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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2201/2023

JTAPI/772/2023 du 06.07.2023 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.77
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2201/2023 MC

JTAPI/772/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 juillet 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Alexandre ALIMI, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1975 (alias Monsieur B______, né le ______ 1979), originaire du Sri Lanka, a déposé une demande d'asile en Suisse le 1er février 2007. Le 27 mars 2007, son épouse et sa fille l'ont rejoint en Suisse et ont également déposé une demande d'asile. Le 8 février 2008, la famille s'est agrandie d'un garçon né à Genève.

2.             Par décision du 29 juillet 2010, entrée en force, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: SEM) a rejeté leurs demandes et prononcé leur renvoi de Suisse. Un délai au 21 octobre 2010 leur a été imparti pour quitter la Suisse. Les intéressés ont entamé des démarches auprès de la Croix-Rouge genevoise (ci-après : CRG) pour ce faire. L'épouse de M. A______ et leurs deux enfants sont retournés au Sri Lanka le 27 octobre 2010. Quant à lui, il a disparu dans la clandestinité avant de déposer une nouvelle demande d'asile le 2 novembre 2015. Par décision du 11 octobre 2016, le SEM a rejeté cette demande et prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision est entrée en force le 21 août 2020. La prise en charge de l'intéressé et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Genève.

3.             Le 23 novembre 2020, il a indiqué à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avoir pris rendez-vous avec la CRG le 2 décembre 2020 en vue de son retour au Sri Lanka.

4.             Entendu par l'OCPM en décembre 2020, dans le cadre d'un entretien de départ, M. A______ a expliqué n'avoir pas pu se rendre au rendez-vous fixé car les locaux étaient fermés. Il souhaitait respecter les décisions entrées en force et organiser son départ. Il avait pris note qu'il devait immédiatement quitter la Suisse, le délai de départ fixé par le SEM au 30 septembre 2020 étant échu. Il a ajouté vouloir se rendre une nouvelle fois à la CRG pour organiser son départ et vérifier avec sa famille au Sri Lanka si elle pouvait lui envoyer son document de voyage. Un délai lui a été imparti au 11 décembre 2020 pour ce faire. L'intéressé a également pris bonne note qu’il s’exposait à des mesures de contrainte dans l’hypothèse où il ne collaborerait pas à l’organisation de son renvoi.

5.             Le 16 décembre 2020, la CRG a informé l'OCPM que l'intéressé n'était pas d'accord de rentrer au Sri Lanka et souhaitait faire recours contre sa décision de renvoi.

6.             La demande de soutien à l'exécution du renvoi initiée auprès du SEM en octobre 2010 a abouti en janvier 2021. L'intéressé a été formellement identifié par les autorités sri-lankaises.

7.             Par mandat du 8 juillet 2021, l'OCPM a chargé les services de police d'exécuter le renvoi de l'intéressé à destination du Sri Lanka.

8.             Le 18 avril 2023, les autorités helvétiques ont obtenu des autorités sri-lankaises un laissez-passer en faveur de M. A______ , né le 3 mars 1975, valable jusqu'au 15 octobre 2023, en prévision d'un vol, sans accompagnement policier, réservé pour le 17 mai 2023.

9.             Le 17 mai 2023, les services de police sont intervenus au lieu de résidence de M. A______ , soit au Centre d’hébergement collectif des Tattes, sis chemin de Poussy 1 à Vernier GE, aux fins de l’interpeller et de mettre en œuvre son refoulement à destination du Sri Lanka. L'intéressé ne s'y trouvait pas. Par conséquent, le vol prévu le 17 mai 2023 a été annulé.

10.         Le 3 juillet 2023, M. A______ a été interpellé par les services de police sur la voie publique et conduit immédiatement auprès du commissaire de police en vue de son placement en détention administrative.

11.         Auditionné par le commissaire de police le 3 juillet 2023 à 18h20, il a déclaré ne pas être d'accord de retourner au Sri Lanka et souhaiter retourner en Italie où il possédait un permis de séjour échu, en cours de renouvellement, sous l'identité B.______, né le ______1979.

12.         Le 3 juillet 2023, à 18h40, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de 60 jours sur la base de l’art. 77 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr). En page 3, paragraphe 3, il y est mentionné :"En outre, il n'a lui-même, depuis le prononcé de son renvoi, pas entrepris la moindre démarche en ces sens, si bien que les autorités genevoises, chargées de l'exécution du renvoi par le SEM, ont impérativement dû, avec l'aide de celui-ci, se procurer un document de voyage".

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative a débuté à 17h15.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 19h59.

14.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10) à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 5 juillet 2023 à 23h59.

15.         Par courriels du 5 juillet 2023, l'OCPM a complété le chargé de pièces transmis à l'appui de l'ordre de mise en détention administrative. Un vol à destination de Colombo (Sri Lanka), le 10 juillet 2023 à 9h50, sans escorte policière, avait été réservé. L'analyse de son passeport par la brigade des migrations concluait à une probable usurpation d'identité de sorte que les tampons de la douane sri lankaise datés des 10 décembre 2022, 7 février 2023 et 3 mars 2023 ne permettaient pas de déduire qu'il s'était réellement rendu au Sri Lanka à ces dates.

16.         Par courrier adressé par télécopie au tribunal le 5 juillet 2023 à 12h25, M. A______ a présenté ses observations et conclu à sa libération immédiate.

Lors de sa demande d'asile, il avait produit sa carte d'identité nationale originale et divers autres documents le concernant. Il avait en outre contacté sa famille au Sri Lanka qui lui avait transféré son passeport. Sans son aide, les autorités sri-lankaises n'auraient pas fourni le laissez-passer en vue de son rapatriement. L'ordre de mise en détention querellé reconnaissait d'ailleurs sa coopération puisqu'il était expressément mentionné que le document de voyage avec été procuré avec son aide. Il avait fourni le même jour son passeport et d'autres documents. Dans la mesure où il avait non seulement produit les papiers nécessaires afin d'assurer l'exécution de son renvoi mais également coopéré à l'obtention du laissez-passer, les conditions de l'art. 77 LEI n'étaient pas réalisées.

17.         Un délai a été imparti à l'OCPM au 6 juillet 2023 à 9h00 pour faire savoir au tribunal quand et dans quelles circonstances il s'était retrouvé en possession de la carte d'identité et du passeport de M. A______. Dans le délai imparti, l'OCPM a formulé ses observations. La carte d'identité avait été produite lors du dépôt de la deuxième demande d'asile de l'intéressé. Celle-ci apparaissait avoir été usurpée. Loin de faciliter son identification, la production de cette pièce avait créé la confusion. Le passeport dont il était en possession lors de son interpellation du 3 juillet 2023 apparaissait également usurpé. L'affirmation selon laquelle une carte d'identité est un document de voyage était fausse. C'était d'ailleurs précisément car la carte d'identité ne permettait pas de circuler entre le Sri Lanka et la Suisse que les autorités helvétiques avaient dû solliciter la délivrance d'un laissez-passer. Il était donc faux d'affirmer que M. A______ avait collaboré à son identification. En tout état, sa détention remplissait les conditions de l'art. 64 LEI.

Auditionné par la police le 5 juillet 2023, M. A______ a déclaré avoir utilisé l'identité de son frère lorsqu'il était arrivé en Suisse en 2007. Il avait donné son propre passeport à son frère en 2010, qui l'avait perdu. Son frère et lui avaient coutume d'échanger leurs passeports pour voyager. Il n'avait jamais transmis aux autorités suisses son passeport, saisi le 3 juillet 2023 lors de son interpellation, car il avait peur d'être renvoyé au Sri Lanka où il ne souhaitait pas retourner.

Il ressort du contrôle des pièces d'identité effectué par la brigade de police technique et scientifique le 5 juillet 2023 que le passeport de l'intéressé ne présente pas de signes évidents de falsification.

18.         Dans sa réplique du 6 juillet 2023 à 9h28, M. A______ s'est référé à ses observations du 5 juillet 2023. Il avait fourni son passeport le 3 juillet 2023, lequel n'était pas falsifié. Il s'agissait incontestablement d'un document de voyage de sorte qu'il devait être retenu qu'il avait coopéré à la production des papiers nécessaires au voyage.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Lorsque, comme en l'espèce, la détention est fondée sur l'art. 77 LEI, elle est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire sous la forme de la procédure écrite en application de l'art. 80 al. 2 2ème phr. LEI, qui institue une exception au principe de l'oralité de la procédure institué par la loi (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, 2017, n. 30 ad art. 80 p. 869) n'impliquant pas le consentement de la personne détenue.

4.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 3 juillet 2023 à 17h15, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

5.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

6.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

7.             En vertu de l'art. 77 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d'un étranger afin d'assurer l'exécution de son renvoi ou de son expulsion aux conditions cumulatives (ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 3a et la référence citée) suivantes : une décision exécutoire a été prononcée (let. a) ; il n'a pas quitté la Suisse dans le délai imparti (let. b) ; l'autorité a dû se procurer elle-même les documents de voyage (let. c).

8.             L’objectif de cette "kleine Ausschaffungshaft" est d’empêcher la personne concernée de se soustraire au renvoi après que les documents de voyage lui ont été fournis. La détention est subordonnée à l’injonction de renvoi définitive et exécutoire. Le délai de départ doit avoir expiré et le document de voyage doit avoir déjà été obtenu par les autorités (voir le message du 8 mars 2002 relatif à la loi fédérale sur les étrangers, JO 2002 3709 et suivants, page 3817; arrêt du Tribunal fédéral 2C_689/2014 consid. 2.1 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2008 du 30 janvier 2008.)

9.             Par document de voyage, on entend les documents de légitimation qui permettent à l'étranger de traverser la frontière pour arriver à destination, tel que passeport, carte d'identité, laissez-passer (Message du Conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2022, FF 2002 3523 ch. 1.3.13.1, 3532, 3572).

10.         Normalement, les autorités partent du principe que l’étranger dispose des documents de voyage ou se les procure lui-même. Si l’étranger a laissé entendre qu’il n’entreprendrait rien dans ce sens ou n’entreprend effectivement rien, ou s’il échoue dans ses efforts, elles deviennent actives. Lorsque, par la suite, elles parviennent à se procurer les documents nécessaires, la condition de l’art. 77 al. 1 let. c LEI est en principe remplie. Au regard de la détention selon l’art. 77 LEI, est décisif dans le comportement de l’étranger le fait qu’il n’ait pas quitté le pays dans le délai imparti et n'ait lui-même pas entrepris suffisamment de démarches pour obtenir des papiers au moment nécessaire. En revanche, si l’étranger échouait dans ses démarches malgré un comportement irréprochable, une détention ne se justifierait pas ; elle serait pour le moins disproportionnée, voire contraire à l’art. 5 CEDH. Cela étant, l’étranger devra au moins alléguer et rendre plausible qu’il avait tout entrepris en temps utile pour obtenir des papiers, s’il ne ressort rien du dossier à ce sujet. Pour le reste, d’autres éléments subjectifs ne sont pas exigés. Il n’est, entre autres, pas nécessaire qu’on puisse reprocher à l’étranger un manque de collaboration à l’obtention des papiers par les autorités, même si le titre de l’art. 77 LEI (« en cas de non-collaboration ») pourrait laisser entendre le contraire. La non-collaboration au sens de l’art. 77 LEI se résume au fait que l’étranger n’a pas ou pas suffisamment entrepris de démarches pour obtenir lui- même, à savoir sans le concours des autorités, les papiers indispensables à son départ de Suisse. Exiger une condition de non-collaboration supplémentaire rendrait l’art. 77 LEI superflu, étant donné qu’en cas de défaut de collaboration de la part de l’étranger, les motifs de détention de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 ou 4 LEI seraient (déjà) applicables. Ce qui est décisif est que l’étranger n’ait pas lui-même entrepris dans ce sens les démarches exigibles de sa part. Que suite à des démarches introduites par les autorités, il se laisse prendre en photo, signe des documents ou accepte d’aller au rendez-vous organisé par les autorités auprès
de la représentation diplomatique de son pays n’exclut pas d’emblée la
détention selon l’art. 77 LEI (JTAPI/963/2022 du 14 septembre 2022 consid. 7 ; JTAPI/101/2022 du 4 février 2022 consid. 6 et référence citée).

11.         L'art. 77 LEI vise les cas dans lesquels les autorités suisses ont dû se procurer les documents de voyage à l’étranger parce que la personne concernée n’a pas rempli ses obligations de coopération mais pas ceux dans lesquels l’intéressé dépose volontairement ses documents de voyage dans le cadre d’une procédure d’autorisation et que ceux-ci doivent être utilisés pour faire exécuter son renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_689/2014 du 25 août 2014 consid. 2.2).

12.         Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

13.         La durée de la détention ne peut excéder 60 jours (art. 77 al. 2 LEI) et les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 77 al. 3 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

14.         Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 , 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

15.         En l'espèce, les trois conditions posées par l'art. 77 al. 1 LEI sont réunies. M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire. Il n'a pas quitté le pays dans le délai qui lui a été imparti. Enfin, les autorités cantonales ont dû se procurer elles-mêmes un laissez-passer auprès des autorités sri-lankaises car il a enfreint son obligation de coopérer.

16.         Le tribunal retiendra que l'intéressé a tout d'abord disparu dans la clandestinité alors que son épouse et ses enfants se sont soumis à la décision de renvoi du 29 juillet 2010. A plusieurs reprises entre décembre 2020 et le 5 juillet 2023, il a affirmé ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine. Il a d'ailleurs volontairement omis de transmettre son passeport aux autorités suisses car il craignait, à juste titre, que celui-ci soit utilisé en vue de son renvoi. Enfin, il a donné de fausses informations relatives à sa réelle identité aux autorités, ce qui les a indéniablement entravées dans les démarches en vue d'obtenir des documents de voyage valables. Contrairement à ses allégations, ce n'est pas lui qui a fourni son passeport aux autorités le 3 juillet 2023. Celui-ci a simplement été saisi lors de son interpellation, de sorte que l'on ne peut en déduire un quelconque concours de sa part. A noter que le laissez-passer en sa faveur avait déjà été établi le 18 avril 2023 par les autorités sri-lankaises. En tout état, l'étranger pour qui l'autorité s'est déjà procurée des documents de voyages vu son absence de collaboration, ne saurait déduire du dépôt ultérieur de documents d'identité, une pleine coopération sous peine de violer le principe de la bonne foi. C'est par ailleurs à tort qu'il a soulevé que l'ordre de mise en détention querellé mentionnait expressément que le document de voyage avait été obtenu grâce à son aide. En précisant dans la décision contestée que les autorités genevoises chargées de l'exécution du renvoi par le SEM, ont impérativement dû, avec l'aide de celui-ci, se procurer un document de voyage, le commissaire de police faisait référence au SEM et non pas à sa personne.

17.         Enfin, il y a lieu d'examiner si la pièce d'identité déposée par M. A______ lors du dépôt de sa deuxième demande d'asile doit être considérée comme un document de voyage au sens de l'art. 77 al. 1 let. c LEI. La question de savoir si elle a été usurpée peut rester ouverte vu l'argumentaire développé ci-après.

Il est indéniable qu'une carte d'identité doit être considérée comme un document de voyage. Il s'agit d'un document officiel permettant de justifier de son identité et de traverser certaines frontières, en fonction des formalités d'entrées édictées par les pays concernés. Toutefois, les documents de voyages visés par l'art. 77 al. 1 let. c LEI doivent permettre à l'étranger de traverser la frontière pour arriver à destination. Il s'agit donc exclusivement des documents indispensables pour arriver dans le pays de renvoi et non pas de tout type de document de voyage. En l'espèce, la carte d'identité déposée volontairement par M. A______ dans le cadre de sa demande d'asile ne lui permet pas de se rendre au Sri Lanka, ce qu'il sait pertinemment puisqu'il a sciemment omis de déposer son passeport auprès des autorités alors qu'il a présenté sa pièce d'identité. Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_689/2014 cité supra, la situation concernait un ressortissant marocain ayant déposé volontairement son passeport dans le cadre d'une demande d'octroi de court séjour en vue de mariage. Son passeport, en cours de validité, avait été utilisé pour organiser et exécuter son renvoi vers le Maroc, sans demande de laissez-passer. On ne pouvait dès lors pas en déduire une absence de coopération, ce qui est manifestement le cas s'agissant de M. A______. Il n'en n'aurait pas été de même s'il avait fourni tous les efforts possibles pour obtenir son passeport, sans succès ni comportement fautif de sa part.

Par conséquent, la détention administrative est fondée quant à son principe.

18.         Au vu des démarches entreprises préalablement par l'OCPM pour tenter d'obtenir son départ volontaire, la durée de la détention de soixante jours, laquelle respecte le cadre légal, demeure proportionnée. L'attention de M. A______ a été attirée sur le fait que son refus d'obtempérer pourrait impliquer son refoulement par la police et qu'une mesure de contrainte pouvait être ordonnée dans cette perspective. Au vu de la situation, on ne voit pas quelle autre mesure moins coercitive serait à même d'assurer la mise en œuvre de la décision de renvoi fédérale en cause.

19.         Les autorités ont par ailleurs entrepris toutes les démarches nécessaires en vue de l'exécution du renvoi sans tarder puisqu'elles ont obtenu une place sur un vol à destination de Colombo pour le 10 juillet 2023. Le principe de célérité est dès lors respecté.

20.         Les principes de la légalité et de la proportionnalité apparaissent ainsi respectés. Partant, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de soixante jours.

21.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 3 juillet 2023 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de soixante jours, soit jusqu'au 1er septembre 2023, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 6 juillet 2023

 

La greffière