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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2692/2023

JTAPI/47/2024 du 22.01.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;REGROUPEMENT FAMILIAL;ASSISTANCE PUBLIQUE
Normes : LEI.30; LEI.44; CEDH.8; ALCP-I.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2692/2023

JTAPI/47/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1984, est originaire d'Albanie.

2.             En date du 30 septembre 2022, elle a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) l'octroi d'une autorisation lui permettant de célébrer son union avec Monsieur B______, ressortissant français résidant à Genève, titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse.

Ce dernier était légalement en Suisse depuis le 2 juillet 2021, n'exerçait actuellement aucun emploi et se trouvait au bénéfice de prestations d'aide sociale depuis le 1er février 2022. Selon l'extrait des poursuites du 16 novembre 2022, il faisait également l'objet d'un acte de défauts de bien d'un montant de CHF 469.-.

3.             Selon le formulaire M daté du 16 novembre 2022, Mme A______ a déclaré résider à Genève depuis le 2 juillet 2021. Elle était divorcée et a laissé libre la rubrique "enfants" en la barrant.

4.             Par courrier du 19 avril 2923, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande d'octroi d'une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage et de prononcer son renvoi de Suisse, le fiancé de Mme A______ n'ayant pas d'emploi et se trouvant dépendant de l'aide sociale depuis le 1er février 2022. Un délai de trente jours lui était imparti pour exercer, par écrit, son droit d'être entendue.

5.             Le 15 mai 2023, l'OCPM a délivré à Mme A______ une attestation de résidence, certifiant qu'elle avait déposé une demande d'autorisation de séjour et précisant qu'elle ne valait pas titre de légitimation.

6.             Par décision du 29 juin 2023, l'OCPM a refusé d'octroyer une attestation en vue de mariage et, a fortiori, une autorisation de séjour au titre de regroupement familial à Mme A______ et prononcé son renvoi de Suisse, le dossier ne faisant pas apparaître que l'exécution du renvoi n'était pas possible, licite ou raisonnablement exigible. Un délai au 29 septembre 2023 lui était imparti pour ce faire.

Reprenant les motifs de sa décision d’intention du 19 avril 2023, l'OCPM a conclu que les conditions du regroupement familial au sens de l'art. 44 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), 30 al. 1 let. b LEI, art. 3 de l'annexe I de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et celles de l'art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n’étaient en l'espèce pas satisfaites.

7.             Selon formulaire M daté du 27 juillet 2023, Mme A______ a été engagée par le restaurant C______ à E______ pour un salaire de CHF 4'032.- par mois sans les charges. Il était indiqué qu'elle était célibataire et avait un enfant, Monsieur D______, né le ______ 2003, qui ne résidait pas à Genève avec elle.

8.             Par acte du 28 août 2023, Mme A______ a formé recours à l'encontre de la décision de l'OCPM du 29 juin 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

La décision querellée lui refusait de vivre aux côtés de la personne pour laquelle elle ressentait un profond attachement amoureux et avec qui elle voulait vivre et épouser. Son fiancé était de nationalité française et avait le droit de s'installer en Suisse. Si elle avait bien compris, tout revenait au fait que son fiancé ne travaillait pas et était assisté par les services sociaux.

Pourtant on lui avait donné le 15 mai 2023 une attestation de résidence qui lui permettait, si elle la lisait bien, de rester en Suisse. Elle ne comprenait pas pourquoi on lui refusait une autorisation de séjour alors qu'elle avait un travail et que si on autorisait sa présence en Suisse pour lui permettre de poursuivre la procédure de mariage, elle pourrait à la fois rester auprès de son futur mari et parallèlement subvenir à l'entretien de tous les deux.

9.             Le 21 septembre 2023, l'OCPM a délivré à Mme A______ une autorisation provisoire de travail, « valide jusqu'à droit connu sur la demande de titre de séjour et révocable en tout temps ».

10.         En date du17 octobre 2023, l'OCPM a transmis son dossier et ses observations, concluant au rejet du recours.

L'attestation de résidence délivrée le 15 mai 2023 certifiait uniquement que la recourante avait déposé une demande d'autorisation de séjour. Son fiancé avait perdu la qualité de travailleur dès lors qu'il n'était plus salarié et qu'il percevait des prestations financières de l'Hospice général. Il ne pouvait donc plus se prévaloir des droits conférés par ALCP, dont le droit au regroupement familial. Depuis le prononcé de la décision, la recourante avait trouvé un emploi et avait été autorisée à travailler provisoirement mais il n'avait cependant à ce jour pas été démontré que le revenu généré par cette activité avait permis au couple de s'affranchir totalement de l'aide sociale et que les conditions d'un regroupement familial ultérieur seraient ainsi réalisées. Il était enfin rappelé que les fiancés conservaient la possibilité de se marier à l'étranger et de déposer une demande de regroupement familial lorsqu'ils seraient en mesure d'être financièrement indépendants.

11.         Malgré le délai imparti par le tribunal, la recourante n'a pas déposé de réplique.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante a proposé son audition.

4.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

5.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige. De plus, la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de ses écritures et de produire tout moyen de preuve utile.

Par conséquent, la demande d'instruction tendant à sa comparution personnelle, en soi non obligatoire, sera rejetée.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2).

8.             Selon l’art. 3 par. 1 annexe I ALCP, les membres de la famille d’une personne ressortissant d’une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s’installer avec elle. Le travailleur salarié doit disposer d’un logement pour sa famille considéré comme normal pour les travailleurs nationaux salariés dans la région où il est employé sans que cette disposition puisse entraîner de discriminations entre les travailleurs nationaux et les travailleurs en provenance de l’autre partie contractante.

9.             Le régime des ALCP en matière de regroupement familial a un champ d’application personnel moins étendu que l’art. 8 CEDH, car le concubin n’est pas un membre de la famille au sens de l’art. 3 annexe I ALCP (Cesla AMARELLE, Nathalie CHRISTEN, Minh Son NGUYEN, Migrations et regroupement familial, 2012, p. 150).

10.         En l’espèce, la recourante ne peut pas se prévaloir de l’art. 3 annexe I ALCP, dès lors que M. B______ n'exerce aucun emploi en Suisse et ne dispose pas du statut de travailleur.

Partant, l’ALCP ne saurait s’appliquer dans le cas présent.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d'Albanie.

12.         En application de l’art. 17 LEI, l’étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d’autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l’étranger (al. 1). L’autorité cantonale compétente peut autoriser l’étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d’admission sont manifestement remplies.

13.         En application de l’art. 30 let. b LEI, en relation avec l’art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), une autorisation de séjour de durée limitée peut, en principe, être délivrée pour permettre à un étranger de préparer en Suisse son mariage avec un citoyen suisse ou avec un étranger titulaire d’une autorisation de séjour à caractère durable ou d’établissement (titre de séjour B ou C). Avant l’entrée en Suisse, l’office de l’état civil doit fournir une attestation confirmant que les démarches en vue du mariage ont été entreprises et que l’on peut escompter que le mariage aura lieu dans un délai raisonnable. De surcroît, les conditions du regroupement familial ultérieur doivent être remplies (p. ex. moyens financiers suffisants, absence d’indices de mariage de complaisance, aucun motif d’expulsion) (directives édictées par le secrétariat d’Etat aux migrations, version octobre 2013, état au 1er mars 2023 - ci-après : directives LEI -, ch. 5.6.5).

Il convient par conséquent de vérifier si, au regard des circonstances du cas d’espèce, il apparaît d’emblée que la recourante, une fois mariée, pourrait être admise à séjourner en Suisse. En effet, si, en raison des circonstances, notamment de la situation personnelle de l’étranger, il apparaît que ce dernier ne pourra pas, même une fois marié, être admis à séjourner en Suisse, l’autorité de police des étrangers peut renoncer à lui délivrer une autorisation de séjour provisoire en vue du mariage ; il n’y a en effet pas de raison de lui permettre de prolonger son séjour en Suisse pour s’y marier alors qu’il ne pourra de toute façon pas, par la suite, y vivre avec son conjoint (cf. ATF 138 I 41 consid. 4 ; 137 I 351 consid. 3.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_81/2016 du 16 février 2016 consid. 6.1 ; 2C_671/2015 du 21 août 2015 consid. 6.1).

Ceci conduit nécessairement à se demander si les conditions de fond qui président à l’octroi d’une autorisation de séjour « ordinaire », c’est-à-dire d’un titre non limité à la préparation et la célébration du mariage, seraient réunies en cas de mariage (arrêt du Tribunal fédéral 2C_950/2014 du 9 juillet 2015 consid. 4.2 et les références citées).

14.         Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions suivantes :

a. ils vivent en ménage commun avec lui;

b. ils disposent d'un logement approprié;

c. ils ne dépendent pas de l'aide sociale;

d. ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile;

e. la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la LPC ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial.

15.         Il s'agit de conditions de base qui doivent impérativement être remplies pour qu'une autorisation de séjour puisse être accordée dans ce cadre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_345/2009 du 22 octobre 2009). Il n'existe aucun droit au regroupement familial et les cantons peuvent soumettre l'octroi de l'autorisation à des conditions plus sévères.

Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-367/2015 du 11 février 2016 consid. 5.2). En outre, cette disposition légale, par sa formulation potestative, ne confère pas, en tant que telle, un droit à une autorisation de séjour, l'octroi d'une telle autorisation étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 137 I 284 consid. 2.3.2 et la référence).

16.         Selon les directives LEI, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/401/2016 du 10 mai 2016), les moyens financiers doivent permettre aux membres de la famille de subvenir à leurs besoins sans dépendre de l'aide sociale. Les moyens financiers doivent au moins correspondre aux normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : normes CSIAS). Les cantons sont libres de prévoir des moyens supplémentaires permettant de garantir l'intégration sociale des étrangers. Les éventuels revenus futurs ne doivent en principe pas être pris en compte. Ce principe ressort notamment du fait que les membres de la famille du titulaire d’une autorisation de séjour à l’année qui sont entrés en Suisse au titre du regroupement familial n’ont pas droit à l’octroi d’une autorisation de séjour. Lorsqu'une autorisation de séjour est malgré tout délivrée, les intéressés ont droit à l'exercice d'une activité lucrative. C'est pourquoi un éventuel revenu futur peut, à titre exceptionnel, être pris en compte lorsque ce revenu peut selon toute vraisemblance être généré à long terme (poste de travail sûr et réel et possibilité effective d'exercer une activité lucrative compte tenu de la situation familiale).

17.         Pour justifier le refus d'un regroupement familial au motif de la dépendance à l'aide sociale, il doit exister un risque concret de recours à celle-ci, de simples préoccupations financières ne suffisant pas. En outre, il doit être tenu compte de l'évolution probable de la situation à plus long terme (ATF 137 I 351 consid. 3.9 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1041/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.2 ; 2C_547/ 2017 du 12 décembre 2017 consid. 3.1 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 5 ; Marc SPESCHA in Migrationsrecht, Kommentar, 4ème éd. 2015, ad art. 44 LEtr p. 163). Le regroupement familial visant à réunir une même famille, il faut prendre en compte la disponibilité de chacun de ses membres à participer financièrement à cette communauté et à réaliser un éventuel revenu futur. Celui-ci doit toutefois être concret et vraisemblable et, autant que possible, ne pas apparaître purement temporaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 3.4 ; 2C_763/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.2 ; 2C_685/2010 du 30 mai 2011 consid. 2.3.1 ; JTAPI/588/2019 consid. 10).

Le Tribunal administratif fédéral a déjà eu l'occasion de relever qu'en principe, il ne paraît pas justifié d'exiger un revenu allant au-delà des normes CSIAS et d'appliquer ainsi d'autres critères que ceux pris en compte lors de l'octroi de prestations sociales (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-7288/2014 du 5 décembre 2016 consid. 5.3.2 ; E-98/2013 du 21 mars 2013 consid. 4.5).

La notion d'aide sociale au sens de l'art. 44 let. c LEI doit être interprétée dans un sens technique. Elle comprend l'aide sociale traditionnelle et les revenus minima d'aide sociale, à l'exclusion des prestations d'assurances sociales, comme les indemnités de chômage, les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, les allocations familiales ou la réduction des primes d'assurance-maladie (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-7288/2014 précité consid. 5.3.3).

18.         En l’espèce, il faut effectivement constater que la condition posée par l'art. 44 let. c LEI n’est pas remplie. Il ressort en effet du dossier que le fiancé de la recourante émarge à l’aide sociale depuis le 1er février 2022 et aucun élément du dossier ne laisse présumer que sa dépendance à l'aide sociale présenterait des perspectives concrètes d'amélioration ni une évolution positive probable de sa situation financière. Comme l'OCPM l'a relevé dans ses écritures, il n'a à ce jour pas été démontré que le revenu généré par l'activité professionnelle de la recourante ne serait pas temporaire ni qu'il permettrait au couple de s'affranchir totalement de l'aide sociale et que les conditions d'un regroupement familial ultérieur seraient ainsi réalisées. Les conditions de l’art. 44 LEI étant cumulatives, le non-respect, en l'état de la situation actuelle, de l’une d’entre elle (let. c) suffit pour refuser le regroupement familial.

19.         L'OCPM n'a donc pas, sous cet angle, méconnu le droit en adoptant la décision querellée.

L'examen du cas sous l'angle de l'art. 8 CEDH conduit à la même conclusion.

20.         Aux termes de cette disposition, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale.

21.         Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que cette personne ait la nationalité suisse, une autorisation d'établissement en Suisse ou un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; 135 I 143 consid. 1.3.1). Les relations visées à l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux, ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; 127 II 60 consid. 1d/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_952/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1 ; 2C_899/2014 du 3 avril 2015 consid. 3.1).

Cette disposition ne confère cependant pas un droit à séjourner dans un État déterminé. Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut toutefois porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 135 I 153 consid. 2.1).

Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH est possible aux conditions de l'art. 8 par. 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence. S'agissant d'un regroupement familial, il convient de tenir compte dans la pesée des intérêts notamment des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par le droit interne ne soient réalisées. Du reste, les conditions de logement et d'absence d'aide sociale posées par la législation suisse s'agissant du regroupement familial se retrouvent dans celles de la plupart des États parties à la convention (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 ; 137 I 284 consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1019/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3.2.1 ; 2C_320/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.2.1 ; avec référence notamment à l'ACEDH Hasanbasic c. Suisse du 11 juin 2013, req. n° 52166/09, § 59 ; ATA/1059/2021 du 12 octobre 2021 et les références citées).

22.         Il n'y a pas d’atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger ; l'art. 8 CEDH n'est a priori pas violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour (ATF 135 I 143 consid. 2.2 ; ATF 135 I 153 consid. 2.1). En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 par. 2 CEDH. Celle-ci suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 144 I 91 consid. 4.2 ; ATF 140 I 145 consid. 3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_854/2015 du 2 mars 2016 consid. 5.1).

Une considération importante à prendre en compte est celle de savoir si la vie familiale a été créée à un moment où les personnes impliquées étaient conscientes que le statut de l'un d'eux vis-à-vis des services de l'immigration était tel que la pérennité de la vie familiale dans l'État hôte serait dès le départ précaire : lorsque tel est le cas, le renvoi du membre étranger de la famille ne sera qu'exceptionnellement incompatible avec l'art. 8 CEDH (ACEDH Antwi et autres c. Norvège du 14 février 2012, req. n° 26940/10, § 89 ; Nunez c. Norvège du 28 juin 2011, req. n° 55597/09, § 70).

23.         L'art. 13 Cst. a une portée identique à celle de l'art. 8 CEDH (ATF 146 I 20 consid. 5.1).

24.         Enfin, celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées).

25.         En l'espèce, si le fiancé de la recourante séjourne en Suisse au bénéfice d’une autorisation de séjour, la question de sa révocation aurait pu se poser, en application de l’art. 62 al. 1 let e LEI, compte-tenu de sa dépendance durable à l’aide sociale et partant de sa mauvaise intégration. Le tribunal relèvera encore que la recourante savait qu'elle ne disposait pas d’un titre de séjour lui permettant de séjourner en Suisse et ne pouvait ignorer que son séjour était précaire et pouvait s’arrêter à tout moment. En tout état, l'une des conditions cumulatives de l'art. 44 LEI, soit l’absence de dépendance à l’aide sociale, n’étant pas remplie, la recourante ne saurait, par le biais de l'art. 8 CEDH, se voir délivrer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.2). En conséquence, l'intérêt public à l'éloignement de l'intéressée l'emporte sur leur intérêt privé à demeurer en Suisse auprès de son fiancé. Enfin et en lien avec l’art. 14 Cst., le tribunal rappellera que les fiancés conservent la possibilité de se marier à l'étranger et de déposer une demande de regroupement familial, une fois financièrement indépendants.

26.         Au vu des considérants qui précèdent, il apparaît que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en rejetant la requête de la recourante. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

27.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

28.         Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6).

29.         En l'espèce, dès lors qu'il a refusé la délivrance d'une autorisation de séjour à la recourante, l'OCPM n'avait pas d'autre choix que d'ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

30.         En conséquence, mal fondé, le recours est rejeté et la décision attaquée est confirmée.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

32.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 29 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière