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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3616/2021

ATA/195/2022 du 22.02.2022 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3616/2021-AIDSO ATA/195/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 février 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) M. A______, son épouse, Mme B______ et leurs deux filles, nées en 2013 et 2014, sont au bénéfice de prestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er février 2021.

2) La demande d’aide sociale financière qu’ils avaient formée le 10 janvier 2021 indiquait que Mme B______ était employée par l’Université de Genève (ci-après : l’université) en qualité d’assistante administrative à 60 % et qu’elle suivait en parallèle des cours auprès d’Unidistance. M. A______ était sans emploi et que son droit aux indemnités de chômage avait pris fin en décembre 2020.

3) Des prestations d’aide financière ont été servies à la famille A______ de février à juin 2021.

4) Le décompte de salaire de juin 2021 de Mme B______ comportait le traitement brut de CHF 4'066.25, auquel s’ajoutait le versement de la moitié du treizième salaire annuel, soit CHF 2'033.50 brut, ce qui portait le revenu du mois à CHF 5'327.05 net.

5) Le 8 juillet 2021, le centre d’action sociale de la Servette (ci-après : CAS) a informé les époux qu’aucune prestation d’aide financière ne pouvait leur être allouée dès le 1er juillet 2021, leurs ressources dépassant les charges admises de CHF 2'095.65.

6) Le 26 juillet 2021, M. A______ a formé opposition contre cette décision.

Le supplément de salaire perçu par son épouse en juin 2021 était destiné à payer les taxes universitaires semestrielles de CHF 1'300.- de celle-ci. Le solde, de CHF 570.-, devait permettre d’offrir aux enfants un « été modeste ».

Il ne comprenait pas comment cette somme pouvait justifier la diminution de leurs aides pour l’assurance-maladie.

Cette aide portant sur les primes d’assurance-maladie devait être maintenue.

7) Dès le mois d’août 2021, le versement de l’aide sociale en faveur de la famille A______ a repris.

8) Par décision du 24 septembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’hospice a rejeté l’opposition formée par M. A______.

Le salaire perçu par Mme B______ en juin 2021, qui était supérieur aux précédents en raison du versement semestriel de la moitié du treizième salaire, avait porté les ressources de la famille à CHF 6'181.05, soit un montant dépassant le total des charges de CHF 4'085.40.

M. A______ ne contestait pas les autres montants retenus pour le calcul des prestations.

9) Par acte remis à la poste le 21 octobre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à ce que l’on continue à les aider à payer leurs primes d’assurance-maladie.

Même si le motif invoqué par l’hospice, soit le dépassement des charges, était justifié, l’intérêt légitime et supérieur de la famille devait prévaloir. Il ne restait plus d’argent sur les comptes de la famille à la fin du mois de juin 2021 puisqu’une partie du dépassement du revenu habituel avait été utilisée pour acquitter les taxes universitaires. Pénaliser la famille ne ferait qu’aggraver sa situation. Prétendre qu’avec cet argent ils auraient pu acquitter les primes d’assurance-maladie n’était pas raisonnable et les avait exposés à un risque de poursuites.

10) Le 25 novembre 2021, l’hospice a conclu au rejet du recours.

La décision attaquée n’avait eu d’effet que pour le mois de juillet 2021 et le versement des prestations avait repris dès le mois d’août 2021.

Les bénéficiaires de prestations de l’hospice obtenaient le subside partiel maximum ainsi qu’un complément destiné à couvrir le solde de la prime de l’assurance-maladie obligatoire des soins. Ce complément ne pouvait toutefois dépasser le montant de la prestation d’aide sociale calculé par l’hospice. Il était également accordé lorsqu’il permettait d’éviter le recours aux prestations prévues par la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). Lorsqu’un bénéficiaire cessait d’avoir droit aux prestations de l’hospice en cours d’année, son subside partiel était maintenu jusqu’à la fin de l’année en cours.

La famille, bien que hors des barèmes d’intervention de l’hospice en juillet 2021, avait continué à bénéficier du subside partiel maximum. Dès le mois d’août 2021, l’hospice avait repris le versement des prestations, lesquelles avaient systématiquement été calculées en prenant en compte le montant des primes LAMal de la famille, subsides déduits.

M. A______ ne contestait pas, pour le surplus, le calcul des revenus et des charges déterminants pour étrablir le droit aux prestations en juillet 2021.

11) Le 14 janvier 2022, M. A______ a répliqué.

Il ne contestait pas les allégués de l’hospice, qui avait agi avec cohérence en essayant d’appliquer le règlement.

L’hospice ne l’avait pas informé qu’il n’aurait plus droit aux prestations d’aide financière en juin 2021. Il n’était pas conscient qu’il allait être sanctionné. Le treizième salaire de sa femme ne provenait pas d’une autre source de travail, mais de son contrat de travail, dont l’hospice avait connaissance.

Ils n’avaient plus l’argent. Ils souhaitaient offrir à leurs enfants ce dont ils avaient besoin, sans plus. Il souhaitait que son épouse puisse terminer son baccalauréat et entreprendre sa maîtrise pour devenir psychologue psychothérapeute et offrir un meilleur avenir à leurs enfants.

Ils avaient besoin que l’hospice prenne en charge les primes
d’assurance-maladie même lorsqu’ils recevaient le treizième salaire de son épouse.

La décision de « cessation des prestations » de l’hospice devait être « rejetée ».

12) Le 19 janvier 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Seul le recourant a formé opposition le 26 juillet 2021 puis attaqué la décision sur opposition du 24 septembre 2021. Dans la mesure où il ne ressort pas de la procédure que les époux seraient désormais séparés, il sera considéré que le recourant a également agi au nom de son épouse, en qualité de représentant de l’union conjugale (ATA/375/2021 du 30 mars 2021 consid. 2).

3) Le litige a trait à la décision sur opposition de l’hospice du 24 septembre 2021 confirmant le refus d’octroyer à la famille A______ des prestations financière d’aide sociale pour le mois de juillet 2021.

La conclusion du recourant à ce que l’on continue à aider sa famille à payer ses primes d’assurance-maladie sera traitée, en ce qui concerne le mois de juillet 2021, avec la conclusion de « rejet » de la décision de « cessation des prestations » prise dans la réplique. Pour les mois suivants, cette conclusion (continuer à aider) est exorbitante à l’objet du litige et partant irrecevable, étant observé que les aides ont été versées, selon les affirmations de l’hospice, ce que le recourant ne conteste pas.

4) En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5) Le recourant ne conteste ni les calculs ni les allégués de l’hospice à l’appui de la décision attaquée. Il se plaint que l’aide relative aux primes
d’assurance-maladie n’aurait pas été versée.

a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1  LIASI).

c. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 7 et 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/365/2020 du 16 avril 2020 consid. 4a ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

d. L’art. 21 al. 1 LIASI dispose qu’ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État.

L’art. 22 LIASI dispose que sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux articles 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

L’art. 4 al. 1 let a LRDU dispose que le socle du revenu déterminant unifié comprend l’ensemble des revenus, notamment le produit de l'activité lucrative dépendante au sens de l'art. 18 LIPP de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

L’art. 18 LIPP prévoit que sont imposables tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre de rapports de travail, qu’elle soit régie par le droit privé ou par le droit public, y compris les revenus accessoires, tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les gratifications, les pourboires, les tantièmes, les avantages appréciables en argent dérivant de participations de collaborateur et les autres avantages appréciables en argent.

e. Font partie des besoins de base notamment la prime d’assurance-maladie obligatoire des soins, prise en charge selon les modalités définies aux art. 21A et 21B LIASI (art. 21 al. 2 let. c LIASI). Pour les adultes et les jeunes adultes âgés entre 18 et 25 ans révolus, celle-ci est prise en charge à concurrence de la prime cantonale de référence (art. 21A al. 1 LIASI). Pour les assurés âgés de moins de 18 ans révolus, elle est prise en charge à concurrence de la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur (art. 21B al. 1 LIASI).

Selon l’art. 11C al. 1 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 15 décembre 1997 (RaLAMal - J 3 05.01), les bénéficiaires de prestations de l’hospice obtiennent le subside partiel maximum ainsi qu’un complément destiné à couvrir le solde de la prime d’assurance-maladie obligatoire des soins. Toutefois, ce complément ne peut dépasser le montant de la prestation d’aide sociale calculé par hospice en application de la LIASI. Selon l’al. 3 du même article, au cas où un bénéficiaire cesse d'avoir droit aux prestations de l’hospice en cours d'année, son subside partiel, tel que défini à l'alinéa 1, est maintenu jusqu'à la fin de l'année en cours. En cas de justes motifs, le service peut, à la demande de l’hospice, ne pas maintenir ce subside.

6) En l’espèce, il n’est pas douteux que le treizième salaire de l’épouse du recourant constitue un revenu au sens de la LIPP et, partant, de la LRDU et de la LIASI. Le recourant ne le conteste d’ailleurs pas.

Il suit de là que c’est à bon droit que l’hospice a tenu compte pour le mois de juillet 2021 d’un salaire net de CHF 5'327.05 et de ressources totales de CHF 6'181.05, et qu’il a conclu que celles-ci dépassaient les charges de CHF 2'095.65, et excluaient, partant, l’octroi de l’aide financière en application de l’art. 21 al. 1 LIASI. Le recourant ne conteste d’ailleurs pas ces calculs.

Le recourant se plaint cependant que l’aide relative aux primes
d’assurance-maladie n’aurait pas été versée.

Il perd de vue que les subsides n’ont pas cessé d’être versés, ainsi qu’il ressort des relevés mensuels des prestations d’aide sociale produits par l’hospice, et notamment de celui de juillet 2021, et ce conformément à l’art. 11C al. 3 RaLaLAMal qui prévoit leur maintien pour l’année en cours même en cas de cessation du droit aux prestations.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il n’y aura pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, le recourant succombant intégralement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2021 par M. A______ contre la décision de l’Hospice général du 24 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :