Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2941/2023

JTAPI/929/2024 du 18.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;FIN;DOMICILE EFFECTIF;FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LEI.2.al2; LEI.61.al2; OASA.79
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2941/2023

JTAPI/929/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Daniela LINHARES, avocate, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, de nationalité portugaise, est né à Genève le ______ 2004. Il a obtenu dès sa naissance une autorisation de séjour.

2.             Le 10 janvier 2008, il a été mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement, dont le délai de contrôle a été régulièrement renouvelé jusqu’au 10 janvier 2023.

3.             Le 23 octobre 2019, lors d’une audition devant la police, M. A______ a déclaré qu’il vivait en France à l’adresse sise B______, depuis cinq ou six ans, avec son père, sa mère et sa sœur. Sa mère, qui travaillait à C______ [GE], le véhiculait tous les jours depuis leur domicile en France jusqu’à C______ [GE]. Il prenait ensuite les transports publics pour se rendre à l’école. Son père sous-louait l’appartement sis D______ [GE]. Ses parents recevaient toujours leur courrier à cette adresse, qu’ils passaient régulièrement relever. Ils travaillaient tous les deux à Genève. À teneur du procès-verbal, son père, Monsieur E______, était présent lors de l’audition de son fils.

4.             Le rapport de police dressé le 8 novembre 2019 suite à l’audition précitée fait état du fait que, lors d’un contact téléphonique avec la police le 15 octobre 2019, M. A______ avait indiqué vivre en France. Interpelé à ce sujet, son père avait indiqué qu’il s’agissait d’une résidence secondaire. Ce rapport indiquait comme adresse pour M. A______ et pour son père, B______ en France.

5.             En août 2021, Madame F______, sa mère, a sollicité la suspension de la demande de naturalisation de M. A______ et de sa sœur, car la famille avait été « repoussée » de son appartement de Genève en juillet-août 2020 et qu’ils n’avaient trouvé qu’une maison en France.

6.             Par courrier du 18 octobre 2022, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation d’établissement et d’enregistrer son départ de Suisse au 23 avril 2015. Un délai de 30 jours lui était accordé pour exercer, par écrit, son droit d’être entendu.

7.             Le 16 décembre 2022, M. A______ a fait parvenir à l’OCPM un formulaire K afin de demander le renouvellement de son autorisation d’établissement. Sur ledit formulaire, il a indiqué être logé chez Madame G______ à D______ [GE].

8.             Le 14 avril 2023, lors d’une enquête domiciliaire à l’adresse précitée, Madame H______, fille de Monsieur I______, a déclaré que le logement était occupé par son père, sa mère, ses deux frères et sœurs, ainsi que par elle-même. Sa tante, Mme F______, venait parfois passer la nuit chez eux. Selon le rapport d’enquête daté du 25 avril 2023, Mme H______ n’a, à aucun moment, fait mention de M. A______.

9.             Par décision du 27 juillet 2023, l’OCPM a constaté la caducité de l’autorisation d’établissement de M. A______ avec effet au 23 avril 2015 et a refusé de lui octroyer une nouvelle autorisation de séjour.

Les conditions de l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) étaient remplies. L’intéressé avait en effet reconnu avoir déménagé en France voisine et selon un rapport de police, ceci depuis plus de cinq ans. Par ailleurs, d’après les résultats de l’enquête domiciliaire, il n’était pas revenu s’installer à Genève chez sa tante, contrairement à ce qu’il avait affirmé dans le formulaire K du 16 décembre 2022.

10.         Par acte du 14 septembre 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) concluant, principalement, à ce qu’il soit dit et constaté que son permis d’établissement était valable et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de le renouveler, subsidiairement, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il réunissait toutes les conditions de l’octroi d’une autorisation de séjour et à l’octroi d’une telle autorisation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il sollicitait son audition et celle de Mme G______, ainsi que l’octroi d’un délai pour compléter son recours.

L’OCPM avait apprécié arbitrairement les faits en retenant qu’il n’habitait pas chez sa tante et son oncle au D______ [GE]. Il était étonnant que les enquêteurs n’aient pas trouvé trace de lui à cette adresse, car il y vivait depuis fort longtemps. Il avait son centre d’intérêts en Suisse, y vivait, y travaillait et y avait tous ses amis.

L’OCPM avait également apprécié arbitrairement les faits en retenant, sur les dires d’un enfant de 15 ans, que la famille avait déménagé en France depuis plus de cinq ans. Sur l’attestation de dépôt de plainte du 6 juillet 2018 (pièce figurant dans le dossier de l’OCPM), il n’était pas fait état d’un domicile en France, mais uniquement d’un vol au centre commercial de Val Thoiry (France). Le véhicule de sa mère était par ailleurs toujours immatriculé en Suisse et elle était toujours domiciliée à Genève. Il ressortait par ailleurs de l’avis judiciaire du 24 juillet 2020 (pièce figurant dans le dossier de l’OCPM) que c’était à cette période que la famille avait été expulsée de son logement et non pas avant. Il était vrai qu’en octobre 2019, il avait déclaré qu’il vivait en France avec ses parents, mais ce n’était pas le cas.

À l’époque des faits, il était mineur et avait dû suivre ses parents en France, seul pays où la famille avait trouvé un logement. Depuis lors, il s’était à nouveau installé en Suisse chez sa tante.

En considérant à tort qu’il avait déménagé en France, l’OCPM avait violé les art. 61 LEI et 79 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Il était certes parti quelques mois en France suite à l’expulsion de sa famille du domicile familial sis au D______ [GE], mais il avait toujours eu ses centres d’intérêts en Suisse puisqu’il y avait tous ses amis, y avait suivi sa scolarité et y travaillait.

Subsidiairement, si son permis d’établissement ne devait pas être renouvelé, un permis de séjour devait lui être octroyé en application de l’art. 4 de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

À l’appui de son recours, il a produit notamment un avis judiciaire daté du 24 juillet 2020 invitant M. E______ et Mme F______ à libérer l’appartement n° ______ de 2,5 pièces situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis D______ [GE], en exécution du jugement d’évacuation prononcé le 7 novembre 2019 par le Tribunal des baux et loyer, une attestation datée du 13 septembre 2023 signée par son oncle et sa tante indiquant qu’ils l’hébergeaient, ainsi que sa sœur, à leur domicile pendant la semaine, ainsi que le contrat d’apprentissage qu’il a signé le 31 mai 2023 pour une formation de maçon débutant le 21 août 2023 auprès d’une entreprise genevoise.

11.         Dans le délai accordé au 25 septembre 2023 pour compléter son recours, le recourant a indiqué ne pas avoir d’informations complémentaires à apporter.

12.         Dans ses observations du 16 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Lors de son audition par la police le 23 octobre 2019, le recourant avait notamment déclaré qu’il vivait avec sa famille, soit sa mère, sa sœur et son père, en France à l’adresse sise B______(France), depuis cinq ou six ans. Il avait également précisé que son père sous-louait l’appartement sis D______ [GE]. Par conséquent, il y avait lieu d’admettre que la famille avait quitté la Suisse fin 2014. L’enquête domiciliaire effectuée le 14 avril 2023 permettait en effet d’établir que le recourant ne résidait pas à l’adresse renseignée, étant rappelé que l’exercice d’une activité lucrative, une scolarisation à Genève, de même que l’immatriculation d’un véhicule à Genève, n’étaient pas des éléments suffisants permettant de prouver une domiciliation effective dans le canton. Il ne pouvait donc que constater l’extinction de l’autorisation d’établissement.

S’agissant de l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour sous l’angle de l’ALCP, le recourant était invité à déposer une nouvelle demande formelle, étant précisé qu’une résidence effective à Genève devait être prouvée et que la seule activité d’apprentissage, sans que les moyens financiers ne soient rendus vraisemblables, comme un versement mensuel des parents, ne réalisait pas la condition de l’activité réelle et effective au sens de l’art. 6 Annexe I ALCP.

13.         Dans sa réplique du 11 décembre 2023, le recourant a persisté intégralement dans ses conclusions. Il était apprenti chez J______ SA. Lui demander de déposer une nouvelle demande de permis de séjour constituait selon lui un formalisme excessif. De plus, il était notoire qu’il n’avait quitté la Suisse que quelques mois pour aller en France avec ses parents. Toutefois, il n’avait pas tardé à revenir pour s’installer chez son oncle et sa tante.

14.         Le 8 janvier 2024, l’autorité intimée a informé le tribunal ne pas avoir d’observations complémentaires.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À titre préalable, le recourant sollicite du tribunal la tenue d’une audience de comparution personnelle ainsi que l’audition de sa tante, Mme G______.

4.             Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22  janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

5.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige sans qu’il soit utile de procéder à l’audition du recourant. Ce dernier, assisté d’un conseil, a d’ailleurs eu la possibilité de faire valoir ses arguments à plusieurs reprises par écrit dans le cadre de la présente procédure et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués, sans expliquer en quoi son audition s'avérerait plus utile. Quant à l’audition de son tante, elle n’apparaît pas déterminante. En effet, outre le fait que le dossier contient déjà une attestation écrite de cette dernière, son témoignage serait de toute manière sujet à caution et ne répondrait pas au critère du témoignage « engageant », compte tenu des liens familiaux qui la lient au recourant.

Partant, il ne sera pas donné suite aux mesures d’instruction requises, en soi non obligatoires.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             Le recourant conteste la décision de l’OCPM, en tant qu’elle constate la caducité de son autorisation d’établissement.

9.             Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la LEI. En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 2a; ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 3c et les références citées), prévaut. Dans le cas particulier, les faits pertinents pour le constat de la caducité se sont déroulés avant le 1er janvier 2019, tandis que ceux relatifs au refus d’octroi d’une nouvelle autorisation se sont déroulés après cette date. Pour le premier volet, compte tenu du fait que l’application du nouveau droit ne conduirait pas à une issue différente de l’examen de l’affaire sous l’angle des anciennes dispositions, il y a lieu d’appliquer la LEI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques. Pour le second volet, le nouveau droit est applicable.

10.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), dont notamment l’ALCP.

11.         En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.

Ainsi, l'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE/AELE, la LEI ne s'appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l'ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (Directives OLCP-1/2024 éditées par le secrétariat d'État aux migrations [ci‑après : SEM], chiffre 1.2.3, p. 11). Les conditions au maintien d'une autorisation de séjour étant plus larges selon la LEI, l'art. 61 al. 2 LEI est applicable (ATA/1793/2019 consid. 3b).

12.         En l’espèce, il n’est pas contesté que la question de savoir si le permis de séjour du recourant est devenu caduc est régie par la LEI, nonobstant sa nationalité portugaise.

13.         L'autorisation d'établissement est octroyée pour une durée indéterminée (art. 34 al. 1 LEI). Cela ne signifie toutefois pas qu'elle est valable ad aeternam, ne serait-ce que parce que le droit de séjour ne peut subsister que s'il repose effectivement sur la présence personnelle de l'étranger (ATA/1155/2018 du 20 octobre 2018 consid. 3a ; Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, état au 1er juin 2024, ch. 3.4.3 [ci-après : Directives LEI]).

Ainsi, selon l’art. 61 al. 2 LEI, l’autorisation d’établissement d’un étranger quittant la Suisse sans déclarer son départ prend automatiquement fin après six mois. Sur demande, ladite autorisation peut être maintenue pendant quatre ans.

Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEI ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 OASA). La demande de maintien de l’autorisation d’établissement doit être déposée avant l’échéance du délai de six mois prévu par l’art. 61 al. 2 LEI (art. 79 al. 2 OASA).

14.         L’extinction de l’autorisation au sens de l’art. 61 LEI s’opère de jure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1 et les références citées), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

15.         Une autorisation de séjour ne peut subsister lorsque l'étranger passe l'essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s'il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2; 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_158/2020 du 21 août 2020 consid. 3.2 ; 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.1). Un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier (ATA/1793/2019 du 10 décembre 2019 et les références citées).

16.         Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (cf. ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3 ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

17.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a récemment confirmé la caducité de l’autorisation d’établissement d’un recourant, qui n’avait pas annoncé son départ de Suisse et conservé l’adresse de son logement à Genève, alors qu’il avait en fait déménagé avec sa famille en France voisine où il était propriétaire d’un bien immobilier. La chambre administrative a retenu que le centre d’intérêts du recourant se trouvait, non pas à Genève, mais en France voisine où, partant, il séjournait au sens de la loi (ATA/431/2024 du 26 mars 2024).

18.         Dans un autre arrêt, la chambre administrative a confirmé la caducité de l’autorisation de séjour d’un recourant et de sa fille dont le centre des intérêts se trouvait, non pas à Genève, où ils louaient un studio, travaillait, respectivement étudiait, mais à Veigy-Foncenex (France) auprès de leur épouse, respectivement mère. C'était donc en France voisine qu'ils séjournaient au sens de la loi (ATA/325/2024 du 5 mars 2024).

19.         La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 et les références citées ; ATA/556/2024 du 2 mai 2024 consid. 4.6 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 13 et les références citées).

Il incombe en effet à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1 ; ATA/111/2024 du 30 janvier 2024 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 et la référence citée ; 2C_703/2008 du 8 janvier 2009 consid. 5.2 ; 2C_80/2007 du 25 juillet 2007 consid. 4 et les références citées).

20.         L'étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_161/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.1). Il est tenu de fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (art. 90 al. 1 let. b LEI). Selon la jurisprudence, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1).

21.         Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/442/2024 du 27 mars 2024 consid. 6.1.12 ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 6 et l’arrêt cité).

22.         Lorsque les faits ne peuvent être prouvés d'une façon indubitable, une partie peut présenter une version des événements avec une vraisemblance, qui se rapproche de la certitude (ATF 107 II 269 consid. 1b). L'autorité doit alors apprécier la question de savoir si l'ensemble des circonstances permet de conclure à l'existence de l'élément de fait à démontrer. Elle peut en un tel cas se contenter de la preuve circonstancielle en faisant appel à son intime conviction et décider si elle entend tenir le fait pour acquis. Plus la conséquence juridique rattachée à l’admission d’un fait est grave, plus l’autorité doit être stricte dans son appréciation des faits (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., 1991, p. 256 n. 1172). La décision constatant la caducité d'une autorisation d'établissement est importante au point d'exiger un état de fait clairement établi (ATA/13/2017 du 10 janvier 2017 consid. 4).

23.         Par ailleurs, en procédure administrative cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/590/2022 du 3 juin 2022 consid. 4a et les références cités).

24.         De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.7).

25.         En l’espèce, lors de son audition à la police le 23 octobre 2019, l’intéressé a déclaré vivre en France avec ses parents et sa sœur, à B______ (France), ceci depuis cinq ou six ans, soit à tout le moins depuis 2014. À cet égard, il sied de relever que si le recourant était encore mineur à l’époque, il était néanmoins âgé de plus de 15 ans et de toute évidence capable de discernement, de sorte que ses déclarations peuvent être appréciées avec autant de crédibilité que celles d’un adulte. Il faut encore souligner que, lors de son audition à la police, son père était présent et que l'on voit mal, si son fils avait fait pour une raison ou une autre des déclarations très éloignées de la vérité, que le procès-verbal n'en ait porté aucune trace, ou que le père ne soit pas intervenu postérieurement d'une quelconque manière auprès de l'autorité intimée pour donner sa propre version des faits.

Dans le cadre de son recours, le recourant soutient désormais avoir résidé à Genève jusqu’à fin juillet 2020 au moins, date à laquelle il aurait suivi ses parents en France, avant de revenir s’installer, quelques mois plus tard, chez sa tante et son oncle à Genève. Il n’apporte toutefois aucune preuve probante de la réalité de son séjour à Genève durant la période litigieuse (2014 à 2020). En particulier, la mention de l’adresse genevoise de la famille sur l’attestation de dépôt de plainte à la police déposée le 6 juillet 2018 par sa mère – pour un vol commis en France le 9 juin 2018 – n’est pas apte à démontrer qu’il séjournait effectivement à cette adresse. De même, l’avis judiciaire du 24 juillet 2020 pour évacuer l’appartement du D______ [GE] ne signifie pas encore que la famille résidait effectivement dans ledit logement, étant relevé que le recourant a déclaré lors de son audition à la police en octobre 2019 que son père sous-louait cet appartement. Par ailleurs, le fait qu’il était scolarisé à Genève – ce qui n’est au demeurant pas démontré – ou que le véhicule de sa mère était toujours immatriculé à Genève en 2018 ne suffit pas non plus à démontrer qu’il séjournait effectivement dans le canton à cette époque, et en particulier dans l’appartement familial situé au D______ [GE].

Le recourant n’a pas non plus documenté son séjour depuis son présumé retour à Genève, dont la date n’a pas été précisée. L’enquête domiciliaire effectuée par l’OCPM le 14 avril 2023 a toutefois permis d’établir qu’à cette date, l’intéressé n’était pas revenu s’installer à Genève chez sa tante et son oncle, contrairement à ce qu’il a indiqué. Le contrat d’apprentissage signé par le recourant le 31 mai 2023, de même que l’attestation de son oncle et de sa tante du 13 septembre 2023, qui indique qu’ils hébergent le recourant et sa sœur pendant la semaine (sans préciser depuis quand) ne contredissent d’ailleurs pas cette conclusion. Ce dernier document est de toute manière sujet à caution dès lors qu’il a pu été émis pour les besoins de la cause par des personnes très proches du recourant.

Le recourant échoue ainsi à démontrer qu’il a effectivement résidé et conservé un domicile en Suisse après 2014.

Dans ces conditions, il peut être considéré comme établi que, sans le déclarer à l’autorité compétente, le recourant a quitté la Suisse au plus tard en octobre 2014, date à partir de laquelle il n’a pas été en mesure de prouver l’existence d’un domicile effectif à Genève, et ce pendant une période supérieure à six mois. Qu’il ait pu continuer à suivre sa scolarité à Genève ne change rien à ce constat. En effet, conformément à la jurisprudence, de tels séjours en Suisse ne sauraient être considérés autrement que comme des séjours temporaires, dans le cadre desquels une fois l’activité (scolaire, professionnelle ou de loisir) terminée, l’intéressé regagnait le domicile familial en France. En outre, il est constant que le recourant n'a à aucun moment déposé une demande tendant au maintien de son autorisation d'établissement, conformément à ce que prévoit l'art. 61 al. 2 LEI.

Partant, l’OCPM ne pouvait que constater que la validité de l’autorisation d’établissement du recourant avait pris fin de jure six mois après son départ de Suisse, soit au plus tard en avril 2015, et c’est ainsi à juste titre qu’il a constaté la caducité de cette dernière, étant précisé que l'autorité intimée ne disposait d'aucune marge de manœuvre dans ce domaine.

26.         À titre subsidiaire, le recourant sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’ALCP. Il estime que le contraindre à faire une nouvelle demande de permis constituerait un formalisme excessif.

27.         Le séjour effectif en Suisse préside à l’octroi de toute autorisation de séjour au titre de l’ALCP ou de la LEI et est par conséquent une condition implicite à la délivrance d’une autorisation de séjour. En règle générale, le maintien de l’autorisation de séjour est subordonné à la présence de son titulaire en Suisse durant la majeure partie de l’année (cf. Directives LEI, ch. 3.4.3 et la référence citée). 

28.         En l’occurrence, en sa qualité de ressortissant portugais, le recourant peut en principe prétendre à un titre de séjour en Suisse en vertu de l’ALCP. Toutefois, comme vu précédemment, l’intéressé n’a, à ce jour, pas établi résider effectivement dans le canton. Or, compte tenu de la condition nécessaire de la résidence effective sur le territoire suisse, c’est à juste titre également que l’autorité intimée a refusé de lui délivrer une nouvelle autorisation de séjour sur la base de l’accord précité.

29.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

31.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 27 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière