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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3222/2023

JTAPI/170/2024 du 27.02.2024 ( LDTR ) , IRRECEVABLE

ATTAQUE

Descripteurs : LOGEMENT;TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;DÉCISION INCIDENTE
Normes : LPA.57.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3222/2023 LDTR

JTAPI/170/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Christian LUSCHER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire d'un immeuble situé sur la parcelle n° 1______, 2______, de la commune de B______, à l'adresse ______[GE].

2.             Depuis le 1er décembre 2015, il y loue à Madame C______ et à Monsieur D______ (ci-après : les époux) un appartement de six pièces, situé au rez-de-chaussée.

3.             Le 18 mars 2021, les époux ont informé le département du territoire (ci-après : DT ou le département) du fait que, avant leur emménagement, des travaux avaient été effectués dans ledit logement. À cet égard, ils ont fourni une liste des travaux concernés et produit diverses photographies.

4.             Par courrier du 8 août 2023, le département a informé M. A______ du fait que l'un des appartements situés dans l'immeuble susmentionné semblait avoir fait l'objet de travaux. Cette situation étant susceptible de constituer une infraction à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ainsi qu'à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), un délai lui était imparti pour se prononcer.

5.             Par pli du 5 septembre 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a fourni la liste des travaux d'entretien effectués dans l'appartement des époux depuis l'entrée dans les locaux de ces derniers.

6.             Par courrier du 22 septembre 2023, le département a informé M. A______ considérer que les travaux entrepris étaient susceptibles d'être assujettis à la LCI ainsi qu'à la LDTR. Afin de pouvoir statuer à ce sujet, il lui a ordonné de requérir une autorisation de construire. À ce titre, il devait être clairement indiqué sur le formulaire de requête dans la description du projet « Demande de régularisation I-3______ », suivi du détail. Toutes mesures ou sanctions étaient pour le surplus réservées. Une voie de recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) et un délai de recours de dix jours étaient également indiqués.

7.             Par acte du 5 octobre 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a formé recours auprès du tribunal contre la décision précitée, concluant à son annulation, le tout sous suite de frais et dépens. À l'appui de son recours, il a produit un chargé de pièces.

La jurisprudence selon laquelle l'ordre donné par le département de déposer une requête en autorisation de construire constituait une décision incidente devait être modifiée car elle conduisait à une inversion des règles procédurales et matérielles en matière de travaux d'entretien réalisés dans un appartement en cas de changement de locataire. Or, elle omettait de tenir compte de la spécificité d'un tel ordre, l'ordre concret de demander une autorisation étant en effet final. Ultérieurement, le département ne pouvait pas statuer différemment en renonçant à demander une autorisation mais pouvait uniquement considérer que les travaux concernés étaient ou non soumis à autorisation. Il fallait donc distinguer l'ordre de demander une autorisation d'une part (qui était final) et la soumission ou non à autorisation d'autre part (qui, au départ, était incident, pour, après coup, devenir final). Cette jurisprudence ne tenait en outre pas compte du fait qu'un tel ordre était contraignant et irréversible, conduisant en effet au dépôt d'une demande à laquelle un numéro d'APA était attribué, et que cette procédure existerait éternellement. De plus, les frais prélevés par le département n'étaient jamais remboursés.

A titre subsidiaire, d'une part, la décision lui causait un préjudice irréparable puisqu'en pratique, une fois le dossier déposé, le département considérait toujours que les travaux étaient des travaux de rénovation, et donc soumis à autorisation. Une décision de non-assujettissement des travaux n'était pas concrétisée en pratique. Il en résultait ainsi que, dans un appartement, entre l'occupation par deux locataires différents, tout travail d'entretien était présumé, selon le département, nécessiter une autorisation. Un simple courrier d'un locataire au département pouvait donc conduire à un ordre au propriétaire de déposer une autorisation de construire sans aucune mesure d'instruction préalable, comme c'était le cas en l'espèce. La pratique du département avait comme effet collatéral de dissuader le propriétaire/bailleur de procéder à des travaux d'entretien, de refaire la peinture, changer les catelles cassées ou procéder à un diagnostic aimante, péjorant ainsi l'état des propriétés du canton et la qualité des biens loués par les locataires. D'autre part, l'admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, le tribunal pouvant mettre fin à la procédure en admettant que les travaux réalisés étaient exclusivement des travaux d'entretien, non soumis à autorisation.

Au fond, son droit d'être entendu avait été violé. La décision entreprise n'était pas suffisamment motivée, l'autorité intimée n'ayant pas exposé les raisons qui l'avaient conduit à considérer que les travaux effectués étaient susceptibles d'être soumis à autorisation.

Enfin, les travaux effectués notamment dans la cuisine, le séjour, le hall, les WC, la salle de bains (peinture dans les différentes pièces, changement du carrelage là où les catelles était abîmées) et le remplacement des équipements par des équipements « neufs » relevaient exclusivement de l'entretien et avaient uniquement pour but d'entretenir l'appartement sans en modifier l'affectation, ni le confort.

8.             Par requête du 2 novembre 2023, les époux, sous la plume de leur conseil, ont sollicité leur appel en cause dans la procédure en application de l'art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

9.             Dans ses observations du 16 novembre 2023, le département a conclu à l'irrecevabilité du recours, avec suite de frais et dépens. Il a produit son dossier.

L'invitation au dépôt d'une demande d'autorisation de construire constituait une décision incidente. Bien que contraignante et irréversible, la décision du 22 septembre 2023 ne mettait pas fin à la procédure puisqu'elle ne tranchait pas définitivement la question de fond, soit la nature des travaux entrepris et leur soumission ou non à autorisation.

Le dépôt d'un dossier complet permettant au département de se prononcer sur la nature des travaux ne pouvait être considéré comme causant un préjudice irréparable. Il en allait de même des affirmations selon lesquelles le tribunal pouvait mettre fin à la procédure en décidant que les travaux réalisés n'étaient pas sujet à autorisation. Pour se prononcer sur la question de l'assujettissement, l'autorité, décisionnelle ou judiciaire, qui devait statuer avait forcément besoin d'un dossier complet.

S'agissant enfin de la demande d'appel en cause formulée par les époux, il s'en rapportait à justice.

10.         Par courrier du 10 novembre 2023, le recourant s'est déterminé sur la demande d'intervention des époux, concluant à son irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête d'appel en cause, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité en sa faveur, sous suite de frais et dépens.

11.         Par réplique du 21 décembre 2023, le recourant a persisté intégralement dans les termes et conclusions de son recours, relevant que l'autorité intimée n'avait pas fourni d'exemple de situations dans lesquelles elle était arrivée à la conclusion, après instruction, que les travaux d'entretien ne nécessitaient pas d'autorisation et qu'il rembourserait l'émolument facturé à tort. Elle ne se prononçait pas non plus sur la charge administrative et les frais d'une telle requête à charge du requérant/propriétaire.

Il a également ajouté contester que le dépôt d'un dossier complet soit nécessaire pour des travaux d'entretien, soulignant le caractère disproportionné des documents requis et les coûts inutiles que cela impliquait (préparation du dossier par un architecte ou une régie).

Enfin, il a souligné l'existence d'un préjudice irréparable, puisque, selon lui, à l'issue de l'instruction, l'autorité intimé considérerait les « travaux d'entretien » querellés comme des « travaux de rénovation » sujets à autorisation.

12.         Par décision du 27 février 2024 (DITAI/4______/2024), le tribunal a constaté que la demande d'appel en cause déposée par les époux était devenue sans objet.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la LPA.

3.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu pour défaut de motivation de la décision.

4.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), implique notamment, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait de plus obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées.

5.             Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

6.             Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver n’impose pas à l’autorité d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La portée de l’obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l’atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1). Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si l’autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.1).

7.             Il ressort toutefois de la jurisprudence du Tribunal fédéral que la violation du droit d’être entendu peut être réparée dans le cadre de la procédure de recours lorsque l’autorité de recours exerce le même pouvoir d’examen que l’autorité de décision (ATF 129 II 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300; ATF 126 I 68 c. 2 p. 72, RDAF 2001 I 586; ATF 124 II 132 c. 2d p. 138; Albertini, op. cit., p. 461). La réparation du vice doit toutefois demeurer exceptionnelle, en particulier lorsqu’il s’agit d’une violation grave, surtout parce que l’exercice différé du droit d’être entendu ne constitue le plus souvent qu’un succédané imparfait de l’audition préalable qui a été omise (ATE 116 V 182 c. 3c p. 187; ATE 105 la 193 c. 2b/cc p. 197). En outre, elle n’entre en considération que si la personne touchée ne subit aucun préjudice dans l’exercice différé du droit d’être entendu et dans la réparation du vice. Il ne serait en aucun cas admissible que l’autorité parvienne, par le biais d’une violation du droit d’être entendu, à un résultat qu’elle n’aurait jamais obtenu en procédant de manière correcte (ATF 129 I 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300).

8.             En l'espèce, si la motivation de la décision litigieuse est certes succincte, il y est fait mention des bases légales sur lesquelles l'autorité intimée s'est fondée pour ordonner le dépôt d'une requête en autorisation de construire, soit la LCI et la LDTR. Elle indique également sa position, soit que le dépôt d'une telle requête lui permettra de statuer sur l'assujettissement ou non des travaux entrepris à la LCI et à la LDTR. Par conséquent, le tribunal constate que la décision attaquée, qui mentionne les bases légales topiques applicables ainsi que les motifs de l'ordre, est claire. Le recourant a ainsi été en mesure de comprendre le sens et la portée de cette décision. Il a d’ailleurs exposé en détail dans son recours les raisons qui commandaient, à son sens, son annulation. En tout état, les échanges auxquelles les parties ont pu procéder dans la présente procédure ont largement permis à chacune d'elles d’exprimer clairement sa position, de sorte qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu pour les motifs évoqués plus haut serait en tout état réparée.

Le grief de violation du droit d’être entendu sera par conséquent écarté.

9.             Le recourant fait grief à l'autorité intimée de lui ordonner le dépôt d'une requête en autorisation de construire alors même qu'aux termes de la LDTR, les travaux d'entretien, qu'il se serait contenté d'effectuer, ne sont pas soumis à une telle procédure. Ainsi qu'on le verra ci-après, les arguments du recourant concernant la question de savoir si une autorisation au sens de la LDTR est nécessaire ou non sont sans pertinence, le DT ne s'étant pas prononcé sur ce point puisqu'aucune procédure d'autorisation de construire n'a encore été initiée.

10.         Est litigieux l'ordre donné par le département le 22 septembre 2023 au recourant de déposer une requête en autorisation de construire relative aux travaux effectués dans l'appartement loué par les époux.

11.         Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l'art. 3 al. 1 LDTR.

Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

12.         Le recourant conteste le caractère incident de la décision querellée estimant que la jurisprudence y relative doit être modifiée.

13.         La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises la nature de la décision du département par laquelle il ordonne de requérir une autorisation de construire (ATA/878/2023 du 22 août 2023 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 ; ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/362/2017 du 28 mars 2017 ; ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016).

Par arrêt du 23 février 2023, le Tribunal fédéral a une nouvelle fois confirmé l'approche de la chambre administrative (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 in Droit de la Construction 5/2023 p. 292) et par-là sa jurisprudence antérieure (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 ; 1C_392/2016 et 1C_390/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2 ; 1C_386/2013 du 28 février 2014 consid. 1.2 ; 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.2).

Cette jurisprudence indique que ne peut être considérée comme finale une décision qui ordonne de déposer une requête d'autorisation de construire relative à des travaux non autorisés constatés par le département. Par le dépôt d'une telle requête, ce dernier ouvre une procédure administrative qui prendra fin par une décision constatant, sur la base du dossier complet, soit que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit qu'ils le sont, en accordant alors ou en refusant cette autorisation. La décision litigieuse ne met ainsi pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.2).

14.         En l'espèce, le recourant s'est vu notifier une décision lui ordonnant de déposer une demande d'autorisation de construire afin de permettre à l'autorité intimée de statuer sur l'assujettissement ou non à la LCI et à la LDTR des travaux litigieux.

Conformément à la jurisprudence précitée, confirmée encore récemment par le Tribunal fédéral et la chambre administrative, cette décision doit être qualifiée d'incidente, nonobstant les arguments soulevés par le recourant.

Le tribunal observera au demeurant que le reproche adressé par le recourant à l'autorité intimée, selon lequel celle-ci aurait déjà décidé de soumettre les travaux litigieux à la LDTR, ne constitue qu'une supposition et qu'en tout état, même s'il s'agissait effectivement de la position d'ores et déjà arrêtée par le département, celui-ci devrait encore la formaliser par une décision contre laquelle le recourant disposerait d'une voie de recours. . Enfin, il est prématuré de se prononcer au sujet de l'émolument dont ferait l'objet la demande, étant précisé qu'une éventuelle décision rendue par l'autorité intimée en ce sens pourrait faire l'objet d'un recours séparé et ne fait pas l'objet du présent litige.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée est bien une décision incidente.

15.         Reste à déterminer si les conditions pour un recours contre une telle décision sont remplies.

16.         Selon la première hypothèse de l'art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes si elles peuvent causer un préjudice irréparable.

17.         L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

18.         Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

19.         Le Tribunal fédéral a précisé, s'agissant de l'obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d'une requête en autorisation, que si elle impose différentes démarches aux propriétaires concernés, on ne saurait considérer qu'elle cause un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.3.2).

En outre, le Tribunal fédéral a retenu que les coûts liés à de telles procédures ne constituent pas un préjudice juridique (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_392/2016 et 1C_390/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2).

20.         En l'espèce, la décision querellée se limite à exiger le dépôt d'une requête afin précisément de pouvoir l'instruire. Elle ne préjuge pas de la décision finale, laquelle est expressément réservée selon les termes de ladite décision. La propriétaire aura en conséquence tout loisir de faire valoir ses arguments dans le cadre de l'instruction de la requête. Contrairement à ce que soutient le recourant, déposer la requête sollicitée par le département ne revient pas à admettre que les travaux sont soumis à la LDTR, mais permettra d'instruire de façon approfondie tous les faits pertinents avant qu'une décision soit prise. Il appartient en effet à l'autorité d'établir les faits d'office (art. 19 LPA) et de réunir les renseignements pour fonder sa décision (art. 20 al. 1 LPA). Par ailleurs, quelle que soit la décision du département, le recourant conservera la possibilité de recourir, cas échéant en contestant à ce stade la soumission à autorisation. Ainsi, même s'il apparaissait certain à ce stade, comme l'allègue le recourant, que la procédure devait aboutir à une décision soumettant les travaux à la LDTR, l'ordre litigieux ne constituerait pas en lui-même un préjudice irréparable.

En outre, si les coûts liés à une telle procédure pourraient certes lui être épargnés si le tribunal statuait immédiatement sur la question de l'assujettissement des travaux à une autorisation de construire, il ne s'agit toutefois pas d'un préjudice juridique tel qu'admis par la jurisprudence. De même, comme l’a précisé la jurisprudence rappelée ci-dessus, l’obligation de constituer un dossier dans le cadre d’une procédure d’autorisation de construire ne cause pas un préjudice irréparable.

Le recourant se plaint également du fait qu'il suffirait de la moindre plainte d'un locataire pour enclencher une réaction du département, il lui sera répondu que ce type de désagrément lui aurait été évité en l'occurrence s'il avait tenu le département au courant des travaux qu'il avait l'intention d'effectuer, avant de les exécuter.

Enfin, le recourant critique la pratique de l'autorité intimée, qui conduirait selon lui à une dégradation générale du parc locatif. Outre qu'elle anticipe la décision définitive qui devrait être rendue en l'espèce, cette critique méconnaît la définition des travaux d'entretien de l'art. 3 al. 2 LDTR et leur non-assujettissement à cette loi, qui permet aux propriétaires de procéder à l'entretien usuel de leur immeuble selon les modalités définies par cette disposition.

Dès lors, faute de préjudice irréparable, la première hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est ainsi pas réalisée.

21.         Dans sa seconde hypothèse, l'art. 57 let. c LPA, prévoit que le recours est recevable si son admission peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

22.         En l'espèce, la décision attaquée a précisément pour conséquence d'obliger le recourant à déposer une requête formelle afin que le département puisse examiner la situation et instruire le dossier avant de décider. La question de savoir s'il s'agit de travaux d'entretien ou de transformation n'est en conséquence pas l'objet du présent litige. À défaut du dépôt d'une requête formelle et de l'instruction du dossier par le département, l'autorité compétente ne peut pas se prononcer sur la question de fond. C'est précisément pour cette raison que le département a ordonné le dépôt d'une requête formelle.

De surcroît, bien que l'admission du présent recours pourrait effectivement mettre fin au litige, aucun élément ne permet en revanche de retenir, en l'état, que la procédure d'autorisation de construire nécessitera des mesures probatoires prenant un temps considérable et exigeant des frais importants. La constitution du dossier d'autorisation devrait être rapide et la procédure devrait pouvoir être instruite de manière simplifiée par la voie de la procédure accélérée, de sorte que la procédure d'autorisation ne devrait pas présenter pour le recourant des inconvénients tels que définis par la jurisprudence (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.3).

La seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est ainsi pas réalisée.

23.         Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

24.         Statuant sur une décision incidente, le présent jugement constitue lui-même une décision incidente (ATF 139 V 600 consid. 2.1) soumise à un délai de recours de dix jours (art. 62 al. 1 let. b LPA).

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 5 octobre 2023 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 22 septembre 2023 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, François HILTBRAND, Manuel BARTHASSAT, Claire BOLSTERLI et Diane SCHASCA, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière