Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1479/2024

JTAPI/426/2024 du 06.05.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION PRÉPARATOIRE
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.75.al1.letb; LEI.75.al1.letg; LEI.76.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1479/2024 et A/1499/2024 MC

JTAPI/426/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sophie BOBILLIER, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1997, est originaire du Nigéria.

2.             Le 18 juillet 2020, le commissaire de police a prononcé à l'égard de M. A______ une interdiction de pénétrer sur le territoire cantonal pour une durée de douze mois, après qu'il eut vendu à un toxicomane une boulette de cocaïne de 0,4 grammes en échange de CHF 35.-.

3.             N'ayant pas respecté cette injonction, M. A______ et a été condamné le 6 août 2020 et le 22 novembre 2021 respectivement par le Ministère public et le Tribunal de police genevois du chef d'infraction à l'art. 119 loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4.             Le 11 janvier 2023, les forces de l'ordre ont observé M. A______ prendre contact avec un toxicomane à l'angle du bâtiment universitaire, du côté du boulevard Carl-Vogt. Suspectant une transaction de drogue, la police a décidé de procéder à l'interpellation des deux protagonistes. Le toxicomane a remis à la police une boulette de cocaïne d'un gramme expliquant avoir remis CHF 100.- peu de temps avant, à l'individu de type africain dont il venait de se séparer. M. A______ était son dealer depuis deux ans auprès de qui il achetait deux grammes de cocaïne par mois.

5.      Le même jour, M. A______ a été interpellé à sa sortie du restaurant McDonald's de Plainpalais après avoir commandé à manger. Il était en possession d'une autorisation de séjour italienne échue depuis le 9 décembre 2022. Sa fouille de sécurité a également permis de découvrir qu'il était en possession d'une carte bancaire de débit B______ au nom de Madame C______. Contactée par la police, cette dernière a expliqué avoir dû égarer sa carte à la fin du mois d'octobre. Sur vérification de son relevé bancaire, elle a constaté une pléthore de paiements frauduleux variant entre CHF 10 et 20.- depuis le 26 octobre 2022 dans des établissements genevois, dont le dernier paiement s'était déroulé le jour même dans le McDonald's de Plainpalais.

6.             Lors de son audition par la police, M. A______ a nié avoir vendu de la drogue. Quant à la carte, elle lui avait été donnée par une femme, dont il ignorait le nom et l'adresse, afin qu'il achète de la nourriture. Il se trouvait à D______ (France) depuis trois ou quatre jours et était venu à Genève le jour de son interpellation. En Italie, il travaillait comme mécanicien auto en E______ pour un salaire mensuel d'EUR 1'800.-. Il n'avait pas de liens particuliers avec Genève dans la mesure où sa compagne et son enfant de quatre ans résidaient en Italie.

7.             Par ordonnance pénale du Ministère public du 12 janvier 2023, M. A______ a été condamné à une peine privative de liberté de 150 jours des chefs d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur au sens de l'art. 147 du Code pénal suisse 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), infraction à l'art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI. Il a ensuite été libéré et remis en mains de la police.

8.             Le 12 janvier 2023 à 15h20, le commissaire de police a, en application de l'art. 74 LEI, prononcé une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève), à son encontre pour une durée de 18 mois.

La durée et l’étendue de la mesure s’inscrivaient dans le cadre de la jurisprudence et se justifiaient au regard de son activité délictuelle. L’étendue géographique tenait compte du fait que l’intéressé était susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton de Genève, avec lequel il n’avait aucun lien particulier.

9.             M. A______ a formé immédiatement opposition contre cette décision devant le commissaire de police lequel l'a ensuite transmis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

10.         Entendu par le tribunal le 26 janvier 2023, M. A______ a confirmé son opposition à la mesure prise par le commissaire de police en raison du fait que son amie, avec laquelle il était en relation depuis dix-huit mois, vivait à Genève. Il n'était pas en mesure d'indiquer l'identité exacte ni l'adresse de cette dernière. Celle-ci aurait voulu se présenter devant le tribunal afin de témoigner en sa faveur mais n'avait pas pu le faire en raison de son travail. Elle avait toutefois rédigé une lettre à l'attention du tribunal. La décision querellée aurait ainsi des conséquences néfastes pour son couple étant précisé qu'il souhaitait se marier avec son amie. Il vivait le reste du temps à D______. Après l'audience, il avait l'intention de se rendre en E______ pour voir son fils de quatre ans. Il avait également un travail en E______.

Il contestait les faits qui lui étaient reprochés et qui avaient amené à son interpellation le 11 janvier 2023.

Il avait d'ailleurs formé opposition à l'ordonnance pénale. Quant à la durée de la mesure, elle était beaucoup trop longue. Il était exact que son permis de séjour italien était échu mais il retournerait en Italie pour débuter le processus de renouvellement de ses documents.

Le représentant du commissaire de police a relevé que M. A______ avait été condamné à trois reprises. S'agissant de sa dernière arrestation, les indices étaient suffisants pour justifier la mesure prise à son encontre. Ses déclarations concernant une relation n’étaient pas crédibles, dès lors qu'il ne connaissait même pas l'identité et l'adresse de son amie.

Le conseil de M. A______ a indiqué que son mandant ne s'opposait pas au principe de la mesure d'éloignement. Celle-ci était toutefois disproportionnée tant dans la durée que dans l'étendue géographique. M. A______ n’était pas un grand criminel et n'avait jamais été condamné pour trafic de stupéfiants. Il convenait ainsi de réduire la mesure au centre-ville de Genève afin qu'il puisse venir rendre visite à son amie lorsque ses documents d'identité italiens seraient renouvelés.

11.         Par jugement du 30 janvier 2023, le tribunal a rejeté l’opposition (JTAPI/115/2023).

M. A______ n'était pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement. Il y avait des indices concrets de la commission de délits dans le milieu de la drogue le 11 janvier 2023, nonobstant ses dénégations. Il pouvait effectivement être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics et il apparaissait clairement, notamment eu égard à sa situation économique très précaire, qu'il pourrait encore commettre des infractions de même nature que celles pour lesquelles il avait été condamné s'il était autorisé à pouvoir encore se rendre à Genève. Il ne démontrait nullement les éventuels besoins ou affaires urgentes qui l’amèneraient à se rendre à Genève malgré l’absence d’autorisation. Dans ces conditions, son intérêt privé à venir rencontrer son amie, la relation avec celle-ci fût-elle réelle, stable et durable, ne saurait entraîner une éventuelle adaptation du périmètre interdit. La durée de la mesure s’inscrivait dans le cadre de la jurisprudence et tenait compte du fait qu’il s’était, à nouveau, trouvé impliqué dans une affaire de stupéfiants.

12.         Ce jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 14 février 2023 (ATA/152/2023).

13.         Le 30 avril 2024, M. A______ a à nouveau été interpellé à Genève, en possession de son passeport Nigérian valable jusqu'au 7 novembre 2027 et d'un titre de séjour en Italie de type « lavoro autonomo » échu depuis le 10 décembre 2022. A cette occasion, il a refusé de répondre aux agents de police puis a été écroué aux fins de purger une condamnation à des jours-amende prononcée à son endroit le 22 novembre 2021 et demeurée impayée.

14.         Le 2 mai 2024, s'étant acquitté de la peine pécuniaire pour laquelle il avait été écroué le 30 avril 2024, M. A______ a été libéré par le service d'application des peines et mesures (SAPEM) et mis à disposition du commissaire de police, lequel a initié les démarches en vue de sa réadmission en Italie.

15.         Le même jour, à 20h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative (phase préparatoire) à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, en application de l’art. 75 al. 1 let. b et g LEI.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Nigéria mais qu'il était d'accord de retourner en Italie.

16.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

17.         Par courriel du 3 mai 2024, les autorités italiennes ont informé les autorités suisses que M. A______ avait déposé une demande de renouvellement de son permis séjour italien le 9 mars 2023, laquelle avait été acceptée. Il était ainsi titulaire d’un titre de séjour dans ce pays, valable jusqu’au 8 décembre 2024.

18.         Par décision du 6 mai 2024, exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse l’intéressé. Cette décision lui a été notifiée le même jour.

19.         Le 6 mai 2024, à 10h46, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b et g LEI, ch. 3 et 4 LEI. Il a soumis cet ordre au tribunal le même jour.

20.         Entendu ce jour par le tribunal concernant les deux ordres de mise en détention prononcés à son encontre, M. A______ a confirmé qu’il était toujours d’accord de retourner en Italie. Sur question de son conseil, il avait un emploi de mécanicien automobile en Italie et devrait, en principe, reprendre le travail mercredi prochain. Il n’était pas marié mais avait deux enfants en Italie. S’il était libéré ce jour, il repartirait immédiatement en Italie pour reprendre son travail. Lorsqu’il avait été interpellé par des officiers en civil dans le tram, il se rendait chez son avocate. Il savait qu’il ne pouvait pas venir à Genève mais il y avait eu une incompréhension avec son avocate qui lui avait dit, par courrier du 1er mai 2024, qu’ils devaient se rencontrer préalablement à l’audience du 7 mai 2024. Comme il n’arrivait pas à la joindre par téléphone, il avait décidé de se rendre directement à son étude.

Son conseil a versé à la procédure la convocation du 16 janvier 2024 pour l'audience du 7 mai 2024 devant le tribunal de police ainsi qu’une demande de sauf-conduit en faveur de son client pour qu’il puisse assister à cette dernière.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure l'original de l'ordre de détention administrative du 6 mai 2024 ainsi que la demande de réadmission de M. A______ adressée ce jour aux autorités italiennes. En principe, il fallait compter une dizaine de jours pour que les autorités italiennes leur répondent. La réadmission, cas échéant se faisait par voie terrestre au poste-frontière de Chiasso, les jeudis. Ils devaient préalablement s’assurer que les intéressés disposaient d'une place, la veille, dans l'établissement de la Stampa, en vue de leur réacheminement le lendemain. Elle a plaidé et conclu à la confirmation des ordres de mise en détention administrative, pris en phase préparatoire puis exécutoire, pour une durée d'un mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative de son mandant et à sa mise en liberté immédiate avec un délai de départ d'un jour. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la durée de sa détention administrative ne dépasse pas quarante-huit heures. La détention de M. A______ était illégale - ce dernier disposant d'un titre de séjour italien valable - et disproportionnée, son client ayant indiqué souhaiter retourner en Italie aussitôt l'audience devant le tribunal de police terminée.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

3.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 2 mai 2024, à 18h30.

4.            Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

5.            En l'occurrence, les causes A/1479/2024 et A/1499/2024 se rapportant à un complexe de faits connexes et concernant les mêmes parties, leur jonction sous la cause A/1479/2024 sera ordonnée.

6.            La détention en phase préparatoire (art. 75 LEI) peut être remplacée directement par une détention en vue du renvoi (art. 76 LEI) - c'est-à-dire sans qu'il soit nécessaire de libérer l'étranger dans l'intervalle -, lorsque la décision de renvoi est prise en première instance (art. 76 al. 1 let. a LEI). Il faut cependant que la détention en vue du renvoi fasse l'objet d'une décision formelle, soumise à un contrôle judiciaire. Le délai de 96 heures prévu à cette fin (art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr) court en principe dès l'incarcération. Lorsque l'étranger se trouvait déjà en détention (en phase préparatoire), c'est la notification de la décision de renvoi de première instance qui en constitue le point de départ, car c'est par cette décision que la détention en phase préparatoire perd sa justification (ATF 121 II 105 consid. 2a et b ; cf. aussi ATF 127 II 174 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2.1 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 16 p. 784 ; cf. aussi not. ATA/671/2015 du 23 juin 2015 consid. 8b ; ATA/355/2014 du 14 mai 2014 consid. 4d ; ATA/85/2012 du 10 février 2012 consid. 8).

7.            La détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEI) peut ainsi être prononcée alors que la décision de première instance relative à la mesure de renvoi ou d'expulsion n'est pas encore entrée en force et n'est de ce fait pas encore exécutoire ; une telle détention n'est pas contraire au principe de proportionnalité du seul fait du dépôt d'un recours contre cette décision par l'étranger (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 ; 140 II 74 consid. 2.1 ; 128 II 103 consid. 1.3 ; 125 II 377 consid. 5a et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_170/2020 du 17 août 2020 consid. 4.4 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.3 ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 5 p. 779).

8.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

9.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

10.        A teneur de l'art. 75 al. 1 let. b et c LEI, afin d'assurer l'exécution d'une procédure de renvoi ou d’une procédure pénale pouvant entraîner une expulsion obligatoire au sens des art. 66a ou 66abis CP195 ou 49a ou 49abis CPM, l'autorité compétente peut mettre en détention une personne qui n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement, lorsqu'elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI, respectivement, lorsqu’elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif.

11.        En l'occurrence, M. A______, qui n'est titulaire d'aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement en Suisse, a été interpellé à réitérées reprises pour trafic de cocaïne et violations d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève. Il a été condamné pour ces motifs, la dernière fois le 28 juillet 2023 par le Ministère public. Démuni de toute ressource financière établie et sans domicile fixe démontré, il présente un risque de récidive avéré en matière de trafic de stupéfiants, risque qui s’est d’ailleurs déjà concrétisé. En outre, démuni de tout titre de séjour en cours de validité en Italie, lors de son arrestation, il ne pouvait être renvoyé immédiatement de Suisse et les démarches en vue, notamment, du prononcé d’une décision de renvoi de Suisse devaient être entreprises. Par conséquent, les conditions légales de sa détention en phase préparatoire, au sens de l’art. 75 al. 1 let. b et g LEI étaient réalisées lors du prononcé de ladite mesure, qui doit donc être confirmée dans son principe et sa durée, très courte (du 2 au 6 mai 2024), a sans conteste respecté le cadre légal fixé par les art. 75 al. 1 et 79 al. 1 LEI. L’on relèvera à cet égard, que contrairement à la situation prévalant dans la jurisprudence citée par son conseil (ATA/800/2015 du 7 août 2015), M. A______ n’a pas collaboré lors de son arrestation, refusant de répondre aux agents de police. Seules les démarches des autorités suisses ont permis de confirmer la légalité de son séjour en Italie. L’intéressé a de plus admis savoir faire l’objet d’une mesure d’interdiction et ses explications quant à sa présence en Suisse le jour de son interpellation ne convainquent pas. Sa mise en détention préparatoire le 2 mai 2024 était dès lors également parfaitement proportionnée.

12.        Aux termes de l'art. 76 al. 1 let. a LEI, lorsqu'une décision de renvoi de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, maintenir en détention la personne concernée lorsque celle-ci est déjà détenue en vertu de l'art. 75 LEI.

13.        Cela suppose que le motif de détention en question soit toujours donné. Dans le cadre du contrôle de cette détention, toutes les conditions de la détention doivent être revérifiées, ainsi que les motifs de détention selon l'art. 75 al. 1 let. a à h LEI. Un renvoi partiel à - ou une reprise partielle de - la motivation de la mise en détention prononcée ou confirmée selon l’art. 75 LEI est néanmoins admissible, à condition qu’il soit dûment tenu compte des spécificités de la détention selon l’art. 76 LEI et des éventuels changements dans la situation personnelle de l’étranger (Gregor CHATTON et Laurent MERZ op. cit. p. 784).

14.        Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

15.        Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

16.        Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c’est-à-dire la réalisation de l’un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

17.        Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du refoulement, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

18.        Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

19.        En l'occurrence, le bien-fondé et la proportionnalité de l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre du recourant le 2 mai 2024 ont été confirmés ci-dessus. Il en découle que son maintien en détention peut reposer sur l'art. 76 al. 1 let. a LEI, puisqu'une décision de renvoi a depuis lors été prise à son endroit, le fait que celle-ci ne soit pas définitive à ce stade étant sans portée. Le principe de la légalité est donc respecté et point n'est besoin de déterminer encore si, comme l'a retenu le commissaire de police, le motif prévu par la combinaison des art. 75 al. 1 let. g et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, est aussi réalisé.

L’assurance de son départ de Suisse répond en outre toujours à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où pourra être finalisé son renvoi, étant relevé que l’intéressé n’a ni résidence fixe ni source légale de revenu en Suisse et que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Il ne pourrait ainsi pas, comme il le souhaite, être simplement remis en liberté pour se rendre en Italie par ses propres moyens. Dans son principe, sa mise en détention respecte donc aussi le principe de la proportionnalité.

20.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010).

21.        Par ailleurs, selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEtr) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait pas partie des Etats Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEtr).

22.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

23.        En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, en tant qu'elle a immédiatement procédé aux démarches en vue de la réadmission de l'intéressé en Italie. Après avoir obtenu la confirmation que ce dernier était au bénéfice d’un titre de séjour italien valable, elle a aussitôt formellement requis sa réadmission par les autorités italiennes.

Dans la mesure où les autorités sont toujours dans l'attente de la réponse des autorités italiennes et qu’il leur faudra ensuite, encore quelques jours pour finaliser le renvoi de l’intéressé, la durée décidée d’un mois respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. Cette durée pourrait au demeurant s’avérer relative puisque, si les autorités italiennes donnent leur accord rapidement, le renvoi de l’intéressé pourrait alors être finalisé sans délai et sa détention prendrait fin avec son renvoi en Italie.

24.        Au vu de ce qui précède, il y a également lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ prononcé le 6 mai 2024 pour une durée d'un mois.

25.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M.  A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme en tant que de besoin le premier ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 2 mai 2024 à 20h25 à l’encontre Monsieur A______ ;

2.             confirme le second ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 6 mai 2024 à 10h46 à l’encontre Monsieur A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 5 juin 2024, inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière