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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4334/2022

JTAPI/700/2023 du 20.06.2023 ( LDTR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : TRAVAUX DE CONSTRUCTION;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;CHAMBRE;SURFACE
Normes : Cst.8; LDTR.12
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4334/2022 LDTR

JTAPI/700/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Julien BLANC, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La société A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______, de la commune de Genève-Petit-Saconnex, sur laquelle est érigé un immeuble d’habitation à l’adresse B______.

Ce bâtiment appartient à un ensemble protégé (RAIM – Recensement des immeubles maintenus XIX-XXe siècles).

2.             Le 4 octobre 2022, par l'intermédiaire de sa régie, A______ SA a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d'autorisation de construire (APA 2______) portant sur la transformation et la rénovation d'un appartement situé au 3ème étage de l’immeuble en question.

La rénovation complète de l’appartement (sanitaires, cuisine, peintures, carrelage, parquet, électricité et chauffage) ainsi qu’une modification de sa typologie par la permutation entre la cuisine et la chambre à coucher, pour des raisons de nuisances sonores liées à la présence à proximité de la caserne des pompiers, étaient envisagées.

A teneur des plans annexés, la surface nette proposée était de 12.58 m2 pour la nouvelle chambre, de 11.90 m2 pour la nouvelle cuisine et de 11.03 m2 pour le nouveau salon.

Le coût de l'ensemble des travaux envisagés était évalué à CHF 127'300.- (formulaire D 12).

3.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, les préavis suivants ont notamment été délivrés :

- favorable, le 25 octobre 2022, du service des monuments et des sites
(ci-après : SMS) à la condition que la porte à panneaux desservant actuellement la chambre de 11.03 m2 soit conservée et condamnée et que les éléments caractéristiques des pièces soient maintenus et restaurés de manière soignée, pour ce qui concernait, par exemple, les boiseries, les parquets, les plafonds avec corniches et rosaces, les portes et les armoires à panneaux, la porte palière ainsi que les fenêtres existantes ;

- favorable, le 14 novembre 2022, de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), sous conditions que le loyer de cet appartement de 2,5 pièces n'excède pas, après travaux, son niveau actuel (CHF 15'600.- par an ou CHF 6'240.- la pièce par année) pendant une période de contrôle de cinq ans.

4.             Le 15 novembre 2022, sur la base de l'ensemble des informations obtenues, le département a délivré à A______ SA l'autorisation de construire sollicitée, conditionnée au respect des deux préavis susmentionnés.

5.             Par acte du 15 décembre 2022, sous la plume d’un conseil, A______ SA a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le  tribunal) à l'encontre de cette décision, concluant à son annulation partielle et au renvoi de la procédure au département pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

Le nombres de pièces retenues pour l'appartement était contesté. Ce dernier comprenait deux pièces habitables, soit la chambre et le séjour. Dans la configuration après les travaux projetés, la chambre (ancienne cuisine) aurait une surface nette de 13.5 m2 (3.60 m x 3.75 m). Le séjour et la cuisine (ancienne chambre) auraient, quant à eux, une surface nette de 29.76 m2 (6.2 m x 4.8 m), de laquelle il fallait toutefois retrancher l'emprise de la salle de bains de 1.575 m2 (1.75 m x 0.9 m), pour arriver à une surface nette de 28.185 m2. Au total, la surface nette de l'appartement serait donc de 41.685 m2, remplissant ainsi les critères pour être qualifié d'appartement de 3 pièces. Au vu de ces éléments, l'autorisation aurait dû constater que l'appartement possédait 3 pièces et non 2,5 et ajuster le loyer maximum en conséquence, comme cela avait été fait pour les appartements identiques de l'immeuble, situés au-dessus et au-dessous du niveau concerné.

C’était également à tort et que la durée du contrôle du loyer après travaux avait été fixée à cinq ans. Il ressortait en effet de la jurisprudence qu’une telle durée avait été retenue s’agissant de transformations autrement plus importantes que les travaux projetés, aussi bien en termes d'importance que de coûts des travaux. Elles consistaient toutes en des rénovations lourdes touchant à l'enveloppe du bâtiment et prévoyant la création de nouveaux logements, sans commune mesure avec les travaux projetés en l'espèce et avaient fait l'objet d'autorisations en procédure ordinaire. Or, en l’espèce, les travaux avaient fait l’objet d’une autorisation en procédure accélérée et ne pouvaient être considérés comme importants, s’agissant uniquement de rénover un seul appartement, tout en améliorant son isolation, et de procéder à une permutation de deux pièces. De plus, l'appartement était d'ores et déjà équipé pour une telle opération, de sorte que celle-ci n'engendrerait pas de charge de travail supplémentaire. Il ne s’agissait ainsi pas de transformations lourdes au sens de l'art. 12 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) mais de simples travaux de rénovation justifiant un contrôle des loyers limité à une durée de 3 ans.

S’agissant enfin des travaux au plafond de l'appartement, l’isolation envisagée avait pour but non seulement d'améliorer le confort des occupants de l'immeuble, mais également l'efficience énergétique de ce dernier et s'inscrivait dans la politique cantonale d'assainissement énergétique des bâtiments, dont les exigences étaient strictes. Elle avait prévu d'améliorer les isolations phoniques et thermiques du bâtiment, en procédant notamment à une meilleure isolation entre les parties communes, avec l'appartement voisin, ainsi qu'autour des ouvertures. Or, les exigences du SMS concernant le maintien des plafonds, notamment des corniches et des rosaces, étaient tout simplement impossibles à respecter, dès lors que lesdites corniches et rosaces n'existaient plus. Elles l’empêchaient en outre de pouvoir procéder à l'isolation souhaitée, étant relevé qu’un tel maintien n'avait pas été exigé dans les précédentes autorisations.

Enfin, d'une manière générale, l'autorisation querellée présentait un problème du point de vue de la sécurité du droit, dans la mesure où les mêmes travaux réalisés dans des appartements de l’immeuble étaient traités différemment. Elle se référait aux APA 3______ de 2018 et APA 4______ de 2019 concernant des appartements identiques aux 1er et 4ème étages de l’immeuble.

Elle a joint un chargé de pièces, dont les APA précitées et les préavis du SMS et de l’OCLPF rendus dans ce cadre.

6.             Dans ses observations du 20 février 2023, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Il a transmis son dossier.

De jurisprudence constante, il était possible d'appliquer l'art. 1er du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), par analogie, au calcul du nombre de pièces selon les art. 1 et ss LDTR.

Or, à teneur de cette disposition, pour le calcul du nombre de pièces des logements, il était tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'art. 4 RGL, soit l'addition des surfaces des pièces, d'au moins 9 m2 et des demi-pièces, d'au moins 6 m2 habitables du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire. Les gaines techniques, halls, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, loggias, balcons, terrasses, jardins et trémies des escaliers des duplex n’étaient pas pris en compte. Partant, en l’espèce, seuls la nouvelle chambre à coucher (12.58 m2), la nouvelle cuisine (11.90 m2) et le nouveau salon (11.03 m2) pouvaient être pris en considération pour le calcul de la surface nette de l'appartement, laquelle correspondait à 35.51 m2. Ainsi, conformément à ce que prescrivait l'art. 1 al. 5 RGL et le tableau qui lui était lié, l'appartement ne pouvait être comptabilisé que comme un 2,5 pièces, puisque sa surface nette était inférieure à 39 m2.

S’agissant de la durée de contrôle du loyer après travaux, depuis un certain temps déjà, l’OCLPF considérait que les travaux qui ne consistaient pas en de la simple rénovation, mais portaient également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches (et vice versa), avec toutes les modifications que cela pouvait impacter, devaient être considérés comme étant lourds. Cette façon de procéder avait été confirmée par le tribunal (JTAPI/1300/2022 du 29 novembre 2022). Au surplus, conformément à ce que précisait l'art. 3 al. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ce n'était pas le fait que les travaux envisagés étaient lourds qui permettait d'exclure le traitement d'une demande d'autorisation de construire ou de démolir en procédure accélérée, mais les seules situations décrites dans cette disposition. Quant aux APA citées, le tribunal avait constaté, dans le jugement susmentionné, un changement de pratique depuis le 1er novembre 2020, ce qui excluait toute violation de l’égalité de traitement.

S'agissant enfin du préavis du SMS du 25 octobre 2022, la condition relative à la conservation des éléments caractéristiques était formulée de façon générique. Ainsi, s’il n'y avait pas de rosaces dans les pièces de l’appartement, il ne faudrait pas en tenir compte. Cela étant, à aucun moment la demande d'autorisation de construire ne faisait état d'une amélioration de l'isolation phonique de cet appartement, seuls des travaux de peinture étant envisagés au plafond (formulaire D 12). Il ne ressortait pas non plus des plans que des travaux devraient être réalisés au niveau des parties communes, des embrasures ou des contre-coeurs.

7.             A______ SA, sous la plume de son conseil, a répliqué dans le délai prolongé au 31 mars 2023, persistant dans ses arguments et conclusions.

Force était de constater que la condition de la préservation des plafonds de l'appartement avec corniches et rosaces imposées par le SMS n'aurait pas dû être intégrée ni dans son préavis ni dans l'autorisation. Le recours devait donc être admis sur ce point.

S’agissant du calcul des pièces de l’appartement, la divergence ne concernait pas les dispositions applicables mais le calcul de la surface nette effective de l'appartement. Celle-ci était en effet de 41.685 m2, tel que cela ressortait des plans produits et l'appartement aurait donc dû être qualifié d'appartement de 3 pièces.

Concernant enfin la durée de contrôle du loyer, la situation était complètement différente de la cause invoquée par le département. La permutation des deux pièces était dictée par la nécessité d'améliorer la configuration de l'appartement et non par pure commodité. Par ailleurs, le coût des travaux était proportionnellement moins élevé, s’agissant d’un 3 pièces et non d’un 2,5 pièces. En outre, une partie non négligeable dudit coût était dictée par les impératifs légaux en matière de performance énergétique des bâtiments. On ne saurait donc lui imputer ce coût dans le cadre d'un contrôle du loyer de longue durée, ce qui irait en outre à l’encontre de l’art. 9 al. 6 LDTR.

8.             Par courrier du 17 avril 2023, le département a informé le tribunal n’avoir pas d’observations supplémentaires à apporter et persister dans ses écritures et conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

5.             La recourante conclu à l’annulation partielle de l’APA/322’763/1 au motif que la condition de la préservation des plafonds de l'appartement avec corniches et rosaces imposées par le SMS n'avait pas à y être intégrée, de même qu’elle n’aurait pas dû figurer dans le préavis du SMS du 25 octobre 2022.

6.             Dans son préavis favorable du 25 octobre 2022, le SMS indique notamment, à titre de conditions, que : « l’intervention sur la substance intérieure du bâtiment devra prendre en compte le maintien et la restauration soignée des éléments caractéristiques des pièces conservées en application de l'article 90 de la LCI, pour ce qui concerne par exemple les boiseries, les parquets, les plafonds avec corniches et rosaces, les portes et les armoires à panneaux, la porte palière ainsi que les fenêtres existantes ».

7.             Cette condition est non seulement formulée de façon générique, comme souligné par le département, mais elle l’est également de manière non exhaustive, comme le démontre le terme « par exemple » utilisé. Ainsi, il va de soi que s’il n’y a pas de rosaces dans les pièces de l’appartement, celles-ci n’auront pas à être préservées. En revanche, tel devra être le cas des autres éléments caractéristiques des pièces, tels, par exemple, les parquets. La condition posée par le SMS garde ainsi tout son sens et c’est à juste titre qu’elle figure tant dans son préavis que dans l’autorisation querellée, dont elle fait partie intégrante

8.             La recourante soutient que l’appartement concerné par les travaux serait un 3 pièces et non un 2,5 pièces, comme retenu à tort dans l’autorisation querellée.

9.             Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le département se réfère à l'art. 1 RGL, qui s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), sauf des logements d’utilité publique. La chambre administrative admet depuis de nombreuses années que, dans la mesure où les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relèvent d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on peut parfaitement appliquer la disposition précitée, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (cf. not. ATA/334/2014 du 13 mai 2014 et les références citées).

10.         A teneur de l’art. 1 RGL, pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'art. 4 RGL, soit l'addition des surfaces des pièces, d'au moins 9 m2 et des demi-pièces, d'au moins 6 m2 habitables du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire. Les gaines techniques, halls, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, loggias, balcons, terrasses, jardins et trémies des escaliers des duplex ne sont pas pris en compte.

11.         Il en résulte que le propriétaire ou son architecte/ingénieur ne peut pas calculer le nombre de pièces selon ses propres critères ou ceux d’autres normes (cf. Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR, Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation, Immeubles de logements et appartements, 2014, n 6.2 p. 144).

12.         En l’occurrence, au vu des plans visés ne varietur figurant au dossier, le calcul des pièces effectué par le service LDTR apparait correct. En effet, seuls la nouvelle chambre à coucher (12.58 m2), la nouvelle cuisine (11.90 m2) et le nouveau salon (11.03 m2) pouvaient être pris en considération pour le calcul de la surface nette de l'appartement, laquelle correspondait à 35.51 m2. Ainsi, conformément à ce que prescrit l'art. 1 al. 5 RGL et le tableau qui lui est lié, l'appartement ne pouvait être comptabilisé que comme un 2,5 pièces, puisque sa surface nette est inférieure à 39 m2.

13.         La recourante se prévaut d’une violation de l’art. 12 LDTR.

14.         La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à l’art. 2 LDTR (art. 1 al. 1 LDTR).

15.         Elle prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

16.         Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

Le DT accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 1ère phr. LDTR).

17.         Selon l'art. 3 al. 1 LDTR, par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet : a) de modifier l’architecture, le volume, l’implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation ; b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles ; c) la création d’installations nouvelles d’une certaine importance, telles que chauffage, distribution d’eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines ; d) la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l’al. 2.

18.         En vertu de l'art. 10 al. 1 LDTR, le DT fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l'art. 11 LDTR (« mode de calcul »).

19.         Les loyers maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l’Etat pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).

Le Tribunal fédéral a reconnu à la LDTR sa compatibilité avec les dispositions concernant le droit de propriété et la liberté économique consacrées aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 Cst. (ATF 116 Ia 401 ; arrêt 2C_184/2013 du 8 janvier 2014). En effet, en matière de logement, il est interdit aux cantons d’intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglé exhaustivement par le droit fédéral. Cela étant, les cantons demeurent libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif. Ainsi, les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectent le principe de primauté du droit fédéral, étant précisé que cette intervention étatique est limitée dans le temps et que les parties demeurent libres de modifier le contrat de bail à l'issue de la période de contrôle (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2).

20.         S’agissant de la fixation de la durée du contrôle étatique du loyer d’un logement après travaux, dans deux jugements récents (JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 du 29 novembre 2022 accessibles en ligne et les références citées), le tribunal, rappelant la jurisprudence de la chambre administrative et analysant la pratique du département ces deux dernières années, a retenu, s’agissant d’une part de travaux d’un montant de CHF 139'000.- portant sur la rénovation complète d'un logement de 4,5 pièces (peinture, rénovation des carrelages et faïences de la cuisine, la salle de bain et les toilettes, mise en conformité des installations électriques, pose d'un nouvel agencement de cuisine, rénovation des installations sanitaires, réfection des menuiseries, pose d'un nouveau parquet) avec permutation et modification de la disposition des pièces (alcôve du salon, cuisine, chambre) et, d’autre part, de travaux portant sur la réfection complète des peintures du logement de quatre pièces concerné, la réfection des installations électriques, la pose de carrelages et faïences ainsi que des piquages, la pose d’un nouvel agencement de cuisine, la réfection des installations sanitaires, la réfection des menuiseries intérieures, le ponçage et la vitrification des parquets ainsi que la pose d’un nouveau parquet, la réparation des stores intérieurs, l’entretien de l’installation de chauffage mais également sur la permutation et modification de la disposition des pièces du logement, pour un coût total de CHF 168'287.-, que les transformations envisagées étaient lourdes au sens de l'art. 12 LDTR, avec pour conséquence que le contrôle des loyers après travaux devait être porté à 5 ans.

Dans les deux espèces concernées, les transformations envisagées avaient pour objectif d’améliorer l’habitabilité du logement.

21.         Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8c ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4c).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, pour autant que l'autorité inférieure ait suivi l'avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/146/2021 précité consid. 10a ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7d ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5).

22.         En l’espèce, seule est litigeuse la question de savoir si c’est à juste titre que le DT a considéré que les transformations envisagées étaient lourdes, avec pour conséquence que le contrôle du loyer devait être porté à cinq ans.

Il ressort du dossier que les travaux autorisés portent sur la rénovation complète de l’appartement (sanitaires, cuisine, peintures, carrelage, parquet, électricité et chauffage) ainsi que sur la modification de sa typologie par la permutation entre la cuisine et la chambre à coucher, pour des raisons de nuisances sonores liées à la présence à proximité de la caserne des pompiers. Ces permutations auront notamment pour conséquence que la destruction de la cloison entre les deux chambres. La permutation de pièces aura également pour conséquence la transformation d’une pièce humide en pièce sèche et vice versa, avec toutes les modifications nécessaires qui en découlent. Pour le surplus, le montant des travaux relatifs à l’autorisation querellée est évalué à CHF 127'300.-, soit plus de CHF 50'000.- par pièce. Ce montant peut être qualifié de non négligeable dans le cadre de la rénovation d’un logement de 2,5 pièces d’une surface nette de 35.51 m2 (41.88 m2 brut), même si ce dernier est situé dans un immeuble appartenant à un ensemble protégé comprenant des matériaux d’époque. Il ressort en outre clairement du descriptif des coûts des travaux (formulaire D 12) que certains postes des travaux sont directement liés aux permutations précitées et non uniquement aux rénovations envisagées. Ainsi, même si le loyer demeurera inchangé suite aux travaux, il convient de constater que les critères mis en avant au regard de la casuistique de jurisprudence mentionnée supra, laquelle est également reprise par la doctrine spécialisée en matière de LDTR pour qualifier une intervention de transformation lourde, notamment le critère de l’importance des travaux, sont in casu remplis.

En conclusion, sans remettre en cause le bien-fondé des transformations envisagées au regard de l’habitabilité du logement, il convient toutefois de constater, au vu de ce qui précède, que le DT, se fondant notamment sur le préavis du service LDTR, n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi en retenant que les travaux de rénovation de l’appartement concerné devaient être considérés comme des transformations lourdes et, partant, entraîner une durée de contrôle du loyer de cinq ans selon l’art. 12 LDTR.

23.         La recourante se prévaut également d’une violation du principe d’égalité de traitement, eu égard au traitement différent donné à deux APA déposées par ses soins portant sur des travaux similaires dans deux autres appartements identiques du même immeuble.

24.         Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101-Cst.), lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.2 ; 1C_270/2021 du 1er  octobre 2021 consid. 3.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2 ; 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1). Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

25.         L'inapplication ou la fausse application de la loi dans un cas particulier n'attribue en principe pas à l'administré le droit d'être traité par la suite illégalement. En effet, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 et les arrêts cités ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1). C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1 ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

26.         Un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c’est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d’une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d’un changement de circonstances extérieures, de l’évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d’autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu’ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 145 II 270 consid. 4.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2019 du 23 décembre 2019 consid. 5.1 ; ATA/1174/2020 du 24 novembre 2020 consid. 8b et les références citées).

27.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2).

28.         En l’espèce, si certes les APA 3______ et APA 4______ de 2018 et 2019 concernant des travaux dans des appartements identiques à celui de la présente cause, aux 1er et 4ème étages de l’immeuble, traitaient la situation différemment, force est également de constater qu’elles ont été délivrées avant que l’OCLPF n’opère son changement de pratique (consistant à considérer que les travaux qui ne consistent pas en de la simple rénovation, mais portent également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches [et vice versa], avec toutes les modifications que cela peut impacter, doivent être considérés comme étant lourds), dûment constaté et confirmé par le tribunal (JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 précités).

Par conséquent, la recourante ne saurait valablement invoquer les APA précitées pour en déduire une violation du principe de l’égalité de traitement. La recourante ne démontre enfin pas que la pratique de l’OCLPF quant à la notion de transformation lourde et de la durée du blocage de loyer y relative, telle qu’invoquée par le DT et illustrée dans les JTAPI précités, serait disparate ou peu uniforme et rien ne laisse à penser que le département entend s’en écarter à l’avenir.

Aucune violation du principe d’égalité de traitement n’est ainsi à déplorer dans le présent cas.

29.         En conclusion, entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 15 novembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Manuel BARTHASSAT, Thierry ESTOPPEY, Diane SCHASCA et Romaine ZÜRCHER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

 

Genève, le

 

Le greffier