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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3677/2022

JTAPI/1120/2023 du 16.10.2023 ( OCIRT ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS
Normes : LEI.18; LEI.21.al1; LSE.21
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3677/2022

JTAPI/1120/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Innocent SEMUHIRE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1981, est ressortissant du Sénégal.

2.             Par formulaire M daté du 7 mars 2022 et adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l'entreprise B______ SA (ci-après : la SA) a requis en faveur de M. A______ une autorisation de séjour avec activité lucrative au service du restaurant « C______ » (cet établissement étant renseigné sous la rubrique « mandataire »). Il s'agissait d'un contrat de durée indéterminée en qualité de cuisinier pour un salaire mensuel brut de CHF 4'770.- à raison de 45 heures de travail par semaine. Il était en outre indiqué que M. A______ était arrivé à Genève le 8 février 2022.

3.             Il sied de préciser qu'en date du 3 mars 2022, M. A______ et la SA ont signé un contrat de travail prévoyant que le précité se verrait proposer par la SA des missions de travail temporaire. Ce contrat a été renouvelé le 16 mars 2022.

4.             Par décision du 9 juin 2022, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis la demande de la SA, a refusé à cette dernière l'autorisation de séjour avec activité lucrative sollicitée en faveur de M. A______. En pied de page de la décision, il était indiqué qu'un double était adressé « à l'employé ».

La demande ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, la SA n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE et de l'AELE n'avait pu être trouvé. En outre, un bailleur de service ne pouvait engager un ressortissant étranger que si ce dernier était admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et autorisé à changer d'emploi. La demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant pour justifier une exception.

5.             Par décision du 5 septembre 2022, l'OCPM a refusé d'octroyer à M. A______ une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative et a prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision se fondait sur la décision rendue le 9 juin 2022 par l'OCIRT.

6.             Par acte du 6 octobre 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous numéro de procédure A/1______.

7.             Par acte du 7 novembre 2022, M. A______ a recouru auprès du tribunal contre la décision de l'OCIRT du 9 juin 2022 en concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de travail sollicitée. Préalablement, il sollicitait son audition personnelle et la suspension de la procédure A/1______ pendante devant le tribunal.

La requête de la SA du 7 mars 2022 visait la possibilité, pour M. A______, d'exercer auprès du restaurant « C______ » en qualité de cuisinier spécialisé en denrées alimentaires destinées aux personnes soumises aux allergies et intolérances alimentaires. M. A______ a notamment produit les contrats de mission signés les 7 et 16 mars 2022 avec la SA, qui le délèguent auprès du restaurant susmentionné en qualité de cuisinier.

Suite à la décision rendue par l'OCPM le 5 septembre 2022, le mandataire de M. A______ avait requis le 29 septembre 2022 auprès de cette autorité la possibilité de consulter le dossier. Cette consultation avait eu lieu le 6 octobre 2022, ce qui avait alors permis au mandataire de prendre connaissance de la décision rendue par l'OCIRT le 9 juin 2022.

S'agissant du délai de recours contre cette décision, il était respecté puisque la prise de connaissance de cette dernière n'avait eu lieu qu'en date du 6 octobre 2022. Le délai de recours avait donc commencé à courir le lendemain et s'était achevé le samedi 5 novembre 2022, ce qui reportait l'échéance du délai au lundi 7 novembre 2022.

Sur le fond, hormis les dispositions légales applicables, les directives du secrétariat d'État aux migrations permettaient d'engager un cuisinier dans un restaurant de spécialités à certaines conditions, qui concernaient non seulement l'établissement lui-même et les efforts déployés par l'employeur pour trouver le collaborateur en question, mais également les qualifications personnelles du cuisinier. En l'occurrence, il maîtrisait le français et son âge permettait de supposer qu'il s'intégrerait durablement à l'environnement professionnel et social en Suisse. En outre, il disposait d'une formation de cuisinier spécialisé dans les menus destinés aux personnes sensibles aux allergies et aux intolérances culinaires. Il avait également une longue expérience professionnelle dans le domaine, ainsi qu'en attestait son curriculum vitae. En Suisse, il avait travaillé comme cuisinier à spécialités. Il avait d'abord été engagé pour une mission de trois mois dans le café-restaurant « C______ » qui proposait des spécialités traditionnelles et des menus spéciaux pour des personnes ayant des allergies et des intolérances à certaines denrées alimentaires. Il avait ensuite été occupé comme cuisinier dans le restaurant « D______ » pour préparer des plats spécifiques pour les personnes allergiques ou présentant des intolérances culinaires. Il avait été très apprécié par ses employeurs pour ses compétences dans la préparation de ces spécialités et son intégration dans les équipes avait également été remarquée par ses employeurs.

Ainsi, ces spécificités professionnelles justifiaient une exception et protégeaient les intérêts économiques de la Suisse dans un domaine particulier de la restauration. Par ailleurs, depuis la crise de la pandémie du Covid-19, le secteur de la restauration avait été mis à rude épreuve. Des cuisiniers qualifiés avaient quitté leur travail durant les longues périodes de fermeture des cafés restaurant. À l'issue de la pandémie, plusieurs restaurateurs étaient actuellement à la recherche de cuisiniers bien formés, le marché suisse n'arrivant pas à satisfaire la demande. Les pays avec lesquels la Suisse avait signé des accords de libre circulation souffraient du même manque de personnel dans ce domaine.

8.             Le curriculum vitae produit par M. A______ à l'appui de son recours indique qu'après l'obtention d'un E______ obtenu au Sénégal en 2007 dans le domaine de l'hôtellerie-restauration, accompagné d'un apprentissage de cuisine entre 2005 et 2008, il a travaillé à Toulon comme commis de cuisine de 2014 à 2015, puis comme cuisinier de 2015 à 2016, avant d'occuper, dans trois restaurants successifs à Lyon, le poste de second de cuisine (de 2016 à 2018), de chef de partie (de 2018 à 2020), puis de cuisinier (de 2020 à 2021).

9.             Par décision DITAI/2______ rendue le 22 décembre 2022 dans la cause A/1______, le tribunal a refusé la suspension de cette procédure.

10.         Par écritures du 9 janvier 2023, l'OCIRT a conclu au rejet du recours, tout en invitant le tribunal à statuer sur sa recevabilité. À cet égard, il paraissait peu probable que la SA n'ait pas informé M. A______ de la décision rendue à son sujet le 9 juin 2022. En tout état, celui-ci avait pris connaissance de la décision de l'OCIRT au plus tard le jour où il avait reçu la décision de l'OCPM, soit le 6 ou le 7 septembre 2022. Il avait toutefois attendu jusqu'au 6 octobre 2022 pour que son mandataire aille consulter son dossier.

Sur le fond, M. A______ n'avait aucune formation particulière. Il ne disposait ni de qualifications, ni d'une expérience à ce point particulière qu'il soit impossible à l'employeur de recruter un travailleur doté des compétences requises sur le marché local ou titulaire d'un passeport européen au sein de l'UE/AELE. La SA n'avait pas fait la moindre recherche dans ce sens et n'avait pas annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE). En outre, l'engagement de M. A______ auprès du bailleur de services que constituait la SA ne répondait pas à la condition légale du fait qu'il soit déjà admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative et qu'il soit autorisé à changer d'emploi. Il n'existait pas d'éléments permettant d'affirmer que des intérêts économiques suffisamment importants justifieraient une exception à cette règle.

11.         Après plusieurs demandes de délais, M. A______ a répliqué par écritures du 19 juin 2023 en produisant notamment les certificats de travail relatifs aux différents emplois mentionnés dans son curriculum vitae. Il a par ailleurs exposé différents éléments de faits relatifs aux circonstances de son séjour en France, qui s'avèrent sans pertinence par rapport au présent litige.

Sur le plan juridique, l'OCIRT confondait les dispositions légales relatives au séjour des étrangers et celles relatives au service de l'emploi et la location de services. Le raisonnement de l'autorité intimée concernant l'obligation d'annonces d'un poste vacant se rapportait à l'ordre de priorité au sens des premières de ces dispositions, et non à celles qui concernaient la location de services à des tiers. Il ne fallait pas oublier que les missions temporaires pouvaient être de très courte durée et que les travailleurs recherchés dans ce cadre pouvaient présenter un profil différent de ceux que l'on pouvait engager par le biais d'un contrat fixe et de longue durée. Ainsi, sauf à vouloir multiplier les démarches administratives tracassières, la loi sur le service de l'emploi et la location de services prévoyait la publication des annonces de location de service, et non une annonce à l'OCE. C'était aux entreprises bénéficiaires des missions temporaires qu'il incombait d'annoncer des places vacantes à l'OCE, avant de contacter une agence de placement.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Il convient en premier lieu d'examiner la recevabilité du recours.

3.             En cas de recours contre une décision finale, comme en l'occurrence, le délai de recours est de 30 jours (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

4.             Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

5.             Lorsqu’une personne à qui une décision devait être notifiée ne l’a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision (art. 62 al. 5 LPA).

6.             En matière de décision préalable cantonale relative à l’autorisation d’exercer une activité lucrative, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a retenu que le ressortissant étranger, qui n’est pas partie à la procédure préalable devant l’autorité, ne dispose pas d’un droit de recours propre lorsque l’employeur lui-même ne recourt pas, puisqu’il n’y alors plus de demande d’autorisation pour prise d’emploi en cours, donc plus d’objet au recours ATA/412/2014 du 3 juin 2014 consid. 8). Dans un arrêt ultérieur (ATA/1541/2017 du 28 novembre 2017 consid. 3), la chambre administrative, tout en citant l'ATA/412/2014 susmentionné, a dénié à l’étranger concerné la qualité pour recourir en raison d’un autre motif : son recours n’avait pas d’objet dans la mesure où l’employeur qui avait sollicité le permis de travail, n’était plus disposé à l'engager. Dans un arrêt légèrement postérieur (ATA/1592/2017 du 12 décembre 2017 consid. 2), la chambre administrative a précisé que l’étranger, même s’il n’est pas le destinataire de la décision de l’OCIRT, est directement touché par son contenu, puisque l’autorité intimée lui refuse une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative

Dans le canton de Vaud, le Tribunal cantonal admet la qualité pour recourir de l’étranger même s’il agit seul, car bien qu’il ne soit pas le destinataire de la décision entreprise rendue par le service de l’emploi, il est directement atteint par cette décision et dispose ainsi d’un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée (Arrêt du 17 novembre 2016 PE.2016.0171 ; cf. ég. arrêt du 22 janvier 2018 PE.2017.0260).

Le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) estime que l’étranger concerné est spécialement atteint par la décision de refus du secrétariat d'Etat aux migrations en matière d’approbation d’une décision préalable cantonale relative à l’autorisation d’exercer une activité lucrative ; il a en outre un intérêt digne de protection à son annulation (arrêt du 26 août 2015 C-5912/2011 consid. 2.2).

7.             Il résulte de ce qui précède qu'il faut retenir la qualité pour recourir de la personne étrangère contre la décision préalable rendue par l'OCIRT concernant l'autorisation d'exercer une activité lucrative.

Il en découle que les règles sur le délai de recours, rappelées plus haut, s'appliquent de la même manière pour cette personne que pour le destinataire principal de la décision.

8.             Dans le cas d'espèce, l'autorité intimée soutient avoir adressé au recourant une copie de la décision rendue le 9 juin 2022 à l'égard de la SA. A défaut de l'avoir envoyée en courrier recommandé, elle ne parvient cependant pas à démontrer que cette copie serait effectivement parvenue en mains du recourant, pas plus qu'elle ne démontre que la SA lui aurait elle-même communiqué cette décision, ce qui relève d'une simple hypothèse, surtout vu la nature particulière des rapports de travail du cas d'espèce.

Par conséquent, il convient de retenir que ce n'est qu'en recevant la décision de l'OCPM du 5 septembre 2022, qui mentionnait celle du 9 juin 2022, que le recourant a eu connaissance de l'existence de cette dernière. Ce moment n'a cependant pas correspondu à celui où le précité a eu connaissance du contenu de cette décision et notamment des motifs retenus par l'OCIRT. Ce n'est donc pas ce moment qui a fait débuter le délai de recours au sens de l'art. 62 al. 3 LPA.

9.             Pour déterminer à partir de quel moment le délai de recours a débuté, il faut se référer en pareille situation au principe de la bonne foi qui impose des devoirs tant à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 123 II 231 consid. 8b p. 238) qu’à l’administré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009). On peut et doit attendre d’un justiciable en désaccord avec une décision dépourvue de l’indication des voies de droit qu’il se renseigne sur ses possibilités de recours auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué, conformément aux règles de la bonne foi. À défaut, la décision entre en force passé un certain délai, même si une disposition légale prévoyait expressément l’obligation de porter la mention des voies de droit (ATF 121 II 72 consid. 2a ; ATF 119 IV 330 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2006 du 5 septembre 2006 et la jurisprudence citée). Il y a donc lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice ou si elle a agi dans un délai raisonnable (ATA/3/2014 du 7 janvier 2014 consid. 2 ; ATA/147/2013 du 5 mars 2013 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 355 et la jurisprudence citée).

10.         En l'occurrence, on ignore tout d'abord à quelle date le recourant a reçu la décision du 5 septembre 2022 et donc à quel moment il a appris l'existence de celle du 9 juin 2022. Décider si, sous l'angle du principe de la bonne foi, le recourant a réagi avec suffisamment de diligence pour considérer que la décision du 9 juin 2022 ne lui aurait finalement été valablement communiquée qu'en date du 6 octobre 2022, lorsque son mandataire a consulté son dossier auprès de l'OCIRT, est une question qui souffrira cependant de rester indécise, vu l'issue du recours.

11.         A titre préalable, le recourant requiert son audition personnelle.

12.         Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1, 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2, 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/249/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012). Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle des parties, qui doivent seulement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/302/2012 du 15 mai 2012). Il ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2).

Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4).

13.         Cependant, l’ensemble des actes d’instruction ne sont pas obligatoires (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s'agissant de l'audition orale des parties ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 et ATA/384/2011 du 21 juin 2011, s'agissant de l'inspection locale) dès lors qu’ils n'apparaissent pas indispensables.

14.         En l'espèce, le dossier contient l'entier des éléments utiles pour trancher le litige, ainsi que cela découle des développements qui suivent, de sorte que l'audition du recourant n'apparaît de toute manière pas nécessaire. Le recourant n'explique d'ailleurs pas en quoi l'instruction écrite du dossier l'aurait empêché de s'expliquer utilement sur la cause, ni en quoi son audition permettrait de suppléer à des difficultés d'instruction.

15.         Sa demande d'audition sera donc rejetée.

16.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l'Accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, et, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

17.         En l'occurrence, le recourant étant ressortissant du Sénégal, et non d'un pays membre de la Communauté européenne, la demande de permis de séjour avec activité lucrative déposée en sa faveur ne peut être examinée que sous l'angle de la LEI.

18.         Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

À teneur de l'art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l'ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI). Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit au recourant (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b). De même, en tant qu'employeur, la SA ne dispose d'aucun droit à engager ce dernier en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b).

19.         Un étranger ne peut en être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que si, notamment, il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

En d'autres termes, l'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (cf. notamment ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; C-6198/2014 du 18 mai 2015 consid. 6.1 ; C-857/2013 consid. 5).

Les employeurs sont tenus d'annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu'ils présument ne pouvoir repourvoir qu'en faisant appel à du personnel venant de l'étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l'exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l'ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu'ils déploient des efforts en vue d'offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités ; directives LEI, ch. 4.3.2.1).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3). L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2 ; F-1992/2015 du 10 mars 2017 consid. 5.5 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l'employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

20.         En l’occurrence, l’ordre de priorité n’a pas été respecté.

Il n’est en effet pas établi qu’aucun travailleur sur le marché local ou européen correspondant au profil recherché n’avait pu être trouvé avant que le choix de l’employeur n’ait porté sur le recourant. En particulier, aucune preuve de recherches n’a été produite et l’autorité intimée indique, sans être contestée, que l’employeur n’a pas annoncé la vacance du poste à l’ORP, ni fait de recherches sur le marché suisse ou européen. Le recourant se contente de soutenir que dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, les employeurs font face actuellement, en particulier depuis la fin de la pandémie du Covid-19, à des difficultés pour recruter des cuisiniers. Quand bien même le tribunal retiendrait la réalité de cette affirmation – bien que le recourant ne cherche aucunement à l'étayer –, cela ne dispense en rien les employeurs de respecter l'ordre de priorité et de tenter de trouver des collaborateurs en effectuant les recherches décrites plus haut.

Le recourant soutient également qu'il est un cuisinier de spécialités. Pourtant, aucun des documents qu'il a produits n'en atteste. Le fait qu'il soit spécifiquement appelé à concevoir une cuisine destinée aux personnes souffrant d'allergies ou d'intolérances culinaire ne ressort que de ses propres affirmations. Quoi qu'il en soit, même en admettant qu'il est un cuisinier de spécialités, les directives du secrétariat d'état aux migrations citées par le recourant lui-même renvoient même dans ce cas au principe de priorité. En d'autres termes, les développements faits plus haut au sujet du non-respect du principe de priorité restent entièrement valables également dans cette hypothèse.

Le recourant soutient encore que ce sont les entreprises bénéficiaires des missions temporaires (soit en l'occurrence les restaurants) qui ont la charge d'annoncer les places vacantes à l'OCE, avant de contacter une agence de placement. La loi sur le service de l'emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE – RS 823.11) prévoirait pour les agences de placement temporaires (comme la SA) la publication des annonces de location de service, et non une annonce à l'OCE.

Par cette argumentation, le recourant tente de reporter l'obligation de respecter l'ordre de priorité sur les entreprises bénéficiaires des missions temporaires et d'en dispenser la SA en l'espèce. Ce raisonnement ne peut être suivi pour la simple raison que l'art. 21 al. 1 LEI, tel qu'interprété par la jurisprudence rappelée plus haut, s'applique à l'employeur lui-même et non à un tiers. En l'occurrence, c'est donc bien la SA, employeur du recourant, et non pas les restaurants auprès desquels ce dernier était envoyé en mission, qui devait appliquer l'art. 21 al. 1 LEI. Au demeurant, comme l'a relevé à juste titre l'autorité intimée, la LSE prévoit que le bailleur de services n’engage en Suisse que des étrangers qui sont admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative et autorisés à changer d’emploi (art. 21 al. 1 LSE). Des exceptions sont possibles pour protéger des intérêts économiques particuliers (art. 21 al. 2 LSE). Or, il est incontestable qu'en l'espèce, lorsque la SA a engagé le recourant, celui-ci n'était pas admis en Suisse en vue de l'exercice d'une activité lucrative et n'avait a fortiori pas été autorisé à changer d'emploi, de sorte que les conditions de l'art. 21 al. 1 LSE n'étaient pas réalisées. Le fait que le recourant disposait d'une attestation de données personnelles de l'OCPM ne constituait pas, contrairement à l'avis exprimé par ce dernier, une autorisation délivrée en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Enfin, la condition dérogatoire prévue par l'art. 21 al. 2 LSE n'était pas non plus réalisée, s'agissant d'un collaborateur avec une formation de cuisinier, susceptible d'être envoyé en mission auprès de n'importe quel restaurant.

21.         L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées.

22.         Le recours sera donc rejeté.

23.         En tant qu'elle a été formée dans le cadre de la présente procédure, la conclusion préalable tendant à la suspension de la procédure A/1______est sans objet.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

25.         Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

26.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             Rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 7 novembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 9 juin 2022 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.- ;

3.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière