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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3025/2023

JTAPI/91/2024 du 02.02.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : OBJET DU RECOURS;ADMISSION PROVISOIRE;SIDA;TRANSSEXUALISME;PÉROU
Normes : LEI.83.al3; LEI.83.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3025/2023

JTAPI/91/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jacopo OGRABEK, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1991, est ressortissante du Pérou. Née de sexe masculin, elle a fait une transition de genre à l’âge de 18 ans.

2.             Elle est arrivée en Suisse, via Paris Roissy, fin janvier 2022, au bénéfice d’une entrée sans obligation de visa pour un séjour ne dépassant pas nonante jours sur toute période de cent quatre-vingt jours dans l’espace Schengen.

3.             Par ordonnance pénale du 8 juillet 2022, le Ministère public du canton de Genève l’a condamnée pour infractions aux art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4.             Par décision du même jour, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 22 juillet 2022 pour quitter le territoire helvétique ainsi que celui des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen (Liechtenstein, Islande, Norvège).

5.             Par acte du 14 juillet 2022, Mme A______, agissant sous la plume de ses précédents mandataires, a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Elle a conclu à son annulation, à ce qu’il soit déclaré que son renvoi était illicite et pas raisonnablement exigible et à l’octroi d’une admission provisoire. Préalablement, sur mesures superprovisionnelles, subsidiairement provisionnelles, elle a demandé la restitution de l’effet suspensif au recours, le tout sous suite de frais et dépens. Elle a par ailleurs requis son audition.

Elle était une personne transsexuelle vivant avec le VIH. Suivie depuis février 2022 par la consultation CAMSCO et auprès du Service des maladies infectieuses des Hôpitaux Universitaires Genève (ci-après : HUG), son traitement antirétroviral se composait de Tenofovir 300 mg, Lamivudine 300 mg et Dolutegravir 50 mg. Elle avait en outre rendez-vous tous les six mois à l’unité VIH des HUG pour une prise de sang (pour évaluer la charge vitale, le système immunitaire et les éventuels effets secondaires du traitement) et une consultation. Étant jusqu’alors sans domicile fixe, elle n’avait, à ce jour, pas pu déposer de demande d’autorisation de séjour en Suisse en dérogation aux conditions d’admission.

L’OCPM n’avait pris en considération ni son identité de genre ni son état de santé précaire dans l’examen de l’illicéité et de l’inexigibilité du renvoi. Or, le traitement contre le VIH n’était pas accessible au Pérou et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre y étaient très répandues. Dans ces conditions, son renvoi était illicite, pas raisonnablement exigible et elle devait être mise au bénéficie d’une admission provisoire.

Un chargé de vingt-six pièces était joint, dont notamment un rapport médical du 17 mai 2022 et une importante documentation relative à la situation des personnes transgenres au Pérou et à la prise en charge médicale des personnes séropositives, dans ce même pays.

6.             Par décision du 18 juillet 2022, le tribunal a admis la demande de mesures super-provisionnelles tendant à la restitution de l’effet suspensif au recours formée par Mme A______ (DITAI/1______/2022).

7.             Dans ses observations du 19 juillet 2022, l’OCPM a conclu à la confirmation de sa décision et au rejet du recours. Si l’intéressée entendait déposer une demande d’autorisation de séjour, il lui appartiendrait d’entreprendre les formalités et d’attendre la réponse à l’étranger, conformément à l’art. 17 LEI. Si la pandémie avait pu rendre l’approvisionnement en stocks de médicaments compliqué dans plusieurs pays, la situation de la recourante ne différait toutefois pas de celle d’autres compatriotes dans la même situation qu’elle qui se trouvaient au Pérou.

8. Par réplique du 5 août 2022, par le biais de son conseil, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, reprenant pour l’essentiels les motifs de son recours et de ses écritures du 27 juillet 2022 sur mesures provisionnelles.

L’OCPM n’avait apporté aucune preuve de la disponibilité de son traitement au Pérou. Enfin, sa situation ne pouvait être comparée à celle de n’importe quels autres compatriotes au Pérou. Il fallait ainsi analyser ce que serait sa situation spécifique, compte tenu notamment de sa transidentité, de sa précarité et de sa situation socio-économique, en cas de retour dans son pays.

9.             Par jugement du 15 août 2022 (JTAPI/2______/2022), non entré en force à ce jour, le tribunal a rejeté le recours du 14 juillet 2022.

Après avoir relevé que Mme A______, démunie d’un quelconque titre de séjour, séjournait illégalement en Suisse et était indigente, le tribunal a estimé que les problèmes de santé dont elle souffrait n’atteignaient pas le seuil exigé par la jurisprudence pour faire échec à l’exécution de son renvoi. Certes, si l’accès aux médicaments antirétroviraux apparaissait plus difficile au Pérou qu’en Suisse, ceux-ci étaient tout de même disponibles et accessibles dans ce pays où il existait des programmes étatiques d’attention aux personnes séropositives, de nombreux centres de santé publics et privés spécialisés dans le domaine du VIH ainsi que des ONGs et fondations apportant notamment un soutien financier et/ou logistique aux personnes en question, tout comme aux personnes transgenres. En outre, afin de parer à l’éventualité d’une latence à l’accès aux médicaments immédiatement après son retour, la recourante pouvait constituer une réserve de médicaments suffisante pour couvrir ses besoins jusqu’à ce que sa prise en charge puisse à nouveau être assurée ou encore changer de médication avec l’aide de ses médecins, voire de s’organiser pour se faire acheminer la médication prescrite depuis l’étranger. Enfin, si la situation des transsexuels pouvait être difficile au Pérou, ceux-ci y étant mal acceptés, ces difficultés ne sauraient toutefois s’apparenter à de la persécution, ni mettre la vie de la recourante en péril.

10.         Ce jugement a fait l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, laquelle a prononcé, en date du 17 octobre 2022 (ATA/3______/2022), la suspension de la procédure vu la demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur déposée par Mme A______ auprès de l’OCPM.

11.         Dans cette demande datée du 26 août 2022, Mme A______ a invoqué la pénurie de médicament composant son traitement contre le VIH, des lacunes dans la couverture de l’assurance maladie au Pérou, la précarité des personnes dans sa situation ainsi que des ruptures de stocks récents.

12.         Le 3 janvier 2023, la police a interpellé Mme A______ pour infractions à la LEI et exercice illicite de la prostitution.

Lors de son audition, elle a notamment déclaré disposer d’une assurance maladie grâce à l’Hospice général, lequel lui versait entre CHF 300.- à 400.- par mois, et ne pas avoir de famille en Suisse.

13.         Par ordonnance pénale du 4 janvier 2023, le Ministère public du canton de Genève l’a condamnée pour exercice illicite de la prostitution (art. 199 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

14.         Le 10 janvier 2023, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande et lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d’être entendue.

Selon les informations recueillies auprès de l’ambassade suisse à Lima (ci-après : l’ambassade), son traitement pour soigner son infection au VIH était actuellement disponible au Pérou.

15.         Les 10 mars et 16 mai 2023, par le biais de son conseil, Mme A______ s’est déterminée sur cette intention après avoir obtenu des prolongations du délai pour faire part de ses observations.

16.         Par décision du 31 juillet 2023, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur à Mme A______, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 31 octobre 2023 pour quitter la Suisse ainsi que le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnable-ment exigible.

Selon l’ambassade, le traitement suivi par l’intéressée pour soigner son infection au VIH était disponible au Pérou. Par ailleurs, celle-ci était arrivée en Suisse déjà souffrante de sa maladie. Sa situation ne représentait donc pas un cas de rigueur. En outre, rien au dossier n’indiquait en quoi elle ne pourrait pas bénéficier du régime de sécurité santé dans son pays d’origine.

Dans sa demande, Mme A______ n’avait jamais invoqué les dangers que pourraient encourir les femmes transgenres au Pérou. À teneur de ses observations du 10 mars 2023, ONUSIDA avait noté un nombre croissant de meurtre, de disparition et d’enlèvements de professionnelles du sexe cis et transgenre au Pérou et plus de dix femmes transgenres et cisgenres y avaient été tuées depuis le début de l’année 2023. Ce n’était par conséquent pas en raison de sa transidentité que Mme A______ serait en danger dans son pays d’origine, mais plutôt en lien avec son activité professionnelle puisque des prostituées cisgenres étaient aussi violentées ou tuées. Or, son métier n’était pas inhérent à sa personne : elle pouvait changer d’activité lucrative. Ayant fait une transition à l’âge de 18 ans et quitté le Pérou en janvier 2022, elle y avait en outre vécu en tant que femme transgenres pendant treize ans.

17.         Par acte du 14 septembre 2023, par l’intermédiaire de son conseil, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision par devant le tribunal, concluant à son annulation, à ce qu’il soit déclaré que son renvoi était illicite et pas raisonna-blement exigible et à l’octroi d’une admission provisoire, le tout sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis son audition.

La décision querellée ne prenait véritablement en considération ni son identité de genre ni son état de santé précaire dans l’examen de l’illicéité et de l’inexigibilité du renvoi. En effet, si le Tenofovir était disponible dans le service public de manière assez répandue, on ne trouvait pas de Lamivudine à Lima mais uniquement auprès du service de la pharmacie de l’Hôpital B______. Quant au Dolutegravir, il était uniquement disponible dans le secteur privé, moyennant un prix variant entre SOL 170 et 250 par pilule, soit un coût mensuel allant de SOL 5’100.- (environ CHF 1’249.-) à 7’500.- (environ CHF 1’836.-), montant exorbitant, bien au-delà des revenus qu’une « travailleuse du sexe trans* » pouvait espérer réaliser au Pérou, étant noté que le salaire minimum péruvien était de SOL 1’025.-. En outre, le traitement contre le VIH n’était pas accessible au Pérou et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre y étaient très répandues. Dès lors, un retour dans son pays d’origine lui serait fatal dans la mesure où la poursuite de ses suivi et traitement serait impossible, avec pour conséquence une mort certaine.

Par ailleurs, l’accès au traitement au Pérou n’était pas garanti au vu de la pénurie d’accès aux traitements antirétroviraux au Pérou, des lacunes dans la couverture de l’assurance maladie, de la précarité et des ruptures de stocks récents. De plus, en tant que femme transgenre, elle était exposée à des discriminations spécifiques impactant l’accessibilité au traitement.

Un chargé de trente-trois pièces était joint, dont notamment un rapport médical du 17 mai 2022 et une importante documentation relative à la situation des personnes transgenres au Pérou et à la prise en charge médicale des personnes séropositives, dans ce même pays, pièces essentiellement en anglais et espagnol.

18.         Le 24 septembre 2023, Mme A______ a été interpellée par la police et prévenu d’infractions aux art. 139 CP (vol d’un porte-monnaie « Louis-Vuitton » et de CHF 1’500.- dans un véhicule automobile), 148a al. 1 CP (obtention illicite de prestations de l’aide sociale, somme illégalement perçue pour un montant supérieure à CHF 3’000.-), 199 CP (exercice illicite de la prostitution), 49 de la loi fédérale sur la protection contre les substances et les préparations dangereuses du 15 décembre 2000 (LChim - RS 813.1 ; mise sur le marché des substances ou des préparations destinées à un usage dont on sait qu’il met directement en danger la vie ou la santé), 115 LEI (séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation), 19 et 19a ch. 1 LStup (fourniture de drogue à sa clientèle et détention intentionnellement et sans droit des stupéfiants de type cannabique d’une quantité supérieure à 10 g et inférieure à 100 g pour sa propre consommation).

19.         Dans ses observations du 16 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés par la recourante dans ses écritures n’étant pas de nature à modifier sa position.

Elle ne satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l’octroi d’un permis humanitaire, ce qu’elle ne semblait pas contester dans son recours.

S’agissant de l’illicéité du renvoi, la condition médicale de la recourante, qui n’avait pas démontré être dans une phase terminale de la maladie, ne représentait pas un stade de gravité suffisant pour conclure à l’illicéité de son renvoi au Pérou.

Quant à l’inexigibilité du renvoi, l’infrastructure médicale existant au Pérou était suffisante pour traiter les patients atteints du VIH, le coût des soins étant de surcroît pris en charge par la collectivité, et la recourante n’avait pas démontré que le stade de sa maladie était avancé. Sans aucunement minimiser les difficultés psycho-sociales et sanitaires qu’un retour engendrerait dans les circonstances du cas d’espèce, il devait être admis que le seul fait que les soins prodigués au Pérou pour traiter le VIH ne soient pas d’une qualité équivalente à celle proposée en Suisse ne saurait constituer une inexigibilité du renvoi selon la jurisprudence, la recourante se trouvant alors dans une situation analogue à celle de ses compatriotes ayant aussi contracté le virus du VIH et se faisant traiter au Pérou.

20.         Par réplique du 11 décembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Dans la mesure où il n’y avait pas d’obligation de prise en charge par l’assurance obligatoire des soins pour l’achat de médicaments dépassant une réserve normale lorsque la fin de l’obligation d’assurance était imminente en raison d’un départ à l’étranger, elle devrait prendre en charge personnellement le coût desdits médicaments. Or, son traitement était très onéreux. En Suisse, le prix du Tenofovir oscillait entre CHF 254,15 et CHF 532.- alors que celui du Dolutegravir et Lamivudine était de CHF 866,70. Au vu de ces coûts élevés, entre CHF 1’142,85 et 1’398,70, elle ne pourrait pas se constituer une réserve de médicaments. De plus, une telle réserve ne pourrait couvrir que les besoins pour une courte période et ne concernerait pas les examens de contrôle nécessaires. Par ailleurs, l’aide au retour médicale au sens de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - 142.31) ne s’avèrerait pas non plus pertinente : sa situation ne relevait pas du système de l’asile et cette aide au retour était en tout état conçue pour pallier des situations d’urgence à court terme et non pour traiter durablement une situation d’urgence médicale.

Swissmedic et le Tribunal administratif fédéral considéraient que l’importation de médicaments comportait un risque sanitaire, les défauts de qualité et manque ou absence d’efficacité étant fréquents. Il était dès lors inconcevable que l’ordre juridique suisse retienne l’importation de médicaments dangereuse mais que les autorités, pour se soustraire à leurs obligations en matière de non-refoulement, encouragent les personnes à s’adonner à une telle prise de risques.

21.         Par duplique du 18 décembre 2023, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

5.             À titre préliminaire, la recourante requiert son audition.

6.             Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

7.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer en connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition de la recourante. En tout état, celle-ci a pu faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de sa réplique, et produire tout moyen de preuve utile en annexe à ses écritures, sans qu’elle n’explique ce qui, dans la procédure écrite, l’aurait empêchée d’exprimer ses arguments de manière pertinente et complète. Par conséquent, la demande d’instruction, en soi non obligatoire, sera rejetée.

8.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourante et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2). La contestation ne peut donc excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1367/2023 du 19 décembre 2023 consid. 4.8).

9.             En l’espèce, la recourante conclut à l’annulation de la décision attaquée, à ce qu’il soit déclaré que son renvoi est illicite et pas raisonnablement exigible et ainsi à l’octroi d’une admission provisoire.

En revanche, elle n’a à aucun moment soutenu qu’elle devrait être mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à juste titre d’ailleurs puisqu’elle ne remplit à l’évidence pas les strictes conditions requises pour la reconnaissance d’un tel cas. En effet, elle ne séjourne en Suisse que depuis deux ans, de manière illégale puis à la faveur d’une simple tolérance, et elle est venue s’y établir à l’âge de 31 ans, de sorte qu’elle a passé toute son enfance, toute son adolescence mais aussi la majorité de sa vie d’adulte au Pérou. Elle ne peut par ailleurs pas se prévaloir d’une excellente intégration socio-professionnelle, étant à la charge de l’aide sociale, ne semblant pas parler le français (un interprète a été constamment requis par la police pour l’auditionner) et ayant été condamnée pénalement. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît au surplus pas gravement compromise en soi et son état de santé ne saurait justifier, à lui seul, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, ce d’autant plus qu’elle était déjà atteinte dans sa santé lors de sa venue en Suisse.

Dans ces circonstances, l’objet du litige se circonscrit à la seule question de l’admission provisoire. En effet, dès lors qu’il a refusé de soumettre au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le dossier de la recourante en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM n’avait pas d’autre option que d’ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

10.         Il convient par conséquent d’examiner si l’exécution du renvoi est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de la licéité et de l’exigibilité.

11.         Selon l’art. 83 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

12.         L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l’exécution d’un renvoi. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de l’art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).

13.         L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH ou l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités). Ces dispositions conventionnelles ont la même portée que l’art. 10 al. 3 Cst., selon lequel la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et l’art. 25 al. 3 Cst., d’après lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains (ATF 139 II 65 consid. 5.4).

Pour apprécier l’existence d’un risque réel de mauvais traitements, il convient d’appliquer des critères rigoureux. Il s’agit de rechercher si, eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Il incombe à la personne concernée de prouver - ou, du moins, de produire des éléments de nature à démontrer - qu’il existe un risque réel qu’elle soit soumise à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH. Des considérations générales sont insuffisantes à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2D_12/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3.1).

Concernant le défaut de traitement médical approprié dans le pays de renvoi, ce n’est que dans des situations exceptionnelles, en raison de « considérations humanitaires impérieuses », que la mise à exécution d’une décision d’éloignement d’un étranger peut emporter violation de l’art. 3 CEDH. Les étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un État contractant, afin de continuer à y bénéficier de l’assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d’une personne dans son pays d’origine serait moins favorable que celle dont elle jouit dans le pays d’accueil n’est pas déterminant du point de vue de l’art. 3 CEDH. Dans ce cas également, il faut des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’art. 3 CEDH, ce qui exige un seuil de gravité élevé pour que l’état de santé d’une personne lui permette de s’opposer à son expulsion (arrêts du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.1 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

Le retour forcé d’une personne touchée dans sa santé est susceptible de constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle se trouve à un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s’agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l’hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude et qu’elle ne peut espérer un soutien d’ordre familial ou social. Un tel cas exceptionnel peut aussi être reconnu lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’en l’absence d’un traitement ou d’accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l’espérance de vie (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1236/2022 du 30 mars 2022).

14.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu’elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l’invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3 ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires ne peuvent pas être assurés dans le pays d’origine de l’étranger concerné, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).

L’exécution du renvoi d’une personne infectée par le VIH est en principe raisonnablement exigible tant que la maladie n’a pas atteint le stade C (selon la classification des Centers for disease control [CDC]), respectivement tant que le sida n’est pas déclaré. Pour apprécier le caractère raisonnablement exigible ou non de l’exécution du renvoi, il faut toutefois tenir compte non seulement du stade de l’infection, mais aussi de la situation concrète dans le pays d’origine ou de provenance de la personne infectée, en particulier ses possibilités d’accès aux soins médicaux et sa situation personnelle (réseau familial et social, qualifications professionnelles, situation financière) (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-5131/2020 du 26 mai 2021 consid. 7.3.2).

15.         En l’espèce, dans sa décision du 14 août 2022 (JTAPI/2______/2022), sur la base du rapport médical du 17 mai 2022 produit par la recourante, le tribunal a constaté, que cette dernière, porteuse du VIH, était suivie depuis février 2022 par la consultation CAMSCO et auprès du Service des maladies infectieuses des HUG, qu’elle était actuellement en bon contrôle virologique (charge virale indétectable), avec un taux de cellules CD4 de 447 (16%) et que son traitement antirétroviral se composait actuellement de Tenofovir 300 mg, Lamivudine 300 mg et Dolutegravir 50 mg. Un rendez-vous tous les six mois à l’unité VIH des HUG pour une prise de sang (afin d’évaluer la charge vitale, le système immunitaire et les éventuels effets secondaires du traitement) était prévu ainsi qu’une consultation. Depuis lors, faute pour la recourante d’avoir fourni un rapport médical actualisé, le tribunal retiendra que ces informations sont toujours d’actualité et en particulier que sa maladie n’a pas atteint le stade C. Dans cette mesure et toujours sans minimiser les problèmes de santé dont souffre la recourante, force est de constater qu’ils n’atteignent clairement pas le seuil exigé par la jurisprudence pour faire échec à son renvoi. L’exécution de ce dernier s’avère par conséquent licite, ainsi que déjà retenu dans le jugement JTAPI/2______/2022 précité.

Pour le surplus, si l’accès aux médicaments antirétroviraux apparait certes plus difficile au Pérou qu’en Suisse, il doit néanmoins être admis, à teneur des informations fournies par l’ambassade, que ces derniers sont disponibles et accessibles dans ce pays où il existe en outre des programmes étatiques d’attention aux personnes séropositives, de nombreux centres de santé publics et privés spécialisés dans le domaine du VIH, ainsi que des ONGs et fondations apportant notamment un soutien financier et/ou logistique aux personnes en question, tout comme d’ailleurs aux personnes transgenres, ainsi que cela ressort de la documentation fournie par la recourante à l’appui de son recours. En outre, afin de parer à l’éventualité d’une latence à l’accès aux médicaments, immédiatement après son retour, la recourante aura la possibilité d’emporter avec elle une réserve de médicaments suffisante pour couvrir ses besoins jusqu’à ce que sa prise en charge puisse à nouveau être assurée au Pérou et, si la disponibilité permanente du traitement antirétroviral qui lui est actuellement administré ne devait pas y être garantie, changer de médication avec l’aide du corps médical, voire de s’organiser pour se faire acheminer la médication prescrite depuis l’étranger. À cet égard, une telle aide ne résulterait pas uniquement de l’assurance-obligatoire des soins, comme l’indique la recourante, puisque la Croix-Rouge genevoise, par le biais de son service d’aide au retour, fournit des prestations d’aide au retour, listées à l’art. 19A du règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), dont une aide médicale destinée à la prise en charge de médicaments pendant une durée de trois mois, à concurrence de CHF 1’500.-, aux personnes remplissant les conditions de l’art. 17A RIASI, ce qui semblerait être le cas de la recourante. De plus, le canton de Genève peut également verser une aide financière (art. 33 al. 2 RIASI ; cf. ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 8). Au besoin, une assistance et une coordination médicales pourront aussi lui être octroyées au moment de l’exécution du renvoi afin de la soutenir dans cette phase de retour (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6799/2018 du 11 février 2019 consid. 6.2.2.2).

Le tribunal relèvera encore, en réponse aux craintes exprimées par la recourante, que la prise en charge médicale des personnes séropositives au Pérou s’améliore, comme cela ressort de la lecture des données d’ONUSIDA. Ainsi, entre 2021 (chiffres fournies par la recourante, pièce 13) et 2022 (chiffres établis par cet organisme et consultés ce jour, https://www.unaids.org/fr/regionscountries/coun tries/peru), le taux de couverture des personnes bénéficiant d’un traitement est passé de 60% à 82% et le nombre des décès liés au sida a diminué de moitié entre 2010 et 2022 alors que la population séropositive a augmenté. Il résulte certes de la lecture des pièces produites par la recourante que la gestion des problématiques liées à cette maladie rencontre encore des difficultés au Pérou, mais cela n’implique toutefois pas que les séropositifs soient livrés à leur sort. À cela s’ajoute que les difficultés résultant du coût des soins ne se posent pas, les traitements contre le VIH étant gratuits, ainsi qu’il résulte d’une des pièces fournies par la recourante (pièce 13, « antiretroviral therapy has been avaible throughtout Peru since 2004 without cost in all regions »). En tout état, il sera rappelé que le fait que la qualité des soins au Pérou ne soit pas la même qu’en Suisse ne saurait être considéré comme un obstacle insurmontable au retour dans le pays d’origine.

Enfin, si le tribunal ne met pas en doute que les personnes transgenres sont davantage exposées, que d’autres personnes vivant au Pérou, aux risques d’agression, d’exclusion et de précarité (cf notamment dans ce sens https://www. unaids.org/fr/resources/presscentre/featurestories/2018/april/injustices-faced-by-tr ansgender-women-in-peru), il doit également retenir que les personnes transgenres vivant au Pérou ne sont pas systématiquement, et de ce seul fait, exposées à des exactions conduisant à la reconnaissance de l’existence d’une menace imminente, sérieuse et concrète pour la vie et l’intégrité corporelle qui fonderaient l’illicéité, respectivement l’inexigibilité de leur renvoi. Il doit d’ailleurs être relevé que la recourante a vécu plus d’une dizaine d’année en tant que femme transgenre dans son pays natal et qu’elle ne soutient pas, ni a fortiori ne démontre, avoir elle-même fait l’objet de traitements contraires aux engagements de la Suisse relevant du droit international, étant rappelé que des allégués d’ordre général ne sauraient suffire pour surseoir à l’exécution du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1737/2017 du 22 janvier 2019 consid 6.6.2 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016 consid. 6c). Outre ce qui précède, le tribunal relève encore que la recourante ne présente pas un grave problème de santé, qui nécessiterait une prise en charge particulière, indisponible au Pérou, et que seule la Suisse serait en mesure de fournir.

En conclusion, en l’absence d’éléments démontrant que le retour de la recourante au Pérou la mettrait concrètement en danger compte tenu de sa transidentité et/ou de sa situation médicale, il convient de retenir que l’exécution de son renvoi est possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.

16.         En tous points mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

La recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique suite à la décision de la vice-présidente du Tribunal de première instance du 26 octobre 2023, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

18.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 31 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier