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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/818/2023

JTAPI/1181/2023 du 30.10.2023 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/367/2024

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/818/2023

JTAPI/1181/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, Madame B______ et leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, représentés par Me Gazmend ELMAZI, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant du Kosovo.

2.             Sa compagne, Madame B______, née le ______ 1992, est également ressortissante du Kosovo.

3.             Ensemble, ils ont eu trois enfants : C______, né le ______ 2010, D______, né le ______ 2016 et E______, né le ______ 2019, tous trois ressortissants du Kosovo.

4.             Sous la plume de leur conseil, par requête du 14 août 2019, ils ont sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

M. A______ avait quitté son pays en raison d'une situation économique et sociale désespérante et était arrivé à Genève en 2013 et disposait de preuves de son séjour de catégorie A depuis 2014. Mme B______ l'avait rejoint en 2015, accompagnée de leur enfant C______, ce que tous deux pouvaient démontrer. C______ était scolarisé à Genève depuis 2015. Il suivait sa scolarité avec facilité et était très bien intégré. Les deux autres enfants du couple étaient nés à Genève et y avaient depuis lors toujours vécu. Sur le plan professionnel, M. A______ avait travaillé depuis son arrivée à Genève dans différentes entreprises, notamment dans le domaine de la construction. Il travaillait actuellement au sein de la société F______ SA, où il percevait un salaire mensuel net de plus de CHF 4'500.-. Le couple jouissait d'une indépendance financière complète. M. A______ ne faisait l'objet d'aucune poursuite ou actes de défaut de bien. Quant à Mme B______, elle avait récemment découvert qu'elle faisait l'objet de poursuites et le couple s'était immédiatement acquitté d'importantes sommes auprès de l'office des poursuites. Ils s'acquitteraient de toutes les poursuites de Mme B______ dans un très bref délai. M. A______ et Mme B______ étaient parfaitement intégrés et parlaient couramment le français. Ils ne faisaient l'objet d'aucune condamnation pénale en Suisse. Un retour dans leur pays d'origine leur imposerait un nouveau déracinement.

5.             Par courriel du 22 novembre 2021 adressé à leur conseil, l'OCPM a commencé à instruire le dossier de M. A______ et de Mme B______, ainsi que de leurs enfants, en requérant la production de plusieurs documents.

6.             Cette instruction s'est poursuivie jusqu'au début de l'année 2023, l'OCPM relevant à plusieurs reprises que ses demandes successives n'étaient pas entièrement satisfaites et les intéressés requérant de leur côté des délais supplémentaires.

7.             Par décision du 1er février 2023, l'OCPM a constaté que M. A______ séjournait en Suisse depuis huit ans, que Mme B______ et C______ séjournaient à Genève depuis sept ans, que D______ et E______ étaient nés en Suisse, que M. A______ exerçait une activité lucrative auprès de l'entreprise G______ SARL pour un salaire mensuel de CHF 4'469.- sur treize mois, et que la situation financière de la famille n'était pas pérenne, Mme B______ étant endettée, tandis que selon toute vraisemblance, le revenu de l'activité lucrative de M. A______ n'était pas suffisant pour subvenir aux besoins de la famille.

Dans ces circonstances, les requérants ne remplissaient pas les critères relatifs au cas individuel d'extrême gravité. Ils n'avaient en effet pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, Mme B______ faisant l'objet de poursuites et de vingt-quatre actes de défaut de bien pour un montant de CHF 44'618.- [principalement s'agissant de dettes à l'égard des assurances-maladie], sans perspective de remboursement à ce jour. S'agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants, ces derniers étaient âgés de 12 ans, 6 ans et 3 ans. Bien que scolarisés, ils n'étaient pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. Leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables. Finalement, les requérants n'avaient pas démontré qu'une réintégration dans leur pays d'origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place. Il fallait rappeler également qu'ils avaient régulièrement sollicité l'OCPM afin d'obtenir des visas de retour pour retourner en vacances au Kosovo (soit, selon l'état de fait de la décision, les 18 octobre 2019, 17 décembre et 22 décembre 2020, 27 mai 2021 et 12 juillet 2022, la moitié de ces demandes ayant été refusées).

8.             Par acte du 6 mars 2023, M. A______ et Mme B______, agissant en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation sous suite de frais et dépens.

La durée du séjour en Suisse des différents membres de la famille, qui débutait en 2014 pour M. A______ et en 2015 pour Mme B______ et C______, n'était pas remise en cause par l'OCPM. Il était vrai que Mme B______ avait rencontré des difficultés avec son assurance-maladie, mais un examen était en cours, étant précisé que certaines poursuites semblaient injustifiées. Le CENTRE SOCIAL PROTESTANT avait attesté que le couple avait fait appel à ses services pour les aider dans la gestion de leur situation administrative et financière, dans un but d'assainissement financier. La situation devrait être régularisée très rapidement. Par ailleurs, la famille n'avait jamais bénéficié de prestations de l'Hospice général. Concernant sa situation professionnelle, M. A______ exploitait désormais son entreprise individuelle sous la raison H______ et ses revenus avaient augmenté. La famille jouissait ainsi d'une indépendance financière complète. Ils étaient de plus parfaitement intégrés et parlaient couramment le français, tandis que les enfants étaient scolarisés dans le canton de Genève. Les deux parents s'impliquaient pleinement dans la scolarité de leurs enfants. Leur casier judiciaire ne comportait aucune inscription.

M. A______, en particulier, remplissaient tous les critères publiés par l'OCPM lors de la clôture de l'opération Papyrus. L'OCPM aurait donc dû préaviser favorablement sa demande d'autorisation de séjour. Il vivait en Suisse avec toute sa famille et ne pouvait retourner vivre dans son pays d'origine après une aussi longue durée de séjour. La situation des requérants constituait un cas de rigueur.

9.             Par écritures du 5 mai 2023, l'OCPM a répondu au recours en concluant à son rejet, reprenant en substance les motifs de sa décision.

10.         Par écritures du 30 juin 2023, sous la plume de leur conseil, M. A______ et Mme B______ ont notamment indiqué au tribunal que, s'agissant de sa situation financière, M. A______ était en train de finaliser les comptes de sa société à l'aide de sa comptable et qu'il serait en mesure de les transmettre très prochainement. Quant à la situation auprès de l'office des poursuites, le CENTRE SOCIAL PROTESTANT indiquait par une attestation du 30 juin 2023 que le couple était parvenu à stabiliser son budget et n'avait plus eu de nouvelles dettes. Désormais, le couple commençait le règlement de ces dernières.

11.         Par courrier du 13 juillet 2023, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à faire.

12.         Par fiche de transmission du 19 juillet 2023, l'OCPM a adressé au tribunal un rapport de dénonciation établi le 22 avril 2023 par la police cantonale vaudoise, suite à l'interpellation de M. A______ sur une aire de repos d'autoroute. Selon le procès-verbal de son audition effectuée le même jour à la police, M. A______ a déclaré notamment qu'il payait actuellement un loyer de CHF 2'200.- par mois auprès de la régie I______ SA. De 2013 à 2021, il avait travaillé en tant que peintre pour plusieurs entreprises et il avait ouvert sa propre entreprise en tant qu'indépendant en 2021, sous la raison sociale H______. Il gagnait environ CHF 9'000.- par mois.

13.         Ces informations ont été transmises aux requérants, qui n'y ont pas donné suite.

 

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas comme en l'espèce pour les ressortissants du Kosovo.

Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de sa réintégration dans l'État de provenance (let. g).

4.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger a séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y est bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'a pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

5.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

6.             S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

7.             Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

8.             En l'espèce, les recourants ne contestent pas l'appréciation de l'autorité intimée selon laquelle le père de famille est arrivé en Suisse en 2014, suivi en 2015 de la mère de famille et de leur fils aîné, alors âgé de 5 ans. Au moment de la décision litigieuse, le père de famille résidait donc en Suisse depuis huit ans, et la mère de famille et leur fils aîné depuis sept ans. Il s'agit d'une durée que l'on peut commencer à considérer comme longue, en particulier en se référant aux cinq ans à partir desquels, durant la période d'application de l'opération Papyrus, le séjour d'une famille était suffisant pour permettre l'examen des autres critères d'intégration.

Dans le cas d'espèce, les durées susmentionnées de huit et sept ans ne sont pas non plus si longues qu'elles passeraient nettement à l'avant-plan de l'ensemble des éléments à prendre en considération. Elles ne sont en tout état pas suffisantes pour considérer que les recourants seraient dans un cas de rigueur, en dehors d'autres éléments qui démontreraient une intégration particulièrement poussée.

S'agissant de l'intégration socioprofessionnelle des recourants, le père de famille a toujours travaillé en Suisse et n'a jamais bénéficié de l'aide sociale ni ne fait l'objet d'aucune poursuite. Cela étant, ses revenus n'ont pas été entièrement suffisants pour empêcher l'endettement de sa compagne pour près de CHF 45'000.- à l'égard des assurances-maladie. C'est ainsi par l'endettement, plutôt qu'en requérant l'aide sociale, que les recourants ont répondu à l'insuffisance de leurs revenus. Par ailleurs, le père de famille maîtrise correctement le français et dispose d'un casier judiciaire vierge. Il s'agit là d'un ensemble d'éléments qui témoignent d'une intégration correcte, mais qui ne dépasse cependant pas en intensité celle que l'on est en droit d'attendre de n'importe quel étranger séjournant en Suisse de manière prolongée. Sur le plan professionnel, le recourant, qui a occupé des emplois dans le domaine du bâtiment et travaille à présent à son propre compte dans le même domaine, ne démontre pas, ni n'allègue, qu'il aurait acquis une expérience si poussée ou si particulière qu'il ne pourrait pas la mettre à profit dans son pays d'origine. Sur le plan social, sa situation est sans particularité et ne saurait en tous les cas être qualifiée d'intégration sociale particulièrement poussée.

Quant à la mère de famille, son intégration sociale ne diffère pas de celle de son compagnon, hormis en ce qui concerne l'endettement dont il a été question plus haut. À cet égard, il faut rappeler qu'il y a plus de quatre ans en arrière, dans leur requête du 14 août 2019, les recourants ont annoncé s'être acquittés d'importantes sommes auprès de l'office des poursuites immédiatement après s'être aperçus du fait que la mère de famille faisait l'objet de poursuites. Ils s'acquitteraient dans un très bref délai de toutes les poursuites restantes. Or, les recourants n'ont jamais documenté précisément leurs prétendus efforts de désendettement, se contentant de produire une attestation du CENTRE SOCIAL PROTESTANT du 30 juin 2023 qui faisait état du règlement d'une dette et de l'éventualité de négociations sur les autres. Dans ces circonstances, on ne peut que douter soit de la capacité, soit de la volonté des recourants d'assainir réellement leur situation financière. Le tribunal soulignera à cet égard que selon les déclarations faites par le père de famille à la police vaudoise le 22 avril 2023, le loyer de la famille serait actuellement de CHF 2'200.-, tandis que ses revenus seraient d'environ CHF 9'000.- par mois. Jamais documentés non plus, malgré l'engagement du père de famille, dans sa réplique du 30 juin 2023, de produire « très prochainement » les comptes de sa société, ces chiffres, s'ils étaient exactes, rendraient d'autant moins compréhensible la faiblesse des efforts faits par les recourant pour éteindre les dettes de la mère de famille.

9.             L'enfant C______, aujourd'hui âgé de 13 ans, est arrivé en Suisse à l'âge de cinq et y est depuis lors scolarisé. Il a donc désormais passé en Suisse une plus longue partie de sa jeune vie que celle qu'il a passée dans son pays d'origine.

10.         À cet égard, il faut rappeler qu'avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5f ; cf. aussi ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

11.         Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêts 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1), étant rappelé que cette disposition ne fonde pas une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2; 140 I 145 consid. 3.2; arrêt 2C_681/2022 du 3 août 2022 consid. 4.3.3 et les arrêts cités).

12.         Au vu de cette jurisprudence, la situation de l'enfant C______ est certes complexe, puisque l'on peut admettre qu'il s'est sans doute très bien intégré au nouvel environnement qu'il a découvert en arrivant en Suisse à l'âge de cinq ans. Il est aujourd'hui arrivé aux portes de l'adolescence et, au contact des autres jeunes de son milieu scolaire, il s'éloigne sans doute de plus en plus de ses origines culturelles. Cela étant, il n'a précisément pas encore traversé l'adolescence, période que la jurisprudence susmentionnée considère comme particulièrement importante pour l'intégration socioculturelle. Un retour au Kosovo serait certainement pour lui un moment difficile, notamment en raison du niveau de vie très différent qui caractérise la Suisse et ce pays, et peut-être également en raison des différences dans le système de l'instruction publique. On ne saurait cependant considérer que ce retour pourrait le mettre dans une situation de détresse, tant il est vrai qu'il serait pour cela accompagné par ses deux parents, outre la présence de ses deux plus jeunes frères. La famille dispose vraisemblablement encore de certaines attaches avec le Kosovo, puisqu'elle a requis à quatre reprises depuis 2019 des visas en vue d'effectuer des séjours dans ce pays. C______ trouverait ainsi peu à peu les moyens de se réintégrer dans la société kosovare, dont il ne saurait non plus avoir complètement perdu les codes, notamment à travers son milieu familial.

13.         Quant aux enfants D______ et E______, tous deux nés en Suisse, ils ne disposent certes pas de l'expérience vécue par leur frère aîné durant ses jeunes années au Kosovo. Leur arrivée dans ce pays les confronterait à une réalité qu'ils n'ont jamais connue. Cela étant, il est fort probable qu'ils disposent d'une certaine imprégnation culturelle à travers leurs deux parents. Ils ont également l'avantage de leur jeune âge, puisqu'ils sont respectivement âgés aujourd'hui de 7 et 4 ans. Le premier est donc à peine plus âgé que son frère aîné lorsque celui-ci est arrivé en Suisse, et le second est plus jeune. Par conséquent, ils devraient être également en mesure de s'adapter à la société kosovare, comme leur frère aîné a pu le faire avec la société suisse.

14.         Quant au retour du père et de la mère de famille dans leur pays d'origine, on peut certes concevoir, compte tenu de la différence du niveau de vie entre la Suisse et le Kosovo, qu'ils aient des craintes sur les difficultés qu'ils rencontreront en se réinstallant dans ce pays. Cependant, au-delà des difficultés qui touchent l'ensemble de la population restée sur place (et que la jurisprudence rappelée ci-dessus ne permet pas de prendre considération), ils n'expliquent pas quels serait les problèmes graves qui pourraient les toucher en particulier.

15.         Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à raison que l'autorité intimée a refusée de soumettre le dossier des recourants au SEM avec un préavis favorable.

16.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

17.         En l'espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants, l'OCPM devait en soi ordonner leur renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

18.         Intégralement infondé, le recours sera donc rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés solidairement au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2023 par Monsieur A______ et Madame B______, en leur nom et aux noms de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière