvoir d’examen de la commission de céans se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation. Elle ne peut ainsi revoir l’opportunité de la décision attaquée.

9. Lorsque l’autorité est amenée à choisir la sanction appropriée, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, subordonné toutefois au respect du principe de la proportionnalité (ATA/496/2006 du 19 septembre 2006 ; ATA/160/1997 du 4 mars 1997 ; P. GYGI, Verwaltungsrecht, Berne 1986, p. 335).

En application de ce principe, l'autorité doit notamment apprécier les actes ou les manquements reprochés à l'intéressé en les situant dans leur contexte, c'est-à-dire en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Il convient de veiller à ce que la mesure soit proportionnée à la faute, c'est-à-dire que celle-ci apparaisse comme plus grave que les manquements faisant habituellement l'objet de mesures disciplinaires moins incisives (ATA/53/2005 du 1er février 2005 ; ATA/228/2004 du 16 mars 2004 et les réf. citées). Le principe de la proportionnalité suppose également que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; ATA/9/2004 du 6 janvier 2004).

Selon la doctrine (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, pp 62 et 63 et les références citées), il est admissible que la révocation soit prononcée sans avertissement préalable lorsque l’infraction commise est si grave qu’elle révèle une mentalité absolument inconciliable avec la qualité de fonctionnaire.

L’autorité doit également tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l’agent (B. KNAPP, La violation du devoir de fidélité, cause de cessation de l’emploi des fonctionnaires fédéraux, in RDS 103/1984 I p. 489 ss, 510 et 511 ; E. M. JUD, Besonderheiten öffentlichrechtlicher Dienstverhältnisse nach schweizerischem Recht, insbesondere bei deren Beedingung aus nichtisziplinarischen Gründen, St-Gall 1975, pp 189, 190 et 197).

10. En l’espèce, le recourant est sous-brigadier et exerce à ce titre des responsabilités au sein de la gendarmerie, de sorte qu’il doit montrer l’exemple, à ses subordonnés notamment.

Au vu des éléments de faits décrits ci-dessus, la commission tiendra compte, dans l’appréciation de la faute, des éléments suivants  :

-        Le recourant est entré à la police genevoise en 1983. Il avait donc plus de vingt ans de service au moment de la commission des infractions qui lui sont reprochées. Son expérience et ses années de métier auraient dû l’empêcher d’agir « par amitié » comme il l’a répété, ou en faisant primer son intérêt personnel.

-        Si pris isolément, les faits décrits ci-dessus ne sont pas d’une gravité extrême, ils démontrent néanmoins la volonté délibérée du recourant de ne pas se soumettre à sa hiérarchie d’une part et de tirer un avantage indu de sa fonction d’autre part. En cela, le recourant a contrevenu à l’éthique professionnelle et à la déontologie des fonctionnaires de police.

-        A cela s’ajoute que les antécédents du recourant ne sont pas excellents, même si les mesures prononcées dans le passé l’ont été à raison de faits de peu de gravité.

Compte tenu de ces considérations, il faut admettre qu’au vu des fautes commises par le recourant, le Conseil d’Etat était fondé à considérer que celui-là ne méritait plus la confiance de ses supérieurs.

La commission quant à elle ne peut que retenir que le comportement du recourant, dans le cadre de ses fonctions, a dénoté une absence de scrupules de nature à ruiner définitivement toute relation de confiance entre lui et sa hiérarchie, ainsi que celle de toute référence éthique, ce qui est évidemment inacceptable de la part de tout membre de la police, mais à plus forte raison, de celle d’un sous-brigadier de gendarmerie, qui plus est expérimenté.

11. Le recourant plaide une violation du principe d’égalité de traitement.

a. Le principe de l’égalité de traitement déduit de l’article 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n’est violé que si des situations semblables sont traitées différemment ou si des situations présentant des différences essentielles sont traitées de manière identique (ATF 108 Ia114 ; ATA/360/2006 du 27 juin 2006).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de la disposition précitée lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 93 ; 113 Ib 313 ; ATA/700/2005 du 25 octobre 2005 ; ATA/832/2004 du 26 octobre 2004).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, L’égalité dans l’illégalité, ZBL 1978, pp. 281ss, 290 ss).

En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 105 V 192 ; 104 Ib 373 ; 99 Ib 383 ; ATA/700/2005 précité ; ATA/832/2004 précité).

En l’espèce, le recourant compare son cas à celui d’une greffière au Tribunal de première instance. Le seul libellé des fonctions respectives de ces deux personnes exclut toute comparaison.

En revanche, la commission de céans a confirmé la révocation d’un policier condamné pénalement pour abus d’autorité et lésions corporelles (ACOM/1/2002 du 10 janvier 2002), celle d’un fonctionnaire de police-frontière condamné pénalement pour abus d’autorité, infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers et délation du secret de fonction (ACOM/133/2000 du 31 août 2000) et enfin celle d’un sous-brigadier de gendarmerie condamné pénalement pour entrave à l’action pénale et violation du secret de fonction (ACOM/95/2006 du 31 octobre 2006).

Le grief de violation du principe d’égalité de traitement est ainsi non fondé.

12. L’autorité qui prononce une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire in RDAF 1996, p. 347), une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction (G. BOINAY, op. cit., p. 18, § 33 et les références citées). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/546/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/140/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/648/2004 du 24 août 2004 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées).

En l’espèce, l’on voit mal quelle autre sanction que la révocation, parmi celles prévues par l’article 36 LP, permettrait d’atteindre le but poursuivi par l’autorité, à savoir écarter le recourant des fonctions qu’il exerçait jusqu’alors, le lien de confiance nécessaire entre un policier d’une part et sa hiérarchie ainsi que son autorité de nomination d’autre part, étant irrémédiablement rompu.

13. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DES FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DE LA PRISON

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2006 par Monsieur X______ contre la décision du Conseil d'Etat du 1er juillet 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Serge Fasel, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Perren et Châtelain, membres.

 

 

Au nom de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

 

la vice-présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :