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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1304/2023

JTAPI/79/2024 du 31.01.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE
Normes : LCI.137
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1304/2023 LCI

JTAPI/79/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 janvier 2024

 

dans la cause

 

Mesdames et Messieurs A______ et B______, C______ et D______, E______ et F______, G______ et H______, I______ et J______ ainsi que K______ SA

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Mesdames et Messieurs A______ et B______, C______ et D______, E______ et F______, G______ et H______, I______ et J______ ainsi que K______ SA sont les copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de L______. Ils ont constitué la propriété par étages « M______ » (ci-après : PPE).

Ladite parcelle abrite un bâtiment destiné à l’habitation avec un garage souterrain. Ce dernier a été édifié conformément aux autorisations de construire DD 2______ et complémentaires. Il a pour adresse ______[GE].

2.             Monsieur N______est titulaire de servitudes personnelles et cessibles de jouissance exclusive portant sur onze places de parking sises au sein de cette parcelle.

Elles consistent en dix servitudes personnelles et cessibles d’usage de places de stationnement en sous-sol qui s’exercent dans les limites de l’assiette représentée par la trame de couleur bleue (chiffres nos 8 à 17), une servitude de passage à pied et pour tous véhicules partiellement exclusive qui s’exerce dans les limites de l’assiette représentée par la trame n° C02 de couleur verte, une servitude de passage à pied partiellement exclusive qui s’exerce dans les limites de l’assiette représentée par la trame n° C02 de couleur jaune, lettre A, et une servitude de passage à pied partiellement exclusive qui s’exerce dans les limites de l’assiette représentée par la trame n° C02 de couleur jaune, lettre B, du plan de servitude établi par Monsieur O______, ingénieur géomètre officiel, le 17 novembre 2016, modifié le 18 avril 2017, et inscrites au registre foncier le ______ 2017 sous 3______.

3.             Le 2 août 2021, par le biais de la régie P______, les copropriétaires ont dénoncé au département du territoire (ci-après : le département) le fait que M. N______utilisait les onze places de stationnement susmentionnées pour stocker et étiqueter une quantité de vin, et avait entrepris des modifications. À leur sens, cette exploitation, qu’ils n’avaient pas autorisée, n’était pas conforme aux normes de sécurité. Ils lui requéraient de faire le nécessaire afin que les servitudes d’usage soient utilisées telles que prévues à l’origine.

4.             Le 14 septembre 2021, suite à cette dénonciation, un dossier d’infraction (I-4______) a été ouvert par le département à l’encontre de M. N______. Dans ce cadre, par décision du 1er juillet 2022, le département lui a interdit d’utiliser les locaux sis au sous-sol de la PPE (places de parkings) jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit et l’a enjoint de libérer ces derniers de tout matériel entreposé, le tout avec effet immédiat.

Par acte du 15 juillet 2022, M. N______a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, notamment, à son annulation. La procédure en résultant, ouverte sous le numéro de cause 5______, a été suspendue par décisions des 25 août 2022 (6______) et 9 octobre 2023 (7______), d’accord entre les parties.

5.             Parallèlement, le département a entrepris des démarches envers les copropriétaires. Par courrier du 27 mai 2022, il avait pris bonne note du fait qu'ils avaient décidé, lors de leur assemblée générale du 4 avril 2022, de refuser de déposer une autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) visant au changement d’affectation des places de stationnement précitées, afin de tenter de rétablir une situation conforme et a relevé un certain nombre d’éléments. Le 8 juin 2022, les copropriétaires se sont déterminés sur ce courrier.

6.             Par décision du 1er juillet 2022 adressée aux copropriétaires, le département a retenu que le changement d’affectation des places de parking en sous-sol ainsi que les modifications non conformes aux autorisations DD 2______ et complémentaires étaient soumis à l’obtention d’une autorisation de construire. Il prenait acte du fait qu’ils ne souhaitaient pas déposer une APA afin de régulariser la situation par ce biais. Par conséquent et dans la mesure où les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état, il leur ordonnait de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de soixante jours dès notification de la présente décision en procédant à la mise en conformité de la construction selon les autorisations en force (DD 2______ et complémentaire).

Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai. En cas de non-respect de cette décision et/ou à défaut de réception des éléments précités dans le délai imparti, ils s’exposeraient à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiées par la situation. La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit pourrait faire l’objet d’une décision à l’issue du traitement du dossier I-4______ raison pour laquelle elle restait en l’état réservée,

Non contestée, cette décision est entrée en force.

7.             Par décision du 10 mars 2023, après avoir retenu que les copropriétaires n’avaient donné aucune suite à sa décision du 1er juillet 2022, le département leur a infligé une amende de CHF 500.- en précisant que ce montant tenait compte de leur attitude à ne pas se conformer à son ordre dans la mesure où les preuves de l’exécution ne lui étaient pas parvenues dans le délai imparti.

Un nouveau délai au 14 avril 2023 leur a été accordé pour s’exécuter.

8.             Par acte du 6 avril 2023, les copropriétaires ont recouru contre cette décision par devant le tribunal. Ils ont conclu à son annulation et à ce que l’entier des frais et amendes soient infligés à M. N______. Ils ont également requis que le tribunal ordonne au département d’appliquer strictement sa décision du 1er juillet 2022 prise à l’encontre de M. N______, qu’il ordonne lui-même à M. N______d’utiliser sa servitude de parking comme un parking et de remettre les lieux dans l’état d’origine, qu’il rejette le recours de M. N______concernant l’infraction I-4______, qu’il reconnaisse à l’instar de la justice civile l’entrée en force de la décision de leur assemblée générale du 4 avril 2022, qu’il refuse l’APA déposée par M. N______auprès du département et qu’il réponde à leur courrier du 28 septembre 2022.

Le 1er juillet 2022, le département leur avait ordonné, ainsi qu’à M. N______, d’utiliser le parking correctement. Ce dernier avait interjeté recours contre cette décision. De leur côté, ils avaient écrit le 28 septembre 2022 au tribunal au sujet dudit recours, mais celui-ci n’avait pas accusé réception de leur courrier et ne s’était pas déterminé à cet égard. À ce jour, ils souhaitaient que la décision du 1er juillet 2022 prise à l’encontre de M. N______soit appliquée, mais ils n’étaient pas en mesure de la mettre à exécution. De plus, la situation perdurait notamment en raison du recours interjeté par ce dernier. Dans ces circonstances, il était injuste de les amender pour une situation qu’ils avaient eux-mêmes dénoncée.

Par ailleurs, contrairement aux allégations du département en date du 10 mars 2023, ils avaient répondu au département, notamment par l’intermédiaire d’un mandataire professionnellement qualifiée (ci-après : MPQ) dont le courriel du 15 septembre 2022 attestait que le seul délit était celui de la mauvaise utilisation du parking par M. N______. Or, ce délit ne pouvait pas leur être imputé, notamment en raison de la servitude d’utilisation exclusive de M. N______. Alors qu’ils avaient sollicité l’aide de l’État pour faire appliquer les lois, la situation se retournait apparemment contre eux puisqu’ils étaient aujourd’hui amendés.

9.             Dans ses observations du 20 juin 2023, le département a conclu au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Dans le courriel du 15 septembre 2022, la MPQ avait indiqué que les modifications d’affectations au sous-sol tel que reprochées par le département n’avaient pas été effectuées par la PPE et que l’APA 4______ ne relevait pas de ses prérogatives.

Faute de recours contre la décision du 1er juillet 2022 leur ordonnant de rétablir une situation conforme au droit par le dépôt d’une requête en changement d’affectation des locaux litigieux, ladite décision était entrée en force. Partant de ce constat et bien qu’il n’était pas contesté que les recourants aient choisi de ne pas se conformer à l’ordre de déposer une demande en autorisation de construire pour valider le changement d’affectation des places de parking en sous-sol malgré les injonctions dans ce sens, leurs griefs étaient tardifs. Dans la mesure où les recourants ne s’étaient pas conformés à son ordre dans le délai imparti, leur faute était avérée et le principe du prononcé de l’amende ne pouvait qu’être confirmé.

La quotité de l’amende, non contestée, se situait dans la partie basse de la fourchette prévue à l’art. 137 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

10.         Par réplique du 10 juillet 2023, les recourants ont persisté intégralement dans leurs allégués et conclusions. Ils ont requis que le département soit interdit de continuer de les amender tant que la justice civile ne se serait pas prononcée sur le conflit les opposant à M. N______.

Contrairement aux allégations du département, ils avaient fait et faisaient, avec l’aide de leur régie, tous ce qui était en leur pouvoir pour contraindre M. N______à utiliser sa servitude correctement. Nulle faute ne pouvait leur être reprochée. Ils étaient scandalisés que le département leur reprochait de ne pas avoir signé l’APA de changement d’affectation déposée par M. N______alors qu’ils ne voulaient pas changer l’affectation d’une partie de leur parking.

11.         Dans sa duplique du 17 août 2023, le département a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

Les arguments contenus dans la réplique visaient essentiellement à remettre en cause le bien-fondé de l’ordre prononcé le 1er juillet 2022, aujourd’hui en force, de sorte que ces griefs étaient tardifs.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions respectivement griefs formulés par un recourant soient recevables.

En effet, sous peine d’être irrecevable, une conclusion ne peut être exorbitante à l’objet du litige (ATA/195/2022 du 22 février 2022 consid. 3). Cet objet est défini principalement par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1367/2023 du 19 décembre 2023 consid. 4.8).

4.             En l’espèce, l’objet du litige porte sur la conformité au droit de l’amende infligée aux recourants par décision du 10 mars 2023. Le chef des conclusions de ceux-ci relatives à leur courrier du 28 septembre 2022, à la décision de leur assemblée générale du 4 avril 2022, à la décision du département du 1er juillet 2022 prise à l’encontre de M. N______, au recours de ce dernier concernant l’infraction I-4______ et à l’APA que celui-ci a déposée auprès du département est exorbitant à l’objet de la décision entreprise et, partant, celles-ci sont irrecevables.

5.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

6.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

7.             Les recourants estiment l’amende non fondée en raison du fait qu’ils n’avaient commis aucune faute, ayant fait tout leur possible pour contraindre M. N______à utiliser sa servitude correctement. Ils étaient scandalisés qu’on leur reproche de ne pas avoir adhérer à un changement d’affectation d’une partie de leur parking.

Ils requièrent également que toutes amendes soient infligées à M. N______.

8.             Selon l’art. 137 al. 1 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à 150’000.- tout contrevenant :

a)      à la présente loi ;

b)      aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi ;

c)      aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. La violation des prescriptions par cupidité, ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

9.             L’art. 137 al. 1 let. c LCI érige ainsi la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d’application (let. a et b).

De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l’insoumission à une décision de l’autorité. À l’instar de cette disposition pénale, la condamnation de l’auteur pour infraction à l’art. 137 al. 1 let. a LCI n’a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l’autorité. S’il persiste dans son action ou son omission coupables, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l’art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l’on réprime à chaque fois une autre période d’action ou d’omission coupables. De plus, la sanction de l’insoumission peut être augmentée chaque fois qu’une menace de l’appliquer est restée sans effet (ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 3d et les références citées).

10.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 9.2 ; ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.1.3 et les références citées).

11.         En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP (art. 1 à 110) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/ 2019 du 16 avril 2019 et les références citées).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 3f et les références citées ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2020, n. 1493 p. 343).

12.         L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_ 1024/2020 du 25 janvier 2021 consid. 1.1 ; 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

13.         S’agissant de la quotité de l’amende, la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant et n’est censuré qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/702/2023 du 27 juin 2023 consid. 6.1 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019).

En outre, l’administration doit faire preuve de sévérité, afin d’assurer le respect de la loi (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c). L’autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

14.         Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les références citées ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu’elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2).

15.         Selon un principe général, la nullité d’un acte commis en violation de la loi doit résulter ou bien d’une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question (ATF 122 I 97 consid. 3a). En d’autres termes, il n’y a lieu d’admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5.1 ; ATA/547/ 2021 du 9 juillet 2021 consid. 6a et les références). Ainsi, d’après la jurisprudence, la nullité d’une décision n’est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n’entraînent qu’à de rares exceptions la nullité d’une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l’incompétence qualifiée de l’autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2 ; ATA/1372/2023 du 12 décembre 2023 consid. 5.2).

16.         En l’espèce, l’amende litigieuse se fonde sur le non-respect de la décision du 1er juillet 2022, entrée en force faute d’avoir été contestée et qui ne peut être qualifiée de nulle dans la mesure où elle n’est pas entachée d’un vice particulièrement grave. Partant, il n’est pas reproché aux recourants de ne pas avoir rétabli une situation conforme au droit s’agissant des locaux modifiés utilisés par M. N______, mais de ne pas s’être conformés à l’ordre du 1er juillet 2022 dans le délai imparti.

Dans ces circonstances, les arguments et considérations des recourants visent en fait à remettre en cause le bien-fondé de l’ordre prononcé le 1er juillet 2022, mais cela ne peut plus être fait à ce jour, cette décision étant entrée en force avec pour effet que ses éventuels vices ont été guéris. Les recourants auraient dû faire valoir de tels griefs en temps utile, à savoir en contestant la décision du 1er juillet 2022 dans un délai de trente jours. Il est maintenant trop tard pour eux de se plaindre que le département leur reproche de ne pas avoir adhérer à un changement d’affectation d’une partie de leur parking. Le principe de l’amende doit ainsi être confirmé.

La quotité de l’amende, qui n’est pas contestée par les recourants, doit aussi être confirmée, étant noté qu’elle se situe dans la fourchette base du montant pouvant être infligé.

Enfin, force est pour le tribunal de constater que l’amende querellée ne peut pas être infligée à M. N______en lieu et place des recourants, puisque celui-ci n’a pas contrevenu à l’ordre du 1er juillet 2022, lequel ne lui a d’ailleurs pas été adressé.

17.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 350.- versée à la suite du dépôt du recours. À cet égard, il sied de préciser que M. N______n’est pas partie à la présente procédure et qu’il ne peut dès lors devoir en assumer les frais.

19.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 avril 2023 par Mesdames et Messieurs A______ et B______, C______ et D______, E______ et F______, G______ et H______, I______ et J______ ainsi que K______ SA contre la décision du département du territoire du 10 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 350.- versée  ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière