Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/715/2025 du 26.06.2025 ( DOMPU ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 26 juin 2025
| ||||
dans la cause
A______ SA, représentée par Me Fanny ROULET, avocate, avec élection de domicile
contre
VILLE DE B______
1. La société A______ SA est une entreprise active notamment dans les travaux de vidange.
2. Le 3 mars 2023, le chef de section du service de l'espace public (ci-après : SEP) de la Ville de B______ (ci-après : la ville) a adressé un courriel général à de nombreuses entreprises pour les informer d'une nouvelle procédure pour l'occupation du domaine public et de la mise en place d'une nouvelle plateforme s'agissant des déménagements, livraisons spéciales ou autres livraisons dans le cadre d'événements à caractère sportif.
3. Par courrier du 11 août 2023, sous la plume de leur conseil, des sociétés actives dans le domaine de la vidange, dont A______ SA, ont demandé au Conseil administratif de la ville de « bien vouloir renoncer à ce changement de pratique, consistant à requérir qu'elles déposent une demande d'autorisation d'usage accru du domaine public pour chaque intervention ou, à défaut, de bien vouloir leur notifier un acte administratif formel sujet à recours ».
4. Par courrier du 11 septembre 2023, la ville, soit pour elle le SEP, a répondu qu'elles n'étaient pas concernées par la plateforme permettant de réserver l'espace public dans le cadre d'occupation ponctuelles. En effet, les activités de vidange et d'assainissement n'étaient pas considérées comme des occupations ponctuelles mais comme des travaux impliquant la nécessité de formuler une demande de chantier, au moins cinq jours avant l'intervention, les cas d'urgence étant réservés, auprès du SEP au moyen du formulaire idoine. Il convenait de rappeler que cela s'inscrivait dans un cadre légal, à savoir l'art. 56 de la loi sur les routes (LRoutes – L 1 10) et les art. 57 et suivants de règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12). Enfin, elles étaient invitées à contacter le chef de la section chantiers du SEP afin d'échanger sur la situation et sur d'éventuelles pistes d'amélioration.
5. Un recours a été formé à l'encontre de ce courrier dans l'hypothèse – peu probable –où il se serait agi d'une décision. La ville en a été informée par courrier du 12 octobre 2024.
6. Une séance s'est tenue avec la ville fin novembre 2023. À cette occasion la ville s'est engagée à revenir vers A______ SA en début d'année 2024.
7. Le 29 avril 2024, la société A______ SA a formulé une demande de permission d'utilisation accrue du domaine public dans le cadre de chantiers et d'installations analogues auprès du SEP. Cette demande visait l'installation de chantier pour l'hydro-curage des canalisations de l'immeuble, sis C______ 1______ D______ le 17 mai 2024 entre 05h00 et 12h00.
8. Le 2 mai 2024, A______ SA a adressé un courrier de relance à la ville suite à la séance qui s'était tenue fin novembre 2023.
9. Par décision du ______ 2024, le SEP a délivré à A______ SA la permission sollicitée n° 2______, valable le 17 mai 2025, pour installation(s) de chantier(s), précisant qu'une redevance périodique et/ou une taxe fixe étaient dues au titre d'occupation du domaine public selon les tarifs prévus par les art. 5 et 5A du règlement fixant le tarif des empiètements sur ou sous le domaine public du 21 décembre 1988 (RTEDP – L 1 10.15). Le montant de cette redevance et/ou de cette taxe lui serait communiqué et facturé ultérieurement. En outre, la délivrance de la permission donnait lieu à la perception d'un émolument administratif de CHF 150.-.
10. Par acte du 20 mai 2024, sous la plume de son conseil, A______ SA (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision du ______ 2024 précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce que la nullité de cette décision soit constatée, subsidiairement à son annulation, le tout sous suite de frais et dépens.
11. Les bases légales sur lesquelles se basait le SEP s'agissant de la réglementation de l'usage accru du domaine public étaient les art. 56 LRoutes et 13 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5). Ces deux dispositions étaient bien des règles de droit matérielles et formelles. Toutefois, leur lecture ne permettait pas de comprendre en quoi le travail des vidangeurs excédait l'usage commun, d'autant plus qu'il ne s'agissait pas d'installations permanentes ou non permanentes à des fins industrielles ou commerciales mais plutôt d'un stationnement temporaire à des fins de salubrité publique nécessaire au bon fonctionnement de toute ville. En outre, le SEP ne se fondait sur aucune base légale formelle mentionnant précisément l'action de vidange comme occupation ponctuelle de l'espace public. De telles bases légales, s'agissant des taxes fixes et redevances périodiques, lesquelles concernaient les installations provisoires et occasionnelles, existaient et se trouvaient dans le RTEDP. À cela s'ajoutait que le courriel du 3 mars 2023 du chef du SEP avait trait à une « nouvelle procédure », ce qui démontrait que le SEP avait réadapté son interprétation de la loi, sans passer par aucune notification officielle des administrés par la voie d'un acte administratif formel. Il en était de même du site internet de la ville, lequel ne mentionnait pas l'action de vidange sur la voie publique dans l'énumération des activités nécessitant l'octroi d'une autorisation. Faute de base légale formelle, la « nouvelle pratique » de la ville violait le principe de légalité, ce qui rendait nul tout acte juridique en découlant.
La ville traitait de manière analogue les chantiers présents plusieurs jours sur un emplacement fixe et les interventions ponctuelles d'à peine quelques heures, notamment le stationnement d'un camion de vidange. Les sociétés de vidange payaient donc le même tarif journalier qu'un chantier pour une présence parfois limitée à moins d'une heure. Leur charge administrative était ainsi multipliée par rapport aux entreprise qui effectuaient réellement un chantier. Cette situation était constitutive d'une inégalité de traitement.
Le changement de pratique était disproportionné, ce d'autant que la ville n'avait informé aucun administré. Il conduisait des entreprises à devoir payer des taxes et émoluments administratifs alors que leur utilisation du domaine public avait pour but de se mettre au service de la salubrité publique et était jusqu'alors conforme au droit et n'exigeait l'obtention d'aucune permission. Si l'objectif de la ville était de limiter le trafic motorisé dans le centre-ville et de favoriser la tranquillité des citoyens, d'autres mesures moins incisives pouvaient être mises en place, par exemple la limitation du trafic durant certains horaires. Ces objectifs devaient être mis en balance avec l'intérêt à la salubrité publique que poursuivaient ses interventions, lesquelles pouvaient être nombreuses durant une seule journée. Cette nouvelle pratique mettrait gravement en jeu sa liberté économique au regard des coûts totalement disproportionnés engendrés. Il lui faudrait engager plusieurs collaborateurs dédiés à cette tâche administrative, représentant le paiement de nombreux salaires supplémentaires, sans compter le montant des taxes et éventuelles amendes. L'adoption de cette nouvelle pratique était constitutive de formalisme excessif.
12. Le 25 juillet 2024, la ville a transmis ses observations, concluant au rejet du recours.
Le 1er janvier 2019, l'art. 2A de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05) était entré en vigueur, donnant aux communes la compétence en matière de gestion de la circulation, notamment pour la mise en place de marquage sur le réseau de quartier communal non-structurant, le canton demeurant compétent dans la même mesure s'agissant du réseau structurant.
Dans le courant de l'année 2021, un groupe de travail composé de représentants de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT), de la police cantonale, du SEP, du service de la police municipale et du service de l'aménagement, du génie civil et de la mobilité de la ville, s'était réuni pour évoquer cette problématique. La constitution de ce groupe de travail faisait suite à différentes interpellations, notamment au niveau du Grand Conseil, à un constat de risques sécuritaires, ainsi qu'à la nécessité de coordonner les différents usages du domaine public. À titre d'exemple, les sociétés de déménagement faisaient régulièrement usage d'engins de levage, tels que des monte-meubles, lesquels empiétaient sur les trottoirs et, dans de nombreux cas, sans tenir compte de la sécurité des autres usagers de la route. Par ailleurs, ces réservations du domaine public n'étaient soumises à aucun contrôle ni à aucune taxe d'occupation du domaine public, alors même que ces places étaient réservées pour une, voire plusieurs journées.
En date du 1er mars 2023, elle avait mis en ligne une nouvelle plateforme de réservation de son domaine public pour les occupations ponctuelles. Le 3 mars 2023, le SEP avait informé de nombreuses entreprises de la mise en place de cette nouvelle plateforme. Une entreprise de déménagement avait remis en cause cette nouvelle pratique devant le tribunal, lequel avait confirmé sa licéité par jugement du ______ 2024 (3______). Un recours contre ce jugement était pendant auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).
Le 20 juillet 2023, le SEP avait constaté la présence d'un camion appartenant à une société active dans le même domaine que la recourante, à l’adresse 4______ rue du E______, lequel avait occupé pendant au moins une journée la quasi-totalité du trottoir. Interpellée par le SEP, cette société avait sollicité une permission d'usage accru pour son installation pour une durée de deux jours et avait été amendée.
Le 11 août 2023, la recourante, ainsi que plusieurs autres sociétés actives dans le domaine de la vidange l'avaient interpellée, considérant le changement de pratique comme illicite. Jusqu'audit changement, ces sociétés effectuaient leurs opérations en posant leurs panneaux d'interdiction de stationner sur la voie publique, comme les sociétés de déménagement, en vue de réserver des places de stationnement ou une portion du domaine public pour stationner leurs véhicules et réaliser leurs interventions, en informant régulièrement la police.
Le 11 septembre 2023, le SEP avait répondu à la recourante que la nouvelle procédure concernant les occupations ponctuelles visait plus particulièrement les entreprises effectuant des déménagements et livraisons spéciales nécessitant la réservation du domaine public. Les activités de vidange, à teneur de la règlementation cantonale, n'étaient pas considérées comme des activités ponctuelles mais comme des travaux impliquant de formuler une demande chantier via la plateforme cantonale chantiers et mobilité (PCM). En effet, la plateforme mise en place par la ville pour les occupations ponctuelles ne permettait que d'autoriser l'usage accru du domaine public assorti éventuellement de mesures de circulation édictées par les autorités communales ou cantonales compétentes afin d'assurer la sécurité des autres usagers et garantir la mobilité et ce contrairement à la plateforme cantonale PCM qui permettait également de traiter les éventuelles autorisations nécessaires délivrées par les autorités cantonales.
La recourante avait formé recours contre ce courrier.
Une rencontre avait eu lieu en novembre 2023, lors de laquelle plusieurs sociétés actives dans le domaine de la vidange, dont la recourante, avaient expliqué leurs situations et difficultés, en particulier le nombre important d'interventions quotidiennes, soit environ une dizaine par jour et leur planification qui évoluait rapidement, certaines urgentes. Si la recourante avait indiqué n'avoir auparavant jamais requis d'autorisations pour ses interventions sur le périmètre de la ville via la plateforme chantier, celles-ci étaient régulièrement requises par les maîtres d'ouvrage qui les mandataient.
La ville avait ainsi pris acte de la situation de la recourante, tout en persistant à considérer que l'activité de ces entreprises, en particulier la réservation de places de stationnement ou du domaine public, devait être soumise à autorisation et proposant de réfléchir à des solutions avant de revenir à dites entreprises.
Dans l'intervalle, la ville avait continué de délivrer des permissions d'usage accru pour les demandes sollicitées par la recourante, soit au jour du dépôt de son recours, moins d'une vingtaine pour l'année 2024. La ville avait également effectué des contrôles des interventions du type vidange, curage ou assainissement réalisées par la recourante et d'autres sociétés actives dans le même domaine sans prononcer de sanctions.
En date du 29 avril 2024, la recourante avait sollicité la délivrance de deux permissions pour une durée de sept heures pour l'installation d'un chantier sur le domaine public pour des travaux d'hydro-curage des canalisations d'un immeuble, respectivement de quatre heures pour l'installation d'un chantier sur le domaine public pour le nettoyage d'une colonne de chute (procédure 5______). Ces deux permissions lui avaient été délivrées.
À teneur de la règlementation cantonale, les opérations de vidange étaient considérées comme des travaux et pouvaient être soumises à certaines instructions du département du territoire, la compétence du SEP se limitant à la délivrance d'une permission d'usage accru en cas d'empiètement sur son domaine public.
La nouvelle pratique mise en place le 1er mars 2023 pour la réservation de places de stationnement sur le domaine public ne concernait que les entreprises effectuant des déménagements ou des livraisons spéciales. Il s'avérait cependant que ce changement de pratique avait eu un impact sur les entreprises effectuant des opérations de vidange et d'assainissement, comme la recourante.
La réservation de places de stationnement au moyen de la pose de panneaux de signalisation pour une durée d'une demi-journée à plusieurs jours, laquelle pouvait inclure la chaussée ou le trottoir, entravait l'usage commun des autres usagers du domaine public et constituait dès lors un usage accru soumis à permission et taxation. Par ailleurs, le changement de pratique découlait d'abord des différents changements législatifs intervenus depuis 2016, en particulier la LaLCR, notamment pour la mise en place de marquage sur le réseau de quartier communal non structurant. En outre, ces réservations du domaine public n'étaient soumises à aucun contrôle ni à aucune taxe d'occupation du domaine public, alors même que des places de stationnement, ou parfois une rue entière, étaient réservées pour une, voire plusieurs journées. Cette nouvelle pratique se justifiait également sous l'angle d'une utilisation harmonieuse et paisible du domaine public communal. Enfin, lorsque la recourante stationnait un véhicule à l'occasion des deux interventions pour lesquelles elle avait requis des permissions, de telles occupations consistaient également en un usage accru sujet à permission et à redevance.
13. Par jugement du ______ 2024 (6______), le tribunal a déclaré irrecevable le recours interjeté par la recourante contre le courrier du 11 septembre 2023,
celui-ci ne constituant pas une décision. Par arrêt du ______ 2024 (7______), la chambre administrative a confirmé ce jugement.
14. Par courrier du 9 août 2024, la recourante, sous la plume de son conseil, a sollicité une prolongation du délai pour répliquer, initialement fixé au 16 août 2024, de trente jours.
15. Par courrier du 12 août 2024, le tribunal a prolongé le délai au 2 septembre 2024.
16. Dans le délai imparti, la recourante a brièvement répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.
La ville admettait le changement de pratique et tentait vainement de le légitimer. Cependant, les conditions permettant un tel changement n'étaient pas remplies. En effet, l'autorité intimée ne réagissait pas à de nouvelles connaissances de l'intention du législateur et n'écartait pas un danger nouveau particulier. Elle avait plutôt choisi de mettre en place une nouvelle pratique d'abord pour les déménageurs, puis de l'étendre pour des motifs de convenance personnelle et administrative. Aucun changement de la situation factuelle – notamment en termes de sécurité – ne justifiait une telle pratique. En modifiant une pratique existante de longue date simplement parce que la ville en avait désormais la compétence, sans qu'aucun motif ne le justifia, les principes de sécurité du droit et de la bonne foi étaient mis en péril. En outre, cette modification légale ne concernait pas directement la question de la procédure à suivre mais plutôt un simple transfert de compétence.
17. Le 26 septembre 2024, la ville a dupliqué, maintenant ses conclusions et son argumentation.
L'utilisation du domaine public requise par la recourante constituait un usage accru de celui-ci, soumis à permission et taxe. L'activité de vidange était par ailleurs mentionnée dans le chapitre II, section 4 du RUDP.
Soit la recourante ne faisait pas systématiquement des demandes d'usage accru lorsqu'elle occupait le domaine public, contrairement à son obligation, soit elle avait une pratique similaire aux sociétés actives dans le domaine du déménagement. Dans le premier cas, la recourante ne se conformait pas strictement au cadre légal en vigueur, alors que les maîtres d'ouvrage sollicitaient déjà régulièrement de telles demandes de permission s'agissant des opérations de vidange et d'assainissement. Dans le second cas, l'ancienne pratique avait été modifiée pour des questions principalement d'ordre légal et sécuritaire, ainsi que pour assurer une utilisation harmonieuse et paisible du domaine public dans le respect du principe de l'égalité de traitement. La recourante, tout comme les sociétés de déménagement, devait désormais formuler une demande si elle souhaitait réserver une portion du domaine public en vue d'une intervention.
18. Par arrêt du ______ 2025 (2C_8______), le Tribunal fédéral a annulé l’7______, considérant que le courrier du 11 septembre 2023 de la Ville de B______ était une décision contre laquelle ses destinataires étaient fondés à recourir. La cause était ainsi renvoyée au Tribunal administratif de première instance afin qu’il entre en matière sur le fond.
19. Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés contre les décisions prises en application de la LRoutes ou de ses dispositions d’application, tel, par exemple, que le RUDP (art. 93 al. 1 RUDP cum 96 al. 1 LRoutes).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Compte tenu du fait que la recourante a suivi la procédure de demande de permission d'usage accru du domaine public, conformément à la pratique de l'autorité intimée qu'elle conteste, se pose la question de son intérêt actuel à s'opposer à la décision litigieuse.
4. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).
5. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Il peut toutefois être renoncé à l'exigence d'un tel intérêt, dans la mesure où cette condition ferait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2).
6. En l’espèce, il convient d'admettre que la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la décision litigieuse et à contester sur son principe la nouvelle pratique de l'autorité intimée, dès lors que la situation litigieuse pourrait encore se présenter. En effet, dans le cadre de son activité de vidange, la recourante sera amenée à suivre à nouveau cette procédure et à s'acquitter des frais qui en découlent.
7. À titre préalable, la recourante sollicite – implicitement – l'audition des parties.
8. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3).
Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1). En revanche, le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2022 du 26 octobre 2022 consid. 4.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).
9. En l'espèce, le dossier contient les éléments pertinents et nécessaires à l'examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la comparution personnelle des parties, cet acte d'instruction, en soi non obligatoire, ne s'avérant pas nécessaire. Au surplus, la recourante a eu la possibilité de s'exprimer et de compléter sa présentation des faits, en produisant des pièces, étant au surplus noté que la cause ne soulève pas de question de crédibilité ni ne suscite de controverse sur les faits. Le tribunal dispose ainsi d'un dossier complet qui lui permet de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause, sans besoin d'actes d'instruction complémentaires. Partant, la demande de comparution personnelle des parties sera rejetée.
10. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
11. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
12. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_533/2020 du 25 juin 2020 consid. 3 ; ATA/563/2020 du 9 juin 2020 consid. 2a) ; ATA/955/2021 du 16 septembre 2021 consid. 2c). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/44/2024 du 16 janvier 2024 consid. 2 et les arrêts cités).
13. En l’espèce, il faut relever en préambule que l’arrêt 2C_8______ rendu par le Tribunal fédéral le 25 mars 2025, renvoyant la cause au tribunal de céans, n’a pas de lien direct avec la présente affaire, qu’il est possible de trancher de manière indépendante.
14. Au fond, la recourante prétend que la permission du 8 mai 2024 serait nulle. Elle fait valoir qu'il n'existerait aucune norme prévoyant que l'activité de vidange serait constitutive d'un usage accru du domaine public ou d'une occupation ponctuelle justifiant l'obtention préalable d'une permission. Elle est également d'avis que le changement de pratique intervenu le 1er janvier 2023 ne répondrait pas aux exigences posées par la jurisprudence et entraînerait une violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, et serait constitutif de formalisme excessif.
15. La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2).
La nullité absolue ne frappe que les décisions affectées d'un vice devant non seulement être particulièrement grave, mais aussi être manifeste ou, dans tous les cas, clairement reconnaissable, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Entrent principalement en ligne de compte comme motifs de nullité la violation grossière de règles de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité qui a rendu la décision (ATF 139 II 243 consid. 11.2 ; 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1 ; 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 8C_355/2016 du 22 mars 2017 consid. 5.3 ; 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.1). L'illégalité d'une décision (reposant sur des vices de fond) ne constitue en revanche pas, par principe, un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. not. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).
16. En l’espèce, la recourante conclut à ce que la décision attaquée soit déclarée nulle en raison de l'absence de base légale indiquant que son activité serait constitutive d'un usage accru du domaine public et justifiant le changement de pratique litigieux.
Pour rappel, le litige porte uniquement sur la question de savoir si l'usage que la recourante fait du domaine public dans le cadre de la réalisation de ses opérations de vidange constitue une occupation du domaine public soumise à permission. Ici, force est de constater que l’autorisation litigieuse a été délivrée par l’autorité compétente, dès lors que la C______ 7______ appartient au domaine public communal, ce que la recourante ne conteste pas. Il n'y a donc pas d'incompétence manifeste. Pour le surplus, la recourante fait essentiellement valoir des motifs de droit de fond, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence citée supra, l'illégalité d’une décision découlant de vices de fond ne saurait conduire à la constatation de la nullité de l’acte en cause, même si ces vices devaient être avérés. En effet, il s’agit d’arguments qui doivent être invoqués par le biais des voies de droit ordinaires, ce que la recourante fait d’ailleurs, dès lors qu’elle conclut également, dans le cadre de son recours, à l’annulation de la décision attaquée, en raison de la violation de plusieurs dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires.
En outre, aucun motif de nullité, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, ne ressort des éléments au dossier et la recourante n’a pas davantage démontré, ni même invoqué, l’existence de tels motifs.
Partant, la décision attaquée n'est pas nulle et la conclusion prise en ce sens par la recourante devra être rejetée.
17. Reste à examiner si c'est à bon droit que l'autorité intimée a qualifié l'activité de la recourante comme un usage accru du domaine public et qu'elle a, en conséquence, considéré que cet usage était soumis à permission.
18. À Genève, l'utilisation du domaine public communal est régie par la LDPu, par son règlement, ainsi que par la LRoutes.
Selon les art. 12 LDPu et 55 LRoutes, chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d'autrui.
Conformément à la LDPu, les voies publiques cantonales et communales affectées par l’autorité compétente à l’usage commun font partie du domaine public
(art. 1 LRoutes).
19. Sous réserve des compétences fédérales, la réglementation de l'usage du domaine public est de la compétence des cantons. La définition des différents types d'usage relève du droit cantonal (ATF 135 I 302). On distingue de manière général trois types d'usage du domaine public : l'usage commun, l'usage accru et l'usage privatif.
20. L'usage commun comprend toutes les utilisations du domaine public qui sont conformes à sa destination, laquelle doit être comprise largement, et qui sont ouvertes sans conditions à tous. Sa caractéristique principale, qui le distingue de l'usage accru, est sa compatibilité avec l'usage commun d'un nombre indéterminé d'autres personnes. L'usage du domaine public peut donc être qualifié de commun s'il peut être exercé simultanément et dans la même mesure par tous les intéressés. Son exercice par une personne ne doit donc pas entraver l'usage commun dont d'autres personnes voudrait aussi profiter. L'essentiel est que cette utilisation de même nature soit en pratique globalement possible dans le secteur concerné. Un tel usage doit être égal pour tous les usagers et en principe gratuit. L'usage commun du domaine public ne saurait être soumis à un régime d'autorisation, ce qui serait contraire au principe de proportionnalité (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 206 et la jurisprudence citée).
L'usage commun du domaine public peut entrer en conflit avec une autre forme d'utilisation en soi commune, ce qui rend nécessaire la coordination entre ces différents usages communs, mais la nécessité d'une règlementation restrictive des modalité d'un usage lui laisse sa qualité d'usage commun s'il reste ouvert à un cercle indéterminé de personnes tout en maintenant sa compatibilité générale avec d'autres formes d'usages (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III : l'organisation des activités administratives. Les biens de l'État, 2e éd., 2018 p. 693). Il en va notamment de la législation sur la circulation routière que la doctrine qualifie d'exemple classique d'usage commun du domaine publique (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 207 s.).
Il en va autrement des formes d'utilisations qui, du fait de leur nature, nécessitent une réglementation restrictive tenant à leur individualité ou à leur particularité. Il peut y avoir à cela trois raisons : soit elles ne sont pas et ne peuvent être offertes à un nombre indéterminé de personnes (par exemple la construction d'un barrage ou d'une digue), soit aussi, pendant toute leur durée, elles rendent dangereux, difficiles, voire impossibles, les autres usages (ainsi une manifestation ou un marché), soit enfin elles provoquent pour le voisinage des nuisances particulières (concerts en plein air). Ces usages ne sont plus communs (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 693).
Par usage accru du domaine public, on entend un usage qui ne correspond plus à la destination du domaine public en cause ou qui, par son intensité, n'est plus compatible avec une utilisation généralisée par un nombre indéterminé de personnes. Dans la deuxième hypothèse, l'usage accru entrave de façon significative l'usage commun du domaine public que d'autres personnes souhaiteraient exercer (ATF 135 I 302). L'usage accru peut être soumis à autorisation pour protéger les intérêts publics qui sont susceptibles d'être affectés par cet usage – en matière d'environnement, d'esthétique ou de sécurité par exemple – et pour assurer l'utilisation harmonieuse et paisible du domaine public par tous ceux qui souhaitent le faire conformément à sa destination, le cas échéant en fixant des priorités. Dans cette mesure, l'autorisation d'usage accru du domaine public ne constitue pas une autorisation de police, mais une autorisation sui generis, car son but de coordination des usages va plus loin que la protection des biens de police (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 210 ss ; ATF 126 I 133). Cette exigence d'autorisation peut être imposée, même en l'absence de base légale spécifique (ATF 119 Ia 445).
Le Tribunal fédéral a ainsi examiné si la durée de stationnement de plus de 30 minutes, soumise à une taxe d'utilisation par la ville de Zurich, faisait partie de l'usage commun ou constituait déjà un usage commun accru. Soulignant que le trafic non soumis à taxe comprend non seulement le trafic roulant, mais aussi, dans une certaine mesure, le trafic au repos, le Tribunal fédéral s'est également référé à sa jurisprudence selon laquelle le trafic roulant a généralement pour but d'atteindre une destination et que par conséquent, l'arrêt et le stationnement de courte durée sont un complément nécessaire au trafic roulant. Rappelant ensuite que sa jurisprudence en la matière avait varié quant à la durée à partir de laquelle il fallait retenir un usage accru, puis constatant que selon la doctrine, la délimitation entre le stationnement d'usage courant et le stationnement de longue durée ne peut pas être fixée de manière générale, mais seulement en tenant compte des conditions locales tout en accordant aux autorités compétentes une certaine marge d'appréciation dans l'évaluation de ces conditions, le Tribunal fédéral a retenu que le critère de délimitation entre l'usage commun simple et l'usage commun accru est notamment la compatibilité de l'usage avec la collectivité. À cet égard, un usage est compatible avec la collectivité lorsqu'il peut être exercé de la même manière par tous les citoyens intéressés, sans que d'autres soient gênés de manière excessive dans le même usage. Il n'est ainsi pas déterminant que chaque véhicule arrêté, ne serait-ce que pendant quelques minutes, empêche tout autre véhicule de s'arrêter également sur exactement la même place de stationnement, mais il est déterminant de savoir si, dans l'ensemble, une utilisation similaire par toutes les personnes intéressées peut être pratiquement garantie dans le secteur en question (ATF 122 I 279 consid. 2e p. 285).
21. Par arrêt du ______ 2025 (ATA/9______), la chambre administrative a confirmé la pratique de la ville de soumettre la réservation de places de stationnement, ou plus largement de l'espace public pour le déploiement d'un monte-meubles, à la procédure de demande de permission pour l'usage accru du domaine public, ainsi qu'à la perception d'une redevance à ce titre.
22. En l'espèce, la recourante a sollicité de l'autorité intimée la permission d'installer un chantier sur le domaine public, le 17 mai 2024, nécessaire à la réalisation de travaux d'hydro-curage des canalisations de l'immeuble sis C______ 1______. Cette permission a pour effet de lui permettre d'utiliser le domaine public communal durant plusieurs heures, en limitant, voire en excluant les autres usagers du domaine public. Dit autrement, et pour revenir aux définitions rappelées plus haut, il ne s'agit pas d'un usage commun dans la mesure où, de par l'importance de la surface occupée et la durée de cette occupation, un tel usage ne pourrait pas être exercé simultanément et dans la même mesure par toute autre personne intéressée
(p. ex. une autre entreprise mettant en œuvre des camions ou des engins). En réalité, la recourante « privatise » l'espace public qu'elle occupe durant son intervention, empêchant toute autre personne d'en faire usage à cet endroit.
23. La recourante souligne que le travail des vidangeurs ne constitue ni une installation permanente, ni une installation non permanente à des fins industrielles ou commerciales. On ne voit cependant pas en quoi ces distinctions, pour peu qu'elles s'appliquent en l'espèce, empêcheraient de constater un usage accru du domaine public. En effet, un tel usage ne dépend pas de la présence d'une installation, qu'elle soit permanente ou non, puisqu'un simple rassemblement de personnes peut constituer un usage accru (ATF 144 I 50 consid. 6.3 p. 65 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2023 du 4 juin 2024 ; 1C_360/2019 du 15 janvier 2020). Dans l’ ATA/9______ du ______ 2025, la chambre administrative a également retenu un usage accru du domaine public pour l’occupation temporaire de places de stationnement par des camions ou autres engins d’entreprises dont l’activité se déployait sur la voie publique.
24. Dans le cas d'espèce, le déploiement de l'activité de la recourante, à l'aide d'un camion stationné hors d'une place de stationnement sur le domaine public, lequel doit être qualifié d'installation, quand bien même non permanente, sur cette durée, répond ainsi aux critères de définition d'un usage accru du domaine public.
Plus largement, il en va de même lorsque la recourante stationne sur le domaine public, sur une place de stationnement, afin de réaliser son activité de vidange dès lors qu'elle soustrait à tout un chacun l'usage d'une portion délimitée du domaine public pendant la durée de l'intervention, ce qui constitue là-aussi, de facto, un usage accru du domaine public.
25. Reste encore à déterminer si c'est à bon droit que l'autorité intimée exige l'obtention préalable d'une permission. À cet égard, la recourante prétend que l'ancienne pratique de la ville était conforme au droit et que le changement de pratique ne répondrait pas à un intérêt public prépondérant, serait contraire au principe d'égalité de traitement, disproportionné et constitutif d'un formalisme excessif.
26. L'art. 13 LDPu subordonne à permission - à concession s'ils sont assortis de dispositions contractuelles - l'établissement de constructions ou d'installations sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou commerciales ou toute autre utilisation de celui-ci excédant l'usage commun. Les permissions, délivrées à titre précaire (art. 19 al. 1 LDPu), sont accordées par l'autorité communale qui administre le domaine public, laquelle en fixe les conditions (art. 15 et 17 LDPu). Elles peuvent être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l’intérêt général l’exige (art. 19 al. 2 LDPu). Les permissions et les concessions ne sont accordées ou octroyées que sous réserve des droits privés des tiers et aux risques et périls des bénéficiaires (art. 23 LDPu).
27. De jurisprudence constante, les communes genevoises jouissent, en vertu du droit cantonal, d'une importante liberté d'appréciation dans la gestion de leur domaine public et, plus particulièrement, dans l'octroi ou le refus d'une permission d'utiliser le domaine public communal excédant l'usage commun (arrêts du Tribunal fédéral 2C_118/2008 du 21 novembre 2008 consid. 4.3 ; 2P.69/2006 du 5 juillet 2006 consid. 2.2 ; 1P.319/2003 du 26 août 2003 consid. 2.1 ; ATA/386/2016 du 3 mai 2016 consid. 6c).
28. À cet égard, l'art. 15 LDPu constitue une base légale suffisante pour limiter les libertés (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 ; ATA/646/2014 du 19 août 2014 ; ATA/63/2012 du 31 janvier 2012).
29. Aux termes de l'art. 1 RUDP, dans les limites de la loi et le respect des conditions liées à l'octroi de la permission, les particuliers disposent d'un droit à l'utilisation du domaine public excédant l'usage commun lorsqu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (al. 2). Lors de l'octroi de la permission, l'autorité compétente tient compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou droits d'usage exclusifs concédés par les autorités compétentes, ainsi que du besoin d'animation de la zone concernée (al. 3).
L'art. 56 LRoutes prévoit également que toute utilisation des voies publiques qui excède l'usage commun doit faire l'objet d'une permission ou d'une concession préalable (al. 1), à savoir tout empiètement, occupation, travail, installation, dépôt ou saillie sur ou sous la voie publique dont les modalités sont fixées par le règlement d'application (al. 2), délivrée selon l'art. 57 al. 1 LRoutes par l'autorité communale lorsqu'il s'agit d'une voie communale.
30. L'autorité compétente peut assortir de conditions et même refuser les permissions d'occupation de la voie publique pour tout objet ou installation sur la voie publique qui, par sa couleur, ses dimensions, son éclairage, sa forme ou le genre de sujets présentés, peut nuire au bon aspect d'une localité, d'un quartier, d'une voie publique, d'un site ou d'un point de vue (art. 57 al. 3 LRoutes).
31. Les usages particuliers du domaine public provoquent un besoin accru de coordination et de fixation des priorités, en rapport avec la protection des usages communs, notamment la sécurité de la circulation des piétons et des automobilistes. Il y a également lieu de prendre en considération les intérêts des riverains, lorsque l'usage non commun sollicité est de nature à provoquer des nuisances importantes (Pierre MOOR/Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, op. cit., p. 725).
32. Un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c’est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d’une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d’un changement de circonstances extérieures, de l’évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d’autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu’ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 145 II 270 consid. 4.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2019 du 23 décembre 2019 consid. 5.1 ; ATA/1174/2020 du 24 novembre 2020 consid. 8b et les références citées).
33. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 143 I 361 consid. 5.1 ; 142 V 316 consid. 6.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3).
Il n’y a en principe pas d’égalité dans l’illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2019 du 23 décembre 2019 consid. 6.1 ; ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 6c). Le principe de la légalité de l’activité administrative prévaut en principe sur celui de l’égalité de traitement. Dès lors, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d’une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu’elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d’autres cas semblables. Cela présuppose cependant, de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question. L’administré ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi. Il faut encore que l’autorité n’ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant n’impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7). C’est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l’égalité dans l’illégalité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1).
34. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
Traditionnellement, ledit principe se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.3).
35. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 ; 2C_607/2019 du 16 juillet 2019 consid. 3.2). Autrement dit, il y a formalisme excessif si une procédure est soumise à des conditions de forme rigoureuses sans que cette rigueur soit objectivement justifiée, ou lorsqu'une autorité applique des prescriptions formelles avec une rigueur exagérée ou pose des exigences excessives en ce qui concerne la forme d'actes juridiques et empêche ainsi de façon inadmissible un citoyen d'utiliser des voies de droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1509).
36. En l'espèce, conformément aux textes clairs des art. 13 LDPu et 56 al. 1 LRoutes, l'usage accru du domaine public est soumis à permission, en particulier lorsqu'il s'agit du déroulement d'une activité commerciale, comme c'est le cas pour la recourante, nonobstant la question de l'utilité de son activité en termes de salubrité publique. À toutes fins utiles, il sera en outre rappelé que, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée plus haut, une exigence d'obtention d'une autorisation préalable d'utilisation accrue du domaine public peut être imposée même en l'absence d'une base légale spécifique.
C'est donc à raison que l'autorité intimée exige désormais l'obtention d'une permission, comme la chambre administrative l’a également admis dans l’ATA/9______ cité plus haut.
L'autorité intimée ne conteste pas qu'avant son changement de pratique intervenu le 1er janvier 2023, elle n'exigeait pas l'obtention préalable de permissions. Cela étant, elle explique que ce changement est issu d'une réflexion visant la mise en conformité au droit de sa pratique s'agissant de cette problématique, notamment en lien avec l'activité des déménageurs. Or, s'il est certes vrai que la pratique développée au sujet de ces derniers, telle qu'elle ressort du courriel du 3 mars 2023 du SEP, ne saurait être appliquée stricto sensu aux entreprises actives dans le domaine de la vidange, comme exposé précédemment, en assimilant la réservation de places de stationnement sur le domaine public, ou plus largement l'utilisation d'une portion du domaine public comme un usage accru de celui-ci soumis à permission, la ville adopte désormais une pratique conforme au droit en vigueur. Ce faisant, elle tient compte de tous les intérêts en présence. Ce constat a pour corollaire, qu'auparavant, sa pratique ne l'était pas. Partant, en modifiant cette dernière, la ville a en réalité établi une pratique conforme au droit, de sorte que la recourante ne saurait exiger le maintien d'une ancienne pratique non conforme.
On ne saurait également y voir une quelconque violation du principe d'égalité de traitement. En effet, outre le fait que ce changement de pratique repose sur un juste motif évident, force est de constater qu'il ne touche pas uniquement les sociétés qui pratiquent des opérations de vidange à titre professionnel, mais également des usagers présents dans d'autres secteurs d'activités. La recourante ne démontre pas le contraire.
Dans le même sens, la nouvelle pratique de la ville ne saurait être qualifiée de disproportionnée. En effet, il est manifeste qu'elle est apte à assurer son objectif de contrôle de l'activité déployée sur le domaine public et l'on peine également à concevoir une autre solution moins contraignante pour les usagers, de sorte que les critères d'aptitude et de nécessité sont donnés. Sous l'angle de la proportionnalité au sens étroit, par le passé, les sociétés actives dans les opérations de vidange interpellaient les services de police afin de les prévenir d'une prochaine utilisation temporaire du domaine public, tout comme le faisaient auparavant les entreprises actives dans le déménagement. Avec sa nouvelle pratique, la ville impose désormais à toute personne souhaitant faire un usage accru du domaine public de remplir un formulaire en ce sens dix jours avant l'évènement. Il apparaît ainsi que la charge administrative que subira la recourante reste dans une large mesure identique à celle qu'elle connaissait auparavant. On voit mal que le suivi des permissions et le paiement des taxes relatives à son activité seraient de nature à entraîner un travail supplémentaire tel qu'il nécessiterait l'engagement de plusieurs nouveaux collaborateurs. S'agissant de la prétendue absence de communication du changement de pratique, il appert en réalité que le SEP en a d'abord informé certaines entreprises particulières, comme celles actives dans le déménagement, puis a étendu l'information à un plus grand cercle de professionnels, dont la recourante. Le site Internet de l'autorité intimée a finalement été adapté afin de s'adresser à l'ensemble des usagers. À cela s'ajoute que le délai de dix jours n'apparait à l'évidence pas excessif, vu les objectifs de sécurité en jeu, étant précisé que les sociétés professionnelles font en général usage de véhicules dépassant les gabarits ordinaires des places de stationnement, ce qui est susceptible de causer des conflits d'usage du domaine public entre l'ensemble des usagers. En outre, comme indiqué précédemment, cette nouvelle pratique, outre qu'elle assure une meilleure égalité de traitement entre les diverses catégories d'usagers qui font un usage accru du domaine public, a avant tout pour but d'assurer un meilleur contrôle de l'activité déployée sur le domaine public, en particulier autour des questions de sécurité, de sorte que l'intérêt public à son maintien doit primer l'intérêt privé de la recourante au maintien de l'ancienne pratique. Ainsi, la nouvelle pratique de l'autorité intimée n'est manifestement pas disproportionnée. Elle ne saurait non plus être constitutive d'un quelconque formalisme excessif, car il n'apparaît pas qu'elle se fonderait sur des règles dont l'application, dans le cas d'espèce, ne permettrait pas d'en discerner l'intérêt pratique.
C'est donc de manière conforme au droit que l'autorité intimée exige désormais l'obtention d'une permission d'usage accru du domaine public pour la réservation d'une portion du domaine public.
37. Mal fondé, le recours est rejeté.
38. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2024 par A______ SA contre la décision de la Ville de B______ du ______2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais déjà effectuée et ordonne la restitution, en sa faveur, du solde de cette avance, soit CHF 200.- ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Patrick BLASER et Diane SCHASCA, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |