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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/397/2024

JTAPI/210/2024 du 11.03.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;MODIFICATION DES CIRCONSTANCES;MALADIE;DÉTENTION(INCARCÉRATION);KOSOVO
Normes : LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/397/2024

JTAPI/210/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMERIQUE

 


EN FAIT

1.             Binational kosovar et serbe né le ______ 1965, Monsieur A______ est arrivé en Suisse en 1993, où il a demandé l’asile.

2.             À la suite de son mariage avec une ressortissante suisse dont il a depuis divorcé, M. A______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour, puis, à compter de 1999, d’une autorisation d’établissement régulièrement renouvelée.

3.             M. A______ est père d’un fils, né au Kosovo en 1998, qui vit dans son pays d’origine avec sa mère. En septembre 2016, il a eu une fille, B______, avec Madame C______, sa compagne actuelle, également originaires du Kosovo, lesquelles vivaient à L______, dans le canton de Vaud. Mme C______ et sa fille ont acquis la nationalité suisse par naturalisation ordinaire en juin 2018.

4.             Par jugement du 10 octobre 2014 (JTCR/5/2014), le Tribunal criminel a reconnu M. A______ coupable de tentative d’assassinat et d’infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm - RS 514.54), et l’a condamné à une peine privative de liberté de sept ans, sous déduction de 230 jours de détention avant jugement.

Par arrêt du 16 octobre 2015 (AARP/550/2015), la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a rejeté l’appel de M. A______ et confirmé le jugement entrepris le concernant.

Par arrêt du 5 juillet 2017 (6B_445/2016), le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par le Ministère public et renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision au sens des considérants s’agissant de M. A______.

Par arrêt du 22 décembre 2017 (AARP/67/2018), la CPAR a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de onze ans et six mois, sous déduction de 230 jours de détention avant jugement et de 354 jours correspondant à l’imputation des mesures de substitution.

Par arrêt du 27 juillet 2018 (6B_352/2018), le Tribunal fédéral a rejeté le recours de M. A______.

5.             Le 30 mai 2016, alors que la procédure pénale était pendante, M. A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour, en vue du regroupement familial, en faveur de son fils vivant au Kosovo.

6.             Le 31 mai 2017, à la suite de plusieurs courriers de M. A______, l’OCPM lui a indiqué que la peine prononcée à son encontre par le juge pénal était susceptible de remettre en question la poursuite de son séjour en Suisse.

7.             Le 27 novembre 2017, à la demande de l’OCPM, M. A______ l’a renseigné sur ses relations familiales à Genève, où vivaient ses cousins et ses neveux, ainsi que sur ses revenus.

8.             Le 1er février 2018, l’OCPM a indiqué à M. A______ que la peine à laquelle l’avait condamné la CPAR pouvait conduire le département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (actuellement : le département des institutions et du numérique – ci-après : le département) à révoquer son autorisation d’établissement. Il lui a imparti un délai pour se déterminer.

9.             Le 8 mars 2018, M. A______ s’est opposé à la révocation de son autorisation d’établissement.

10.         Par décision du 27 avril 2018, le département a révoqué l’autorisation d’établissement de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse.

Au regard de sa condamnation à une peine privative de liberté de onze ans et six mois pour tentative d’assassinat, l’un des motifs de révocation de l’autorisation d’établissement était réalisé. Sous l’angle de la proportionnalité, la durée de son séjour en Suisse, sa bonne intégration professionnelle et sa récente paternité n’étaient pas des éléments suffisants face à l’intérêt public à son éloignement, compte tenu de la gravité des faits à une époque où il pouvait déjà se prévaloir d’une situation personnelle et professionnelle stable. Bien qu’il se soit conformé aux mesures de substitution ordonnées par le juge pénal, il était endetté pour des montants importants. Il avait gardé de nombreux liens avec sa famille au Kosovo, où il était retourné à plusieurs reprises et avait vécu jusqu’à ses 27 ans. L’exécution du renvoi était en outre possible, licite et raisonnablement exigible.

11.         Par acte du 31 mai 2018, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation d’établissement.

12.         Par jugement du 12 novembre 2018 (JTAPI/1104/2018), le tribunal a rejeté le recours de M. A______.

13.         Saisie par l’intéressé, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), a rejeté son recours par arrêt du 26 novembre 2019 (ATA/1721/2019).

14.         Par arrêt du 30 avril 2020 (2C_68/2020), le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ à l’encontre de l’arrêt de la chambre administrative précité.

15.         Le 24 novembre 2023, l’OCPM a rappelé à M. A______ que par décision du 27 avril 2018, son autorisation d’établissement avait été révoquée et qu’il faisait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse. Il avait en outre été condamné à une peine privative de liberté de onze ans et six mois pour délit contre la LArm, ainsi que pour tentative d’assassinat. En outre, une procédure était en cours auprès du Ministère public pour escroquerie et faux dans les titres. Dès lors, les autorités compétentes envisageaient de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) à son encontre. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

16.         Le 22 décembre 2023, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande de reconsidération de la décision du 27 avril 2018. Il a conclu, sur mesures provisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif. Il a sollicité sa comparution personnelle. Au fond, il a demandé le renouvellement de son autorisation d’établissement, subsidiairement l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, le tout sous suite de frais et dépens.

Il avait formé le projet d’épouser sa compagne, Mme C______, qui avait été naturalisée comme sa fille. Au cours de sa détention, il avait reçu de nombreuses visites de leur part. Il s’est par ailleurs prévalu de son comportement exemplaire en prison, de ses ennuis de santé – à savoir un cancer du côlon qui lui avait été diagnostiqué en novembre 2023 – et, enfin, le fait qu’il réalisait un revenu provenant de son travail.

17.         Par jugement du 4 janvier 2024 (PM/1327/2023), le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a notamment ordonné la libération conditionnelle de M. A______, avec effet au jour de son renvoi effectif de Suisse, mais au plus tôt pour le 16 janvier 2024.

Ce jugement a fait l’objet d’un recours à la chambre pénale de recours de la Cour de justice, laquelle a rejeté la demande d’effet suspensif, sollicitée par l’intéressé.

18.         Par décision du 26 janvier 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, le département a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par M. A______.

Les projets de mariage avec Mme C______, l’intensification des relations qu’il avait entretenues avec celle-ci et sa fille, tout comme sa nouvelle situation professionnelle constituaient des éléments résultant de l’écoulement du temps. Il en allait de même du fait qu’à ce jour, il ne représenterait plus une menace pour la société et qu’il aurait fait preuve d’un très bon comportement au cours de l’exécution de sa longue peine privative de liberté.

Par ailleurs, ses troubles de santé pouvaient être traités au Kosovo. Dès lors, ils ne constituaient pas des changements notables.

Enfin, sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur n’avait pas lieu d’être examinée, étant donné que les autorités fédérales étaient sur le point de prononcer à son encontre une IES et que son renvoi était en passe d’être exécuté.

19.         Par acte du 6 février 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le tribunal en concluant, à titre de mesures superprovisoires, à la restitution de l’effet suspensif et à ce qu’il soit autorisé à demeurer en Suisse jusqu’à droit jugé au fond. Préalablement, il a sollicité sa comparution personnelle, l’audition de témoins et une expertise en vue de déterminer son état de santé, ainsi que sa dangerosité. Quant au fond, il a conclu à l’annulation de la décision du 26 janvier 2024 et à l’octroi d’une autorisation d’établissement, le tout sous suite de frais et dépens.

Durant toute sa détention, il avait adopté un comportement exemplaire. Le 27 février 2018, il avait été admis à l’établissement de la Brenaz. Le 29 juillet 2020, il avait été incarcéré à Bellechasse. Les 26 janvier 2022, 27 juillet et 16 août 2023, la commission d’évaluation de la dangerosité (ci-après : CED) avait estimé qu’il ne présentait pas de danger pour la collectivité dans le cadre de l’octroi d’un régime de conduite encadré par Bellechasse et qu’il pouvait bénéficier du régime de travail externe. Il avait reçu de très nombreuses visites de sa compagne et de sa fille durant sa détention et avait entretenu des rapports avec elles.

En novembre 2023, un cancer du côlon lui avait été diagnostiqué et il avait été opéré ce même mois. Une surveillance étroite était nécessaire. Il était également suivi pour des atteintes psychologiques.

Il avait commencé à travailler durant la semaine suivant son transfert à l’Établissement ouvert le Vallon, le 22 août 2023. Il percevait un salaire de CHF 6'500.-. Il n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale ni émargé à l’assurance-chômage. Les dettes qu’il avaient accumulées résultaient de sa condamnation pénale et se rapportaient aux périodes d’incarcération, rendant toute activité professionnelle impossible.

Le préavis de la CED du 29 novembre 2023 faisait état de son comportement adéquat envers le personnel et ses codétenus, de sa bonne intégration, de son respect du cadre institutionnel et de son projet de s’installer avec sa famille à L______. Le préavis du service d’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) relevait son très bon comportement dans le cadre de l’exécution de sa peine. Il se montrait digne de confiance à l’encontre des allégements progressifs qui lui avaient été accordés. Il mentionnait également son intention de travailler en tant que chef de projet dans l’entreprise D______ SA, sa volonté de s’installer avec sa famille et de poursuivre son suivi psychothérapeutique. Enfin, il faisait état d’un faible risque de récidive.

L’effet suspensif à son recours devait être accordé, au vu de son intérêt à séjourner en Suisse durant la procédure. En effet, il y résidait depuis 1988, et bénéficiait d’un titre de séjour depuis 1993. Sa compagne et sa fille y vivaient également. Il était également gravement atteint dans sa santé et n’avait jamais eu recours à l’aide sociale. Il n’avait causé aucun problème à l’ordre public depuis les faits pour lesquels il avait été condamné et s’était depuis lors très bien comporté. Enfin, les chances de succès de son recours étaient manifestes.

Il avait fait valoir des faits nouveaux qui auraient dû contraindre l’OCPM à entrer en matière sur sa demande de reconsidération. Il se prévalait de l’écoulement du temps. Premièrement, les faits pour lesquels il avait été condamné remontaient à 2010, soit à presque quinze ans, ce qui représentait la moitié du délai de prescription [de l’action pénale] et deuxièmement, la durée de son séjour s’était allongée : il séjournait en Suisse depuis plus de trente-cinq ans. Il avait démontré sa capacité à entretenir une relation étroite avec sa compagne et sa fille, malgré sa détention. Or, il n’était pas envisageable que sa famille aille s’établir au Kosovo, compte tenu notamment de l’âge et de l’intégration de sa fille en Suisse. Sa situation professionnelle avait changé, étant donné qu’il avait retrouvé un emploi dans le cadre du régime du travail externe. Il pourrait ainsi entretenir sa famille et éponger ses dettes. Par ailleurs, ainsi qu’il avait été constaté, il ne représentait pas une menace pour la société. Il avait adopté un comportement irréprochable dans le cadre de sa détention.

L’OCPM ne s’était pas prononcé sur sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, au motif que les autorités fédérales étaient sur le point de prononcer une IES à son encontre. Or, à ce jour, aucune décision de la sorte n’avait été rendue.

Enfin, son renvoi aurait pour effet de le mettre concrètement en danger. Dès lors, il convenait de l’admettre provisoirement. Cas échéant, une expertise médicale devrait être ordonnée.

20.         Le 6 février 2024, le tribunal a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif à titre superprovisoire (DITAI/47/2024).

21.         Dans ses observations du 12 février 2024, le département a fait valoir que le renvoi de M. A______ avait été exécuté le 8 février précédent. En conséquence, la demande de restitution de l’effet suspensif, respectivement d’octroi de mesures provisionnelles, devait être déclarée sans objet. Quant au fond, le département a conclu au rejet du recours.

22.         Le 19 février 2024, le recourant a maintenu sa requête de restitution de l’effet suspensif. Le 11 mars 2024, il avait rendez-vous chez le médecin dans le cadre du traitement de son cancer du côlon. Il avait par ailleurs été convoqué par le Ministère public à une audience du 8 mars 2024 en qualité de personne appelée à donner des renseignements.

23.         Par réplique du 5 mars 2024, M. A______ a persisté dans son argumentation.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions du département des institutions et du numérique relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             Le recourant sollicite sa comparution personnelle, l’audition de sa compagne et demande que des expertises soient ordonnées, en vue de déterminer, d’une part la gravité de son état de santé et, d’autre part, sa dangerosité, dans l’hypothèse où il serait autorisé à demeurer en Suisse.

6.             Garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

7.             En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués. Le département a également répondu à son recours, se prononçant sur les griefs qu’il estimait pertinents pour l’issue du litige. Par ailleurs, le dossier comporte tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à la comparution personnelle du recourant et à l’audition de sa compagne, ces actes d'instruction n'étant au demeurant pas obligatoire.

En ce qui concerne ses problèmes de santé, le recourant a déjà produit des justificatifs médicaux récents à l’appui de son recours. En outre, le département ne conteste pas leur existence. En conséquence, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise comme le sollicite l’intéressé.

Il n’y a pas non plus lieu d’ordonner une expertise relative à sa dangerosité, car celle-ci a déjà été examinée par la CED et le SAPEM, les 29 novembre et 14 décembre 2023.

8.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque (let. a) un motif de révision au sens de l’art. 80, let. a et b, existe ou (let. b) les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

Selon l'art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît (let. a) qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision ou (let. b) que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

9.             En vertu de l’art. 48 al. 1 let. b LPA, dont l’application est seule envisageable en l’espèce, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des « faits nouveaux nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b).

L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

10.         Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (ATF 126 II 377 consid. 8d).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif., 2018, n. 1429 p. 493).

Ainsi, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3).

11.         Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l’intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d’entraîner une reconsidération de la décision incriminée (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5003/2019 du 6 avril 2020 consid. 4.3). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 3.3).

Ainsi, bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b).

12.         En l’espèce, le département a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération que le recourant a déposée le 22 décembre 2023, à l’encontre de la décision du 27 avril 2018, laquelle révoquait son autorisation d’établissement et prononçait son renvoi de Suisse.

En conséquence, l’objet du litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que le département a refusé d’entrer en matière sur la requête de l’intéressé. Sa conclusion tendant à l’octroi d’une autorisation d’établissement doit ainsi être déclaré irrecevable. Il en va de même de celle relative à son admission provisoire.

13.         Dans son recours, l’intéressé expose qu’il existe des faits nouveaux, qui auraient dû contraindre l’OCPM [recte : le département] à entrer en matière sur sa demande de reconsidération.

a.              Le recourant fait valoir que l’infraction commise remonte à 2010 et qu’il réside désormais depuis plus de trente-cinq ans en Suisse.

S'il n'est pas contesté que le recourant vit en Suisse depuis 1993, ce qui constitue une durée importante, il ne saurait toutefois retirer aucun avantage de l'écoulement du temps depuis le prononcé la décision du 27 avril 2018, période durant laquelle il purgeait une peine de prison en raison de la très grave infraction (tentative d’assassinat) qu'il a commise et qui précisément est à l'origine de la décision de révocation de son autorisation d’établissement et de son renvoi de Suisse.

b.             L’intéressé se prévaut du comportement exemplaire qu’il a adopté durant toute sa détention, soutenant qu’il ne représente plus une menace pour la société. Il se fonde sur des rapports de l’Établissement fermé de la Brenaz, établis à l’attention du SAPEM, les 18 juin 2018 et 6 avril 2020, ainsi que sur le deuxième bilan de phase et suite du plan d’exécution de la sanction pénale, rédigé par l’Établissement de détention fribourgeois (ci-après : EDFR) Bellechasse du 7 décembre 2021, indiquant qu’il ne pose aucun problème particulier en détention et qu’il présente un bon comportement.

Dans son rapport du 26 janvier 2022 adressé au SAPEM, la CED a retenu, dans la section « préparation à l’allégement – risque de fuite » que ce qu’il risquait en cas de fuite était important puisque la mère de son enfant résidait en Suisse et que son entreprise était encore active. Une conduite encadrée par l’EDFR Bellechasse pouvait être effectuée sans risque excessif pour la collectivité. Au point « synthèse pour la dangerosité », la CED a retenu qu’il n’avait pas encore admis sa pleine et entière responsabilité pénale, malgré la honte qu’il avait manifestée. Dans son rapport du 27 juillet 2023, la CED a estimé qu’il ne représentait pas un danger pour la collectivité dans le cadre d’un passage en régime de travail externe. Par décision du 16 août 2023, le SAPEM a donné une suite favorable à la requête de passage en régime de travail externe, que le recourant avait formulée le 12 mai précédent. Celle-ci devait être exercée à compter du 22 août 2023, depuis l’établissement ouvert Le Vallon.  

Les autorités compétentes en matière de droit des étrangers demeurent libres de tirer leurs propres conclusions quant à la dangerosité d'une personne pour l'ordre et la sécurité publique (ATF 137 II 233 consid. 5.2.2). En outre, un recourant ne saurait se prévaloir de son bon comportement en prison et depuis sa sortie de prison, car le contrôle étroit que les autorités pénales exercent sur un détenu au cours de la période d'exécution de sa peine ne permet pas de tirer des conclusions déterminantes de son attitude, du point de vue du droit des étrangers, afin d'évaluer sa dangerosité une fois en liberté. Il en va de même de la période de libération conditionnelle, puisqu'une récidive conduirait probablement à la révocation de ce régime (ATF 139 II 121 consid. 5.5.2).

Ces circonstances, quoique survenues postérieurement à la décision du 27 avril 2018, ne peuvent toutefois être qualifiées de fait nouveaux importants justifiant qu’il soit entré en matière sur sa demande de reconsidération. En effet, le recourant ne saurait retirer aucun avantage du fait que la CED et le SAPEM ont constaté son excellent comportement en détention, qu’elles ont estimé qu’il ne présentait pas un danger pour la collectivité et qu’elles lui ont accordé régime de travail externe. En effet, au moment où les rapports susmentionnés ont été établis et la décision du SAPEM, rendue, le recourant se trouvait sous le contrôle étroit des autorités pénales.

c.              Le recourant se prévaut également de l’intensification des relations entretenues avec sa fille, ainsi que de son projet de mariage avec la mère de celle-ci, toutes deux étant de nationalité suisse.

Ces éléments ne constituent pas des faits nouveaux, car ils ont déjà été examinés par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_68/2020 du 30 avril 2020 consid. 5.5), lequel s’est penché sur la pesée des intérêts effectuée par la chambre administrative dans son arrêt du 26 novembre 2019 (ATA/1721/2019). Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que le recourant et sa compagne n’avaient jamais fait ménage commun et que bien qu'il ne puisse être exigé de celle-ci qu'elle aille vivre au Kosovo, compte tenu de sa nationalité suisse, elle ne pouvait ignorer qu'elle risquait de devoir vivre sa vie de famille de manière séparée, le couple ayant conçu leur fille durant la procédure pénale dirigée contre l'intéressé. Il ne ressortait par ailleurs pas de l’arrêt de la chambre administrative que le recourant avait développé des liens particulièrement forts avec son enfant. Celle-ci avait d’ailleurs grandi jusqu'à présent essentiellement sans son père, puisqu'il était incarcéré. Père et fille pourraient enfin maintenir des contacts réguliers compte tenu de la distance raisonnable avec le Kosovo et des moyens de communication actuels.

Ainsi, la possible intensification des liens entre le recourant, sa femme et leur fille qui n'est due qu'à l'écoulement du temps, ne saurait constituer une modification notable des circonstances permettant d'entrer en matière sur sa demande de révision.

d.             Le recourant invoque également l’amélioration de sa situation financière. Après avoir travaillé pour E______, suivant son transfert à l’établissement Le Vallon, il a rejoint l’entreprise D______ SA, puis après en avoir été licencié pour raisons économiques, il a retrouvé du travail auprès de F______ Sàrl. Il perçoit un salaire mensuel de CHF 6'500.-. Enfin, il fait valoir que s’il ne pouvait demeurer en Suisse, il perdrait son travail.

D'emblée, il doit être observé que ces activités professionnelles ont été exercées dans le contexte particulier du travail externe, au sens de l’art. 77a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui représente un régime d’exécution de sa peine privative de liberté. Par ailleurs, il apparaît qu’il se trouve encore débiteur de montants très importants. En effet, si le rapport du 26 janvier 2022 fait état d’un versement de sa part de CHF 50'000.- effectué en faveur de la victime, ainsi que du paiement des frais de justice, le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 30 avril 2020 (2C_68/2020), a retenu qu’il était endetté à hauteur de plus CHF 700'000.-. Enfin et surtout, force est de constater que l’amélioration de la situation financière de l’intéressé résulte elle aussi de l’écoulement du temps depuis que la décision du 27 avril 2018 a été rendue. En conséquence, cette circonstance ne peut être qualifiée de fait nouveau modifiant la situation de manière notable, conformément à la jurisprudence précitée.

e.              Le recourant se prévaut de ses problèmes de santé, invoquant en particulier un cancer du côlon diagnostiqué en novembre 2023, et le fait que les soins dont il a besoin ne seraient pas disponibles au Kosovo. Il se fonde sur une lettre de sortie des soins aigus, établie le 19 décembre 2023 par le Dr G______ et la Dresse H______, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ainsi que sur une attestation rédigée le 5 février 2024 par Pr. I______, des HUG. Ce praticien y indique que les infrastructures médicales et les soins dont le recourant a besoin ne sont pas disponibles au Kosovo et qu’un départ de ce dernier mettrait gravement en danger sa santé. L’intéressé produit également une attestation établie le 29 novembre 2023 par le Dr J______ et par Mme K______, psychologue, selon laquelle il présentait des troubles dépressifs récurrents sévères avec des limitations fonctionnelles sévères et des idées noires.

Dans un arrêt du 18 juillet 2016 (F-1282/2015 consid. 7.2.2), le Tribunal administratif fédéral a retenu, en se fondant sur un consulting rédigé par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), qu’un suivi du cancer était réalisable au Kosovo, en particulier à Pristina. En effet, il y existait un institut oncologique au centre hospitalier universitaire de L______, avec possibilité d'effectuer des contrôles radiologiques après une chimiothérapie, ainsi que la clinique privée « Rezonanca », laquelle pourrait également procéder à tous les traitements et suivis ultérieurs. Selon le médecin de confiance de l'Ambassade de Suisse à L______, le recourant ayant saisi le Tribunal administratif fédéral, qui souffrait du cancer du système lymphatique, pouvait être soigné de manière adéquate au Kosovo.

Il ressort par ailleurs de la jurisprudence qu’il existe au Kosovo sept centres de traitements ambulatoires pour les maladies psychiques (Centres Communautaires de Santé Mentale) ainsi que des services de neuropsychiatrie pour le traitement des cas de psychiatrie aiguë au sein des hôpitaux généraux dans les villes de M______, N______, O______, P______, Q______, R______ et L______. De plus, grâce à la coopération internationale, de nouvelles structures appelées « Maisons de l'intégration » ont vu le jour dans certaines villes. Ces établissements logent des personnes atteintes de troubles mineurs de la santé mentale dans des appartements protégés et leur proposent un soutien thérapeutique et socio-psychologique (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-7044/2014 du 19 juillet 2016 consid. 5.5.4 ; ATA/539/2022 du 24 mai 2022 consid. 8f).

En l’occurrence, le cancer du côlon affectant le recourant constitue effectivement un fait nouveau, puisque cette maladie a été diagnostiquée postérieurement à la décision dont il demande la reconsidération. Il n'est pas non plus contesté qu'il s'agit là d'une maladie grave. Cela étant, il résulte de la lettre de sortie du 19 décembre 2023 que l’intéressé a subi une intervention aux HUG, le 22 novembre 2023, laquelle s’est déroulée sans complications et qu’il a pu quitter l’hôpital le 27 novembre suivant. Les médecins n'ont en effet pas retenu l'indication pour un traitement adjuvent et seule une surveillance selon les critères suisses de gastroentérologie a été recommandée. Ainsi, une consultation de contrôle avec le Prof. I______ était prévue dans les deux mois suivant l'hospitalisation de même qu'un suivi par son médecin traitant. Or il résulte de la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, que ce suivi médical peut parfaitement être réalisé au Kosovo et rien n'indique que les médicaments prescrits, à savoir des antidouleurs, des antiémétiques (en réserve) de même que les antacides/antisécrétoires ne seraient pas disponibles dans ce pays.

Quant aux troubles psychiques dont il souffre, ils peuvent eux aussi être soignés dans son pays d’origine.

En conséquences et sans minimiser les problèmes de santé affectant le recourant, le département n'a pas violé son pouvoir d'appréciation en considérant qu'ils n'étaient pas constitutifs d'un changement notable des circonstances au sens de la jurisprudence.

14.         Le recourant fait encore valoir que le refus du département d’entrer en matière sur sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur constitue un abus du pouvoir d’appréciation. Selon lui, rien n’empêchait le département de statuer sur sa requête puisqu’aucune décision d’IES en force n’avait été rendue par les autorités fédérales.

15.         En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 4).

16.         En l'occurrence, le recourant ne peut être suivi. En effet, dans son écriture du 22 décembre 2023, il a notamment sollicité la reconsidération de la décision du 27 octobre 2018 et, subsidiairement, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur en faisant valoir, pour l’essentiel, les mêmes arguments à l’appui de ces deux chefs de conclusion. Or, ainsi qu’il découle de la jurisprudence exposée ci-dessus, sa requête de reconsidération et sa demande de permis humanitaire se confondent. Dès lors, puisque le département s’est prononcé sur la première, il n’est pas nécessaire d’examiner si l’autorité intimée s'est ou non prononcé sur la seconde.

17.         Au de ce qui précède, c’est à bon droit que le département a retenu que les circonstances ne s’étaient pas modifiées dans une mesure notable depuis que la décision du 27 avril 2018 a été rendue. Il en résulte que, sauf à aboutir à un résultat qu'il s'agit d'éviter, à savoir permettre à un justiciable de remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, en particulier pour des motifs qu'il a déjà fait valoir précédemment, l’autorité intimée était fondée à refuser d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par le recourant.

18.         En conséquence, le recours doit être rejeté.

19.         Le présent jugement, qui se prononce sur le fond du litige, rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 26 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGIRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière