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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1141/2023

JTAPI/1393/2023 du 14.12.2023 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ZONE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE;EXCEPTION(DÉROGATION);PROSTITUÉE
Normes : LZIAM.4.al2; RZIAM.5.al2; RZIAM.9; RZIAM.13; RZIAM.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1141/2023 LCI

JTAPI/1393/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Pascal PETROZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après: A______ SA), anciennement B______ SA (ci-après: B______ SA), est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après: la commune), à l'adresse ______, avenue D______, qui se situe en zone de développement industriel et artisanal, zone de base 5, dans le périmètre du plan localisé de quartier n° 2______ (ci-après : PLQ n° 2______) adopté le 30 janvier 1991, et sur laquelle est érigé l’immeuble - ou villa - 3______ destiné à l’habitation.

2.             La société E______ Sàrl (ci-après : E______ ou la locataire) était, depuis son inscription le 28 avril 2009, une société à responsabilité limitée de droit suisse, ayant son siège à Genève, dont le but était « exploitation d'un établissement de sauna, bains, culture physique, massages, relaxation et soins corporels ainsi que vente de tous produits en rapport avec cette exploitation ». Elle a été radiée du registre du commerce de Genève le 5 août 2016, en raison d’un transfert de son siège à Stansstad (NW).

3.             Le 12 juin 2009, B______ SA et E______ ont signé un contrat de bail à loyer pour un appartement meublé au rez-supérieur et rez-inférieur, et pour un appartement meublé au 1er étage et dans les combles, à partir du 1er juillet 2009, situés dans le bâtiment précité. La rubrique relative à la destination des locaux mentionnait « habitation et autres ».

4.             Le 28 juillet 2009, la commune a interpellé le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département du territoire (ci-après : le département), au sujet de l’ouverture d’un « club érotique et escorte », en face d’une école primaire, à la suite de l’inquiétude de plusieurs habitants de la commune.

5.             Le 16 octobre 2009, B______ SA a écrit au département et à la commune, les informant que les locaux avaient une utilisation comme habitation uniquement. Il n’y avait aucune « activité professionnelle sur place, au sens strict du terme ».

6.             Le 20 octobre 2009, le département a exigé de B______ SA, par voie de décision, qu’elle rétablisse une situation conforme au droit. La villa était en effet utilisée pour une activité commerciale qui n’était pas compatible avec la zone de développement industriel et artisanal.

7.             Le 6 novembre 2009, B______ SA a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), dont les compétences ont été reprises par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 1er janvier 2011.

8.             Le 21 mai 2010, la CCRA a annulé la décision (DCCR/816/2010 ; A/4212/2009). Sur la base des seuls courriers de la propriétaire et de la locataire, le département ne pouvait pas conclure qu’il y avait une activité professionnelle dans la villa. Les personnes logeant dans la villa l’utilisaient comme habitation et exerçaient leur activité professionnelle en d’autres lieux. La villa était donc affectée à du logement, ce qui était conforme à la 5ème zone. Vu la conformité de l’activité à la zone, aucun rétablissement d’une situation conforme au droit n’était nécessaire.

9.             Le 30 juin 2010, la propriétaire a confirmé par écrit à la locataire avoir loué la villa dans le but de loger son personnel, en particulier « les filles travaillant pour vous comme hôtesses ». Il s’est déclaré d’accord qu’une partie de la maison soit utilisée occasionnellement comme salon de massage érotique.

10.         Ultérieurement, tant selon la propriétaire que la locataire, des activités « professionnelles » des employées de E______ ont eu lieu dans la villa.

11.         Le 10 décembre 2013, la brigade des mœurs de la police judiciaire a écrit au département. Des salons de massages érotiques étaient exploités dans plusieurs villas, dont celle concernée par la présente procédure. En effet, selon un courrier du 25 novembre 2013 du conseiller d’État en charge du département au conseiller d’État chargé du département de la sécurité, devenu depuis lors le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) au sujet d’une villa à F______ (non concernée par la présente procédure), l’activité commerciale exercée, c’est-à-dire l’exploitation d’un salon de massages érotiques, n’était pas conforme à l’affectation de la zone villa.

12.         Le 13 juin 2014, le département a informé la locataire avoir été saisi d’une plainte du DSE, selon laquelle la locataire exercerait une activité commerciale dans la villa.

13.         En date du 29 septembre 2014, A______ SA a déposé une demande d'autorisation de construire par la voie de la procédure accélérée au département. Cette requête, enregistrée sous le n° APA 4______/1, portait sur le changement d’affectation partiel de l'immeuble 3______, en ce sens que le rez supérieur servirait désormais à des activités commerciales. Il n’était pas prévu de modification physique de l’immeuble.

14.         Dans le cadre de l'instruction de la requête, les préavis usuels ont été requis à l'exception de celui de la commune.

L'ensemble des instances de préavis consulté s'est déclaré favorable, avec ou sans réserve, sauf la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après: SPI) qui s'y est opposée, par préavis du 28 novembre 2014, au motif que l'activité prévue (commerce) n'était pas conforme à la zone en vigueur (ZDIA) et au PLQ n° 2______ qui prévoyait des constructions industrielles et artisanales.

15.         Par décision du 22 avril 2015, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire précitée au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions de l’art. 4 de la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45), en ce sens que les activités visées par le changement d’affectation demandé ne correspondaient pas aux activités artisanales ou industrielles prévues par le PLQ 2______ en force.

16.         Par jugement du 28 janvier 2016 (JTAPI/5______), le tribunal a rejeté le recours formé contre cette décision.

17.         Par arrêt du 29 août 2017 (ATA/1231/2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a partiellement admis le recours de A______ SA contre le jugement du tribunal précité. La chambre administrative a jugé qu'il convenait de retourner le dossier au département pour complément d'instruction, notamment en ce qui concernait l'applicabilité de l'art. 4 al. 2 LZIAM, respectivement celle de l'art. 5 al. 1 règlement sur les activités admissibles en zone industrielle ou de développement industriel, respectivement en zone de développement d'activités mixtes du 21 août 2013 (RAZIDI).

18.         Suite à la reprise de l'instruction, par préavis défavorable du 30 novembre 2022, l'office de l'urbanisme (ci-après: OU), après avoir pris connaissance de l'arrêt de la chambre administrative du 29 août 2017, a considéré que l'art. 5 RAZIDI n'était pas applicable au cas particulier.

Il a estimé qu'au vu de la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs de cet article qui visaient à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l'accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation. De plus, l'implantation d'un club érotique et d'escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d'espèce, être particulièrement inappropriée, étant relevé que le bâtiment en question était situé directement en face d'une école primaire.

Le préavis défavorable rendu en 2014 restait pertinent.

19.         Par décision du 24 février 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

20.         Par acte du 27 mars 2023, sous la plume de son conseil, A______ SA (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du tribunal, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que l'autorisation de construire sollicitée lui soit délivrée, subsidiairement, au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

La nouvelle décision du département ne respectait pas les considérants de l'arrêt de la chambre administrative du 29 août 2022. La chambre administrative avait indiqué dans cet arrêt que la cause était renvoyée au département pour poursuivre l'instruction et fixer éventuellement des conditions pour autoriser le changement d'affectation. Ce faisant, elle avait expressément invité le département à valider la dérogation en faveur de la demande d'autorisation de construire, dans la mesure où l'on se trouvait en zone industrielle et non en zone de logements, le département restant libre de définir, après instruction, d'éventuelles restrictions en termes de publicité, de nuisances et d'horaires.

En outre, le refus était basé sur le préavis de l'OU, soit sur l'avis d'un service interne de l'administration, et non d'un service externe indépendant. Le département faisait totalement abstraction du fait que la demande d'autorisation de construire n'impliquait aucuns travaux de transformation, celle-ci ne se justifiant que par l'exigence légale selon laquelle il convenait de solliciter une autorisation pour un changement d'affectation. L'autorité intimée ignorait totalement la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle lorsque la prostitution était exercée en zone d'habitation, elle pouvait engendrer des conflits de voisinages, de sorte qu'il convenait que cette activité légale pût être exercée en certain lieux, idéalement en dehors des zones d'habitation. Or, il était établi que la parcelle litigieuse se trouvait en zone de développement industriel et artisanal, de sorte que le changement d'affectation aurait dû être autorisé. S'agissant des conditions du régime d'exception de l'art. 5 al. 1 RAZIDI, il s'agissait d'une activité de service utiles aux utilisateurs des zones industrielles et l'implantation de celle-ci dans cette zone plutôt qu'en zone d'habitation contribuait significativement à la réduction des mouvements de pendulaires et à l'accroissement du bien-être des utilisateurs. Concernant la proximité d'établissements de formation, respectivement d'un centre sportif, il ne s'agissait pas nécessairement d'un jeune public. En tout état, si le département estimait que la proximité avec une école primaire était inappropriée, il lui était loisible de prévoir des conditions spécifiques en lien avec la publicité, les nuisances et mêmes les horaires d'ouverture.

21.         Le 12 juin 2023, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La parcelle concernée était située en zone de développement industrielle et le projet de changement d'affectation partiel en commercial au rez supérieur du bâtiment, pour un club érotique et d'escortes, concernait bien des activités de services. Toutefois, les cas de clubs érotiques qui proposaient des services en relation avec le domaine de la prostitution ne répondait pas de manière prépondérante aux besoins des utilisateurs et utilisatrices de la zone industrielle, ni ne contribuait à la réduction des mouvements de trafic pendulaire.

Ce qui pouvait s'appliquer aux exemples cités dans la liste non exhaustive de l'art. 14 al. 2 RZIAM ne l'était pas forcément pour une entreprise active dans le domaine de la prostitution, dont les conséquences s'avéraient différentes, en terme de nuisances notamment, qui ne pouvaient être résorbées uniquement par la fixation de conditions. Hormis les problèmes de zone d'affectation, on pouvait s'interroger sur la compatibilité de l'activité avec l'art. 14 LCI, sachant qu'elle était prévue à proximité d'une école primaire. Il avait aussi estimé que l'exploitation d'un salon de prostitution attirerait des clients non utilisateurs direct de la zone.

La conformité du projet à l'affectation de la zone avait été confirmée par l'OU, qui avait constaté qu'au vu de la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs qui visaient à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l'accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation. De plus, l'implantation d'un club érotique et d'escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d'espèce, être particulièrement inappropriée. Par conséquent, une dérogation selon l'art. 15 RZIAM n'apparaissait pas applicable.

22.         Le 28 août 2023, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Le 31 mai 2023, le nouveau RZIAM était entré en vigueur, abrogeant son ancienne teneur. Les art. 13 ss RZIAM reprenaient le contenu de l'ancien art. 5 aRZIAM, de sorte que la question de l'effet rétroactif du nouveau règlement pouvait souffrir de rester indécise. L'activité de sa locataire répondait précisément aux besoins des utilisateurs et utilisatrices de la zone. La localisation de l'activité était opportune, compte tenu du fait qu'elle contribuaient au bien-être de ces derniers, ce qui impliquait une réduction des mouvements de trafic pendulaire.

Le département omettait qu'il s'agissait d'une zone industrielle et non une zone d'habitation et que l'exploitation du salon érotique durait depuis plus de dix ans, sans qu'aucun problème particulier ne fut à déplorer. En particulier, aucune plainte du voisinage n'avait été enregistrée et aucune décision interdisant cette activité n'avait été prononcée. Il ne faisait aucun doute qu'aucune nouvelle clientèle serait attirée en cas de délivrance de l'autorisation de construire. L'établissement disposait d'un service d'accueil et de réception instruit et formé, ce qui permettait d'assurer son bon fonctionnement. Par ailleurs, une activité essentiellement exercée de nuit ne pouvait pas nuire à un établissement scolaire. Au demeurant, de nombreux salons érotiques étaient présents en Ville de Genève, à proximité de lieux scolaires, sans que cette situation n'eut donné lieu à un incident. L'argument de la protection de l'enfance et de la jeunesse relevait davantage de la morale, ou au mieux de l'ordre public, mais pas de la police des constructions.

23.         Le 20 septembre 2023, le département a dupliqué.

L'activité dans la prostitution ou dans l'escorte ne correspondait pas à la définition d'activité répondant « aux besoins des utilisatrices et utilisateurs d'une zone industrielle », contrairement à des cafés-restaurants, tea-rooms, épiceries, tabac, banques, offices postaux, salles de sport ou structures d'accueil de la petite enfance, « établissements » pour lesquels le cours et l'expérience de la vie démontraient que les personnes actives dans ces zones pouvaient devoir les fréquenter une à plusieurs fois par jour, sans pouvoir attendre notamment la fin de leur journée de travail.

En dépit du fait que la recourante n'avait jamais démontré que les services offerts par sa locataire étaient indispensables au confort des personnes actives dans la zone de développement concernée, il entendait rappeler que la parcelle se trouvait juste à la limite (« en frange ») avec la zone à bâtir, de sorte que sa localisation n'apparaissait pas se justifier à cet endroit, ce d'autant plus qu'il se situait à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant un jeune public. Il n'était pas non plus démontré que cet emplacement se justifiait pour réduire les mouvements de trafic pendulaire, sachant qu'il se situait au début de cette très grande zone de développement, comme permettait de constater les données librement accessibles du Système d’Information du Territoire à Genève (ci-après: SITG).

24.         Le 5 octobre 2023, la recourante a transmis des observations spontanées.

Le département omettait le caractère exemplatif des activités listées à l'art. 14 al. 2 RZIAM, l'analyse du département en fonction du cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie était exorbitante aux conditions prévues par la loi et démontrait la persistance du département à mélanger ses propres considérations morales avec les conditions légales.

Le département se bornait à rappeler que la parcelle se situait en limite de la zone à bâtir et que sa localisation ne se justifiait pas à cet endroit, alors que le simple fait que l'activité était exercée depuis plus de dix ans montrait à lui seul que les conditions d'une dérogation étaient remplies.

25.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, un recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives ne sont en revanche pas compétentes pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

4.             La recourante conteste le refus d'autorisation de construire portant sur le changement d'affectation du bâtiment 3______, situé en zone de développement industriel et artisanal.

Elle prétend que le département ne se serait pas conformé à l'arrêt de la chambre administrative en prononçant ce refus, laquelle aurait expressément admis l'octroi d'une dérogation au sens des art. 4 al. 2 LZIAM et 5 al. 1 et 2 RZIAM.

5.             En l'espèce, dans son arrêt du 29 août 2017 (ATA/1231/2017), la chambre administrative a admis le recours au motif que la première décision de refus n'était basée que sur un seul préavis défavorable du SPI, dont la motivation était brève et tautologique, sans instruction particulière au sujet des conditions posées par la LZIAM, respectivement le aRAZIDI. Il n'avait également pas été tenu compte de l'absence de travaux. La décision de renvoi visait ainsi la poursuite de l’instruction, notamment concernant l’applicabilité de l’art. 4 al. 2 LZIAM, respectivement celle de l’art. 5 al. 1 RAZIDI, en tenant compte du fait qu'il s'agissait d'une activité de prestation de services et en fixant éventuellement des conditions pour autoriser le changement d’affectation (en termes de publicité, de nuisances, d’horaires, etc…).

Or, contrairement à l'avis de la recourante, l'arrêt de la chambre administrative ne conclut pas expressément à l'octroi de la dérogation à l'affectation en zone industrielle et artisanale. Au contraire, cette décision de renvoi constate que l'instruction relative à cette question n'avait pas été correctement effectuée par l'autorité intimée. En toute logique, il ne peut être admis que la chambre administrative aurait scellé le sort de cette cause, sans quoi elle ne l'aurait pas renvoyée à l'instruction. S'agissant en particulier de la précision concernant la fixation éventuelle de conditions liées à l'exercice de l'activité assorties à la délivrance de l'autorisation sollicitée, il ne s'agit que d'un rappel de la possibilité offerte par la loi de fixer, le cas échéant, des clauses accessoires, si le département venait à considérer, une fois l'instruction menée à son terme, qu'une dérogation devait être délivrée.

Dès lors, il ne saurait être admis qu'en maintenant sa décision de refus, après avoir repris et terminé l'instruction, le département n'aurait pas respecté les considérants de l'arrêt de la chambre administrative. Le grief est écarté.

6.             Reste encore à examiner si l'instruction de l'octroi d'une éventuelle dérogation a été correctement effectuée par le département, ce qui revient à examiner le second grief de la recourante sur le fond, dès lors qu'elle prétend que l'appréciation des art. 4 al. 2 LZIAM et 5 RZIAM aurait dû conduire le département à autoriser le changement d'affectation.

7.             Selon l’art. 14 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.

8.             À Genève, l’art. 12 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) précise que pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; voir aussi art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; voir aussi art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; voir aussi art. 28).

9.             L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. Son alinéa 4 prévoit que les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Ainsi, selon la systématique suivie par le législateur genevois, les zones industrielles font partie des zones à bâtir, qui sont elles-mêmes englobées dans les zones ordinaires au sens des art. 12 et 18 LaLAT (ATA/518/2010 du 3 août 2010 consid. 4b).

10.         Selon l’art. 12 al. 4 LaLAT, dont la note marginale est « zones de développement », en vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. Le Grand Conseil peut créer des zones de développement vouées à des affectations spécifiques qui précisent celles visées aux art. 19, 30 et 30A LaLAT ou au besoin s’en écartent. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue.

11.         Selon l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la LZIAM.

12.         La LaLAT distingue ainsi les zones industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM).

13.         En l’espèce, la parcelle concernée par la présente procédure est située en zone de développement industriel (art. 30 LaLAT et LZIAM) et non pas dans la nouvelle zone de développement d’activités mixtes, ni d’ailleurs en zone industrielle et artisanale « ordinaire » (art. 19 al. 4 LaLAT).

14.         Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT ; art. 1 al. 1 LCI).

15.         L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

16.         Le terme « transformation » de l’art. 22 al. 1 LAT vise également le changement d’affectation, soit la modification du but de l’utilisation, même lorsqu’il ne nécessite pas de travaux de construction (ATA/1346/2015 du 15 décembre 2015 consid. 6b et les références citées ; au sujet de l’art. 22 LAT : ATF 139 II 134, 140 consid. 5.2 ; au sujet de l’art. 24 LAT : ATF 119 Ib 222, 227 consid. 3a ; ATF 113 Ib 219, 223 c. 4d ; ATF 108 Ib 359, 361 consid. 3a ; Alexander RUCH, art. 22, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (VLP-ASPAN), 2009, p. 19 n. 34 ad art. 22 LAT ; ATF 132 II 21, 42 consid. 7.1.1 et ATF 127 II 215, 218-219 consid. 3a au sujet de l’art. 24 al. 2 aLAT).

17.         La conformité à l’affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou installation concorde avec celle de la zone. Il ne suffit pas qu’elle ne soit pas contraire à la destination de la zone (DFJP/OFAT, Étude relative à la LAT, 1981, p. 274 n. 29 ; ATA/822/2015 du 11 août 2015 consid. 12b). L’utilisation de la construction ou de l'installation est pertinente pour juger de la conformité à l’affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l’octroi de l’autorisation (ATA/822/2015 précité consid. 12b ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5a ; ATA/784/2013 du 26 novembre 2013 consid. 6a ; ATA/70/2013 du 6 février 2013 consid. 3a).

18.         La LZIAM a pour but de fixer les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement industriel, dévolues aux activités industrielles et artisanales (ci-après : activités du secteur secondaire), ainsi que des zones de développement d’activités mixtes, dévolues aux activités des secteurs secondaire et tertiaire, y compris les activités culturelles et festives (art. 1 al. 1 LZIAM). Les zones de développement d’activités mixtes comportent au minimum 60 % des surfaces brutes de plancher dévolues à des activités du secteur secondaire (art. 1 al. 2 LZIAM).

19.         Selon l’art. 4 al. 1 LZIAM, dans les zones de développement industriel et les zones de développement d’activités mixtes, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance de l’autorisation de construire, autoriser l’application des normes de la zone industrielle ou de la zone de développement d’activités mixtes au sens de la LaLAT. Cette décision est subordonnée à l’approbation préalable : a) des plans et règlements directeurs au sens des art. 2 et 3 ou, le cas échéant, d’un PLQ fixant tout ou partie des éléments énoncés dans l’art. 3 LGZD ; b) des conditions particulières applicables au projet présenté, notamment : 1° le prix du terrain, qui doit être agréé sur la base des prix admis dans chaque zone de développement industriel ou d’activités mixtes, 2° les loyers et les prix des locaux industriels ou artisanaux répondant à un besoin d’intérêt général, qui doivent respecter les montants maximums fixés pour chaque zone de développement d’activités mixtes par le Conseil d’État, 3° les loyers et les prix des locaux destinés à des activités tertiaires dans les zones de développement d’activités mixtes, dont les montants doivent être comparables aux prix du marché.

Si la demande porte sur une construction ou une installation de peu d’importance ou provisoire, le département peut délivrer d’emblée l’autorisation de construire après en avoir, si nécessaire, fixé les conditions particulières (art. 4 al. 2 LZIAM). Tel est par exemple le cas en cas de changement d’affectation d’une carrosserie en une épicerie de type « take away » (ATA/926/2016 du 1er novembre 2016 consid. 13).

20.         Le 31 mai 2023, le règlement sur les zones industrielles et d'activités mixtes du 24 mai 2023 (RZIAM – L 1 45.01) est entré en vigueur. Ce dernier a remplacer l'ancien RAZIDI (art. 31 LZIAM).

21.         Selon l'art. 9 RZIAM, les entreprises des secteurs primaire et tertiaire ne sont pas admises dans les zones industrielles. Demeurent réservées les autorisations dérogatoires en vertu du chapitre II du présent titre.

22.         D'après l'art. 13 RZIAM, à titre dérogatoire, des autorisations peuvent être délivrées à une entreprise déterminée pour des activités non prévues au chapitre I du présent titre (al. 1). Les autorisations délivrées à titre dérogatoire peuvent être assorties de conditions et charges destinées à garantir leur mise en œuvre (al. 2). Nul n’a droit à l’octroi d’une autorisation dérogatoire (al. 3).

Sont considérées comme services à la zone les activités du secteur tertiaire répondant aux besoins des utilisatrices et utilisateurs d’une zone industrielle (art. 14 al. 1 RZIAM). Il s’agit notamment des cafés-restaurants et tea-rooms, des épiceries, des agences de distribution de tabacs et journaux, des guichets bancaires, des offices postaux, des salles de sport ou encore des structures d’accueil de la petite enfance (art. 14 al. 2 RZIAM).

23.         Selon l'art. 15 al. 1 RZIAM, lequel reprend en substance la teneur de l'art. 15 aRAZIDI, les activités de services à la zone peuvent être autorisées à titre dérogatoire si : elles contribuent significativement au bien-être des utilisatrices et utilisateurs directs de la zone (employées et employés, clientes et clients, fournisseuses et fournisseurs), compte tenu de l’offre de services similaires préexistante dans et aux abords de la zone (let. a); leur localisation est opportune pour couvrir les besoins au sein de la zone (let. b); et leur implantation dans la zone industrielle contribue significativement à la réduction des mouvements de trafic pendulaire (let. c).

24.         L'art. 15 al. 2 RZIAM précise qu'en tout état, l’implantation de services à la zone ne doit pas : conduire à une offre excessive en regard des besoins de la zone (let. a); attirer de manière significative des clientes et clients non utilisateurs directs de la zone (let. b); porter préjudice à la mise en valeur de la zone, eu égard notamment à leur incidence spatiale et temporelle sur la disponibilité des surfaces de plancher potentiellement dédiées aux activités artisanales ou industrielles (let. c).

25.         Dans un arrêt du 14 novembre 2006, la chambre administrative a examiné un recours dirigé contre une décision du département ordonnant de cesser l’exploitation d’un salon de massage dans un bâtiment situé à C______, dans la zone de développement industriel et artisanal de Mouille-Galand (ci-après : la ZIMOGA). Selon l’art. 19 al. 4 LaLAT, les zones industrielles et artisanales étaient destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Les termes « artisanal » et « industriel » faisaient référence à des activités des secteurs primaire et secondaire. Selon l’art. 4 al. 1 du plan directeur de la ZIMOGA, adopté le 28 août 1991 par le Conseil d’État, les terrains situés dans le périmètre de la ZIMOGA étaient destinés à des constructions affectées à des activités industrielles, artisanales, de distribution en gros et d’entreposage de matériel ou de marchandises sous abri et en locaux fermés. L’implantation de certaines activités de services, telles que restaurants, guichets bancaires et offices postaux, pouvait être autorisée à titre exceptionnel (art. 4 al. 6 du plan directeur). L’art. 16 prévoyait que le département pouvait déroger, après consultation de la commune et de la commission d’urbanisme, aux dispositions des plan et règlement directeurs de la ZIMOGA, si les circonstances le justifiaient. C’était dès lors à juste titre que le département avait admis que les activités exercées par le salon de massage n’étaient pas conformes à la zone industrielle et artisanale (ATA/594/2006 précité consid. 4a et 4b). En outre, aucune circonstance ne justifiait l’octroi d’une dérogation selon l’art. 26 al. 1 LaLAT (ATA/594/2006 précité consid. 5).

Dans un arrêt du 31 août 2012, le Tribunal fédéral a confirmé que l’exercice régulier de la prostitution entrait clairement en contradiction avec la notion d’habitation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_237/2012 du 31 août 2012 consid. 2).

Dans un arrêt du 11 août 2015, la chambre administrative a rappelé que la 5ème zone de construction était une zone résidentielle destinée aux villas (ATA/822/2015 précité consid. 8b) et que l’exercice régulier de la prostitution dans des studios d’habitation entrait clairement en contradiction avec cette dernière notion (ATA/822/2015 précité consid. 8c). L’exploitation d’un salon de prostitution dans une villa située en 5ème zone de construction constituait un changement de destination de la villa, soumis à autorisation (ATA/822/2015 précité consid. 8d, 12, 13 et 14).

Dans un arrêt du 15 décembre 2015, la chambre administrative a retenu que la recourante avait l’obligation de requérir une autorisation de construire pour transformer sa villa d’habitation en salon de massage érotique (ATA/1346/2015 précité consid. 12).

Dans un arrêt du 7 juin 2016 portant sur un contrôle abstrait du règlement communal de la commune de Payerne sur l’exercice de la prostitution, le Tribunal fédéral a expliqué qu’une concentration des salons de prostitution en-dehors des quartiers où l'habitat est prépondérant et dans des locaux conformes à une affectation commerciale permettrait aux habitants de la commune de passer des nuits plus calmes et à leurs enfants de ne pas être confrontés à la prostitution durant la journée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_862/2015 du 7 juin 2016 consid. 7.1.1). Il n’a pas vu en quoi la pratique de la prostitution dans des bâtiments situés hors des zones à prépondérance d'habitat, et dont l'affectation est commerciale, péjorerait les conditions d'exercice de la prostitution (arrêt du Tribunal fédéral 2C_862/2015 précité consid. 7.1.2).

Dans un arrêt du 7 août 2016 (1C_661/2018), le Tribunal fédéral a confirmé que compte tenu de la proximité d'établissement scolaires et de l'ensemble homogène de maisons d'habitations formé par le quartier, l'exploitation d'un salon de massage entrait en contradiction avec la zone villa, relevant en particulier que l'activité avait fait l'objet de plaintes du voisinage depuis 2012 et que ce n'était à la suite de telles plaintes que la municipalité avait pris connaissance de la présence d'un salon de massage dans l'immeuble concerné.

26.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser.

27.         Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

La délivrance des autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015).

28.         Selon une jurisprudence bien établie, les juridictions administratives observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020 ; ATA/1279/2018 du 27 novembre 2018).

29.         En l’espèce, en préambule et à toutes fins utiles, le tribunal relèvera que l'activité de la recourante correspond à une activité commerciale, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et celle de la chambre administrative (ATF 137 I 167 consid. 4.3 ; ATA/1231/2017 du 29 août 2017 consid. 14).

Comme l'a retenu la chambre administrative dans son arrêt du 29 août 2017, le changement d’affectation de la villa concernée en salon de massage est une « transformation » sujette à autorisation et une telle activité n’est pas conforme ni à la zone villa ni à la zone de développement industriel et artisanal.

Il faut par conséquent examiner si une dérogation est envisageable.

En l'occurrence, le refus d'autorisation de changement d'affectation litigieux se base sur le préavis défavorable de l'OU rendu le 30 novembre 2022, suite à l'arrêt de la chambre administrative précitée. Cette instance a estimé que vu la localisation de la parcelle en frange de la zone industrielle, les objectifs de l'art. 5 aRAZIDI – soit l'actuel art. 15 RZIAM) qui visent à contribuer « significativement » à la réduction des mouvements pendulaires et à l'accroissement du bien-être des utilisateurs ne permettaient pas de justifier une dérogation. De plus, l'implantation d'un club érotique et d'escortes, à proximité de plusieurs établissements scolaires, de formation ou sportifs, accueillant principalement un public jeune, semblait, dans la situation d'espèce, être particulièrement inappropriée, étant relevé que le bâtiment en question était situé directement en face d'une école primaire. En outre, le préavis de l'OU précise expressément qu'il a été émis après prise de connaissance de l'arrêt de la chambre administrative.

Si le refus se base certes une fois de plus essentiellement sur le préavis d'une seule instance, force est de constater que cette fois-ci, ledit préavis est détaillé et clair. Il ne se contente pas d'indiquer que le projet ne correspond pas à l'affectation de la zone. Au contraire, cette instance a examiné en détail les conditions d'octroi d'une dérogation fixées aux art. 4 al. 2 LZIAM et 15 RZIAM. À ce sujet, la recourante ne fait qu'indiquer qu'il serait, selon elle, « incontestable » que l'activité de services proposée par sa locataire est utile aux utilisateurs et utilisatrices de la zone industrielle et artisanale et contribuerait significativement à la réduction des mouvements pendulaires et à l'accroissement du bien être des utilisateurs et utilisatrices. Outre le fait que la recourante n'étaye pas son propos, il convient de garder à l'esprit que selon ses propres explications, l'activité de la société locataire s'exerce de nuit, de sorte qu'à ce moment, l'activité des utilisateurs et utilisatrices de la zone est par principe au plus bas. La recourante se contente de développer un argumentaire en lien avec la prétendue absence de nuisances. Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que la zone industrielle et artisanale concernée s'étend sur une importante surface et que la parcelle sur laquelle est érigée le bâtiment 3______ se situe à l'une de ses extrémités, à la frontière du village de C______, composée essentiellement d'habitations avec quelques commerces et restaurants. En particulier, il ressort des données librement accessibles disponibles sur le SITG que la parcelle de la recourante se situe à proximité immédiate de nombreux immeubles de logements et de deux écoles primaires, dont le préau de celle la plus proche se situe de l'autre côté de la route. S'il est vrai qu'en exerçant son activité de nuit, soit en dehors des heures scolaires, elle ne risque pas de perturber les écoliers durant leur trajet, elle risque cependant d'entrer en conflit avec les habitations environnantes. À cet égard, si la recourante prétend qu'aucun problème de voisinage n'aurait été à ce jour enregistré, elle perd cependant de vue que c'est suite aux inquiétudes de certains habitants en lien avec la proximité d'établissements scolaires que la commune et l'autorité intimée ont eu connaissance de la présence du salon de massage érotique, quand bien même l'activité de la prostitution est en soi légale – ce qui n'est pas remis en cause – et que la situation litigieuse se déroule depuis 2009.

Au vu de ce qui précède, rien ne permet de retenir qu'en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée, le département aurait mésusé de son pouvoir d'appréciation. Le tribunal ne saurait, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit (art. 61 al. 2 LPA), substituer son appréciation à celle de l'autorité intimée, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation ou l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé, viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

30.         Entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 mars 2023 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 24 février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière