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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/855/2023

JTAPI/16/2024 du 09.01.2024 ( LDTR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;LOYER CONTRÔLÉ
Normes : LDTR.9; LDTR.10; LDTR.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/855/2023 LDTR

JTAPI/16/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 janvier 2024

 

dans la cause

 

Mesdames A______ et B______ et Monsieur C______, représentés par D______, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Mesdames et Monsieur A______, B______ et C______ (ci-après : les copropriétaires) sont copropriétaires de l’immeuble sis ______, sur la commune de E______.

Cet immeuble de logements, construit dans les années 50, comprend septante-deux appartements. Il est géré par la régie D______ SA (ci-après : la Régie) depuis le 1er juin 2015.

2.             Le 25 octobre 2021, la Régie a déposé, pour le compte des copropriétaires, une requête en autorisation de construire en procédure accélérée (APA) auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), souhaitant entreprendre des travaux de rafraîchissement dans un appartement de trois pièces au deuxième étage de l’immeuble susmentionné, lequel avait été loué jusqu'au 29 juillet 2021 par une locataire qui était décédée après cinquante-six ans de location.

À teneur de la formule LDTR de la requête, les travaux envisagés, estimés à CHF 29'940.-, étaient les suivants :

« Peinture : remise en état des peintures et papiers décollés

Carrelage : scellement des faïences et remise en état des joints dans la salle de bain et la cuisine

Parquet : réparation ponctuelle, ponçage et imprégnation des parquets et seuils

Sanitaire : contrôle des sanitaires, appareils et accessoires

Menuiserie : réglages et contrôle pour bonne fermeture, remplacement de la porte palière (suite à l’intervention de la police dans le cadre du décès de la locataire)

Agencement de la cuisine : contrôle et réparation des électroménagers

Electricité : mise aux normes de l'installation électrique (en l'occurrence remplacement des fils électriques de 1 mm interdits actuellement par des fils électriques de 1.6 mm imposés par la législation actuelle, remplacement des prises et interrupteurs)

Polluants : repérage des polluants, qui sont nécessaires pour tous travaux, soumis ou non à la LCI et/ou à la LDTR

Nettoyage après travaux ».

3.             Les travaux en question ont été effectués de fin octobre 2021 au 19 novembre 2021.

4.             Dans le cadre de l'instruction de cette APA (APA 1______/1), les préavis suivants ont notamment été délivrés :

-          favorable, le 15 décembre 2021, du service des monuments et des sites
(ci-après : SMS) relevant que le bâtiment était situé dans le périmètre d’un plan de site en cours d’étude, qu’il s’agissait d’une intervention d’ordre mineur et de travaux d'entretien courant - permettant notamment « l'amélioration du confort des locaux sanitaires » - et que la porte palière de remplacement devait remplir certaines conditions ;

-          favorable, le 25 janvier 2022, de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), sous conditions que les dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) soient respectées (art. 9 LDTR) et que le loyer de l'appartement de trois pièces au deuxième étage n'excède pas CHF 7'171.- par an, soit CHF 2'390.- la pièce par an. Ce loyer serait appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux
(art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR). Sous « Remarques », il était mentionné :
« ( ) Nous avons visité le logement le 25 janvier 2022 et avons constaté qu’il s’agissait de travaux de rénovation. Cette autorisation régularisait l'infraction
I 2______ ».

5.             Par décision du 18 février 2022, le département a délivré l’APA 1______/1, dont le chiffre 7 indiquait expressément que les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

Cette décision, publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du même jour, est en force, aucun recours n’ayant été interjeté à son encontre.

6.             Par décision notifiée le 18 mars 2022 à la Régie, le département a relevé que les travaux considérés avaient été engagés sans autorisation, ce qui avait donné lieu à l'ouverture de la procédure d'infraction n° I 2______. Cette manière de procéder n'était pas tolérable. Par conséquent, une amende administrative de CHF 1'000.- lui était infligée. Un délai de trente jours lui était imparti pour rétablir une situation conforme en procédant à la réalisation de l'autorisation APA 1______.

7.             Suite au recours de la Régie contre cette amende, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) l'a confirmée par jugement du 5 octobre 2022 (JTAPI/3______/2022).

8.             Le 28 juillet 2022, la Régie a transmis à l'OAC une demande d'autorisation complémentaire à l'APA 1______/1 relative à la rénovation de l'appartement précité (APA 1______/2).

Dans sa lettre d'accompagnement, elle relevait que dans la mesure où il avait été décidé dans l'APA 1______/1 que les travaux d'entretien effectués en automne 2021 étaient soumis à la LDTR, les propriétaires avaient décidé d'effectuer ce qu'ils qualifiaient de véritables travaux de rénovation justifiant le blocage du loyer qu'entendait leur imposer le département. Par ailleurs, étant donné que le loyer de l'ancienne locataire ne couvrait pas les coûts des propriétaires de l'immeuble, il convenait d'appliquer l'art. 11 al. 3 in fine LDTR pour déterminer le loyer admissible avant travaux et celui après travaux.

Les travaux complémentaires de rénovation étaient les suivants :

« Peinture : création de faux plafonds, cloisons, remplacement papiers et peintures 

Carrelage : démolition, évacuation, piquage, pose nouvelles faïences et carrelage 

Parquet : remplacement parquets par des lames 58x12x12, fermacell, plinthes et seuils

Sanitaires : réfection complète, colonnes, conduites, remplacements baignoire, wc, paroi, accessoires

Menuiserie : fourniture portes communications, portes coulissantes séjour, armoires, dressing

Cuisine : agencement nouvelle cuisine avec électroménagers, plan de travail silestone blanc

Électricité : déplacement tableau dans l'armoire, spots plafonds, modifications cuisine et salle de bains

Nettoyage - fin de chantier

Divers et imprévus/honoraires ».

Leur coût était estimé à CHF 142'610.-, qui venait s'ajouter au coût de CHF 29'890.- des travaux réalisés dans le cadre de l'APA 1______/1, le total s'élevant à CHF 172'500.-.

Le loyer annuel de l'appartement avant le décès de la dernière locataire était de CHF 5'628.-. Ils l'avaient réévalué à CHF 13'129.- d'après un calcul de rendement qui leur permettait de couvrir leurs coûts. À ce montant, ils avaient ajouté la hausse du loyer découlant des travaux, à savoir CHF 8'905.-, pour arriver au total de CHF 22'034.- qu'ils estimaient être le plafond de loyer admissible après travaux.

9.             Le 5 août 2022, l'OAC a transmis à la Régie le préavis de l'OCLPF du 4 août 2022, lui demandant de fournir divers renseignements et pièces complémentaires. Un délai prolongé au 25 août 2022 lui était imparti pour ce faire.

10.         Par courrier du 18 août 2022, la Régie a transmis au département les devis et factures détaillés de tous les travaux effectués dans le logement depuis sa libération le 31 juillet 2021.

L'appartement était toujours inoccupé dans l'attente de la réalisation des travaux complémentaires.

11.         S'en sont suivis divers échanges de courriels ainsi qu'une séance avec l'OCLPF.

12.         Le 2 décembre 2022, l'OAC a transmis à la Régie une nouvelle demande de l’OCLPF libellée comme suit : « veuillez démontrer la réalisation d’un des motifs prévus à l’art. 9 al. 1 LDTR pour chacun des éléments des travaux projetés, sachant que les travaux autorisés dans l'APA 1______/1 ont été exécutés en 2021 et avaient pour objectif de renouveler (art. 9 al. 1 let. e LDTR) la durée de vie des composants suivants :

·         Peinture, cloisons et remplacement des papiers et peinture -> Durée de vie renouvelée pour 10 ans ;

·         Carrelage (salle de bains et cuisine) : scellement des faïences et remise en états des joints -> Durée de vie renouvelée pour 15 ans ;

·         Parquet : réparation ponctuelle, ponçage et imprégnation -> Durée de vie renouvelée pour 10 ans ;

·         Menuiserie : réglages et contrôle pour bonne fermeture, remplacement porte et caisson de cuisine -> Durée de vie renouvelée pour 15 ans ;

·         Agencement de cuisine : contrôles et réparations des électroménagers -> Durée de vie renouvelée pour 15 ans ;

·         Installations électrique : mise aux normes de l'installation -> Durée de vie renouvelée pour 40 ans.

Aussi, le département s'interroge sur les motifs pour lesquels le présent projet prévoit l'exécution d'un faux-plafond et la pose de spots encastrés.

A l'égard du loyer après les travaux projetés, pour autant qu'ils soient tous ou en partie admis (…), le département retiendrait le dernier loyer appliqué avant travaux et non pas du loyer résultant d'un calcul de rendement. (…) l’art. 11 al. 3 LDTR ne s 'appliquerait pas au cas d'espèce, dès lors que le dernier loyer avant travaux est inférieur au plafond LDTR. Ainsi, dans ce cas, conformément aux termes de l'art. 11 al. 2 LDTR, le loyer après les travaux projetés ne devrait pas dépasser le plafond LDTR (de CHF 3'528.-) ».

Un délai de dix jours lui était imparti pour sa réponse.

13.         Par courrier du 9 décembre 2022, la Régie a transmis au département les précisions requises sur les travaux réalisés en 2021 et l'intérêt des travaux supplémentaires projetés. Elle ne partageait pas son point de vue s'agissant de la fixation du loyer après travaux.

14.         Dans le cadre de l'instruction de l’APA 1______/2, les préavis finaux suivants ont également été délivrés :

-          favorable, le 4 août 2022, du SMS relevant que le bâtiment était situé dans le périmètre d'un plan de site en cours d'étude, qu'il s'agissait d'une intervention d'ordre mineur et de travaux d'entretien courant - permettant notamment « l'amélioration du confort des locaux sanitaires » - et que la porte palière de remplacement devait remplir certaines conditions ;

-          favorable, le 30 janvier 2023, de l'OCLPF , sous conditions que les dispositions de la LDTR soient respectées (art. 9 LDTR) et que le loyer de l'appartement de trois pièces au deuxième étage n'excède pas CHF 10'584.- par an, soit CHF 3'528.- la pièce par an. Ce loyer serait appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR). Sous « Remarques », il était mentionné : « ( ) Le Département retient le dernier loyer appliqué avant travaux et non pas du loyer résultant d'un calcul de rendement. Pour autant également que tous ou une partie des travaux projetés soient admis, contrairement à ce que le propriétaire a soutenu dans ses échanges avec la Département, l'art 11. al. 3 LDTR ne s'appliquerait pas au cas d'espèce, dès lors que le dernier loyer avant travaux est inférieur au plafond LDTR. Ainsi, dans ce cas, conformément aux termes de l'art. 11 al. 2 LDTR, le loyer après les travaux projetés ne devrait pas dépasser le plafond LDTR (de CHF 3'528.-) ».

15.         Par décision du 7 février 2023 (régularisation de l'infraction I 2______), le département a délivré l'APA 1______/2 dont le chiffre 7 indiquait expressément que les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

16.         Par acte du 7 mars 2023, agissant sous la plume de la Régie, les propriétaires ont recouru auprès du tribunal contre cette décision, concluant préalablement au retrait de l'effet suspensif attaché au recours afin de pouvoir commencer sans attendre les travaux autorisés et, principalement, à la modification de la décision uniquement en ce sens que le loyer après travaux de l'appartement visé devait être fixé à CHF 22'034.- par an pendant les trois ans de contrôle imposés par l'OCLPF, sous suite de frais et dépens.

Ils se trouvaient dans la situation où le loyer avant travaux correspondait aux besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP) (inférieur ou égal à CHF 3'528.-/pièce/an) et était supérieur à ces BPP après travaux (supérieur à CHF 3'528.-/pièce/an). En effet, le calcul de rendement qu'ils avaient produit démontrait qu'il était nécessaire de fixer le loyer après travaux au-dessus de CHF 3'528.- pour qu'ils puissent couvrir les coûts actuels de l'appartement. Leur calcul se basait sur l'art. 11 al. 1 let. d LDTR, lequel renvoyait à l'art. 269 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). De plus, il ressortait des art. 9 al. 4 à 6 LDTR, des travaux préparatoires et de la jurisprudence que le plafond LDTR pouvait être dépassé à certaines conditions.

Le loyer annuel de l'appartement avant le départ de la dernière locataire était de CHF 5'628.-. Ils l'avaient réévalué à CHF 13'129.- d'après un calcul de rendement qui leur permettait de couvrir leurs coûts. À ce montant, ils avaient ajouté la hausse du loyer découlant des travaux, à savoir CHF 8'905.-, pour arriver au total de CHF 22'034.- qu'ils réclamaient comme plafond.

L'OCLPF avait écarté ce calcul en ne se fondant sur aucune jurisprudence, ni aucune doctrine, mais uniquement sur une interprétation littérale limitée à un seul paragraphe de l'art. 11 al. 3 LDTR. Selon les interprétations historique et systématique, cette disposition devait être comprise en ce sens que « même si » le loyer avant travaux était déjà supérieur au plafond LDTR, il devait être bloqué à ce montant, « sauf si » le propriétaire démontrait que ce loyer ne lui permettait pas de couvrir ses coûts. À défaut, le but de la LDTR, à savoir tant la protection des locataires que des propriétaires, ne serait pas respecté. Pour ces motifs, l'OCLPF avait violé la LDTR.

Par ailleurs, cette décision portait atteinte à leur droit constitutionnel garantissant la propriété, qui se confondait avec leur liberté économique. En effet, les empêcher de toucher des loyers couvrant au minimum le montant des factures liées à leur immeuble constituait une violation du noyau dur de leur droit à la propriété.

Ils ont joint un chargé de pièces.

17.         Invité à se prononcer sur la requête de retrait de l'effet suspensif, le département a indiqué, par courrier du 20 mars 2023, s'en rapporter à justice.

18.         Par décision incidente du 22 mars 2023, le tribunal a admis la demande de retrait de l'effet suspensif (DITAI/4______/2023) de manière à ce que les travaux sollicités puissent commencer pendant la présente procédure.

19.         Dans le délai prolongé à sa demande au 7 juin 2023, le département a transmis ses observations, concluant principalement au rejet du recours et, subsidiairement, à l'annulation de sa décision du 7 février 2023, sous suite de frais et dépens.

L'appartement en question faisait partie de la catégorie d'appartements où sévissait une pénurie au sens de l'art. 25 LDTR, ce qui en faisait un logement correspondant aux BPP, et son loyer après transformation devait ainsi répondre à ces derniers en ne dépassant pas CHF 3'528.- par pièce par an (art. 11 al. 2 et 9 al. 2 LDTR). Le loyer avant travaux qu'il y avait lieu de prendre en compte était de CHF 1'876.- par pièce par an, soit le dernier loyer brut avant travaux. La fixation du loyer dans le préavis de l'OCLPF du 30 janvier 2023 était ainsi parfaitement justifiée.

Le raisonnement des recourants consistant à ne pas prendre en compte le loyer appliqué avant travaux, mais un loyer fictif de la valeur du bien basé sur les principes des art. 269 ss CO ne pouvait être suivi. Selon la jurisprudence, les critères de calculs retenus à l'art. 11 LDTR s'inspiraient déjà des règles de droit fédéral contenues dans l'art. 269a CO en matière de fixation de loyer. Toutefois, les deux dispositions avaient des finalités différentes, l'art. 11 LDTR s'intégrant dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien, en faveur de toutes les catégories de la population, d'un parc de logements, dont les caractéristiques et les loyers correspondaient à leurs besoins. Le renvoi de l'art. 11 al. 1 let. d LDTR aux art. 269 ss CO ne visait que les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de l'art. 11 LDTR s'avéreraient conduire à un loyer qui serait encore abusif. Le seul cas de figure où le loyer avant travaux pouvait ne pas correspondre au dernier loyer appliqué était celui des appartements où le locataire y demeurait après la fin des travaux, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. L'OCLPF avait pris en compte les différents postes de calcul prévus à l'art. 11 al. 1 LDTR, ainsi que les coûts des travaux que les recourants avaient soumis. Pour ces raisons, il avait augmenté le loyer de CHF 1'876.- à CHF 3'528.-, son maintien dans les limites des BPP répondant aux exigences de l'art. 11 al. 3 LDTR.

S'agissant des exceptions prévues à l'art. 9 al. 4 à 6 LDTR, les recourants n'avaient pas démontré en quoi les circonstances particulières prévues dans ces dispositions étaient réalisées dans leur cas.

L'interprétation de l'art. 11 al. 3 LDTR soutenue par les recourants était sans importance, cette disposition ne trouvant pas application dans le cas d'espèce. En effet, le loyer avant travaux étant inférieur au plafond LDTR, c'est l'art. 11 al. 2 LDTR qui devait s'appliquer.

Par ailleurs, conformément à la jurisprudence fédérale, l'intérêt public à la préservation d'un parc locatif répondant aux besoins de la population était légitime et justifiait l'atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique des recourants.

Enfin, l'appartement était tout à fait habitable et salubre depuis les travaux réalisés à l'automne 2021, les travaux projetés dans l'autorisation complémentaire ne s'avéraient en réalité pas autorisables au sens de l'art. 9 LDTR. Il avait ainsi fait preuve d'une extrême souplesse envers les recourants, en acceptant tout de même ces travaux superfétatoires.

20.         Dans le délai prolongé à leur demande, les recourants ont répliqué par courrier du 10 juillet 2023, persistant dans leurs motifs et conclusions.

Ils remettaient en cause la pertinence et l'application au présent cas des jurisprudences et ouvrages doctrinaux cités par le département et maintenaient que la LDTR n'excluait pas que le loyer puisse être réactualisé entre deux locations sur la base de la méthode absolue du rendement.

S'agissant de l'art. 11 al. 3 LDTR, ils ne demandaient pas son application mais estimaient que son interprétation permettait de comprendre que tous les cas de loyer avant travaux inférieurs aux BPP, comme en l'espèce, étaient réglés par l'art. 11 al. 1 let. d LDTR, lequel se référait expressément à l'art. 269 CO.

Par ailleurs, le fait que les loyers contrôlés par la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) fondés sur les coûts étaient bien supérieurs au plafond de CHF 3'528.- démontrait clairement que le plafond LDTR pouvait parfois être, comme en l'espèce, économiquement insoutenable.

Enfin, concernant la nécessité des travaux projetés, ils trouvaient la position du département étonnante puisqu'ils avaient apporté toutes les explications utiles dans le cadre de l'instruction de la demande, à laquelle le département avait accédé.

21.         Dans sa duplique du 2 août 2023, le département a persisté dans ses observations et conclusions en rappelant que le présent litige portait, dans un premier temps, sur la détermination du loyer avant travaux à prendre en compte et, dans un second temps, sur l'application des art. 11 al. 2 ou 3 LDTR pour la fixation du loyer.

Les recourants n'avaient amené aucun élément de nature à remettre en question la position qu'il soutenait dans sa réplique. Il rappelait que le seul cas où le calcul de rendement pouvait s'appliquer, et ainsi justifier une réactualisation du loyer avant travaux, était celui où le locataire demeurait le même après les travaux.

S'agissant de la seconde problématique, c'était l'art. 11 al. 2 LDTR qui devait s'appliquer, aucun motif ressortant de la LDTR ou de la jurisprudence ne permettant l'application de l'art. 11 al. 3 LDTR en l'espèce.

22.         Par jugement de ce jour, le tribunal a rejeté le recours des intéressés contre la décision du département du territoire du 25 janvier 2023 (APA 5______/2) concernant un appartement de deux pièces dans le même immeuble (cause A/6______/2023 ; JTAPI/7______/2024). Dans cette affaire, seul était également contesté le loyer après travaux (réalisés dans des circonstances similaires à la présente espèce pour un montant total de CHF 150'707.-), fixé à CHF 7'056.-.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées).

5.             La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; ATF 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; ATF 133 III 175 consid. 3.3.1). L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; 138 II 1 consid. 4.2).

6.             Les recourants concluent à la modification de l'APA 1______/2 en ce sens que le loyer après travaux de l'appartement visé devrait être fixé à CHF 22'034.-, et non pas à CHF 10'584.- par an pendant les trois ans de contrôle.

7.             La LDTR s'applique à tout bâtiment situé dans l'une des zones de construction prévues par l'art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ou construit au bénéfice d'une norme de l'une des quatre premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (art. 2 al. 1 let. a LaLAT), et comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (art. 2 al. 1 let. b LaLAT).

Elle a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées expressément par la loi
(art. 1 al. 1 LDTR). Celle-ci prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

Plus spécifiquement, la LDTR vise à protéger les locataires contre des changements d’affectation quantitatifs du parc locatif, soit contre le remplacement de locaux d’habitation par des locaux commerciaux ou à usage professionnel, mais aussi et de façon primordiale, à les protéger contre des changements d’affectation qualitatifs. Sont en effet également visés les travaux de rénovation qui ont pour conséquence de faire basculer des catégories de logement conçues pour des familles modestes et nombreuses dans des catégories de logement destinées à des personnes aisées et sans enfant, ou des catégories d’immeubles à loyer bas ou modérés vers des loyers d’appartements de luxe (ATA/859/2010 du 7 décembre 2010 consid. 6b et la référence citée).

8.             À teneur de l’art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 LDTR. Elle est accordée notamment lorsque l’état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers (let. a), lorsque la réalisation d’opérations d’aménagement ou d’assainissement d’intérêt public le commande (let. b) ou pour les travaux de rénovation (let. e), c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1 let. d LDTR), et si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 LDTR).

Par BPP, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population
(art. 9 al. 3 LDTR). Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux BPP lorsque son loyer est compris entre CHF 2'627.- et CHF 3'528.- la pièce par année (arrêté du Conseil d'État du 12 janvier 2022 relatif à la révision des loyers répondant aux BPP - ArRLoyers - L 5 20.05), ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur (arrêté du Conseil d'État déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR - ArAppart - L 5 20.03, modifié régulièrement), il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements d'une à sept pièces inclusivement.

L’art. 9 al. 4 et 5 LDTR précise que la fourchette des loyers peut exceptionnellement être dépassée si la surface brute locative des pièces est importante, respectivement si des circonstances particulières le justifient, soit si la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires.

Selon l’art. 9 al. 6 LDTR, les mesures suivantes peuvent également être répercutées sur les loyers, aux conditions prévues par l’art. 14 ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitation et de locaux commerciaux du 9 mai 1990
(OBLF - RS 221.213.11) :

-          les mesures destinées à réduire les pertes énergétiques de l’enveloppe du bâtiment ;

-          les mesures visant à une utilisation rationnelle de l’énergie ;

-          les mesures destinées à réduire les émissions des installations techniques ;

-          les mesures visant à utiliser les énergies renouvelables ;

-          le remplacement d’appareils ménagers à forte consommation d’énergie par des appareils à faible consommation.

Pour les loyers correspondant, avant travaux, aux BPP, le loyer après travaux n'excédera pas le montant maximum de la fourchette des loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population, majoré :

a)      d'un montant correspondant à la baisse prévisible des charges énergétiques du locataire, auquel peut être rajouté, si nécessaire :

b)      un montant correspondant à la contribution énergétique du locataire, qui ne pourra pas dépasser 10 francs par pièce, par mois.

9.             En l'espèce, l'appartement visé est un trois pièces et son loyer avant travaux (CHF 5'628.- l'an, soit 1876.- la pièce l'an) était inférieur au plafond LDTR. Il s'agit donc d'un logement répondant aux BPP et les travaux de rénovation projetés sont soumis à la LDTR, ce que les recourants ne contestent au demeurant plus.

10.         L'objet du litige est circonscrit à la question de la fixation du montant du loyer LDTR dans l'autorisation de construire APA 1______/2.

11.         Selon l'art. 10 LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l'art. 11 LDTR (« mode de calcul »).

Il renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l’al. 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d’ores et déjà d’au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population (art. 10 al. 2 let. b LDTR).

12.         En l'espèce, les recourants ne prétendent pas, à juste titre, que les conditions de l'art. 10 al. 2 let. b LDTR seraient réalisées. C'est donc à bon droit que l'autorité intimée n'a pas renoncé à la fixation du loyer de l'appartement après travaux.

13.         L'art. 11 al. 1 LDTR énumère les critères que doit utiliser le département pour arrêter un loyer maximum, en considérant l'ensemble des travaux effectués, sous déduction des subventions octroyées, soit : un rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé en règle générale sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l'intérêt hypothécaire de 1er rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, en tenant compte de l'amortissement (let. a) ; un amortissement calculé sur une durée de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5% (let. b) ; les frais d'entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (let. c) ; les autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss du CO (let. d).

14.         L'art. 11 al. 2 LDTR précise que les loyers après transformation doivent répondre aux BPP lorsque les logements répondent eux-mêmes à ces besoins prépondérants quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface.

15.         Cependant, selon l'art. 11 al. 3 LDTR, si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux BPP, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu'il apparaît qu'il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer.

Dans ce cas, il appartient au propriétaire de démontrer, par toutes pièces utiles, qu'il n'est pas en mesure de supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer. Par pièces utiles, le département fait prioritairement référence à un calcul de rendement de l’immeuble. Subsidiairement, il peut être recouru à une étude comparative entre les loyers de l’immeuble et ceux résultant des statistiques publiées chaque année par le canton, étant précisé, qu’à année de construction égale, la limite au-delà de laquelle le propriétaire est présumé pouvoir supporter économiquement le coût des travaux sans majoration de loyer est fixée, sauf exception, au 3ème quartile. Le département tient compte, dans son appréciation, des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération au sens des art. 269 ss CO (art. 5 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 - RDTR - L 5 20.01 ; ATA/253/2011 du 19 avril 2011 consid. 8 ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DEFAGO GAUDIN, La LDTR, Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation, Immeubles de logements et appartements, 2014, p. 315).

Si le propriétaire ne produit pas les pièces permettant d'effectuer un calcul de rendement, voire d'appliquer la méthode des loyers du quartier ou la méthode relative, le département doit refuser sa demande de validation de hausse de loyer. Cette hausse devrait aussi être refusée s'il apparaît, au vu du dossier, que les loyers avant travaux sont surfaits (Mémorial du Grand Conseil 1999, p. 1087-1088).

16.         L'application de l'art. 11 al. 3 LDTR est limitée aux cas des logements qui, sans être des logements de luxe sont loués à un prix qui apparaît, avant les travaux, comme abusivement élevé et qui correspond déjà à ce qui serait admissible après transformation. La réserve selon laquelle le blocage des loyers doit être économiquement supportable permettra à l'autorité de respecter le principe de la proportionnalité lors de l'application de cette disposition (cf. Mémorial, op. cit., p. 1087-1088; arrêt du Tribunal fédéral 1P.664/1999 consid. 6; Alain MAUNOIR, La LDTR genevoise: les principes et quelques applications, in RDAF 2002 I p. 21). Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a confirmé que cette interprétation était en accord avec le texte légal, relevant qu’elle correspondait d'ailleurs aux travaux préparatoires. Ainsi comprise de façon restrictive, la disposition attaquée est susceptible d'une interprétation conforme à la Constitution. Elle ne va pas au-delà de la protection contre les loyers procurant un rendement abusif et répond à un objectif de politique sociale.

17.         Se penchant sur la conformité au droit fédéral et aux principes de la garantie de la propriété, de la liberté économique et de l'égalité de traitement de l’art. 11 al. 3 LDTR, le Tribunal fédéral a encore rappelé que le but de la LDTR était la préservation de l'habitat et des conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de cet habitat, en apportant notamment des restrictions aux transformations et au changement d'affectation des maisons d'habitation. Les transformations ou rénovations, au sens de l'art. 3 de la loi, ne sont ainsi autorisées, selon l'art. 9 LDTR, qu'en présence d'un intérêt public ou général, compte tenu notamment des BPP. La loi ne répond ainsi à l'intérêt public que dans la mesure où elle vise à maintenir l'affectation des logements qui répondent, par leur loyer, leur prix et leur conception, aux BPP. Les restrictions à la propriété qu'elle institue doivent être propres à atteindre ce but. À cet égard, s'il se justifie d'empêcher que des logements à loyer modéré soient transformés en appartements de luxe l'intérêt public ne commande pas, en revanche, de limiter la transformation et la rénovation de logements de luxe préexistants (ATF 116 Ia 401 consid. 11b/bb).

18.         En l'espèce, le loyer de l'appartement avant travaux, de CHF 1'876.- par pièce par an, était inférieur au maximum de la fourchette légale correspondant aux BPP. Partant, l'art. 11 al. 3 LDTR, dont le texte, parfaitement clair, et la portée ont été confirmés par le Tribunal fédéral, ne trouve pas application dans le cas d'espèce.

Dans ces conditions, il n’y a pas d’espace pour l’interprétation extensive que les recourants souhaitent donner à cette disposition.

19.         Les recourants estiment que le loyer avant travaux à prendre en compte dans le cadre de la fixation du loyer après travaux n'est pas celui que payait effectivement l'ancienne locataire, soit CHF 1'876.- par pièce par an, dans la mesure où il ne couvrait pas leurs coûts, mais un loyer supérieur calculé en tenant compte du rendement de l'appartement, cela en application des art. 11 al. 1 let. d LDTR et 269 CO.

20.         Dans une jurisprudence certes assez ancienne, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a jugé, se référant à la doctrine (A. MAUNOIR op. cit. p. 327), que les critères de calcul retenus à l’art. 11 LDTR s’inspiraient déjà des règles de droit fédéral contenues à l’art. 269a CO en matière de fixation de loyer dans la mesure où ils faisaient intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire. La finalité de l’art. 11 LDTR était cependant différente : il s'intégrait dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien en faveur de toutes les catégories de la population d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondaient à leur besoin. Elle imposait un contrôle des loyers pour une durée limitée, dont l’objectif était de contenir l’augmentation des loyers, des logements les plus fortement recherchés en période de pénurie pour qu’il en subsiste sur le marché (ATA/802/2008 du 30 septembre 2008, consid. 7b).

21.         Le loyer auquel l’administration devait conditionner l’octroi de l’autorisation (art. 10 al. 1 LDTR) était le loyer maximum dont le propriétaire pouvait exiger le paiement après travaux. Il devait répondre, après transformations, aux BPP
(art. 9 al. 2 et 11 al. 2 LDTR) et « être accessible à la majorité de la population » (art. 9 al. 3 in limine LDTR). Le Conseil d’Etat avait le devoir de déterminer une fourchette de loyer, entre lesquels le loyer maximum devait se situer, qui était arrêtée en fonction de données moyennes, tenant compte de l’évolution des revenus, mais en référence au revenu moyen net imposable des contribuables genevois
(A. MAUNOIR, op. cit., page 323, qui se réfère à l’ATA du 7 octobre 1997 résumé dans SJ 1998 p. 304 et ATA du 7 décembre 1994, publié dans SJ 1994 p. 225 et RDAF 1994, p. 107 ss, 117).

La définition d’une telle fourchette de loyers maxima ne signifiait cependant pas que des loyers d’un niveau inférieur n’avaient plus à bénéficier de la protection du droit public cantonal. Dans une telle situation, le département n'avait pas à prendre en considération d'autres critères que ceux découlant de l'art. 11 al. 1 let. a à c LDTR. Contraindre l’autorité administrative, dans la procédure de fixation des loyers, à élever celui-ci jusqu’à ce qu’il atteigne le niveau des loyers usuels pour la zone d'habitation considérée reviendrait à appliquer la LDTR contrairement à son but. Le recours au critère des loyers usuels aurait pour conséquence, d’autoriser des hausses qui restreindraient le marché des catégories de logement les moins chers alors même qu’ils sont fortement recherchés par des locataires à revenus modestes. Comme l’a rappelé le département, le renvoi à l’art. 11 al. 1 let. d LDTR des art. 269 et ss CO vise les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de cette disposition s’avéreraient conduire à un loyer qui serait encore abusif. Par ailleurs, en droit privé, le recours au critère des loyers usuels, pour justifier une hausse de loyer, n’est admis par la jurisprudence qu’à de très strictes conditions (ATF 123 III 317 p. 319 consid. 4a).

22.         La question de la réactualisation des loyers avant travaux n'est pas réglée par la LDTR. Selon la doctrine, il n'y a lieu de réévaluer un loyer avant travaux seulement dans le cas où les locataires demeurent dans leur logement pendant et après les travaux. Lorsque les logements sont loués à de nouveaux locataires, cette réactualisation n'est pas possible (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, opt. cit. p. 285).

23.         En l'espèce, pour fixer le loyer après travaux, le département a pris en compte les différents postes de calcul prévus à l'art. 11 al. 1 let. a à c LDTR, ainsi que les coûts des travaux, parvenant ainsi à une augmentation du loyer de l'appartement de CHF 1'876.- à CHF 3'528.- par pièce par an, soit le montant maximum de la fourchette correspondant aux BPP.

Le logement étant vide d’occupants, suite au décès de la précédente locataire, une réactualisation du loyer n’est pas possible et c'est ainsi à bon droit que le département a pris en compte le dernier loyer effectif dans le cadre de la fixation du loyer après travaux.

L’on relèvera encore que le principe de la prise en compte du dernier loyer effectif n’a pas été remis en question par les recourants dans le cadre de l’APA 1______/1, en force, ces derniers considérant ainsi, implicitement, non seulement que le loyer fixé leur permettait un rendement suffisant mais également que les travaux envisagés étaient suffisants pour la mise en location de l’appartement concerné. Ils ne sauraient dès lors aujourd’hui, alors qu’ils ne les avaient dans un premier temps pas jugés utiles, manifestement afin d’échapper à un contrôle LDTR, multiplier les travaux de rénovation afin, cette fois, de biaiser ledit contrôle.

24.         Les recourants estiment être dans une situation justifiant le dépassement de la fourchette des loyers LDTR en se prévalant notamment de l'art. 9 al. 5 LDTR.

25.         Comme rappelé ci-dessus, la fourchette fixée par l'ArRLoyers peut être dépassée si des « circonstances particulières » le justifient, « soit si la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires » (art. 9 al. 5 LDTR).

26.         Contrairement à la surface brute, dont la loi précise qu'elle ne peut qu’« exceptionnellement » justifier un dépassement de loyer (art. 9 al. 4 LDTR ; MGC 2001-2002/ VII D/36 1938 ss), la notion de « circonstances particulières » de l'art. 9 al. 5 LDTR ne contient pas de mention semblable. Bien que l'usage du mot « soit » à l'art. 9 al. 5 LDTR plaide en général en faveur de l'exhaustivité des motifs énumérés à sa suite, cette disposition doit être interprétée comme ne visant pas exclusivement les coûts générés par la protection du patrimoine, sous peine de conduire à des restrictions trop sévères à la garantie de la propriété et à la liberté économique des propriétaires (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 consid. 11).

27.         Le département dispose corrélativement d'une importante latitude de jugement dans l'interprétation de la notion des « circonstances particulières » visées à l'art. 9 al. 5 LDTR pouvant justifier un dépassement de la fourchette fixée par l'ArRLoyers (ATA/391/2013 précité consid. 13).

28.         Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a admis la conformité à l'art. 9 LDTR du loyer de logements à transformer répondant aux BPP lorsque le calcul du loyer effectué par le département apparaissait conforme à l'art. 11 LDTR.

29.         Si elle a pu admettre, comme répondant aux BPP, un loyer de CHF 9'666.- par pièce l'an (CHF 57'996.- par an, soit CHF 4'833.- par mois) pour des appartements de 6 pièces de 112 m2 et de 126 m2, dont la création impliquait une surélévation de l'immeuble (ATA/313/2012 du 22 mai 2012), respectivement un loyer de CHF 11'549.- par pièce l'an (CHF 69'298.- par an, soit CHF 5'774,80 par mois) pour un logement de 6 pièces d'une surface de 106 m2 (ATA/66/2013 du 6 février 2013 consid. 6), sa jurisprudence s’est depuis durcie, la chambre administrative considérant que les derniers loyers autorisés s'écartaient trop de la fourchette des montants figurant dans l'arrêté du Conseil d'Etat, faisant perdre peu à peu leur substance à ce dernier et à l'art. 9 al. 3 LDTR (ATA/391/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/824/2013 du 17 décembre 2023). Elle a en particulier souligné que pour respecter la lettre de la loi et les buts poursuivis par la LDTR en cette période de grave pénurie sur le marché locatif, il convenait de revenir à des loyers plus proches de cette fourchette en priant les propriétaires, soit de justifier leur loyer par l'un ou plusieurs des motifs figurant à l'art. 9 al. 4, 5 et 6 LDTR, soit de procéder à des travaux moins coûteux (lorsque le calcul opéré en vertu de l'art. 11 LDTR ne permet pas de parvenir à des loyers accessibles à la majorité de la population), soit encore de réduire leurs exigences de rendement (ATA/391/2013 précité consid. 13 ; cf. aussi ATA/865/2023 du 30 août 2023 consid. 6 f).

Ces dernières jurisprudences, qui concernent des nouveaux logements crées dans les combles, sont critiquées par la doctrine qui relève qu'elles vont à l’encontre de la volonté du législateur, du texte de loi et de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 116 Ia 401 consid. 11a), mais également de sa jurisprudence constante en la matière (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, opt. cit. p. 321ss n° 5.6.2 « Exemples de loyers de logements créés dans les combles ou dans des surélévations »). Il apparaissait pour le surplus irréaliste, eu égard notamment à la très forte pénurie de logements que connaissait le canton, d'estimer, tout en admettant que les coûts de construction étaient très élevés à Genève, que les propriétaires devraient effectuer des travaux moins coûteux ou de leur demander de réduire leur exigence de rendement alors que le taux hypothécaire de référence était déjà particulièrement bas (op. cit. p. 324).

30.         Il est enfin à rappeler que selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA 581/2014 précité consid. 5 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 9a ; ATA/313/2012 du 22 mai 2012 consid. 10).

31.         En l'espèce, il n’apparait pas, au vu de la jurisprudence restrictive rappelée
ci-dessus, que les recourants puissent se prévaloir de circonstances particulières au sens de l'art. 9 al. 5 LDTR. Comme relevé au demeurant sous chiffre 23, il leur aurait été parfaitement possible de réaliser des travaux moins coûteux (total de CHF 172'500.- pour un appartement de trois pièces), preuve en est qu’ils avaient dans un premier temps renoncé à la majorité de ces derniers, ne les estimant vraisemblablement pas nécessaires à la mise en location de leur bien. Le procédé adopté par les recourants, consistant à limiter les travaux de rénovation pour qu’ils échappent à la LDTR puis, leur tentative ayant échoué, à requérir une autorisation complémentaire afin de procéder cette fois à de nombreux et coûteux travaux supplémentaires (plus de quatre fois le coût des premiers travaux) va ainsi manifestement à l'encontre de la jurisprudence et des buts visés par la LDTR et ne saurait dès lors aucunement constituer des circonstances particulières justifiant un dépassement du plafond LDTR au sens de l'art. 9 al. 5 LDTR.

À toutes fins utiles, le tribunal relèvera que les conditions pour dépasser le dudit plafond sur la base des art. 9 al. 4 et 6 LDTR ne sont pas réunies dans le cas d'espèce.

L'autorité intimée n'a ainsi pas excédé son pouvoir d'appréciation en niant l'application des exceptions prévues aux art. 9 al. 4 à 6 LDTR au cas des recourants.

32.         Les recourants se prévalent enfin d'une atteinte à leur droit à la propriété, ainsi qu'à leur liberté économique, dans la mesure où le loyer fixé par le département ne leur permettrait pas de couvrir le montant des factures liées à leur immeuble

33.         La garantie de la propriété est ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Elle n'est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). Ce principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis (règle de la proportionnalité au sens étroit) (ATF 141 I 20 consid. 6.2.1; 140 I 168 consid. 4.2.1; 135 I 233 consid. 3.1).

34.         Le but poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important et reconnu (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 ; 113 Ia 126 consid. 7a ; 111 Ia 23 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_416/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.3 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011). Par ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété. Pour qu'une telle restriction soit conforme à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), l'autorité administrative doit effectuer une pesée des intérêts en présence et évaluer l'importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 116 Ia 401 consid. 9 ; 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2012 du 3 mai 2013 consid. 2.3 ; 1C_141/2011 du 14 juillet 2011 consid. 3.2). La restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2016 du 27 mars 2017).

35.         Dans une affaire vaudoise, s’agissant en particulier du principe de la fixation et contrôle du loyer durant cinq ans après transformation, le Tribunal fédéral a retenu, après avoir procédé à une analyse détaillée de toutes les conditions permettant une restriction aux droits fondamentaux que la fixation du loyer, et partant l’intérêt public à la préservation d’un parc locatif répondant aux besoins de la population était légitime et justifiait l’atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique des propriétaires (arrêt du Tribunal fédéral 1C_110/2017 du 29 mai 2018 consid. 4.1.2 et 4.2). Cet intérêt public étant également poursuivi par la LDTR genevoise, les principes dégagés par cette jurisprudence ne sauraient être écartés. Pour le surplus, la chambre administrative a eu l'occasion de confirmer la compatibilité de la LDTR avec les dispositions concernant le droit à la propriété et la liberté économique (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 6).

36.         Il ressort des jurisprudences précitées que l'atteinte à la garantie de la propriété des recourants se fonde sur une base légale suffisante et répond à un intérêt public prépondérant. Elle s'avère également proportionnée, dans la mesure où l'autorité intimée a effectué une pesée des intérêts en présence et évalué l'importance des motifs fondant les mesures prononcées, à savoir la préservation du parc locatif genevois, au regard des intérêts, notamment économiques, des recourants. Les intérêts publics défendus par la LDTR doivent ainsi l’emporter sur les intérêts privés, purement économiques, de ces derniers à pouvoir louer leur appartement avec le rendement qu'ils souhaitent. L’atteinte à la garantie de propriété des recourants n’apparait également pas disproportionnée dans la mesure où le département a fixé le loyer à la limite maximale de la fourchette prévue par la loi. Ces développements valant également pour la garantie de la liberté économique (art. 27 Cst.).

Les griefs des recourants sont dès lors écartés.

37.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

38.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2023 par Mesdames A______ et B______ et Monsieur C______ contre la décision du département du territoire du 7 février 2023;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, François HILTBRAND, Ricardo PFISTER et Romaine ZÜRCHER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier