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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/15195/2016

AARP/84/2017 (3) du 09.03.2017 sur JTCO/138/2016 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP ; COMMERCE DE STUPÉFIANTS ; DÉTENTION DE STUPÉFIANTS ; HÉROÏNE ; SURSIS PARTIEL À L'EXÉCUTION DE LA PEINE
Normes : LStup19.1.2; CP47; CP43; CPP431.3.b
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15195/2016 AARP/84/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 mars 2017

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

 

contre le jugement JTCO/138/2016 rendu le 22 novembre 2016 par le Tribunal correctionnel,

 

 

et

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, chemin de Champ-Dollon 22, 1241 Puplinge, comparant par Me B______, avocat, ______,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par courrier expédié le 25 novembre 2016, le Ministère public (MP) a formé annonce et déclaration d'appel contre le jugement du Tribunal correctionnel du 22 novembre 2016, dont les motifs lui ont été notifiés le lendemain, par lequel le tribunal de première instance a reconnu A______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (art. 19 al. 1 et 2 let. a LStup - RS 812.121) et l'a condamné à une peine privative de liberté de deux ans et demi, sous déduction de 100 jours de détention avant jugement, dont six mois fermes, et le solde avec sursis durant trois ans, ainsi qu'aux frais de la procédure. Le Tribunal correctionnel a également ordonné diverses mesures de confiscation, destruction et restitution et le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Aux termes de son appel, le MP conteste la période pénale retenue par les premiers juges et conclut à ce qu'elle soit étendue à tout le moins du 1er juillet au 15 août 2016. Il requiert en outre le prononcé d'une peine privative de liberté de quatre ans.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 octobre 2016, il est reproché à A______, d'avoir, à Genève, participé à un important trafic de stupéfiants en sachant ou ne pouvant ignorer que les quantités écoulées étaient de nature à mettre en danger la santé d'un grand nombre de personnes, soit en particulier :

- Le 15 août 2016, à la Cité Vieussieux, détenu trente-trois sachets minigrips d'héroïne, dissimulés dans des buissons, d'un poids total de 165 grammes, destinés à la vente au prix unitaire de CHF 100.-.

- A tout le moins entre le 1er juillet et le 15 août 2016, date de son arrestation, vendu quotidiennement, pour le compte d'un compatriote non identifié, dix à douze sachets minigrips d'héroïne de cinq grammes l'unité, soit un poids total compris entre 2'100 et 2'520 grammes.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 15 août 2016, A______ a été interpellé après avoir récupéré un sachet de type "Canicrotte" dans un buisson, dans lequel ont été découverts treize sachets minigrips contenant 65 grammes d'héroïne brune.

a.b. Après avoir fait appel à la brigade canine, il a également été découvert, à l'endroit exact fouillé par A______, vingt sachets minigrips supplémentaires contenant 100 grammes d'héroïne brune.

b. Assisté d'un interprète lors de son audition à la police le jour-même, A______ a reconnu s'adonner à un trafic de stupéfiants en tant que simple vendeur de rue. Il avait vendu entre dix et douze sachets par jour depuis environ six semaines, obéissant aux ordres qu'un compatriote lui donnait par téléphone, dont il a fourni les deux numéros de téléphone. Il touchait CHF 10.- par sachet vendu, ce qui lui permettait de se loger et se nourrir. Il était arrivé d'Albanie six semaines plut tôt dans le but de travailler, mais, n'ayant rien trouvé et ayant dépensé toutes ses économies, il avait commencé à vendre de la drogue.

c. Lors de son audition devant le MP le 16 août 2016, A______ a confirmé ses déclarations, précisant qu'il était bien arrivé en Suisse six semaines auparavant, mais n'avait commencé à vendre de la drogue que trois semaines plus tard, après avoir dépensé toutes ses économies.

d. Dans ses demandes de placement en détention provisoire et en prolongation de celle-ci, le MP s'est fondé sur une période pénale d'à tout le moins trois semaines.

e. Devant le Tribunal correctionnel, A______ a exposé qu'il était en état de choc lors de son audition à la police et ne se souvenait pas avoir mentionné de telles quantités. Il avait "travaillé" durant trois semaines, ne vendant au début qu'un ou deux sachets par jour, puis par la suite quotidiennement sept à huit sachets en moyenne. Les derniers temps, les toxicomanes, mécontents de la marchandise, ne lui achetaient plus de drogue. A son arrivée en Suisse, il possédait EUR 2'500.- et avait logé pendant trois semaines chez un ami d'enfance qu'il n'avait pas mentionné en cours de procédure pour ne pas lui causer d'ennuis. Il lui avait versé EUR 1'000.- pour le loyer et la nourriture. Durant cette période, il avait fait des démarches pour trouver du travail, en vain, compte tenu de sa situation administrative. Il avait alors rencontré un Albanais qui lui avait proposé de travailler pour lui, ce qui lui permettrait de rentrer chez lui. Il avait commencé à vendre de la drogue le 23 juillet 2016. Il était conscient de la gravité de ses actes et demandait pardon aux toxicomanes et à leur famille pour son comportement.

C. a. Par courrier du 20 décembre 2016, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a ordonné, avec l'accord des parties, l'ouverture d'une procédure écrite.

b. Dans son mémoire d'appel motivé du 5 janvier 2017, le MP persiste dans ses conclusions. La période pénale s'étendait, à tout le moins, aux six semaines précédant l'arrestation de l'intimé, si bien que la quantité de stupéfiants écoulée était comprise entre 2'100 et 2'520 grammes, auxquels il fallait ajouter les 165 grammes d'héroïne qu'il détenait lors de son arrestation. En octroyant, de manière automatique et sans aucune discussion des circonstances, davantage de poids aux déclarations faites devant le Ministère public qu'à celles faites devant la police, le Tribunal correctionnel avait violé le principe de libre appréciation des preuves. Rien ne permettait de remettre en cause le contenu des déclarations initiales du prévenu, faites spontanément, assisté d'un interprète et dans le respect des règles de procédure. L'intimé, réalisant qu'il s'était largement auto-incriminé, était revenu sur ses aveux initiaux, sans que cela ne doive remettre en cause le contenu de ses premières déclarations. En tout état de cause, compte tenu de l'activité et de la volonté criminelles intenses de l'intimé, la peine privative de liberté devait être portée à quatre ans.

c. Dans ses lignes du 10 janvier 2017, le Tribunal correctionnel conclut à la confirmation du jugement entrepris.

d. Dans son mémoire réponse du 30 janvier 2017, l'intimé conclut au rejet de l'appel. Seuls deux actes d'instruction avaient été menés par les autorités pénales, soit son audition à la police et celle devant le Ministère public. Aucune analyse rétroactive des numéros de téléphone qu'il avait donnés spontanément n'avait été demandée, ni même l'audition des inspecteurs de police. Le Ministère public avait lui-même retenu une période de trois semaines lors de ses demandes de mise en détention provisoire, et n'avait changé son fusil d'épaule qu'après l'échec de la procédure simplifiée, sans pour autant avoir procédé à d'autres actes d'instruction. Dans la mesure où l'accusation n'avait pas amené la preuve de la culpabilité de l'intimé relative à la période pénale antérieure au 23 juillet 2016, le Tribunal correctionnel avait apprécié les preuves dans le respect du principe in dubio pro reo. De même, il avait fixé la peine selon les principes consacrés à l'art. 47 CP, si bien qu'elle devait être confirmée.

D. A______, ressortissant albanais né le ______ 1991, est célibataire et sans enfant. Il est titulaire d'un diplôme en technologie de l'information. Selon ses dires, il a travaillé durant ses études en tant qu'aide électricien à temps partiel. Avant sa venue en Suisse, il avait été assuré d'avoir un emploi en Albanie dès le mois de janvier 2017, ce qui lui permettrait de vivre décemment. En Albanie, il vivait avec ses parents, lesquels subvenaient à ses besoins.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a aucun antécédent.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, faisant état de 300 minutes d'activité de chef d'étude consacrées à la rédaction du mémoire-réponse, de 180 minutes pour deux visites à la prison, soit un montant total de CHF 1'920.-, forfait de 20% compris, et TVA à verser en plus.

 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0]).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir notamment (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Il ne doit pas s'agir de doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles ; ces principes sont violés lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé, autrement dit lorsque le juge du fond retient un état de fait défavorable à l'accusé alors qu'il existe un doute raisonnable quant au déroulement véritable des événements (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_784/2011 du 12 mars 2012 consid. 1.1).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1).

2.1.3. L'aveu est une preuve ordinaire qui n'a pas de valeur particulière. Il permet la condamnation de l'auteur lorsque le juge est convaincu qu'il est intervenu sans contrainte et paraît vraisemblable. Face à des aveux, suivis de rétractation, le juge doit procéder conformément au principe de la libre appréciation des preuves. Est déterminante la force de conviction attachée à chaque moyen de preuve et non pas le genre de preuve administrée, sur la base d'une évaluation globale de l'ensemble des preuves rassemblées au dossier. Le juge doit en particulier se forger une conviction aussi bien sur les premières déclarations du prévenu que sur les nouvelles, valant rétractation, et apprécier les circonstances dans lesquelles celui-ci a modifié ses déclarations initiales (arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2014 du 5 novembre 2014 consid. 6.2).

2.2. En l'espèce, l'intimé a, lors de sa première audition, reconnu s'adonner à un trafic de stupéfiants depuis environ six semaines, pour préciser ses dires dès le lendemain, en ce sens qu'il était arrivé en Suisse à cette période, mais n'avait commencé à vendre de la drogue que trois semaines plus tard.

Bien que les précisions apportées par l'intimé lors de son audition devant le Ministère public, voire devant les premiers juges, puissent certes être motivées par les besoins de la cause, le dossier ne recèle pas assez d'éléments pour retenir, au-delà de tout doute raisonnable, qu'il se serait adonné à un trafic de stupéfiants avant le 23 juillet 2016. Cela est d'autant plus vrai que l'intimé avait déjà évoqué à la police qu'il avait dans un premier temps cherché un travail et dépensé ses économies avant de vendre de l'héroïne, de sorte que la version fournie au MP ne constitue pas une rétractation à proprement parler. En l'absence d'autres actes d'instruction, telle l'analyse des rétroactifs de son téléphone portable, il n'est en tout état de cause pas possible d'infirmer ses déclarations. Le MP s'était d'ailleurs, au départ, appuyé sur une période pénale de trois semaines environ lors de ses demandes de placement en détention et de prolongation de la détention provisoire. Dans le doute, il convient d'en rester là.

Il y a donc lieu de retenir, comme les premiers juges, que la période pénale s'est étendue du 23 juillet au 15 août 2016, et que le trafic a porté sur une quantité de drogue de 1'365 grammes à 1'605 grammes d'héroïne.

L'appel du MP sera rejeté sur ce point.

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s. ; 136 IV 55 consid. 5 p. 57 ss ; 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

3.1.2. En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte, plus spécialement, des circonstances suivantes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_843/2014 du 7 avril 2015 consid. 1.1.1 ; voir aussi arrêts du Tribunal fédéral 6B_408/2008 du 14 juillet 2008 consid. 4.2 et 6B_297/2008 du 19 juin 2008 consid. 5.1.2 rendus sous l'ancien droit mais qui restent applicables à la novelle) : même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande ; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 122 IV 299 consid. 2c p. 301 ; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation : un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 206). Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux ; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises.

S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêts du Tribunal fédéral 6B_843/2014 du 7 avril 2015 consid. 1.1.1 et 6B_107/2013 du 15 mai 2013 consid. 2.1.1).

Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204 ; 118 IV 342 consid. 2d p. 349).

3.1.3. Selon l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.

Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_129/2015 du 11 avril 2016 consid. 3.1 non reproduit in ATF 142 IV 89).

Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. A titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais, en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (ATF 134 IV 1 consid. 5.6 p. 15). Ainsi, la faute constitue au premier chef un critère d'appréciation pour la fixation de la peine (art. 47 CP), puis doit être prise en compte de manière appropriée dans un deuxième temps pour déterminer la partie de la peine qui devra être exécutée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1323/2015 du 2 septembre 2016 consid. 1.1 et 6B_713/2007 du 4 mars 2008 consid. 2.3).

3.2. En l'espèce, la faute de l'intimé est importante. Il a vendu de l'héroïne, soit une drogue dite dure, dont les effets sur la santé de ses consommateurs sont dévastateurs. Il aurait sans doute persisté dans ses agissements s'il n'avait pas été interpellé.

Son trafic a porté sur une quantité conséquente d'héroïne, vendue à réitérées reprises et non pas en une seule fois.

Ses mobiles sont égoïstes, l'intimé qui n'est lui-même pas toxicomane, étant mû uniquement par l'appât du gain facile. Au bénéfice d'une bonne formation, de perspectives professionnelles certaines, logé et nourri par ses parents, l'intimé avait toute possibilité de gagner sa vie autrement, ce qui rend son comportement d'autant plus incompréhensible.

A décharge, il sera retenu que son rôle était celui d'un simple revendeur de rue. La période pénale est relativement brève et son activité délictuelle est restée locale.

Sa collaboration à la procédure doit être qualifiée de bonne, puisqu'il a immédiatement indiqué les numéros de téléphone pouvant permettre d'identifier son commanditaire et admis spontanément des ventes que le dossier n'établissait pas. Les regrets exprimés paraissent sincères et les perspectives d'avenir bonnes.

L'intimé n'a pas d'antécédents, ce qui est toutefois un élément neutre sur la fixation de la peine (ATF 136 IV 1 consid. 2.6.4).

Au vu de ces considérations, la peine fixée par les premiers juges est adéquate, si bien qu'elle sera confirmée, tout comme la mesure de sursis partiel dont les conditions sont réalisées. La durée du délai d'épreuve, fixée à trois ans par les premiers juges, paraît suffisamment longue pour dissuader l'intimé de récidiver, et sera maintenue.

L'appel du Ministère public sera donc intégralement rejeté.

4. L'art. 51 CP impose au juge d'imputer la durée de la détention avant jugement sur la sanction infligée. La privation de liberté à subir doit toujours être compensée avec celle déjà subie, pour autant que cela soit possible (ATF 133 IV 150 consid. 5.1.1 p. 155).

En l'occurrence, l'intimé a passé 207 jours en détention préventive, de sorte qu'il a exécuté la partie ferme de sa peine. Sa libération immédiate sera ordonnée, étant rappelé qu'il n'a droit à aucune indemnité (art. 431 al. 3 let. b CPP).

5. Vu la qualité de l’appelant, qui succombe, les frais de la procédure d’appel seront laissés à la charge de l'Etat (art. 428 CPP).

6. Considéré dans sa globalité, l'état de frais produit par le défenseur d'office de A______ paraît adéquat et conforme à la pratique en la matière, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre le détail des postes qui le composent.

Aussi, l'indemnité sera arrêtée à CHF 2'073.60, correspondant à 8h00 d'activité au tarif de CHF 200.-/l'heure, plus la majoration forfaitaire usuelle de 20% (CHF 320.-) et la TVA au taux de 8% (CHF 153.60).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/138/2016 rendu le 22 novembre 2016 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/15195/2016.

Le rejette.

Ordonne la libération immédiate de A______, s'il ne doit rester détenu pour une autre cause.

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'Etat.

Arrête à CHF 2'073.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations, à la Brigade des renvois, à l'Office fédéral de la police, au Service de l'application des peines et mesures et à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente ; Monsieur Pierre MARQUIS et Madame Yvette NICOLET, juges.

 

La greffière :

Christine BENDER

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 


 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP ; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP et art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).